266 (Assemblé* nationale»! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (âl juillet 4790.1 QUATRIÈME ANNEXE A LÀ SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 21 JUILLET 1790. ANALYSE, PAR M. COLMAR, DES RECETTES ET DÉPENSES faites par le ministre des finances, et observations sur le compte général rendu le 21 juillet 1790 (1). (Imprimé par ordre du comité des finances de l’Assemblée nationale (2). Nota. L’Assemblée nationale, dans sa séance du 8 juillet 1790, avait renvoyé à son comité des finances l’examen de l’accusation portée par M. Colmar contre M. Necker. Nous insérons ici cette accusation, quoiqu’elle n’ait été imprimée qu’au mois de septembre suivant. AVERTISSEMENT DE L’AUTEUR. J’aurais pu rendre cette analyse publique dès les premiers jours du mois d’août, et confondre une multitude de journalistes mercenaires, vils, intolérants, téméraires, ennemis de l’ordre et de la lumière, toujours prêts à jeter un voile sur les manœuvres secrètes, désastreuses, dirigées contre le pauvre peuple, qui me condamnèrent impitoyablement de m’être mis en avant sans être en état, disaient-ils, de fournir au moins des semi-preuves. Les honnêtes gens sauront que la matière était assez délicate pour que je dusse me prescrire une marche régulière, méthodique; et c'est d’après cette conduite que je suis parvenu à fixer l’attention de Messieurs du comité des finances de l’Assemblée nationale, dont les délibérations sages à mon égard m’ont fourni l’occasion de faire Je sacrifice de mon intérêt à la chose publique. INTRODUCTION. H'importe à tous les citoyens de connaître les erreurs dans les comptes des ordonnateurs des divers départements, et très particulièrement de celui de la finance. C’est dans ces vues que je me suis proposé de faire remarquer celles qui m’ont paru les plus saillantes, et qui n’ont point échappé à l’œil attentif de touthomme qui voudra observer, sans prévention, la marche tortueuse de ceux qui sont intéressés au désordre, et à éloigner le grand œuvre de la Constitution; cependant on ne peut constater l’inexactitude d’aucun compte que par l’examen des pièces prétendues justificatives, et, par cette raison même, il faut que tous les comptables offrent à l’inspection publique, c’est-à-dire des citoyens courageux et instruits qui ne présentent, pour relever les erreurs, toutes les pièces à l’appui des dépenses ainsi que celles qui constatent les recettes effectives; jusque-là nous sommes autorisés à regarder comme faux ou (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Le comité des finances, après avoir entendu le rapport de M. Colmar sur la réticence de six cents millions qu’il impute à M. Necker, à arrêté que, ne devant pas se rendre seul juge des observations présentées par ledit sieur Colmar, il convenait qu’elles fussent livrées à l’opinion publique par la voie de l’impression. vicieux tous les articles qui ne sont point étayés des pièces justificatives et probantes. Je veux bien, dit le ministre, à la fin du préambule ou discours, dans son compte général du 21 juillet 1790, qu'on rende rétroactive à mon égard la loi de responsabilité des ministres ; je veux bien qu'on la rapporte jusqu'au premier jour de ma précédente administration, etc. En saisissant la proposition de M. Necker, nous le prions de nous dire comment il se fait que le total de son compte rendu eu 1781, ne cadre ni avec celui qu’il a donné dans sou Traité sur l'administration des finances, ni avec celui qui était joint au discours prononcé le 5 mai 1789, à l’ouverture des Etats généraux, compte par lequel il n’a porté qu’à 475,294,000 livres les revenus du roi, lesquels, dans son administration des finances, sont portés à 545,900,000 livres, ce qui opère une diminution d’environ 70 millions de livres sur les revenus publics. Nous demandons d’où provient cette différence, et pourquoi n’en avoir pas expliqué les détails? A l’égard du compte général rendu cette année 1790, tout y est massé, tout y est confondu, revenus publics, recettes extraordinaires, emprunts, anticipations, etc. Malgré cette confusion, M. de Brénaont, citoyen très versé dans les matières de finances, s’est empressé de rendre public, par la voie de l’impression, un simple aperçu par lequel il démontre et prouve qu’il y a 264 millions d’erreur sur quatre articles seulement de ce compte. Notre objet n’étant point, dans ce moment, d’analyser un tel compte (1), nous nous bornerons, quant à présent, à donner ici, ainsi que nous nous y sommes engagés, l'état de situation auquel se trouvait le Trésor royal au 1er janvier 1790, dans lequel j’aperçois une somme d’environ 859 millions dont M. Necker n’a pas justifié de l’emploi. Le compte de 1788 justifie que le service de cette année était assuré par le moyen de l’emprunt de 120 millions et par le renouvellement des anticipations alors existantes. U est prouvé, par ce compte, que toutes les charges, tant ordinaires qu’extraordinaires de 1788, acquittées, il y aurait eu, au 1er janvier 1789, la somme de 7,393,000 livres d’excédent du service de 1788. M. Necker confirme les résultats du compte de 1788, en prenant pour preuve du déficit qui existait alors dans les finances. Il est prouvé que les dépenses de 1788 comprenaient une somme de 76,500,000 livres de remboursement qui ont été suspendus au mois d’août 1788. Enfin il est connu que le dépérissement de quelques branches de revenus est postérieur au mois de mai, et même à l’année entière 1789. C’est d’après ces différentes bases qu’on peut connaître quelle était la situation réelle du Trésor royal au 1er janvier 1789. A cette époque les dépenses des différents départements, pour le service de 1788, n’étaient pas soldées, à beaucoup près; il y avait des retards sur les pensions, sur les gages, traitements, etc. (1) Le seul article des dépenses de ce compte, relatives aux subsistances, montant à 39,800,000 livres, ainsi que les deux articles des primes accordées, montant ensemble à 11 millons, exigent les plus sérieuses recherches. On découvrira ici peut-être les traces au moins des vestiges d’un autre Livre Rouge; il en existait un sur les subsistances dès 1758. [Assemblée nationale.] TABLEAU DE SITUATION DU trésor royal au 31 décembre 1789, d’après le rapport du premier ministre des finances . Au 1er janvier 1789, M. Necker devait avoir en caisse, soit en argent, soit en effets exigibles, une somme de ............... 145,643,000 liv. sans y comprendre celles résultant des relards de payements qui ne seront ici que pour mémoire. Voyez le chapitre X des recettes extraordinaires du compte rendu par M. de Brienne, archevêque de Sens. Les recettes du Trésor royal, suivant M. Necker, étaient en 1789 de ........... . ......... 475,294,000 L’emprunt de la caisse d’escompte en vertu de l’arrêt du conseil d’Etat du roi, du 17 janvier 1789 était de ........... 25,000,000 Autre emprunt décrété par l’Assemblée nationale le 19 décembre 1789, en versant 80 millions de livres de billets de la caisse d’escompte, ci . . . 80,000,000 Chapitre des anticipations. Les anticipations sur le service des huit derniers mois de 1789, suivant le rapport de M. Necker, à l’ouverture des Etats, au chapitre des anticipations, étaient de ............. 172,000,000 Celles sur 1791, suivant le même, étaient de ............ Les emprunts nationaux des 30 et 80 millions, en vertu des déclarations du roi des 12 et 28 août 1789, ont produit, suivant le dernier compte de M. Necker .................. Le produit des vaisselles, suivant le même ............ La contribution patriotique, suivant le même ............ Chapitre\des dépenses arriérées. Parties arriérées restées en caisse, tandis que M. Necker les porte en dépense, savoir : A reporter ...... 1 ,043,632,702 liv. Nota. — Nous observerons ici des variantes entre le compte de 1783 et celui de 1789 et même d9 1789 à 1790; il faut que l’administration justifie une diminution progressive aussi extraordinaire, durant une époque où les droits ont été beaucoup augmentés, et le peuple a été surchargé, d’abord par les dix sols pour livre imposés sous* M. Fleury, successeur de M. Necker, 3 sols par livre sur le café, 3 sols par livre sur le sucre, l’impôt, sur les glaces et sur tous les matériaux à bâtir, ce qui devait donner une augmentation considérable sur le produit de la ferme générale. [21 juillet 1790.] Report ....... 1,043,632,702 liv. Dix-huit mois d’arrérages de rentes annuelles montant à 162,486,000 livres par an, suivant les différents comptes de M. Necker, ci, pour dix-huit mois ........................ 243,729,000 Idem. Pour intérêts d’effets publics, suivant les mêmes comptes, 44,300,000 livres par an, et pour dix-huit mois .... 66, 450,000 Pour intérêts des gages des charges montant à 14,692,000 livres par an, et pour dix-huit mois, ci .................... 22,038,000 Six mois de pensions arriérées, ci ........... . ........ 14,599,000 L’arriéré des divers départements peut s’élever à 160 millions ; mais M. Necker, d’après son dernier compte général, paraît être en avance avec les ministres de 25 à 30 millions, ci, pour mémoire (1). Total des sommes versées au Trésor royal, et de celles qui ont dû y exister pendant l’année 1789 ................... 1,390,448,702 Sur quoi il faut en déduire les dépenses fixes, montant ensemble, suivant le rapport et le compte de 1789, ci ........ 531,443,000 Reste en caisse au 31 décembre 1789, toujours d’après le compte de M. Necker ...... 859,005,702 Observations générales. Dans la supposition où le premier ministre, ses partisans et adhérents, croiraient pouvoir répliquer à ces observations générales, je demanderais que la discussion détaillée des comptes de finances fût faite contradictoirement et publiquement, en présence d’un certain nombre de commissaires nommés par l’Assemblée nationale, et de citoyens assez instruits et versés dans les matières de finances que j'offre de réunir à çet effet. Alors, je ne me bornerai point à faire connaître les erreurs et les désordres de l’ancien régime de la finance; je proposerai de suite un plan de travail sur une législation de finance économique de la plus grande importance, législation qui n’a jamais existé, et dont les bases seront appuyées sur la régénération de l’agriculture, seul fondement solide d’une bonne Constitution. Pour y parvenir, j’offre à Messieurs du comité des finances et à l’auguste Assemblée : 1° De résoudre le problème des assignats ou papier-monnaie de la manière la plus propre à opérer immédiatement la liquidation de la totalité de la dette publique, et d’assurer sur des (1) U paraît que M. Necker est ici en avance de 25 à 30 millions avec les divers départements. A-t-il pu le faire sans être autorisé par l’Assemblée nationale ? raison pour laquelle il convient de faire compter également les ordonnateurs des différents départements* ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 90,000,000 31,717,577 14,257,040 9,721,085 26 1 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. hypothèques et non sur des impôts le sort du clergé, et les dépenses relatives au culte (1) ; 2° De fournir des plans d’administration économique et de réductions sur les divers départements qui ne seront pas moindres de 70 millions par an ; 3“ De supprimer tous les impôts arbitraires et vexatoires de l’ancien régime, en les remplaçant par des contributions (2) simples qui ne porteront que sur deux ou trois objets, lesquels fourniront au delà des besoins de l’Etat ; 4° D’indiquer les moyens d’assurer l’abondance des denrées de première nécessité, d’empêcher à jamais l’accaparement et le monopole des grains et farines; défavoriser singulièrement la libre circulation de ces denrées, sans avoir à craindre l’abus de cette liberté, qu’il est toujours nécessaire et prudent de surveiller (3) ; 5° Enfin, et par une suite des précédents moyens, d’en donner d’une facile exécution pour (i) Pour qu’un papier-monnaie puisse être utile sans jamais nuire, il faut qu’il soit inimitable, imperdable, même au feu, inviolable, préférable même dans le commerce à l’or et à l’argent; il faut qu’il soit volontairement acceptable comme une lettre de change, qu’il en fasse toutes les fonctions, qu’il en ait toute l’utilité, sans en avoir les inconvénients. 11 faut qu’il puisse servir à liquider la dette immense de l’Etat, sans exception quelconque, et s’étendre jusqu’aux rentes viagères, ce qui réduira sur-le-champ les charges de la nation aux seules dépenses d’administration. Il faut que l’assignat serve à anéantir et à remplacer tous les papiers généralement quelconques qui circulent, provoquent l’agiotage à la bourse. 11 faut qu’il puisse établir la plus grande concurrence dans la vente des biens nationaux, favoriser leur plus grande division, entre les mains du plus grand nombre possible de citoyens les plus laborieux, ceux même sans propriété ; c’est le seul et l’unique moyen d’encourager, de régénérer l’agriculture et le commerce, d’anéantir la mendicité et la paresse. Il faut, pour que l’hypothèse ne soit point illusoire, que chaque assignat ou signe territorial, porte sur tel ou tel domaine dénommé, estimé aux deux tiers de la valeur réelle, par les municipalités de département. Il faut que le papier-monnaie qui sera adopté soit de nature à attirer dans la circulation une certaine masse d’argent et qu’il rende nul, entre les mains des capitalistes, spéculateurs avides, le numéraire caché ou enfoui. Il faut pouvoir assurer dans tout le royaume la solde des troupes, par une circulation suffisante et soutenue, pour tous les besoins journaliers et de détails. Il faut également assurer sur des hypothèques et non sur des impôts le sort du clergé et les dépenses relatives au culte. Il faut diriger les choses de manière que l’intérêt de l’argent ne puisse jamais surpasser celui des terres. 11 faut que ce papier-monnaie ait plusieurs points d’échappement, et qu’à une époque fixe il puisse rentrer, s'éteindre et prendre le niveau des besoins de la nation, aussi bien que l’argent. Voilà les bases et les principes sur lesquels il convient d’établir le choix d’un papier-monnaie qui doit toujours être un signe territorial. Toutes ces considérations nous confirment dans l’indispensable nécessité de former un plan de législation de finance économique, propre à accélérer et à consolider la Constitution. (2) Il n’est pas inutile d’observer ici la différence qui existe entre l’impôt et la contribution. (3) M. Heil, député d’Alsace, membre distingué du comité d’agriculture, aussi éclairé que citoyen vertueux, est en état de répandre les plus grandes lumières sur cette partie intéressante de l’économie rurale et de la police générale, lorsque l’auguste Assemblée voudra s’en occuper. Cet objet des subsistances est de même de la plus grande importance, et très instant. [22 juillet 1790.] la jonction de toutes les rivières navigables par l’ouverture des canaux de navigation et d’arrosement et leur confection ainsi que celles des grandes routes et chemins de communication; d’empêcher les inondations et débordements des eaux, de pratiquer tous les travaux relatifs au dessèchement des lacs, étangs, marais nuisibles, ainsi que les atterrissements le long de la mer et des rivières, causes ordinaires des épidémies, des épizooties qui ravagent les campagnes et les villes et très particulièrement dans les provinces méridionales. On parviendra ainsi, à favoriser l’exploitation d’une multitude de mines dont celles des charbons de terre, si utiles aux usines, abondent dans le royaume; ce qui ménagerait, économiserait nos bois dont la rareté et les prix augmentent sensiblement. Par la disposition de ces travaux indispensables, l’Assemblée nationale aura la douce satisfaction de mettre de suite les administrations de département à même d’occuper l’infinité de bras oisifs et des êtres robustes et laborieux qui sont dans l’indigence, et que le malheur des circonstances n’ont que trop multipliés au grand regret de l’humanité. Signé : Colmar. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHÀRD. Séance du jeudi 22 juillet 1790, au matin (I). La séance est ouverte à 9 beurea du matin. M. Regnaud (de Saint-Jean d'Angély ), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de (a séance d’hier. Ce procès-verbal est adopté. M. Mougins de Roquefort, député de la ville de Grasse, fait à l’Assemblée nationale, de la part de la dame Gabrielle de Tiiéon d’Isnard, citoyenne de la même ville, la remise d’un titre de rente, constituée sur les tailles, au capital de 592 livres, et de 102 livres 8 sous d’arrérages pour premier terme de sa contribution patriotique, abandonnant à la nation l’excédent de cette somme, sur le quart de ses revenus. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angêly), secrétaire, fait lecture d’uue note de M. le garde des sceaux, indicative de la sanction apposée par le roi aux décrets suivants : Le roi a sanctionné: « 1° Le décret de l’Assemblée nationale du 9 de ce mois, portant que le serment des experts qui seront nommés pour l’estimation des biens nationaux, sera prêté sans frais, par-devant les juges ordinaires ; « 2°. Le décret du même jour portant suppression des offices des jurés-priseurs ; « 3° Le décret du 10, portant que les biens des non-catholiques qui se trouvent encore entre les mains des fermiers de la régie aux biens des religionnaires, seront rendus aux héritiers successeurs desdits fugitifs ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.