706 [Annexes.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de son action ; fùt-il même pourvu de la facture soussignée du marchand. Que résulte-t-il de cette disposition , juste autant qu’efficace? D’abord, que personne ne voudra acheter des ouvrages non poinçonnés. Ensuite, que tout marchand sera forcé de revêtir ses marchandises des empreintes légales, sous peine de ne rien vendre. Le problème de la plus grande sûreté jointe à la plus grande liberté ne se trouve-t-il pas heureusement résolu par cette loi? Qu’il nous soit même permis de vous présenter une réflexion bien digne des principes qui ont inspiré vos décrets, et qui jette un nouveau jour sur l’esprit de celui que nous proposons. Le vice commun des dispositions réglementaires, c’est qu’elles forcent Je législateur à établir une peine pour une simple contravention, délit purement conventionnel; de telle sorte que, si le règlement porte à faux, ou même est inutile, la peine devient, par là même, une injustice légale. Au contraire dans la loi présente, point d’injonction, point de contrevenants, rien d’arbitraire, ni dans la règle, ni dans le délit, ni dans la peine. La violation des droits d’autrui, la fraude réelleet palpable, la fraude seule blesse la loi; le fraudeur seul est puni par elle. Quant au quatrième poinçon établi par l’article 11, l’objet en est facile à saisir. 11 est un grand nombre de marchands qui vendent ce qu’ils n’ont pas fabriqué et n’ont même point fait fabriquer. Ces marchands sont des merciers ou détaillants, ou même les marchands des petites villes qui tirent leurs marchandises des villes de grande fabrique. Pour qu’il y ait toujours une responsabilité prochaine, il est bon qu’ils puissent apposer leur poinçon personnel sur les pièces qu’ils vendent. Ils peuvent, en effet, en répondre, d’après la connaissance qu’ils ont de leur marchand, et les épreuves qu’ils ont pu faire des marchandises. Tel est l’objet du quatrième poinçon. Mais là aussi s’arrêtent les précautions de la loi et les moyens de recours. Une pièce d’orfèvrerie ne peut recevoir plus de 4 empreintes. C’est au consommateur qui connaît la loi à se défier d’une marchandise qu’il ne tient que de la troisième ou de la vingtième main. Observez enfin que cette disposition si raisonnable, ne peut nuire qu’à ce trafic subalterne et fécond en fraudes, connu sous le nom de brocantage, et ce n’est pas là sans doute le commerce qu’il faut craindre de discréditer. Nous ne ferons maintenant qu’indiquer les autres articles de ce projet, dont le texte annonce assez l’intention. Les essayeurs publics énoncés dans l’article 7, seront établis sur la demande des départements, parce que les villes où se fait le commerce de l’orfèvrerie sont en petit nombre, et que ces administrations peuvent seules juger de la nécessité des essayeurs. On a fixé la rétribution qui doit leur être allouée, parce qu’il ne faut pas leur laisser la faculté d’élever arbitrairement les prix de leurs essais, e| de rançonner le fabricant qui d’ailleurs bénéficie même sur ses avances, dont il se rembourse sur le consommateur. 11 est inutile que la nation règle aucuns honoraires pour ces essayeurs. Ils sont établis d’après les besoins nés fabricants, ils seront payés par le prix de leurs essais et de leurs vérifications particulières ou juridiques, car, suivant le décret, ils font les fonctions d'experts dans les cas de procès. Les remèdes d’uloi fixés par l’article 14, c’est-à-dire les limites de la différence qui peut, sans délit, se trouver entre le titre attesté par le poinçon et le titre véritable de la pièce, sont les mêmes qui ont toujours été déterminés et reconnus par les anciens règlements. L’extrême précision manque souvent aux opérations de l’essai, et cette latitude doit être donnée pour ôter toute excuse aux erreurs. Ici l’indulgence est justice, elle est même politique ; elle rend la loi inévitable. Une extrême rigueur la rendrait inexécutable. Enfin la suppression du privilège exclusif de l’affinage que nous vous proposons de décréter, est une justice qui vous est demandée par les pétitions réitérées du commerce de Lyon et de Paris. Les opérations par lesquelles on sépare, des métaux précieux, les parties hétérogènes, perfectionnées par la chimie, sont connues du plus grand nombre de ceux qui fabriquent ces matières. L’affinage des lingots n’intéresse point la sûreté publique. On a vu que les puinçons apposés sur les matièi es ouvrées sont les seuls garants nécessaires; et quant au tirage de l’or, on sait que les procédés de cette fabrication exigent que lo lingot soit à un degré de fin déterminé, en sorte que le tireur n’en pourrait baisser le titre sans s’exposer à une perte bien plus considérable que le gain qu’il pourrait se procurer par cette altération. Ce privilège, d’ailleurs, grève singulièrement le commerce : l’orfèvre et le tireur d’or en éprouvent des retards, des pertes et des déchets considérables. 11 porte le prix de cette première façon à un taux immodéré, qui renchérit les ouvrages et nuit d’autant à la consommation. Sa surveillance entraîne aussi des précautions vexatoires pour l’artisan, et décourageantes pour l’industrie. Nous n’hésitons point à vous proposer d’en décréter l’abolition, et de laisser la préparation de l’affinage à l’industrie des fabricants, ou à la libre concurrence des affineurs qui se proposeront pour exercer exclusivement ce genre d’industrie. Tel est le plan général que nous vous présentons pour faire jouir, autant qu’il est possible, le commerce des matières et des ouvrages d’or et d’argent, de la liberté générale que vous avez rendue à toutes les branches de l’industrie nationale. Vous y reconnaîtrez les principes que vous avez constamment suivis. Enfin il est fondé sur cette vérité de tous les temps : L'intérêt personnel des consommateurs , la concurrence mutuelle des marchands, l'émulation attentive des ouvriers, sont la meilleure police pour le commerce et l’industrie. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. • « La marque d’or et d’argent et le contrôle sur les matières et ouvrages d’or et d’argent sont supprimés; les droits qui en provenaient cesseront d’être perçus, à compter du jour de la publication du présent décret. « La régie chargée de la perception de ce droit comptera de clerc à maître avec la trésorerie nationale. Art. 2. « A compter du même jour, le privilège exclusif de l’affinage des matières d’or et d’argent et le droit de marque qui se percevait sur les lingots sont supprimés. « Le bail à ferme dudit privilège cessera à la 707 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes. \ même époque et les fermiers seront tenus de compter de clerc à maître avec la trésorerie nationale. Art. 3. « À compter du même jour, les essais desdites matières et ouvrages qui se faisaient dans la maison commune du ci-devant corps des orfèvres de Paris, ou autres villes du royaume, ainsi que l’apposition du poinçon commun desdits orfèvres sur ces matières et ouvrages, cesseront d’avoir lieu, et tous les règlements y relatifs sont abrogés par le présent décret. Art. 4. « Tout individu domicilié a droit de fabriquer et vendre les matières d’or et d’argent à tel titre qui pourra lui convenir; à la charge seulement de se pourvoir de la patente nécessaire pour l’exercice de sa profession et de se conformer aux dispositions des articles suivants. Art. 5. « Chaque marchand faisant le commerce des ouvrages d'or et d’argent devra néanmoins apposer sur ses ouvrages et marchandises 3 poinçons, sur lesquels poinçons seront gravés, savoir : sur le premier, les lettres initiales de son nom ; sur le second, un fleuron ou tout autre signe distinctif; et sur le troisième, le degré du titre de la matière de la pièce fabriquée. Art. 6. « Les deux premiers poinçons seront insculpés à la municipalité du lieu, pour être comparés avec les pièces qui en seraient revêtues, dans le cas de contestation, soit sur le titre de ces pièces, soit sur la personne qui les aurait vendues. Art. 7. « Seront seuls susceptibles d’être revêtus de ces poinçons les ouvrages qui pèseront, en or, plus d’un gros, et en argent, plus de quatre gros. Art. 8. « Sur la demande des directoires des départements, des essayeurs publics seront établis, par le roi, dans toutes les villes où se font le commerce et la fabrication des matières d’or et d’argent ; ils seront admis aux concours, ainsi qu’il a été réglé pour les essayeurs des monnaies par l’article 1er du titre du décret générai de l’organisation des monnaies. Art. 9. « Tout fabricant, marchand ou autre individu, pourra faire vérifier par ces essayeurs le titre des lingots ou pièces manufacturées, et il lui sera payé vingt sols pour chaque pièce d’or ou d’argent qu’il essayera. Art. 10. « Outre la garantie résultant des poinçons ci-dessus énoncés, tout acheteur pourra exiger du marchand qu’il lui remette une facture signée de lui, contenant la description des objets vendus, ainsi que l’attestation du poids et du titre auquel ils l’auront été. Art. 11. « Aucune action ne pourra être intentée contre un marchand pour raison de marchandises vendues à faux titre, et les juges ne pourront même avoir égard aux factures susdites, qu’autant que les pièces formant l’objet de la poursuite seront revêtues des poinçons réglés par la loi. Art. 12. « Tout marchand qui vendra des marchandises déjà revêtues des poinçons ci-dessus décrits, pourra y joindre un poinçon plus petit portant sa propre marque ; lequel devra être pareillement insculpé et déposé à la municipalité du lieu, où l’acheteur pourra le vérifier. Art. 13. « Lorsqu’une pièce sera revêtue de ces quatre poinçons, elle n’eji pourra recevoir aucun autre ; elle sera réputée marchandise de hasard, et l’acheteur n’aura de recours contre celui qui l’aura vendue, pour cause de faux titre, qu’autant qu’il sera muni d’une facture signée du vendeur. Art. 14. « Si quelque marchandise d’or ou d’argent se trouve au-dessous du titre attesté par le poinçon indicateur de ce titre, le marchand dont les poinçons personnels se trouveront sur cette pièce sera responsable; il pourra être poursuivi devant les tribunaux et condamné aux peines portées par les lois de la police correctionnelle. Art. 15. « La fausseté du titre sera réputée susceptible de condamnation lorsque le titre de ladite pièce sera inférieur au titre attesté par le poinçon de six trente-deuxièmes (pour l’or), et d’un demi-grain (pour l’argent). Art. 16. « Dans le cas de contestation sur le titre des marchandises d’or ou d’argent, le tribunal nommera un des essayeurs publics pour vérifier l’objet contesté. La partie accusée aura droit de demander qu’il soit adjoint un second essayeur au premier ; et, dans le cas où ces deux essayeurs ne s’accorderaient point, il en .sera nommé, parle tribunal, un troisième pour prononcer définitivement. »