{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1- juillet 1790.] ce qu’elle exigera de nous, et nous nous empresserions de venir porter à ses pieds l’hommage de notre profond respect et de notre entière soumission, si nous ne trouvions dans l’extrême modicité de notre fortune un obstacle à nos désirs. Tous pères de famille, à peine trouvons-nous, dans nos efforts et notre industrie, de quoi suffire à notre subsistance et à celle de nos enfants; comment nous procurerions -nous les moyens de faire un voyage aussi long et aussi dispendieux? Tous nos concitoyens attesteront, s’il le faut, notre impuissance à cet égard. Si la délibération du 2 mai contient des dispositions que l’Assemblée nationale juge répréhensibles, nous la supplions d’avoir égard à la pureté de notre intention et de croire qu’on ne peut pas avoir des vues plus droites, un respect plus profond pour ses décrets et un dévouement plus absolu au maintien de la Constitution et des lois qu’elle a décrétées. Nous avons manifesté ces sentiments par une adhésion solennelle à une délibération prise par notre municipalité, qui les développe et les consacre. Nous joignons ici un extrait de cette délibération, avec une expédition au pied de notre adhésion, et nous conjurons l’Assemblée de recevoir avec bonté nos excuses et nos regrets. Nous sommes avec le plus profond respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Uzès, le 22 juin 1790. Signé : Rossel de Fontarèches , d’Entraigues de Cabanes, de Lafont, Lavrac. (L’Assemblée ordonne que les lettres de M. La-pierre et des citoyens d’Uzès seront remises à son comité des recherches.) Lettre de la Chambre de commerce de Marseille annonçant un don patriotique des Français résidant à Àlep. Monsieur le Président, Nous nous empressons de présenter à l’Assemblée nationale le don patriotique de la nation française établie à Alep ; il est consigné dans la lettre que tous les Français résidant dans cette échelle ont écrite à notre Chambre ; dans celle qui nous a été adressée, particulièrement par le sieur Michel, vieillard septuagénaire sans fortune, et qui dépose sur l’autel de la patrie une partie des secours qu’il reçoit de ses compatriotes; enfin, dans celle que les dames françaises ont adressées au conseil et que cet officier nous a fait parvenir. Nous ne rendrions qu’imparfaitement les sentiments qui sont manifestés dans ces différentes pièces, si nous vous en laissions ignorer les expressions. Nous avons l’honneur, en conséquence, M. le Président, de vous en remettre ci-joint des copies. Il est bien doux et bien flatteur pour notre Chambre de transmettre aux dignes représentants de la nation les témoignages de l’amour, de l’attachement et du respect dont les Français ne cessent jamais d’être pénétrés pour leur patrie et pour leur roi, dans quelque partie du monde qu’ils habitent. Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs, Le maire et députés du commerce de Marseille. Signé : Grimaud� Rauband, Rolland, Dolier, 599 Jucard, Gimon, Colliers, Jeimody, Irence, Ch. Salle, P.-Ant. Martin. Marseille, le 23 juin 1790. Les lettres de change, en valeur de 10,500 livres, annoncées comme don patriotique de la nation française établie à Alep, sont à l’instant remises à MM. les trésoriers des dons patriotiques. M. le Président fait donner lecture d’une lettre écrite à Sa Majesté par les colons de l’île de Tabago ; d'une autre lettre adressée à M. le président par six des membres colons, qui témoignent leur surprise de ce que l’on a élevé des doutes sur les événements malheureux de l’île; enfin, d’une troisième lettre, toujours adressée à M. le président, parM. de La Luzerne, ministre de la marine. Toutes ces pièces sont relatives à l’incendie qui a consumé la ville du Port-Louis, et aux tristes événements qui ont affligé la colonie de Tabago. M. Arthur Dillon, membre du comité des rapports. Je vous ai proposé de vous hâter de prendre un parti relatif aux troubles et à l’incendie du Port-Louis. Voici le décret que j’ai l’honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu des troubles de Pile de Tabago et de l’incendie du Port-Louis, a décrété qu’il y serait incessamment envoyé 300 hommes de troupes, pour remplacer le bataillon de la Guadeloupe, 300 fusils, autant de sabres et de baïonnettes, 400 barils de farine et 600 de viande salée. Ordonne, en conséquence, que son président se retirera par devers le roi, pour le supplier d’ordonner l’exécution du présent décret, et faire punir les auteurs des troubles qui ont occasionné l’incendie du Port* Louis. » M. de Kiachèze. Toutes ces dispositions sont du ressort du pouvoir exécutif, et je demande qu’elles lui soient envoyées. M. Goupil. 11 est étonnant qu’on s’élève contre la détermination détaillée proposée à l’Assem • blée. On ne considère pas que c’est le ministère lui-même qui vous y invite. M. Moreau ( ci-devant de Saint-Méry). Il y a une grande agitation dans les colonies. Les colons n’ont pas une confiance bien absolue dans le ministère. Je crois qu’il est important que ces détails même soient réglés par Je Corps législatif. M. de Grillon, député de Beauvais. Le décret qu’on vous propose est évidemment contraire à la Constitution ; il établit la confusion des pouvoirs. Déterminer le nombre d’hommes, ce serait empiéter sur le pouvoir exécutif. Je demande donc qu’on s’en tienne à supplier le roi d’ordonner les mesures pour le rétablissement de l’ordre dans l île de Tabago. M. de Gouy, député de Saint-Domingue. Nous avons reçu des lettres des Iles-sous-le-Vent, dont il paraît important de vous donner connaissance; l’une d’elles est écrite à bord de la frégate du roi la Vestale , dans la rade du Port-au-Prince. — Cette lettre annonce une insurrection du régiment d’artillerie en garnison dans cette ville contre ses officiers. Les canonniers avaient menacé de mettre le feu aux poudrières et au magasin à poudre : par les soins de la municipalité et de la garde nationale, tous les effets funestes que pouvait avoir cette révolte ont été prévenus : les canonniers, 600 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ie*- juillet 1790.] entourés dans le parc d’artillerie, ont été faits prisonniers et désarmé?. Les soldats ont dénoncé dix instigateurs delà révolte; deux ont été pendus, un a été renvoyé et sept condamnés aux galères. Le corps a demandé ses officiers, et prié instamment qu’on renvoyât en France les mauvais sujets, qui sont tous des recrues nouvellement arrivées. — M. de Gouy fait lecture d’une autre lettre, écrite du Cap. — Nous apprenons qu’au Port-au-Prince on s’est décidé à renvoyer deux cents soldats de recrue. Tranquilles sur ce point, nous tombons dans de nouvelles inquiétudes; les gens de couleur ont formé une conspiration; deux d’entre eux ont été arrêtés; ils étaient munis d’un serment qu’ils faisaient signer, et qui portait rengagement de se battre et défendre jusqu’à extinction. La conspiration s’étend sur toute la dépendance du Cap, et a particulièrement la ville pour objet... L’Assemblée coloniale se forme; on en conçoit de grandes espérances... Ün dit qu’il y a des troubles à la Martinique. Plusieurs voix : Parlez de Tabago. M. de Gouy. Ces événements prouvent combien nous avons raison en demandant, au mois de juillet dernier, qu’il ne fût point envoyé de recrues dans les Iles-sous-le-Vent. Ainsi il y a deux décrets à rendre, l’un pour Tabago et l’autre pour Saint-Domingue. Tabago demande des vivres et des moyens de défense. J’approuve le décret qui vous est proposé; mais j’observe qu’il serait inconstitutionnel de fixer le nombre des troupes à y envoyer. Si ce nombre était insuffisant, le ministre vous dirait : c’est vous qui l’avez déterminé; s’il était assez considérable pour donner des inquiétudes aux colonies et aux puissances étrangères, le ministre vous dirait encore : c’est vous qui l’avez déterminé. C’est au pouvoir exécutif qu’il appartient de saisir le milieu qu’il faut prendre. Lorsque vous aurez rendu un décret dans ce sens, nous écrirons aux Iles-sous-le-Vent pour annoncer qu’elles ne doivent prendre aucune inquiétude de ces dispositions. Quant à Saint-Domingue. . . (On observe qu'il n'est pas question de Saint-Domingue, et M. de Gouy termine son opinion.) M. de Cocherel. Des habitants de Tabago sont ici, il faut les entendre avant de statuer. M. Bar u ave. Le moyen que vous aurez à prendre me paraît susceptible d’une grande évidence. Je ne crois pas que vous puissiez déterminer la quotité des secours et des forces à envoyer à Tabago; je ne crois pas que le pouvoir exécutif seul puisse déterminer la proportion de ces forces et la mesure de ces secours; car, lors de circonstances plus importantes, vous vous trouveriez dans une situation où le désordre que cette faculté accordée indéfiniment aux ministres appellerait sur le royaume, serait irrémédiable, la responsabilité très difficile, et presque toujours illusoire : il faut déterminer la mesure de force et de moyens qui pourra être attribuée à tel ou tel département; mais puisque cette mesure n’est pas fixée, il me paraît convenable, à défaut d’un décret antérieur, de prendre un parti que les circonstances même indiquent. Je propose un projet de décret conçu en ces termes : « L’Assemblée nationale, délibérant sur la lettre écrite à son président par le ministre de la marine, appuyant la pétition des habitants delà ville de Tabago, décrète que son président se retirera, sans délai, par devers le roi, pour le supplier de faire passer à Tabago les moyens de subsistance et de défense demandés par lès habitants de cette île, dans la pétition qu’ils lui ont adressée. » Le projet de M. Barnave reçoit de nombreux applaudissements. Il est mis aux voix et adopté. M. le Président dit qu’il vient de recevoir une lettre et un mémoire de M. le premier ministre des finances. Ces pièces sont renvoyées au comité des finances pour en rendre compte. L’Assemblée reprend la suite de la discussion du projet de décret sur les fondations et patronages laïques. M. le Président donne lecture de l’amendement proposé par MM. Camus et Martineau. Il tend à faire décréter : « 1° Que les bénéfices en patronage laïque et ceux des établissements de pleine collation laï-cale qui sont actuellement destinés à un service public, sont soumis à toutes les dispositions des décrets concernant les bénéfices de pleine collation, ou de patronage ecclésiastique; « 2° Que les chapelles fondées et desservies dans l’intérieur des maisons particulières, encore qu’elles eussent été érigées en titre de bénéfices, et les établissements de pleine collation laïcale qui ont conservé leur destination domestique et privée, sont exceptés de la disposition de l’article précédent ; « 3° Qu’il sera statué, d’après l’avis des départements, sur le sort et l'emploi de toutes les fondations faites pour l’éducation et le soulagement des pauvres parents des fondateurs. » M. Trellhard. Je demande la priorité pour l’avis du comité. Un bénéfice est un établissement public; c’est pour cela que les bénéfices à collation laïcale seront compris dans le décret du 2 novembre. Or, je prétends qu’un bénéfice est établi par le public dans quelque lieu que ce soit. La destination du bénéfice ne dépend pas du lieu, mais de l’objet pour lequel il est formé. La seule exception qu’on put admettre serait celle qui porterait sur des fondations non érigées en bénéfices... Tout ce qui est d’un usage général et libre est à la disposition de la nation. Je propose, en conséquence, de décréter : « 1° Que l’Assemblée nationale déclare que son décret du 2 novembre dernier, par lequel tous les biens ecclésiastiques ont été mis à la disposition de la nation, comprend tous ceux qui dépendent des bénéfices, églises et chapelles dont la fondation a été érigée en titre perpétuel de bénéfice, ou qui seront devenus d’un usage général, public et libre, quoique la présentation des titulaires, ou même la pleine collation, ait été accordée aux fondateurs et à leurs héritiers ou autres ; « 2° Que la disposition de l’article précédent s’applique également à toutes fondations consacrées par la même autorité de l’Eglise, quels que soient les services religieux qu’elles aient imposés, et de quelques clauses et conditions qu’elles aient été accompagnées, même de celles qui porteraient la révocation des choses données, dans le cas prévu des suppressions ou changements décrétés par l’Assemblée nationale ; l’Assemblée n’entendant excepter que les fondations non érigées en titre de bénéfice, ou qui ne seraient pas devenues d’un usage général, public