246 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 4°. Qu’elle passe à l’ordre du jour motivé sur le compte à rendre chaque jour par le président de la commission, de l’absence des membres (83). BOUDIN : Je demande que chaque jour le président de la commission fasse connaître à la Convention les noms de ceux qui manqueront aux séances. FAYAU : Je demande l’ordre du jour, motivé sur l’article que la Convention vient de décréter, et qui oblige les membres de la commission à faire juger leurs raisons d’absence par la Convention. Cette proposition est adoptée (84). 15 Jacques Mercier, hussard du neuvième régiment, présente à la Convention nationale un drapeau anglais qu’il a pris à la bataille près Nimègue. « Je sais mieux me battre, dit-il, que parler; nous laissons à nos représentans le soin de transmettre nos actions; notre devoir à nous est de mourir s’il le faut, pour l’exécution de vos décrets et de voir dans la Convention nationale notre premier étendard autour duquel nous devons nous ranger; je l’ai fait, suis prêt à le faire encore. » La Convention nationale décrète que le comité de Salut public est chargé de procurer de l’avancement à ce brave militaire et que le président lui donnera l’accolade fraternelle. Il la reçoit au milieu des plus vifs applaudissemens (85). Le citoyen Jacques Mercier, hussard du neuvième régiment, paraît à la barre, et présente à la Convention un drapeau qu’il a pris aux Anglais (86). [( Jacques Mercier, hussard du 9e régiment, à la Convention nationale ] (87) Représentans du peuple. Je sais mieux me batre que parler. Je vous aporte un drapeau que j’ai arraché aux ennemis de la liberté. Nous laissons à nos représentans le soin de vous transmetre nos actions, notre devoir à nous est de mourir, s’il le faut, pour l’execution de vos decrets, et de voir dans la Convention (83) P.-V., XL VIII, 127-128. C 322, pl. 1366, p. 2, minute de la main de Monestier, rapporteur selon C* II 21, p. 20. Moniteur, XXII, 391-392 ; Débats, n° 768, 585-587. (84) Moniteur, XXII, 392. J. Mont., n° 18. (85) P.-V., XL VIII, 128. Reynaud, rapporteur selon C* II 21, p. 20. (86) Moniteur, XXII, 391. Débats, n° 768, 582. (87) C 325, pl. 1406, p. 47. Bull., 10 brum. ; Moniteur, XXII, 391 ; Débats, n° 768, 582. nationale notre premier étendard autour duquel nous devons nous ranger : Je l’ai fait, et suis prêt à le faire encore. Jacques Mercier, hussard du 9e. [Un officier de l’état-major de l’armée du Nord, qui accompagne le citoyen Mercier, demande la parole et dit : « Représentants, je dois vous observer que le brave hussard qui vous apporte l’emblème du despotisme, qu’il a arraché lui-même à ses satellites, a été cause que trois compagnies de son régiment se sont ralliées, et ont pris tout le bataillon ennemi, qui est le 37e anglais. »] (88) Réponse du président : Brave guerrier, la Convention nationale reçoit avec satisfaction l’hommage que tu lui présentes, enlevé par un soldat de la liberté sur les satellites du despotisme. Le témoignage qu’un de tes chefs vient de rendre à ta bravoure est une preuve que l’égalité est établie parmi les Français ; tu dois compter sur la reconnaissance nationale et je t’invite, ainsi que le citoyen qui t’accompagne, aux honneurs de la séance. La Convention nationale admet ce brave hussard aux honneurs de la séance, charge le comité de Salut public de lui procurer de l’avancement, et, sur la proposition d’un membre, le président lui donne l’accolade fraternelle, au milieu des plus vifs applaudissemens (89). 16 Un membre du comité de Salut public lit une lettre des représentans du peuple près l’armée du Nord, contenant les détails de la bataille qui a eu lieu près Nimègue et dans laquelle la légion de Rohan, émigré, a été totalement détruite par les troupes de la République. Il remet une croix ci-devant Saint-Louis, prise par Schneider, hussard, sur un officier de cette légion. La Convention décrète l’insertion au bulletin (90). RICHARD au nom du comité de Salut public fait lecture de la pièce suivante : Les représentants du peuple envoyés près les armées du Nord et de Sambre-et-Meuse, Bellegarde et Lacombe (du Tarn), aux membres composant le comité de Salut public. (88) Moniteur, XXII, 391. Débats, n° 768, 582-583, cette dernière gazette place l’intervention de l’officier d’état-major, après la réponse du président. (89) Bull., 10 brum. Moniteur, XXII, 391 ; Débats, n° 768, 582 ; J. Paris, n° 41 ; Rép., n° 41 ; J. Mont., n° 19 ; Ann. Patr., n° 669; Ann. R. F., n° 40; C. Eg., n° 804; J. Perlet, n° 768; Mess. Soir, n° 805 ; Gazette Fr., n° 1033 ; F. de la Républ., n° 41 ; M. U., XLV, 172. (90) P.-V., XL VIII, 128. SÉANCE DU 10 BRUMAIRE AN III (31 OCTOBRE 1794) - N» 16 247 Bois-le-Duc, le 2 brumaire, l’an 3e de la république une et indivisible. Nous vous avons annoncé, chers collègues, par la voie du télégraphe, l’affaire qui a eu lieu le 28 vendémiaire entre Meuse et Wahal, entre la division de Souham, de l’armée du Nord, et un corps considérable de l’armée d’York. Avant de vous écrire, nous avons voulu en avoir les détails, et les voici. Après la reprise de Bois-le-Duc, les ennemis, craignant que nous tentassions le passage de la Meuse, se répandirent de manière à nous le disputer. N’ayant pas à l’armée du Nord d’équipages de ponts, ces moyens nous manquant pour passer à force ouverte un fleuve aussi considérable, il était nécessaire d’avoir recours à la ruse. Nous avons en même temps menacé un passage du côté de Grave; nous avons fait des dispositions ostensibles pour attaquer l’île de Bomel, en face du fort de Crèvecoeur. L’ennemi a pris le change; il a établi son quartier général entre Wahal et Leck, vis-à-vis Bomel, a jeté beaucoup de troupes dans cette île, et a seulement laissé un corps d’observation devant Grave, pour couvrir Nimègue. Nous avons rassemblé à la hâte tout ce que nous avions de bateaux, et fait construire, dans une nuit, un pont vis-à-vis de Tesselen, et le lendemain notre armée s’est trouvée entre Meuse et Wahal sans que l’ennemi ait eu le temps de s’y opposer. L’ennemi a pris des dispositions pour disputer le passage vers Nimègue; il s’est réuni en masse en face de la division de Souham, qui est la plus forte de notre armée ; elle est de dix-huit à vingt mille hommes. Le 28, cette division l’a attaqué sur différents points; malgré les obstacles du terrain, qui étaient en faveur de l’ennemi, et la résistance qu’il a faite, il a été battu complètement, et le résultat en a été cinq cents prisonniers faits, quatre pièces de canon prises, un drapeau, la légion de Rohan, émigré, entièrement détruite; de quatre cents qu’ils étaient, il ne s’en est pas échappé soixante, et sur lesquels il n’y en a pas dix qui ne soient hachés de coups de sabre. Nos hussards, las de les sabrer, en ont fait soixante-neuf prisonniers, qui ont été fusillés conformément à la loi. Le 3e et le 9e régiments de hussards ont eu principalement occasion de s’y distinguer ; nous vous envoyons le citoyen Jacques Mercier, hussard du 9e régiment, apporter lui-même le drapeau qu’il a enlevé aux ennemis ; il mérite l’attention de la Convention nationale; nous demandons une sous-lieutenance pour lui. Le citoyen Schneider, hussard au 3e régiment, envoie à la Convention un de ces bijoux de l’ancien régime qu’il a pris sur un capitaine de la légion de Rohan, après l’avoir attaqué, sabré, terrassé et fait prisonnier. Ce hussard a déjà plusieurs affaires mémorables sur son compte, dans lesquelles il a fait voir qu’il joignait à la plus grande bravoure la sensibilité la plus intéressante : à l’affaire de Kaisers-lautern, il avait pris quelques pièces d’or à un capitaine prussien; il rencontra un paysan qui avait été volé par les Prussiens; il lui donna tout ce qu’il avait, en lui disant : « Tu es un père de famille, tu en as plus besoin que moi. » Nous demandons pour lui une sous-lieutenance, ainsi que pour le premier. Le citoyen Génois, hussard au 3e régiment, accablé par le nombre, est tombé noyé dans son sang, et n’a pu dire que ces mots : « Je suis content, je meurs pour la République. » Si les ressources de la jeunesse le font revenir, nous demandons pour lui le grade de sous-lieutenant. Après avoir parlé de la classe intéressante et nombreuse des simples soldats, il est juste de donner à leurs frères qui les dirigent les éloges qu’ils ont justement mérités. Le général de division Souham s’est conduit avec son intrépidité et son activité ordinaires; il a surveillé tout et s’est trouvé à toutes les attaques. Il a été parfaitement secondé par les généraux Macdonald, Dewinter et Jardon ; ce dernier, qui mérite les plus grands éloges, saisi deux fois par les hussards ennemis, s’en est débarrassé ; il a eu un cheval tué sous lui, et a continué la charge à la tête des braves républicains qui ont exterminé la légion de Rohan. Son aide de camp s’est conduit avec bravoure ; il a été blessé grièvement. Nous demandons de l’avancement pour lui, mais nous ne savons pas encore quel est son grade : nous vous l’écrirons incessamment. Un détachement du 9e régiment de hussards, après une charge vigoureuse où le général Fox a été vigoureusement sabré, s’est trouvé enveloppé par trois escadrons ennemis, qui, les croyant de bonne prise, leur criaient : « Rendez-vous, hussards ». Mais le brave Thouvenot, qui les commandait, a répondu à coups de sabre : « c’est ainsi que je me rends » ; et, suivi dans son audace par ses compagnons d’armes, il s’est fait jour à travers les escadrons. Nous avons cru, citoyens collègues, que vous apprendriez avec intérêts ces différents détails ; il serait trop long de les multiplier ; mais nous pouvons dire que la division de Souham s’est conduite avec l’audace et l’intrépidité de nos républicains, et c’est tout dire. Salut et fraternité. Signé, Bellegarde, J.-P. Lacombe (du Tarn) (91). Cette lettre est vivement applaudie ; l’Assemblée en ordonne l’insertion au bulletin (92). (91) Moniteur, XXII, 390-391. Débats, n° 768, 582-585; Bull., 10 brum. ; J. Paris, n° 41 ; Rép., n° 41 ; J. Mont., n° 19 ; Ann. Patr., n° 669 ; Ann. R. F., n° 40 ; C. Eg., n° 804 ; J. Perlet, n° 768 ; J. Fr., n° 766 ; Mess. Soir, n° 805 ; Gazette Fr., n° 1033 ; F. de la Répübl., n° 41; J. Univ., n° 1800; M. U., XLV, 172. L’ensemble de la presse précise qu’il s’agit de Lacombe-Saint-Michel. (92) Débats, n° 768, 585.