[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 février 1790. J été créées en 1549. La coutume dit que l’homme franc peut acquérir un héritage mainmortable ; mais elle ne disait pas si l’homme franc était soumis à l’écheute : cette question a été élevée et jugée en 1548. Ce ne fut qu’en 1598 que, sur la réquisition des Etats, il intervint des lettres«pa-tenles qui décidèrent que l’écheute devait seulement avoir lieu sur les héritages mainmortables. Le 1598 à 1606, il s’éleva une seconde question : elle consistaità savoir si l’homme franc, possédant des héritages mainmortables, pouvait vendre sans le consentement du seigneur. Le parlement jugea affirmativement, les Etats réclamèrent, et des lettres patentes, données en 1606, établirent la négative. Tout cela prouve qu’il exisiaitenFranche-Comté des servitudes réelles. Je délie de répondre à ces preuves. M. Populus. Comme l’esclavage ne pouvait résulter d'un contrat légitime, parce que la liberté de l’homme ne peut être aliénée, vous avez aboli sans indemnité la mainmorte personnelle; mais, en considérant la mainmorte réelle comme un remplacement de la mainmorte personnelle, vous l’avez encore abolie sans indemnité, parce qu’elle a le même vice d’origine; c’est un semblable motif qui vous a déterminés à supprimer également sans indemnité les droits qui représentent l’une ou l’autre mainmorte. Cette loi de justice et de bienfaisance a été acceptée par le Roi, donnée au peuple et reçue avec transport; elle est inattaquable. Cependant l’article proposé détruit les décrets du 4 août; il ne peut être admis. On a •voulu prouver que la mainmorte réelle était légitime; je m’élève contre cette assertion. Si la servitude réelle est le résultat d’un contrat, synallagmatique, do ut des, on ne doit trouver que des contrats isolés de mainmortes séparées, et non toute une communauté affectée de la mainmorte. Il faudrait que des individus en très petit nombre eussent été les seuls possesseurs de toute une province pour que toute cette province fût main-mortabia, car il faut posséder pour céder à tel ou tel titre. La seigneurie de Saint-Claude a cinquante lieues carrées de superficie, et l’on trouve partout la mainmorte sur cette étendue. U faudrait que la chapitre de Saint-Claude eût été propriétaire unique de ce territoire, pour qu’il eût pu établir la mainmorte par contrat synallagmatique. Les cités ont existé avant les seigneuries; les territoires ont d’abord été francs; lesseigneurs s’emparèrent de la représentation nationale; ils dispensèrent les vassaux du service, et les rendirent esclaves. Ce contrat odieux est illégal, parce que la liberté est inaliénable et que l’homme n’a jamais pu s’en priver. Que m’importe que le comité cite tous les auteurs dont il peut réunir l’opinion? L’un, vendu aux seigneurs, a publié des faits faux; l’autre l’a copié; un autre a copié celui-ci; ainsi les erreurs se sont répandues, et n’ont pas cessé d’être des erreurs pour avoir été ' répétées plus ou moins souvent. La mainmorte personnelle était flétrissante, avilissante, elle a donc dû être supprimée; elle 1 l’a été. La mainmorte réelle participait au même i vice, à la même origine.; vous l’avez abolie sans ; indemnité; vous avez été justes. Toutes les redevances 'résultant de ce principe vicieux ne peuvent être conservées; vous devez les abolir; elles le sont par la conséquence du principe que vous avez décrété sans ambiguité et d’une manière aussi ! claire que solennelle. Le principe a été décrété, accepté, publié; les campagnes comptent sur son effet : pouvez-vous les tromper? 727 M. Goupil de Préfeln. Je viens d’entendre combattre, dans cette tribune, l’avis de votre comité de constitution, et votre comité me paraît s’être rapproché des principes que vous avez consacrés. Il faut attaquer, il faut détruire les droits de mainmorte; il faut connaître l’origine de ces droits; on leur en donne plusieurs; ils ne peuvent eu avoir qu’une, et Tacite nous indiquerait la mainmorte dans les forêts de la Germanie. Vous avez à examiner l’article 4 qui vous est présenté par votre comité; il est conçu dans ces termes. — (Lecture de l’article.) Je vous supplie de bien connaître la question avant de la décider. Y a-t-il eu jadis des mainmortes véritablement réelles? A cette question, je réponds oui. (On demande daller aux voix.) N’est-il pas vrai que la liberté est le )remier droit de l’homme; que le second, c’est la propriété ; le troisième enfin, la sûreté? Il affermit e premier et le second. Le premier droit de la iberté, c’est celui de faire des conventions, et les ois éternelles du bon sens veulent qu’une convention existe lorsqu’elle a été librement faite par les contractants. (On crie : Aux voix! aux voix!) M. le Président consulte l’Assemblée .pour savoir si la discussion doit ou ne doit pas être fermée. L’Assemblée prononce la clôture. M. TLa Poule lit une nouvelle rédaction de l’article conçue en ces termes : « Tous les droits purement représentatifs de la mainmorte, et dans lesquels cette servitude, soit personnelle, soit mixte, soit réelle, a été convertie, seront abolis sans indemnité. ». La priorité est accordée à la rédaction du comité. M. Thonret. Je demande que ces mots : « ou établis par ta coutume » soient changés en ceux-ci : « ou établis par l’usage et la coutume des différentes provinces. » M. Merlin. J’adopte cet amendement. L’amendement est joint à l’article, et l’Assemblée décrète l’un et l’autre ainsi qu’il suit : « Art. 4. Tous les actes d’affranchissement par lesquels la mainmorte réelle ou mixte aura été convertie sur les fonds ci-devant affectés de cette servitude, en redevances foncières, et en des droits de lods aux mutations, seront exécutés selon leur forme et teneur, à moins que lesdites charges et droits de mutation ne se trouvassent excéder les charges et droits usités dans la même seigneurie, ou établis par Pusage et la coutume relativement aux fonds non mainmortables, tenus en censive. » M. Gaultier de Biauzat. Messieurs, une .personne qui m’est inconnue, m’a remis trois billets de la caisse d’escompte, de mille livres chacun, pour en faire don à la patrie. J’ai inutilement demandé son nom-, il est sorti de mon appartement sans vouloir l’expliquer. Voilà les trois billets que je dépose entre les mains du trésorier des dons patriotiques. Cette générosité et la modestie qui l’aecompagae sont vivement applaudies. La séance est ensuite levée. Il est deux heures et demie. L’Assemblée se retire dans ses bureaux pour procéder à la nomination du Président et de trois secrétaires.