188 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mai 1791.] TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 17 MAI 1791, AU SOIR. Rapport sur la saisie des traitements accordés au clergé futur, par M. Durand - Mail - lane (1). — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, avons-nous, sur cette question, autre chose à dire, si ce n’est qu’il en doit être de ces traitements, comme il en est des portions congrues des curés, suivant la dernière jurisprudence de tous les tribunaux dans le royaume? Sans doute que tout ce qui est pension alimentaire, n’élant accor ié qu’au besoin et réglé sur la subsistance, ne doit pas être exposé à une saisie qui donne la mort au pensionnaire, en le privant des aliments nécessaires à la vie; mais les traitements en général que l’Assemblée nationale a faits aux ministres des autels sont tels qu’on peut en détacher une partie pour leurs créanciers, sans les faire mourir de faim; on le doit à la justice qui semble crier plus haut contre les prêtres, en qui des créanciers ont pu mettre plus de confiance, exposés d’ailleurs à l’accident toujours possible de leur mort, s’ils n’ont que leur traitement pour toute fortune. D’autre part, les prêtres ont pu aussi contracter comme tous les citoyens; mais engagés à des fonctions publiques dont ils sont comptables au public, ou dont l’exercice les tient comme liés dans leur état à la société, ils ne doivent jamais se mettre dans le cas de ne pouvoir s’acquitter envers elle; de sorte que, quelle que soit la nature des créances qu’ils ont prises à leur charge, les créanciers n’auront jamais que le tiers de leurs traitements à réclamer pour leurs payements; et comme la loi qui doit fixer cette partie du traitement des prêtres, pour l’assurance de leurs créanciers, n’aura en vue que de réserver la portion convenable et absolument nécessaire à leur subsistance, les créanciers auront une action pour les arrérages du même traitement, s’il est possible qu’il s’en rencontre à l’avenir, puisque i’on ne vit plus dans le passé ; Non vivitur in prœteritum. Projet de décret. « Le traitement que l’Assemblée nationale a réglé pour le clergé futur ne: pourra être saisi par des créanciers, que jusqu’à la concurrence au tiers, à moins qu’il ne se rencontrât des arrérages, lesquels pourront être saisis dans leur totalité. » QUATRIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MARDI 17 MAI 1791, AU SOIR. Des moyens de remédier a la rareté du numéraire, par M. Duval d’Eprémesnil, en réponse à la motion de M. le marquis de Montesquiou,- du 17 mai 1791, sur le même sujet. « Nous manquons de numéraire : la fortune publique est en danger : ce n’est plus l’argent qui (1) Ce document n’est pas publié au Moniteur. gagne, ce sont les assignats qui perdent : cette perte devient insupportable pour le commerce -. les manufactures n’y résisteront pas : chaque semaine, le prix du change baisse à notre préjudice. Il n’est pas question de disserter, mais d’agir. Cent millions d’assignats ne suffisent point : une forte émission de monnaie de cuivre ne suffit point : tout est perdu, si l’opération la plus rapide n’assure pas les moyens de convertir, dans tout le royaume, un assignat quelconque en fractions d’assignats, et les fractions d’assignats en petite monnaie sans perdre de temps ni de valeur. » Telles sont les confidences que nous adresse enfin M. le marquis de Montesquiou; telles sont les mesures qu’il nous propose. Nous verrons ses moyens. Quant au principe, il serait exact s’il était complet. Mais la possibilité de convertir au pair les petits assignats serait insul'fisaute. Il faudrait élever cette puissance à tous les assignats, sans exception. G était là quetendrnent mes propositions du 29 septembre dernier. On ne peut se défendre d’un sourirede pitié au souvenir de toutes les bêtises que ces propositions ont essuyées. Le temps de les juger approche. M. de Montesquiou. revient à mon principe, du moins pour les assignats de cinq livres : Passons à son moyen d’exécution. Ce moyen, selon lui, sûr, prompt, facile, unique, « c’est d’associer à une grande émission de petite monnaie de cuivre, la multiplication d’établissements particuliers, tels qu’àLyon, lesquels sous l’approbation de l’Assemblée, et sous la surveillance des corps administratifs, se chargeraient de mettre en émission des fractions d’assignats de cinq livres, et de les donner en échange contre des assignats nationaux, à la charge par eux de fournir des cautionnements suffisants pour la sûreté de leur gestion, et à la condition expresse d’acheter aux Monnaies la quantité de sous nécessaire pour entretenir l’échange à bureau ouvert desdites fractions d’assignats contre des sous. » C’est ainsi que M. de Montesquiou s’est exprimé dans son discours : certain que le troisième article de son projet est rédigé. Je ne sais, en vérité, s’il a compté sur une réfutation sérieuse. L’habile administration! L’heureuse nation ! Avec deux millions de numéraire, le crédit public était anéanti : avec douze cents millions d’assignats depuis deux mille francs jusqu’à cinquante, représentés, nous disait-on, par des immeubles nationaux, le commerce périt, Va-giotage nous dévore , la nation se ruine, les besoins deviennent tous les jours plus alarmants ; expressions fi lèlement tirées du discours de M. de Montesquiou ! Mais avec des assignats de cinq livres pour cent millions, et des sous pour quarante, quelques maisons particulières, honorées d'un seul mot approbatif de V Assemblée nationale suppléeront par leur crédit à celui que n’avait plus la nation elle-même, au milieu de ses richesses et dans toute sa gloire. J’en demande pardon aux inventeurs, aux protecteurs de cette motion ; de quelle maison d’aveugles, privés de guides l’a-t-on jetée dans un monde où les yeux sont ouverts? Je le dis depuis longtemps, je le pense plus que jamais. Il est toujours pour ma triste patrie des. moyens de salut. Mais le premier de tous, mais celui sous lequel nul autre, à mon avis, n’est praticable, c’est que l’Assemblee, faisant sur elle-même un noble effort, et prévenant sa chute inévitable, veuille bien se recueillir, se repentir, se séparer. Tant qu’elle subsistera, la guérison des esprits échauffés par ses maximes, autorisés par