SUPPLÉMENT Comprenant les documents parvenus sur les Cahiers des bailliages et sénéchaussées pendant le cours de la publication. SÉNÉCHAUSSÉE D’AIX. DOLÉANCES ET REPRÉSENTATIONS De la communauté du lieu d'Albertas , prises dans l'assemblée générale du 22 mars 1789 (1). Art. 1er. Le vœu de rassemblée est de demander la sûreté personnelle de tous les citoyens, hors les cas des crimes capitaux exprimés par la loi ; même sûreté pour la propriété. Art. 2. Une égale répartition dans la taxe des impôts. Cette taxe doit être proportionnée aux besoins de l’Etat, y compris la dette nationale qui doit être reconnue et consolidée. Art. 3. La nation assemblée doit avoir le droit de se taxer elle-même. Art. 4. Que toutes les possessions territoriales, même le sol employé à des objets de luxe, comme parcs, garennes, jardins, etc., soient soumises à l’impôt. Art. 5. Décerner des peines très-sévères contre le crime de péculat. Art. 6. Demander la réformation de la justice tant civile que criminelle, et la diminution des frais qu’elle occasionne. Art. 7. Tous les habitants réunis se plaignent du dommage considérable que l’abondance du gibier cause dans le terroire, et supplient très-humblement Sa Majesté d’avoir égard à la classe des pauvres cultivateurs qui a déjà beaucoup souffert des rigueurs de la saison, de la mortalité des oliviers. Si le gibier détruit encore son espérance, elle se trouvera hors d’état de survenir à l’impôt. Les lapins portent aussi un préjudice très-considérable pour la venue' des oliviers en débroutant toute la nouvelle pousse. Art. 8. L’assemblée désirerait, pour la facilité du commerce, et pour favoriser l’industrie d’une partie des habitants de la communauté qui est adonnée au roulage, qu’il fût permis aux rouliers de mettre quatre mulets ou chevaux à leurs voitures, ainsi qu’il est permis dans les autres provinces du royaume. Art. 9. Fait enlin ses très-humbles supplications au Roi pour vouloir bien ordonner que les chemins de province, dénommés de second ordre, et les chemins de viguerie qui se trouvent impraticables, surtout dans les temps des pluies et des gelées, soient rétablis, pour que le transport des denrées, et le commerce intrinsèque de la province se fassent avec plus de facilité. Lecture ayant été faite des précédents articles, et personne n’ayant plus rien à dire, a signé qui l’a su. Signé Amie, lieutenant déjugé; Dagnau, consul; Gibelin, consul; Martin, consul; Antoine Roux; P. Louiq; J. Sause; Giraud; Deleuil; Jean-Baptiste Benet ; Jean-Baptiste Lion ; J, Martin ; Louis Burle; J Montet; Louis Martin; J. Chau-doin, J.-S. Sauzé; D.-H. Martin ; J. Olivier; Fon-tier ; Brigoiet ; A. Lyent , et Vion, greffier. DOLÉANCES ET REMONTRANCES Délibérées par le conseil général de tous chefs de famille de la communauté d'Allauch le 29 mars 1789 (1). Forcés par les plus pressants besoins, et autorisés par le meilleur des princes à faire parvenir nos plaintes directement au pied du trône, dont l’accès est aujourd’hui libre au malheureux par la convocation des Etats généraux, nous devons nous empresser de dresser le cahier de ces plaintes de la façon la plus respectueuse et la plus propre à convaincre notre digne monarque de la reconnaissance de ses sujets. Pour mettre quelque ordre dans les objets , nous devons distinguer ceux qui peuvent regarder la nation en général, ceux qui sont communs à la plupart des communautés de cette province, et enlin ceux qui intéressent la communauté d’Al-lauch d’une manière particulière. Intérêt de la nation en général. 1. Egalité dans les contributions, soit royales, soit locales, et même pour les impositions particulières de vigueries et communautés, de manière que chaque sujet du Roi paye sa portion de tous les impôts présents et à venir, relativement à ses possessions, sans qu’il puisse être fait aucune distinction de rang, d’état, de biens nobles et roturiers. 2. Les suffrages seront recueillis dans les Etats généraux par tête et non par ordre. 3. La perception de l’impôt de la manière la moins coûteuse , et éviter toutes formes de perception qui peuvent exposer les sujets du Roi à des vexations ou à des litiges. 4. La suppression de toutes les caisses inutiles et qui peuvent être réunies. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. (i) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. 038 [État» gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Sénéchaussée d’Aix.j 5. Economie pour les grâces et pensions. 6. La réformation du code civil et criminel, et déterminer l’établissement de la procédure par J.6S jurés* 7. Garantir la liberté individuelle de tous les citoyens et déterminer la suppression de toutes lettres attentatoires à cette liberté. 8. Etablir la liberté de l’imprimerie sous les restrictions déterminées par les Etats généraux. 9. La suppression de la vénalité des oflices de judicature dans les tribunaux souverains et dans ceux d’arrondissement; suppression qui sera effectuée à mesure que les oflices vaqueront par mort , démission ou forfaiture. Cette suppression a été l’objet desvœuxdes deux derniers Etats généraux. Elle y fut vivement sollicitée par les trois ordres. On ne sait pas pourquoi elle ne leur fut pas accordée. Elle a été presque toujours tacitement désavouée longtemps après qu’elle eut été introduite ; les récipiendaires juraient encore qu’ils n’avaient rien donné pour être pourvus. 10. La suppression des juridictions seigneuriales; le rapprochement des individus dans les petites communautés, et celui de leurs possessions rend les sujets de division plus communs et plus fréquents ; la haine ou l’intérêt les suscite, et la nécessité de se voir et de se rencontrer à chaque instant les entretient. La connaissance des affaires y est moins répandue que dans les villes, et cependant les malheureux habitants de ces juridictions ont un tribunal de plus à parcourir quand ils ont des procès entre eux. Ils ont moins de ressources pour les conseils, et c’est quelquefois par la faute de ces premiers conseils que leur entêtement se soutient et donne lieu à des frais ruineux, dans un pays surtout où, souvent, la forme emporte le fond. Pour suppléer à ces juridictions supprimées, on pourrait établir des juges de paix qui seraient renouvelés chaque année. Ges juges seraient tenus de servir gratuitement sans pouvoir rien exiger des parties, soit à titre de vacations ou d’épices; les procédures seraient instruites avec le moins de frais possible, et toutes les discussions seraient jugées de la même manière qu’elles le sont dans les tribunaux consulaires. Dans les communautés où le peu de population ne permettrait pas d’établir ces tribunaux de paix, il serait réuni deux ou trois petits cantons pour former un tribunal, ou bien les petits lieux seraient réunis aux villages principaux les plus prochains. 11. Suppression de tous committirrms et évocations, même pour les affaires concernant les fermes, sans pouvoir suppléer les tribunaux ordinaires par des juges d’attribution. Clergé. 12. Une répartition plus égale dans les revenus du clergé, et une augmentation proportionnée des congrues des curés et de leurs vicaires. Us remplissent le ministère le plus saint, le plus honorable et le plus utile. U faut que ces ministres de notre religion, véritablement respectables, puissent être respectés; il faut qu’ils aient assez de revenu pour pouvoir vivre dans les villages et dans les petites villes comme les citoyens du tiers-état les plus commodes ; qu’ils puissent faire quelques aumônes; au lieu qu’ils éprouvent tous les jours la triste nécessité de ne pouvoir que mêler leurs larmes à celles des malheureux que leur fortune ne permet pas de soulager. 13. Mettre en économat les revenus des abbayes et prieurés qui sont à la nomination du Roi, à mesure que ces bénéfices seront vacants, pour les revenus desdits bénéfices être employés au remboursement des dettes du clergé, prélèvement fait de la portion destinée aux aumônes, qui sera employée au soulagement des pauvres des lieux qui procurent les revenus du bénéfice. 14. Suppression de tout transport d’argent à Rome ou à Avignon pour dispenses ou provisions de bénéfices, de quelque nature que soient lesdi-tes dispenses ou provisions. La circulation de ce numéraire serait extrêmement avantageux à l’Etat : son transport à l’étranger l’appauvrit. 15. Suppression de tout transport à Malte de la dépouille des chevaliers. 16. Sur les fonds provenant des suppressions ci-dessus détaillées, il serait pris tous ceux qui seraient nécessaires pour faire une pension honnête aux vieux prêtres qui auraient servi quelques paroisses pendant vingt ans, en qualité de vicaires, ainsi qu’à ceux qui, ayant servi en cette qualité, seraient travaillés d’une maladie qui ne leur permettrait pas de continuer leur service. Commerce. 17. Le commerce seul peut vivifier le royaume. On lui a mis malheureusement des entraves par l’établissement de plusieurs compagnies des Indes. La nation a inutilement réclamé contre de pareils établissements : ils substistent encore. Il serait à propos, dans les Etats généraux, que cette question y fût agitée, et qu’elle y fût enfin résolue d’une façon avantageuse à la liberté publique. L’intérêt que les habitants d’Allaucn ont à cette liberté est d’autant plus grand, que les embarquements qui se font pour les Indes, sortant du port de Lorient, les vins et les eaux-de-vie que leur terroir produit, ne peuvent point jouir de cette destination. Un débouché plus facile leur procurerait, par de meilleures ventes, un dédommagement de la stérilité de leur sol. Fermes. 18. Il est reconnu que beaucoup de terrains en France sont très-propres à la culture du tabac. Dans un Etat bien régi, ou ne doit rien oublier de ce qui peut ajouter à la production des terres. Il paraîtrait convenable de favoriser cette culture; les productions nationales qu’elle nous procurerait nous épargneraient plusieurs millions que nous sommes obligés de faire passer dans les colonies anglaises ou hollandaise pour le premier achat de ce follicule, et l’Etat pourrait exiger des terrains destinés à cette nouvelle culture des impositions assez fortes pour l’indemniser des sacrifices qu’il pourrait faire. 19. Transport de toutes les douanes aux limites du royaume. 20. Etablir les droits sur les marchandises et denrées, de manière qu’ils ne puissent pas gêner le commerce, et encore moins opprimer les cultivateurs. La ferme doit être considérée comme un instrument qui, manié par une main habile, peut vivifier l’industrie en favorisant toutes les fabrications. 21. Le contrôle, institué d’abord pour l’avantage public en assurant la date certaine des actes, est devenu un vrai fléau pour lui par les augmentations progressives des droits. Les nouveaux sous pour livre qui y ont été ajoutés se montent déjà à 10 sous, et qui sait jusqu’où on les aurait portés sous un monarque moins bienfaisant! Si les Etats généraux jugent à propos que la perception de ce droit se continue , il serait convenable , au moins, que le bail de la ferme, en modérant ces [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 239 droits, contînt des clauses qui pussentnous mettre à l’abri des entreprises des fermiers ; et qu’un tarif clair et simple servît à prévenir toutes les contestations sans que le fermier pût s’étayer, comme il a fait jusqu’à aujourd’hui, des décisions du conseil extrêmement multipliées et qui iui servent d’égide contre tous les plaignants. OBJETS COMMUNS a LA TRÈS -GRANDE PARTIE DES COMMUNAUTÉS DE LA PROVENCE. Administration. 1. La régénération de la constitution provençale et la rapprocher autant que faire se pourra de la constitution delphinale. La réforma don de nos Etats provinciaux, la nomination d’un syndic pour les communes , avec entrée aux Etats, et voix délibérative. L’éligibilité du président ; qu’il soit déclaré qu’il n'y aura plus aucun membre permanent et inamovible. L’exclusion des Etats aux magistrats, aux juges royaux et seigneurs, à tous les officiers attachés aux tics, ainsi qu’aux subdélégués de M. l’intendant. La désunion de la procure du pays du consulat’de la ville d'Aix ; l’admission des gentilshommes non possesseurs de fiefs, et du clergé du second ordre. L’égalité des voix pour l’ordre du tiers avec celles des deux premiers ordres, tant dans les Etats que dans les commissions intermédiaires. 2. Qu’on ne pourra pas créer ou rétablir des offices dont la création ou le rétablissement 11e sont presque jamais que des impôts déguisés, et dont l’abonnement est toujours onéreux à la nation. La Provence l’avait bien senti lorsqu’elle les offices de maire, de lieutenant de maire, etc., si souvent créés et abonnés ; pour éviter un pareil abus, elle voulut que les offices, dont elle remboursait le prix , continuassent à exister sur la tête des officiers municipaux des communautés qui, toutes en corps, avaient contribué à l’abonnement général, et que les officiers municipaux de ces communautés eussent les mêmes droits, préséances et prérogatives attribués au charges dont ils furent revêtus. Un de leurs principaux droits était de présider aux assemblées des communautés. Les consuls doivent en jouir, quelques-uns l'ont prétendu. Les seigneurs des fiefs, par leur crédit, ont maintenu leurs officiers dans ce droit qu’ils exercent encore. Plusieurs communautés s'adressèrent à MM. les procureurs du pays pour s’y faire rétablir. Ils leur promirent que la Provence interviendrait et leur suggéreraient enattendant une décision de réitérer à tous les conseils leurs protestations, il y a trop longtemps qu’une question aussi essentielle pour les communautés est indécise ; il serait temps qu’elle fût terminée par une décision dont elles doivent réclamer la justice. 3. Demander avec les plus vives instances la suppression du droit du 14 sous par milleroie, qui est perçu pour le compte du lioi sur le vin qui est transporté à Marseille. Le sol de la Provence est en général sec et aride, mais il est presque stérile dans les terroirs des communautés qui sont aux environs de celte ville. Ces terroirs sont tous complantés en vignobles et ils ne sont guère propres qu’à ce genre du culture. Les vins de Provence ne sont ni précieux ni recherchés. Dans un moment où le commerce languit, les propriétaires n’ont d’autres débouchés de leurs vins que la ville de Marseille, où la consommation s’en fait. Elle est purement nationale, elle ne devrait par conséquent point supporter les droits qui n’ont été établis que pour l’étranger. Cet impôt de 14 sous par milleroie, qui n’est certainement pas d’une grande production pour l’Etat, et qui paraît bien léger, excède pourtant le neuvième de la valeur de la denrée en la fixant à 6 livres la milleroie, année commune. On doit se flatter d’en obtenir la révocation. Fermes de la ville de Marseille. 4. La communauté de Marseille, pour empêcher que le concours des vins étrangers ne nuisît à la vente des siens, imposa sur ces vins 30 sous par milleroie, moyennant lequel droit il fut permis de vendre les vins forains de la même manière et aux mêmes franchises que les possédants biens. Une de ces principales franchises est de n’être point assujetti au droit de gabelle quand le vin est vendu par des taverniers. L’article il du règlement de cette communauté est exprès là-dessus. Malgré sa précision, Je régisseur des fermes de la ville a toujours voulu assujettir les forains a acquitter le droit de gabelle, quoique leurs vins fussent vendus par des taverniers exempts. Sa prétention là-dessus s’étend même à exiger les 12 sous par milleroie auxquels le droit de gabelle se monte, aux portes de la ville, avant même de savoir la destination du vin transporté. Quelques personnes se sont opposées à cette injuste perception ; les puissants et les riches ent obstinément refusé de payer ; les gens plus timides et les pauvres ont payé et payent encore. Le droit de rive, qui est de 30 sous par milleroie, expose encore les colporteurs du vin à de nouvelles vexations. Obligés de faire leurs déclarations aux commis du régisseur, elles souffrent toujours des contestations de leur part. Pour s’y soustraire, et pour éviter le déchet que souffre leur denrée en restant exposée aux ardeurs du soleil, ils finissent ordinairement par consentir aux déclarations forcées que ces commis leur dictent. Après de pareilles déclarations, qui semblent convenues, il paraît qu’ils ne devraient point éprouver, de leur part, de nouvelles tracasseries. Cependant, od leur en fait encore, qui ne peuvent se terminer que par le ministère du jaugeur, dont les opérations, soit par le temps qu’elles exigent, soit par l’incommodité des lieux où elles sont faites, altèrent la qualité du vin. Ce régime est d’autant plus injuste qu’il n’est point analogue à celui qu’on observe dans les fermes du Roi. Les employés de ces fermes déduisent le 10 p. 0/0 sur les marchandises sujettes à coulage, et la contravention n’est établie que par l’excédant du 10 p. 0/0 accordé. Le régisseur des droits de la ville de Marseille prétend que tout ce qui est au-dessus de la déclaration sans aucune déduction, est sujet à la saisie et à l’amende encourue. Sans entrer dans la discussion de l’établissement du droit, il est certain qu’on, doit supprimer, tout au moins, la façon onéreuse de le percevoir ; et s’il est dans le cas d’être maintenu, ceux qui y resteront assujettis doivent se flatter d’être affranchis des vexations dont iis se plaignent. Pour prévenir le déchet que peut souffrir leur vin par des jaugeages inconsidérés, en cas que les commis supposent quelque excédant, ils seront tenus de suivre les voitures jusqu’à leur destination, pour l’opération de la jauge n’être faite 240 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES* [Sénéchaussée d’Àix.j qu’après que le vin aura été reposé dans les tonneaux. 5. Un objet sur lequel nous croyons devoir faire des réclamations qui regardent toute la généralité de la nation, n’est pas moins important à rectifier. La Provence demandera, sans doute, et nous nous joignons volontiers à elle, qu’à l’avenir on ne soit point tenu de fournir des preuves pour être admis au service de Sa Majesté, tant sur mer que sur terre ; que pareilles preuves ne soient point également nécessaires pour entrer dans les cours souveraines. Cette dernière exclusion n’est établie par aucune loi du royaume ; et plusieurs de ces cours en ont fait une loi par des règlements particuliers. Il serait également à souhaiter que le mérite seul fût un titre pour la pré-lature, et que la naissance n’en fût pas si souvent un motif d’exclusion. La noblesse attribuée à certains oflices, et qui devient le prix de leurs finances, est également un abus nuisible ; elle ne devrait être que la récompense de i’bonneur et de la vertu. 6. Il est également essentiel pour le bien public, que, dans le cas où les Etats généraux jugeraient à propos de continuer les baux des fermes, les clauses de ces baux fussent soumises à leurs observations, pour qu’on n’en laissât glisser aucune qui fût trop onéreuse au public. Il serait important pour lui que les droits de chaque marchandise fussent désignés sous une seule dénomination. La confusion des différents droits auxquels elles sont assujetties par las anciens tarifs peut donner lieu à des abus qu’un voiturier souvent illettré ne peut prévenir. Leur liquidation est plus pénible, elle arrête plus longtemps aux bureaux pour l’expédition. Une copie de ce tarif doit être déposée dans les archives de chaque communauté, et affichée dans chaque bureau, pour que chacun puisse voir si on s’y conforme avec exactitude. 7. L’impôt sur les cuirs fait languir cette branche du commerce. En augmentant le prix de cette marchandise, il augmente nécessairement celui des souliers, que la cherté delà main-d’œuvre a déjà beaucoup renchéri. Cet impôt est véritablement désastreux pour les pauvres habitants de la campagne; la suppression doit en être sollicitée. 8. On ne croit pas avoir besoin d’insister sur l’extinction des gabelles. La voix du prince qui approche de plus près Sa Majesté a déjà prononcé leur abolition. Le peuple se rappellera toujours ce trait bienfaisant avec la reconnaissance qu’il a dû lui inspirer. * OBJETS PARTICULIERS POUR LA COMMUNAUTÉ D ALLAUCH. La dîme. 1 . La dîme, qui n’était d’abord qu’une obligation volontaire, est devenue depuis longtemps un tribut forcé. La quotité des fruits décimaux fixée par des transactions diffère dans presque toutes les communautés. La dîme est perçue à Allauch sur le pied du quatorzième ; les frais de culture absorbent la moitié du produit des terres. Cette vérité est démontrée. Il est donc évident que le décimateur percevant la quatorzième partie du produit brut, reçoit réellement la septième portion du produit net ; et sur les six restants, il faut payer toutes les impositions royales et locales. Les sujets du Roi payeront toujours avec joie les impositions qui seront nécessaires pour le soutien de l’état, pour la gloire et la majesté du trône. Mais, en acquittant ces charges, il serait bien triste de les obliger d’abandonner aux prieurs décimateurs ce qui peut rester de leurs revenus, et à n’avoir d’autre ressource que le travail et l’industrie. Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’affranchir ses fidèles sujets d’un tribut qu’ils sont dans l 'impossibilité de payer; de déterminer la suppression des dîmes , sauf à indemniser les chapitres des églises cathédrales et les évêques de la perte de celles dont ils sont propriétaires, par la réunion des bénéfices qui pourront être supprimés ; et dans le cas où cette suppression ne pourrait pas avoir lieu, demander que le Roi oblige les décimateurs à consentir à des abonnements sur le pied des baux, en prenant une année commune de quinze à vingt ans, avec les réductions plus ou moins fortes que Sa Majesté sera suppliée d’ordonner. 2. Il serait également convenable d’abonner tous droits seigneuriaux et féodaux, y compris celui de fournage, lesquels seraient représentés par une pension féodale proportionnée à l’importance des droits abandonnés, et: dont il consterait par titres légitimes et non équivoques, avec tel égard que de raison aux facultés et ressources des différentes communautés. Les taxes et cens ne feront point partie de cet abonnement, lorsqu’il constera par titres que les propriétés, qui y sont sujettes, ont été données moyennant les redevances. 3. Tous les chemins de la communauté d’Al-lauch sont dans un état de délabrement qui les rend impraticables. Elle a toujours contribué pour ceux que la province et la viguerie ont fait construire dans tout le restant de son étendue. Elle n’a jamais été appelée ni aux assemblées générales des communautés, ni à celles de la viguerie, puisque celle d’Aix dont elle fait partie, n’avait pas été convoquée depuis 1729. Quoique son af-fouagement soit très-considérable, cette communauté n’a jamais été à portée de réclamer sur un objet aussi essentiel. Elle demande avec instance que Sa Majesté soit suppliée d’ordonner que toutes les communautés de Provence affouagées quinze feux, pourront envoyer un représentant aux Etats. 11 en est beaucoup qui ont le doit d’y députer, quoique leur affouagement soit beaucoup moins important. 4. Toutes les communautés du royaume fournissent un certain nombre de miliciens pour la défense de l’Etat ; il serait à souhaiter qu’on pût suppléer ce service par des moyens moins onéreux. Une levée, faite aux dépens et à la décharge de ces mêmes communautés, serait beaucoup moins fâcheuse pour les pères de famille , et beaucoup plus avantageuse à l’Etat, auquel on procurerait par là des soldats de bonne volonté. La communauté d’Allauch, et celles qui fournissent à la garde-côte, en Provence, se trouvent dans un cas encore plus fâcheux que celles qui sont exposées au tirage de la milice. Elles con-■tribuent en corps de province à l’armement et à l’entretenement de ce corps ; et chacune en particulier paye, en son propre, une somme assez importante pour l’entretenement de la garde-côte. Elle coûte à la seule communauté d’Allauch. Le poids de la garde-côte est plus pesant pour elle que celui de la milice. Elle lui fournirait tout au plus cinq à six hommes, elle fournit tout au moins quarante, dont un quart ou un cinquième sont destinés au service des matelots, pour lequel la plupart n’ont ni vocation ni aptitude. La 241 [Étals gén. 1789 Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] crainte qu’inspire cette levée est un fléau destructeur de la population ; aux approches du temps qu’elle doit se faire, la plupart des jeunes gens, par des mariages prématurés, nuisent à la fécondité de l’espèce, ou, par leur expatriation dans les concessions d’Afrique, privent le lieu de cultivateurs utiles. Le service de mer demande une conformation propre à le soutenir. Beaucoup de gens ne peuvent s’embarquer sans un risque presque certain de leur vie. Quelles alarmes n’inspire pas aux parents, que l’on prive d’un secours utile , l’engagement forcé de leur enfant pour lequel ils ont de pareilles craintes ! Une sage police établie dans le bureau des classes, point d’acception dans le choix des personnes destinées à ce service, fournira toujours à l’Etat un nombre de matelots suffisant, surtout s’ils sont traités sur les vaisseaux du Roi avec une modération convenable, et payés avec l'exactitude qui leur est due. Ces considérations paraissent assez déterminantes pour que le Roi accorde à ses sujets l’exemption d’un pareil service, dont l’inutilité se démontre par le refus constant des officiers de vaisseau de prendre sur leur bord de pareils matelots. Ils ne sont presque toujours qu'une surcharge pour eux, sans leur être d’aucune utilité. -5. Cette levée devient d’autant plus onéreuse à la communauté qu’elle se fait actuellement à Marseille, qui est à deux lieues de distance d’Allauch ; trois ou quatre cents jeunes gens s’y transportent le jour destiné à cette opération. Ils perdent leur journée qui est un objet de 30 sous pour chaque individu : ce qui forme seul une perte d’environ 600 livres pour la totalité des habitants. Obligés de rester en cette ville la très-grande partie d’un jour, ils sont forcés de s’y nourrir, et cette nourriture dans une ville dont toutes les impositions portent sur les aliments, même les plus grossiers, augmente de beaucoup leur dépense. 6. Les habitants d’Allauch, par un esprit d’économie auquel la nécessité les force, portent ordinairement le blé qu’ils récoltent dans leur terroir, à Marseille. Il s’y vend mieux que le blé de marine qu’ils en exportent, et qui, quoique moins délicat, suffit à leurs besoins ; et quand, par ce moyen, il ne se procureraient que quinze jours de subsistance de plus, ce serait encore beaucoup pour eux. Cette ressource leur est presque interdite par le régime actuel des fermes du Roi. La denrée importée n’est soumise qu’à 6 liards de droit par charge, mais on les oblige à aller faire leur déclaration, et représenter leur blé au bureau des fermes du Roi à Septêmes. Quoique de pareils bureaux soient établis dans leur terroir, ce circuit leur occasionne un retard si considérable, qu’il leur en coûte au delà de 30 sous par charge pour acquitter un droit de 6 liards. 7. 11 n’y a et ne peut y avoir que très-peu d’industrie dans le lieu d’Allauch : il n’est point lieu de passage. La pénurie d’eau empêche qu’on y construise des fabriques. Elle est si absolue, que les habitants n’en auraient pas même suffisamment pour boire, s’ils n’y avaient suppléé par des citernes. Un seul genre d’industrie leur est approprié : ils tressent du spart. Les fabricants de Marseille l’emploient à différents usages, dont plusieurs sont relatifs et fort utiles à la marine. L’assujettissement à des droits pour ces sortes d’ouvrages a d’abord beaucoup dégoûté les fabricants d’avoir recours aux gens d’Allauch pour former ces tresses ; ils se sont adressés de lre Série, T. VL préférence à ceux du terroir de Marseille, qui leur épargnent l’acquittement par leur franchise ; et quand ils ont recours aux premiers, ce n’est plus qu’à des prix qui les mettent à couvert du droit pavé. L’imposition de ce droit a été tout à fait impolitique ; elle ne rend presque rien à l’Etat, et par l’augmentation du prix des différents ouvrages du spart, qui en a été la suite nécessaire, elle a fait ouvrir les yeux aux Espagnols, qui nous fournissaient la matière première, sur l’importance de cette fabrication. Ils se la sont appropriée en partie, en défendant l’exportation qui ne peut plus se faire que par la contrebande, ce qui contribue toujours plus à renchérir cet article. Gette occupation nourrit une partie des habitants les plus indigents, auxquels elle procure 10 ou 12 sous par jour quand le mauvais temps les détourne des ouvrages de la campagne, et au moins 4 à 5 sous le soir à leur veillée en famille. Le droit n’est que de 7 sous 6 deniers par quintal; le sacrifice minutieux pour l’Etat, et le secours que les habitants en retirent est sans prix. D’ailleurs, cette matière n’est apportée de Marseille que pour être tressée, et elle y retourne. Les justes réclamations de la communauté d’Allauch, dont quelques objets pourront paraître minutieux, sont les cris de la misère. Son terroir est sec et aride. 11 ne. produit par une culture forcée qu’environ 1,400 charges de blé, la dîme la quatorzième portion. Sa population est de cinq cents individus. Ils en consomment environ 10.000 charges : il y a par conséquent une différence de 8,700 charges entre la production territoriale et la consommation. Ses habitants n’ont plus pour remplir ce vide que le produit de leurs vins. On a déjà vu combien ce produit est exténué par les différents impôts auxquels il est soumis. Ils avaient quelques oliviers dans leur terroir, dont la récolte pouvait augmenter un peu leur revenu ; ils n’ont pu résister aux froids excessifs de l’hiver, on désespère de leur existence. Le présent cahier a été rédigé en commun par le sieur Louis Chaillau, second consul; maître François Michel, avocat en la cour ; M. Nicolas Pascal, docteur en médecine ; Et le sieur Ange Trotebas, en empêchement de M. Louis Ricard, avocat en la cour, qui nous a écrit qu’une incommodité ne lui permettait pas d’y vaquer et d’assister à nos conférences sur une opération qui nous avait été conjointement déférée par le conseil général de la communauté le 25 du courant. Et après que lecture en a été faite au conseil général de tous les chefs de famille assemblés aujourd’hui, |nous l’avons délivré au greffier de la communauté, ayantété unanimement approuvé par tous les assistants pour être transcrit dans le registre d’icelle. A Allauch, le 29 mars 1789, et a signé qui a su et qui a voulu. Signé Causin ; Gasolat; Louis Chaillau, consul; Michel, avocat; Pascal; Barthélemy; Michel-Joseph Guien; J. -A. Blanc; Bernard; J.-B. Bre-mond; J.-B.-M.-J. Arnaud; Jean-François Issery; Jean-Joseph Michel ; Jean Michel ; Maure ; Honoré Gauvin ; Isaurent; Blanc; S. François Blanc; Jean-Baptiste Camoin ; Bernard ; Simon Maurel ; Joseph Moutte ; Stratelue. Collationné par nous, Party, greffier de la communauté ; nous, lieutenant de juge, avons coté et paraphé ne varietur le présent cahier des doléances de la communauté d’Allauch. Le 29 mars 1789. Signé Trotebas, lieutenant déjugé. 46