462 [Conv«Btioa nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 9 nîvô,e « H ! 29 décembre 1793 suivant sur les deux requêtes à lui présentées par Antoine Maurel, contenant, etc. Ouï le rapport fait par François Lions, commis par ordonnance du vingt juillet dernier, Péri-gnon défenseur officieux de Maurel et le substi¬ tut du commissaire national; vu les articles premier et quatre du titre douze de la loi du 29 septembre 1791 qui portent, article premier : « Dans toutes les plaintes ou dénonciations en faux, les pièces arguées de faux seront déposées au greffe, signées par le greffier qui en dressera procès-verbal détaillé; elles seront signées et paraphées par le directeur du jury, ainsi que par la partie plaignante ou dénonciatrice, et par le prévenu au moment de sa comparution »; article quatre : « Les pièces qui pourront être fournies pour servir de comparaison seront signées et paraphées à toutes les pages par le greffier, par le directeur du jury et par le plai¬ gnant ou dénonciateur ou leur fondé de procu¬ ration spéciale, ainsi que par l’accusé au moment de sa comparution. » Le tribunal casse l’acte d’accusation dressé le treize mai dernier contre Antoine Maurel par le directeur du jury du tribunal du pre¬ mier arrondissement du département de Paris, parce que quoique Maurel ait comparu devant le directeur du jury dès le 10 mai, et qu’il lui ait été fait représentation tant de l’acte argué de faux, que de plusieurs pièces de compa¬ raison, cependant le directeur du jury ni ne lui a fait signer et parapher, ni ne l’a inter¬ pellé de signer et parapher tant la pièce arguée de faux que plusieurs pièces de comparaison, ce qui est contraire aux articles rapportés ci-dessus. Eenvoie devant le directeur du jury pour, après les formalités prescrites par les articles ci-dessus cités, remplies, être dressé un nouvel acte d’accusation, s’il y a lieu; et en cas de nouvelle accusation admise, renvoie au tribunal criminel du directoire pour être, l’ac¬ cusation, présentée à l’examen d’un nouveau jury de jugement qui sera assemblé à cet effet. Ordonne qu’à la diligence du commissaire du pouvoir exécutif le présent jugement sera imprimé et transcrit sur les registres du tribu¬ nal criminel du département de Paris. Fait et prononcé au tribunal de cassation, en l’audience publique de la section de cassation le dix-sept août 1793, l’an deux de la République française, présents les citoyens Thouret, prési¬ dent; Lions, rapporteur; Emmery, Coffinhal, Schwendt, Delalonde, Dochier, Mequin, Gou-get, De Pronnay, Le Cointe, Bailly, Cochard, Vienart, Baillot et Vaillant. Au nom de la République française, il est ordonné, etc. Pour extrait conforme : J.-B. Jalbert, commis greffier. Jugement du tribunal criminel du département de Seine-et-Oise (1). Extrait des registres du greffe du tribunal criminel du département de Seine-et-Oise. Du 21 octobre 1793 (ère vulgaire), le 30 du premier mois de l’an II de la République fran¬ çaise, une et indivisible. Nous Jean-Yves Horeau, président par inté’ rim, du tribunal criminel du département de Seine-et-Oise, d’après la déclaration du juré spécial de jugement portant : Qu’il est constant qu’il existe au procès un faux mandat de six cent mille livres, sur la Trésorerie nationale, au nom d’Amé et compa¬ gnie, et sous la signature contrefaite, A. Pisca-tory, en date du quatre avril dernier; Qu’il est constant qu’il a été fait usage de oe faux mandat et qu’il a été présenté à la caisse du citoyen Vial ; Qu’ Antoine Maurel n’est pas convaincu d’être celui qui a fait usage de ce faux mandat, et qui l’a présenté à la caisse du citoyen Vial. Qu’il est constant qu’à l’aide d’un bon délivré par le citoyen Vial, en échange de ce faux mandat, il a été soustrait une somme de six cent mille livres en assignats de quatre cents livres qui ont été payées par la Caisse générale de la Trésorerie nationale. Qu’ Antoine Maurel n’est pas convaincu d’a¬ voir reçu les assignats provenant du paiement de ladite somme de six oent mille livres. Signé : Gazakd l’aîné, chef du juré. Et conformément, aux dispositions de l’arti¬ cle 1er du titre VIII de la loi sur l’institution des Jurés, Déclarons Antoine Maurel, âgé de trente-quatre ans, commissaire des guerres, né à Porriéres, département du Var, demeurant à Paris, rue Champ-Fleury, acquitté de l’accusa¬ tion admise contre lui. En conséquence, ordonnons qu’il sera à l’ins¬ tant mis en liberté. Fait à Versailles, au tribunal criminel du département de Seine-et-Oise, le vingt-un oc¬ tobre mil sept cent quatre-vingt-treize (ère vulgaire), le trentième jour du premier mois de l’an second de la République une et indivisible. Signé : Horeau. Pour expédition conforme à la minute délivrée par moi , greffier du tribunal criminel du départe¬ ment de Seine-et-Oise. Signé : Brun. Mémoire sur V affaire Maurel (1). Le 4 avril 1793, il a été soustrait à la Caisse générale, une somme de 600,000 livres sur un faux mandat portant signature contrefaite A. Piscatory. D’après les renseignements pris et les signa¬ lements donnés, Antoine Maurel, commissaire des guerres, a été prévenu de ce délit. Des commissaires officiers de police se sont en con¬ séquence transportés chez lui le 6 de ce mois. Perquisition faite, on l’a trouvé saisi de 372,000 livres environ en assignats de même nature que ceux touchés le 4 avril à la Trésorerie nationale ; de 1,000 louis en or provenant à ce qu’il paraît, de la conversion de partie de ces assignats, et d’une quantité de bijoux. Cette découverte n’a plus laissé de doute sur l’auteur du délit. Maurel a été mis en état d’ar¬ restation; il a été dressé contre lui un acte d’accusation qui a été admise parle juré. Tra-(1) Archives nationales, carton Dm 282, (1) Archives nationales, carton Dm 282. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ® 31V0SrShan !,<» 463 duit au tribunal du département de Paris, un jugement du mois de juin l’a condamné à Huit années de fers, et a ordonné la restitution au Trésor public des assignats, or et bijoux trouvés chez Maurel lors de son arrestation. Sous prétexte de violations de formes, Maurel s’est pourvu en cassation. Le jugement du tri¬ bunal criminel du département a été cassé, et l’instruction du procès a été renvoyée au tribu¬ nal oriminel du département de Seine-et-Oise. Maurel avait connu, lors des débats qui avaient préoédé le premier jugement, toutes les preuves qui existaient contre lui. Il en a profité, et, par des moyens insidieux et par des ressources que vraisemblablement la complaisance lui a proourées, il est parvenu à dérober au second tribunal la conviction des faits qui l’avaient fait condamner par le premier. Maurel avait été reconnu lorsqu’il s’était présenté pour toueher le montant du faux man¬ dat. Son signalement avait été donné d’une manière peut-être peu fidèle. Il a fait paraître, lors de la seconde instruction des témoins affidés qui ont dit connaître des individus signalés à peu près de la même manière que Maurel l’avait été dans le principe. Les êtres se sont trouvés par conséquent multipliés, et ont laissé dans l’esprit des jurés une incertitude qui a opéré l’acquittement de cet accusé. Pour produire cette diversion dans l’esprit des jurés, il a introduit nombre d’autres témoins qui ont déposé conformément au système qu’il avait établi, et qui ont eonséquemment encore atténué les charges qui existaient contre lui. Trouvé saisi de sommes considérables en or et assignats dont il ne pouvait prouver l’origine, il a fait paraître deux témoins qui ont eu l’im¬ pudeur de déclarer qu’ils lui avaient prêté 7,000 louis en or, quoique jamais leur fortune ne se fût élevée à la 20® partie d’une somme aussi considérable; et Maurel, supposant ensuite la vente par lui faite de ces 7,000 louis à un taux très avantageux, a cru par là justifier sa posses¬ sion de plus de 400,000 livres trouvées chez lui. Ce prétendu prêt de 7,000 louis pouvait pa¬ raître invraisemblable; la vente de ces louis supposée faite le 4 avril, jour du faux mandat payé à la Trésorerie nationale, pouvait paraître équivoque. Fertile en agents comme en moyens, Maurel a encore eu l’adresse de faire paraître deux témoins qui ont déposé de la vente par lui faite en leur présence de ces 7,000 louis; il a été même jusqu’à faire donner par ces deux témoins le signalement de l’acheteur, qui s’est trouvé parfaitement conforme au signalement qu’a¬ vaient donné de Maurel ceux qui l’ont reconnu lorsqu’il a touché à la Trésorerie nationale les 600,000 livres enlevées à la faveur d’un faux mandat. C’est ainsi que Maurel a donné le change aux jurés du second tribunal, qui ont connu de son procès; c’est ainsi qu’ après avoir commis un délit très répréhensible, il est parvenu à se faire déclarer propriétaire du corps du délit. Le juré a déclaré qu’il était constant qu’il existait au procès un faux mandat, en vertu du¬ quel il avait été touché à la Trésorerie nationale une somme de 600,000 livres; mais qu’il n’était pas constant que ce fût Maurel qui ait touché cette somme et qui en eût profité. En consé-uence, il a été jugé que Maurel était acquitté e l’accusation contre lui portée, et il a été or¬ donné que l’or et les assignats trouvés dans sa maison lui seraient rendus lors de sa mise en liberté. Maurel, avant le 4 avril, avait contracté des engagements qu’il n’avait pu payer jusqu’alors et qui, tous, ont été acquittés ledit jour 4 avril ou le lendemain. Il ne s’est pas contenté de payer à ses fournisseurs ce qu’il leur devait, il leur a donné en outre des sommes d’avanoe, notam¬ ment à un 9,000 livres. Tous les assignats trouvés ohez Maurel ne sont sortis de la fabrication, pour entrer au Trésor public, que le 30 mars 1793, c’est-à-dire cinq jours seulement avant le paiement des 600,000 li¬ vres. Quatre personnes attachées à la trésorerie ont reconnu Maurel pour être celui qui a touché le mandat de 600,000 livres. Ledit jour 4 avril, Maurel a acheté des louis au taux de 62 livres quoique le cours ne fût qu’à 54 livres. A l’instant de son arrestation il avait cherché à soustraire les assignats qui étaient chez lui; il s’en est trouvé pour environ 372,000 livres; 1,000 louis d’or et beaucoup de bijoux. Une note enfin trouvée [chez Maurel annonce des dépenses considérables faites du 4 au 6 avril. Comment se fait-il que de deux tribunaux qui ont connu de la même affaire dans l’espace de trois mois, l’un trouve Maurel coupable et le condamne à huit années de fers, et l’autre inno¬ cent et l’acquitte ? Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (1). Merlin (de Douai), au nom des comités de législation et des finances, fait un rapport dont voici l’objet : Le 4 avril dernier, il fut volé à la trésorerie nationale, sur un faux mandat, une somme de 600,000 livres. D’après les renseignements et les signalements donnés, Antoine Maurel, nouvel¬ lement parvenu au grade de commissaire des guerres, fut soupçonné d’être l’auteur du vol. On se transporta chez lui; on y trouva 372,000 livres en assignats pareils à ceux volés, 1,000 livres ou environ en or, provenant sans doute de la conversion d’une partie du vol, et une grande quantité de bijoux. Traduit devant le tribunal criminel du dépar¬ tement de Paris, Maurel fut condamné à cinq années de fers par un jugement du 15 juin. Sous prétexte d’une violation des formes, Maurel appela de ce jugement au tribunal de cassation. Le jugement fut cassé et une nouvelle instruction fut renvoyée devant le tribunal criminel du département de Seine-et-Oise. On instruit : Maurel est acquitté. L’examen du tout est renvoyé aux comités de législation et des finan¬ ces. Merlin, après avoir rapproché les circonstances du fait, les détails de la procédure et avoir exposé à la Convention le résultat des délibérations des comités, propose le décret suivant. Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus, d’après le procès-verbal. Le décret est adopté. (1) Journal des Débats et des Décrets (nivôse an II, n» 467, p. 142).