[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1« octobre 1789.] 233 soit autorisé à discuter non-seulement la rédaction mais encore les dispositions. M. Barnave. Il n'y a pas lieu à délibérer sur : cette division avant l’établissement légal de la j sanction par la Constitution ; il n’est naturelle-/ ment qu’une chose à demander, l’acceptation : en : la sollicitant, on ne lève pas le voile religieux i que l’Assemblée a voulu jeter sur la question. ï M. de Cazalès prétend que la division est si peu contestable, qu’elle ne doit pas même être soumise à la délibération. M le Président. Le règlement établit qu’un membre a droit de demander la division, mais non qu’il peut la décider. L’Assemblée décide, à une très-grande majorité, que la division n’aura pas lieu. Elle adopte la rédaction de M. le comte de Mirabeau. La séance est levée à quatre heures. Séance du jeudi Ier octobre 1789, au soir (1). La séance a été ouverte par la lecture des adresses suivantes : �Adresse des habitants de la ville de Prade en Confiant, province de Roussillon, portant adhésion à tous les décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à ceux des 17 juin et 4 août derniers, ainsi que les assurances de dévouement, et du plus respectueux hommage aux représentants de la nation. Délibération des vingt-deux communautés formant le hégareau d’Oloron, par laquelle elles adhèrent aux décrets de l’Assemblée nationale et se réunissent à la ville d’Oloron, dont elles adoptent la délibération du 22 août dernier. Arrêté de la commune de Strasbourg, par lequel elle a résolu de dénoncer tousses capitaux actifs, pour en faire le versement dans le Trésor royal, en impositions de la présente année, dont il reste encore à recouvrer la somme de 292,547 livres, et offre de faire, en l’année prochaine 1790, ie service et la remise, toujours deux mois à l’avance, malgré les pertes considérables qu’elle a faites lors de l’insurrection désastreuse qui a eu lieu, et les sacrifices qu’ont exigés d’elle les circonstances, pour soutenir la taxe du pain et de la viande au-dessous de leurs prix réels. Mémoire présenté par les prévôt, jurés et échevins de la ville de Valenciennes, contenant des réclamations sur la suppression des dîmes. Adresse des religieux de l’abbaye du Bec-Hel-louin, ordre de Saint-Benoît, congrégation de Saint-Maur, portant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale concernant la suppression des dîmes, droits seigneuriaux et féodaux, et supplication de les faire participer au bienfait inestimable de la liberté, et de leur accorder un traitement proportionné à la valeur de leurs biens, et analogue à leur existence civile. Adresse des religieux bénédictins de l’abbave de Bonneval, province de Normandie, par laquelle ils représentent que le vœu le plus conforme aux dispositions de leur cœur, serait pour la conservation de leur corps ; ruais qu’ils offrent d’avance l’hommage de leur respectueuse soumission au décret d’une suppression absolue, si l’Assemblée nationale juge qu’une congrégation autrefois si utile à la religion et aux lettres, n’offre plus les mêmes avantages ; et en cas de suppression, ils réclament la liberté avec une honnête pension. A celte adresse est jointe une déclaration des religieux de l’abbaye de Saint-Sergelès-Angers, capitulairement assemblés, du 12 septembre dernier, par laquelle ils adhèrent à l’adresse présentée à l’Assemblée nationale par le prieuré et les religieux de l’abbaye de Saint-Bénigne de Dijon. Lecture faite des susdites adresses, un de MM. les trésoriers a lu, sur le registre tenu à ces fins, plusieurs dons patriotiques auxquels l’Assemblée nationale a répondu par des applaudissements réitérés. La discussion ayant été ouverte, d’après l’ordre du jour, sur la formation d'un comité militaire, il a été fait plusieurs motions relatives au même objet. M. de Wimpfen renouvelle sa motion du 12 septembre tendant à la nomination de ce comité composé de 12 membres pour s’occuper de l’armée et de sa constitution. Il pense qu’il est de la compétence exclusive de la nation de fixer l’armée, le nombre des soldats et des officiers, ainsi que leurs traitements; qu’il appartient à la nation de faire des lois fondamentales, d’après lesquelles les citoyens militaires doivent être régis. M. de Cazalès. L’armée n’est autre chose que la force de la nation confiée au monarque pour faire exécuter les lois et pour défendre le royaume contre les ennemis de l’Etat. L’organisation de l’armée doit appartenir d’une manière exclusive au pouvoir exécutif, car rien ne peut empêcher le Roi de prendre les mesures les plus convenables pour s’acquitter de sa charge. La nation doit seulement faire connaître au Roi le nombre des troupes nécessaires à sa sûreté et la somme destinée à leur entretien. M. de Toulongeon. Il est vrai que l’armée étant une fois établie ne doit point dépendre immédiatement du Corps législatif, mais de la puissance exécutive ; mais il n’est pas moins vrai que c’est à la puissance nationale à établir l’armée et à l’organiser. Le premier principe tend à empêcher le pouvoir législatif de devenir militaire, et le second empêche le pouvoir exécutif de devenir despotique. Tout d’ailleurs nécessite une Constitution politique et civile ; par là le citoyen deviendra militaire; par là la nation sera en sûreté au dedans et au dehors ; par là le Roi pourra faire exécuter la loi et ne pourra faire exécuter que la loi. M. de la Luzerne, évêque de Langres. Vous ne vous êtes pas encore occupés de la partie militaire, il est donc impossible d'assiguer des fonctions au comité ; je crains que cela ne mène à usurper sur le pouvoir exécutif. Les précautions du Corps législatif sont prises par le décret qui ordonne que les troupes prêteront serment en présence des officiers municipaux ; une autre précaution relative à l’emploi des finances nécessaires à leur entretien est établie par la comptabilité des ministres de chaque département. U ne vous reste donc qu’à fixer le nombre des troupes et la somme nécessaire pour leur (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 234 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 octobre 1789.] entretien ; et à cet égard un comité me paraît assez inutile; celui des finances suffit. M. le vicomte de Mirabeau. 11 est bien à craindre qu’en voulant que les troupes deviennent citoyennes on ne leur fasse perdre l’esprit qui leur est propre. M. Boutteville-Dumetz. On vous parle beaucoup de l’art de gouverner, mais l’art que nous ne devons pas oublier, c’est celui de consolider notre liberté. On vous a dit qu’il fallait marquer les bornes du pouvoir législatif et celles du pouvoir exécutif; cela seul vous indique qu’il faut vous occuper de la loi martiale ; si elle n’existe pas, elle existera, ou vous ne serez pas libres. On vous dit que vous devez vous borner à fixer la somme destinée à l’armée; mais il faut veiller plus particulièrement encore à son organisation. Quel est donc le principal objet d’une armée chez une nation, n’est-ce pas d’assurer au dedans l’exécution de la loi et au dehors la sûreté de l’empire? Ainsi la nation a des précautions à prendre pour que l’armée ne puisse jamais être employée à renverser la loi. M. le marquis d’.imbly. Afin de ne pas laisser oisif ce nouveau comité, il faudrait prier M. le ministre de la guerre de lui communiquer ses plans. M. de Cusline. Le ministre de la guerre a un plan tout prêt à être soumis à l'Assemblée, il n’attend pour cela que l’établissement du comité militaire. M. M., député du clergé. Il faudrait qu’on ne pût nommer pour ce comité que des personnes âgées de plus de quarante ans. M. Bureaux de Puzy. Gomme si le grand Gondé, qui gagnait des batailles à vingt ans, aurait été indigne d’être du comité militaire ! Gomme si le héros citoyen (Lafayette), qui a combattu si jeune pour la liberté de l’Amérique et qui est membre de l’Assemblée nationale, ne pourrait pas être élu commissaire! Gomme si, enfin, tout homme à qui la nation permet de s’asseoir parmi ses législateurs, n’était pas aussi propre à se placer parmi les commissaires d’une branche de législation! Combien de militaires qui, quoique d’un âge avancé, n’ont vu dans les camps que des tentes, des canons et des soldats, tandis que de jeunes militaires ont pénétré dans les secrets de l’art de la guerre et réfléchi sur ses rapports avec les lois politiques et civiles ! M. le comte Mathieu de Montmorency. Je me bornerai à répondre à ceux qui pourraient considérer un comité militaire comme inutile, que quand même il existerait une organisation militaire où les troupes seraient moins nombreuses, moins chères, plus heureuses, plus utiles, néanmoins un pareil intérêt ne pourrait être étranger à l’Assemblée nationale. Qu’est-ce donc quand tout est à créer? M. le Président consulte l’Assemblée sur la motion de M. le baron de Wimpfen. Il est décrété qu’il sera nommé un comité militaire de douze personnes chargé de se concerter avec le ministre de la guerre sur un plan de constitution militaire et en faire rapport à l’Assemblée. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. MOUNIER. Séance du vendredi 2 octobre 1789, au matin (1). La séance est ouverte par la lecture du procès-verbal des deux séances précédentes. M. le Président donne la parole au rapporteur du comité des finances chargé de la rédaction du projet de décret relatif au plan proposé par le premier ministre des finances. M. de Ijablache, au nom du comité, donne lecture du projet suivant (2) : L’Assemblée nationale, après avoir pris en considération le compte qui lui a été rendu par le premier ministre des finances, de la situation du Trésor public, des besoins ordinaires et extraordinaires de cette année et de l'année prochaine, pour fournir à toutes les dépenses courantes, et pour satisfaire à tous les engagements de l’Etat, Considérant que le premierobjetquidoit occuper l’Assemblée, est de rassurer les peuples sur la crainte de voir augmenter leurs charges, et les créanciers de l’Etat sur la fidélité avec laquelle tous les engagements seront désormais remplis, et que ces deux avantages résulteront nécessairement du parti qu’elle a pris d’anéantir, par des réductions sur les dépenses, ou par des bonifications de recettes, toute différence entre les recettes et les dépenses fixes; Ayant en conséquence pris la détermination positive d’opérer dès à présent, d’ici au premier janvier prochain, et préalablement à un travail plus approfondi, les réductions suivantes sur les dépenses, montant à 35,814,000 livres, Savoir : Sur la dépense du département de la guerre ..... ..... 20,000,000 livres. Sur celui des affaires étrangères. .................... 1,000,00 Sur la maison du Roi et des princes ses frères ......... . . 8,000,000 Sur les pensions, indépendamment des réductions ordonnées en 1788 ............ 6,000,000 La dépense entière des haras ................ . ..... 814,000 Total ...... .... 35,814,000 livres. Ayant de plus déterminé la cessation du payement de 2*500,000 livres par an, qui devaient être versés encore pendant plusieurs années dans la caisse du clergé, pour aider à ses remboursements ; Considérant en outre que les contributions établies à l’avenir sur les biens des privilégiés, et en remplacement de tous les abonnements particuliers des vingtièmes, mettront les provinces en état d’acquitter à la décharge du Trésor public, au moins 15 millions de dépenses ordinaires, défi) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Ce projet de décret, amendé dans le préambule et dans les articles 8, 10, 13, 18 et 21, a été adopté dans la séance du 6 octobre 1789.