444 [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [13 noyembre 1790.] partisans' les plus zélés du projet qui tend à replonger nos concitoyens dans les chaînes avilissantes du fisc. Cetteobservation est importante, et je ne crois nullement nécessaire de vous en présenter toutes les sinistres conséquences. Renversez ces odieux projets, détruisez ces coupables espérances. Que la liberté ri çorve aujourd’hui de ses amis un nouvel hommage, que le peuple obtienne ce nouveau bienfait. Je demande donc formellement la libre culture du tabac dans le royaume, avec la libre importation des feuilles étrangères, et le renvoi aux comités du commerce et d’agriculture, pour comprendre dans le tarif le droit dont il serait convenable de grever les feuilles à leur entrée, -pourvu que ce ne soit pas au-dessus de 30 à 35 livres par quintal. (On applaudit.) M. IÂauffmann, député d’Alsace , présente une opinion dans le même sens que le préopinant, et conclut à la liberté absolue de la -culture et de la fabrication du tabac. M. Pétion monte à la tribune. — Les mouvements du côté droit empêchent d’entendre sou discours, que M. Duval interrompt pour demander la parole. (On réclame l’ordre du jour.) M. Du val d’Lprésaesnil . Je commence par témoigner ma reconnaissance à ceux qui -respectent assez Ja justice et l'humanité pour permettre que l'opinion soit interrompue. (Il s’élève quelques murmures.) Il est digne en effet de ceux qui respectent Ja justice et l’humanité... (On demande l’ordre du jour.) Tout le monde est instruit de ce qui s’est passé hier entre M. Charles de Lameth et M.deCastries.(On demande de nouveau l’ordre du jour.) J’ai demandé la parole pour annoncer que ia maison de M. le duc de Oastries ..... (On rappelle l opinant à l’ordre.) La foule entoure .la maison 4e M. de Castrics, dans laquelle il parait .que l’on a pénétré: en dit que l’on en jette les meu'b es par la fenêtre. (Les tribunes applaudissent. — La partie gauche et la partie droite imposent silence aux tribunes . — Les membres de cette dernière partie s’élancent au milieu de la salle et restent longtemps dans une grande agitation.) M. le Président. Je rappelle aux tribunes... M. de Murinais. Les membres de l’Assemblée ' ont donné l 'exempte des applaudissements. (On entend répéter dans une grande partie de VAssemblée : C’est faux... c’est un mensonge... c’est une calomnie!...) M. le Président. Ce qui vient de se passer est très indécent .; l’Assemblée le blâme formellement. Si les tribunes recommencent, on donnera les ordres les plus sévères. M. l’abbé Maury. Je crois de mon devoir de rendre compte de ce qui vient de m’être affirmé par trois témoins oculaires. La maison de M. de Castries est environnée, les uns disent par quarante mille hommes, les autres par deux cent mille. (Il s'élève des murmures.) Je ne peux pas déterminer le nombre, mais il est assez important pour mériter l’attention de l’Assemblée nationale, dont l’autorité seule sera respectée et peut ramener ce peuple qu’on égare. Ûn attend dans la rue de Varennes un officier municipal avec son écharpe ; mais il n’approchera pas sans crainte. La brave garde nationale, qui veille avec tant de courage à la sûreté des citoyens, ne peut rien; elle a été repoussée : on a dit que, s’il y avait un coup de fusil tiré, la tête du commandant général en répondrait. Nous voilà doncf orcés à invoquer la loi que les représentants de la nation ont portée avec solennité. Je demande que l’Assemblée nationale, venant au secoursde la municipalité et delagarâe nationale, rende undécretqui défende à tous les citoyens de s’attrouper, sous peine d’être poursuivis comme criminels de lèse-nation. Je ne demande le châtiment de personne; j’invoque au contraire votre toute-puissance pour prévenir des crimes aussi fâcheux à voir commettre qu’il serait douloureux de les punir. Je demande un décret dont la force suprême trouvera le peuple sans résistance, et je propose de décider que l’Assemblée ne désemparera pas que l’attroupement ne soiit dissipé. Il faut conjurer l’orage, il faut un remède prompt : le salut de ll’Lmpire en dépend... M. ISaco de La Chapelle. Il faut aussi défendre les armes à la tribune. M. l’abbé Maury est la première cause de ce qui se passe ; je le dénonce. M. Fa bhé Maury. A Dieu ne plaise qu’aucun intérêt personnel me dirige... Je ne veux pas répondre au préopinant, je ne l’ai pas enteudu ; de plus grands intérêts m’occupent. Je l’invite à parler demain ou après le décret. M.Dnrand-MaiHan. Quelque parti que prenne l’Assembléé nationale , je ne puis improuver les motifs du préopinant. Cependant deux grandes considérations doivent vous déterminer à un examen réfléchi : 1° Vous avez décrété solennellement la loi martiale ; vous avez remis toutes les forces nécessaires entre les mains de la municipalité; 2° il s’agit d’un duel dont personne n’ignore les circonstances : je demande qu'on emploie toute ia rigueur des lois existantes contre ceux qui provoquent en duel des membres de l’Assemblée nationale ; mais il convient que vous ne preniez pas de semblables délibérations dans l’émotion où vous êtes. M. l’abbé Maury. J’apprends que l’ordre est rétabli. (On applaudit, et on entend au milieu des applaudissements ces mots ; C’était donc un piège que vous nous tendiez ?) M. le Président. Le peuple s’était emparé de la maison ; il en est sorti, et tout est calme en ce moment. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. C BASSET. Séance du .samedi 13 novembre 1790, au s.oir (i). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les Monétaires fait un énoncé des adresses ainsi qu’il suit : (1) Cette séouce est imeamplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 novembre 1790.] Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la société des amis de la Constitution du Buxy, district de Chalon-sur-Saône : elle supplie l'Assemblée, par les motifs les plus pressants, d’organiser au plus tôt les gardes nationales. Adresse des administrateurs du département de l’Aisne, du département de la Charente., et du département de J Isère, qui consacrent leur première séance à féliciter l’Assemblée nationale de ses glorieux travaux, et à l’assurer de leur dévouement sans bornes pour maintenir l’exécu-tiotn de tous ses décrets. Adresse du conseil général de la commune de Soissons; il sollicite l’établissement d’un collège national dans cette ville. Délibération du directoire du district de No-vod, par laquelle il supplie l’Assemblée de comprendre dans l’administration de la France, le peuple Avignonais, de conformité à son vœu. Adresse des habitants de i’Ile Bourbon, qui présentent à l’Assemblée nationale, dans les termes les plus énergiques, l’hommage de leur respectueuse reconnaissance et de leur parfaite adhésion à tous ses décrets, notamment à celui du 8 mars dernier, relatif aux colonies : ils annoncent que leurs députés se rendront incessamment dans la métropole pour remettre sous les yenxde l’Assemblée l’état actuel decette colonie, ses ressources comme ses besoins, et son vœu pour une Constitution qui puisse opérer sa prospérité et laire jouir ses habitants des droits précieux de citoyens. Le sieur Dagobert, admis à, la barre, fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage de sa composition, sur le militaire, et prononce le discours suivant : « Monsieur le Président, je viens faire hommage à l'Assemblée nationale d’un ouvrage militaire, depuis longtemps inspiré par cet amour de ta patrie, qui électrise aujourd’hui tous les bons français. Pourrait-on ne pas faire des voeux pour la gloire et la prospérité de la nation? L’une et l’autre tiennent aux progrès de la science militaire. Les Grecs et les Romains ne devinrent si fameux et si redoutables, que par leurs savantes -ordonnances . Si nous avons eu à gémir du malheur de nos armes, ce n’est pas que le Français le cède en valeur à aucun peuple de la terre, mais ç’a été faute d’avoir eu une ordonnance analogue au caractère national. L’étude et l’expérience de bientôt (quarante ans de service, m’ont amené à croire que l'ordonnance qui nous convient, peut être celle que je présente dans la nouvelle méthode d'ordonner l'infanterie pour le choc et contre la cavaleries cette méthode est combinée d’après les ordonnances grecques et romaines, pour être particulièrement l’ordonnance des français. Pendant que deux légions romaines, à la bataille de Tri nie, percent la ligne carthaginoise, et se retire sous Plaisance, des Français qui ne l’auraient cédé ni aux Grecs ni aux Romains, 26 bataillons et 14 escadrons mettant bas les armes à Bleinhem, ces braves français, qui brû èrent leurs drapeaux, n’auraient pas éprouvé cette honteuse défaite s’ils avaient connu l’ordonnance que je propose; par die ils auraient fait usage de l’attaque impétueuse qui valut tant de victoires à nos pères. Courir à l’ennemi, le joindre à la baïonnette, voilà le génie de la nation; voila le chemin de la victoire.» Je supplie l’Assemblée nationale d’agréer en don patriotique le produit de cet ouvrage. » 4i3 M. le Président répond : « L’Assemblée nationale, dans ses importants travaux, a cru devoir donner à l’armée des lois dignes des Français : vous venez lui offrir comme un hommage de reconnaissance les veilles du talent et les fruits de vos connaissances dans le grand art de la guerre. L’Assemblée ne peut que bien accueillir votre offrande. Si elle eût pu connaître votre ouvrage, elle m’aurait sûrement chargé d’en faire remarquer l’utilité. « Dans le peu que j’en ai parcouru, je n’y ai trouvé que des principes dignes du guerrier citoyen. J’ai admiré surtout cette belle sentence, que, sans prononcer sur les devoirs de l’honneur, on ne peut approcher , dites-vous, du temple de Vhonneur que par des sentiments élevés et délicats. Pour entrer dans ce temple , il faut être sans tache. Que vous avez bien caractérisé les .guerriers français ! Ges paroles seront un jour, sans doute, inscrites sur les murs des salles d’étude et d’exercice. Cette récompense sera belle,; elle sera digne de celui qui a énoncé cette idée-L’Assemblée reçoit avec beaucoup de saiisfaciion votre offrande ; elle vous permet d’assister à sa séance.» L’insertion, une mention honorable dans le procès-verbal et l’impression de ce discours soot demandées et décrétées.) Une députation du régiment de Lauzun , hussards, est admise à la barre, et prononce un discours tendant à prouver à l’Assemblée nationale que ce régiment n’a pris aucune part aux exuès commis à Belfort le 21 octobre dernier. Ce discours est ainsi conçu : « Messieurs, les officiers du régiment de Lau-zun, hussards, profondément affligés des inculpations présentées contre eux à l’Assemblée nationale, viennent mettre sous vos yeux les témoignages de respect et de dévouement dont ils n’ont jamais cessé et dont ils ne cesseront d’être pénétrés pour vous. Iis ont juré de maintenir et de défendre la Constitution ,; ils sont prêts à verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour remplir leurs serments. « Presque tous les officiers du régiment deLau-zun prouveront, parles citoyens de Belfort, qu’ils n’ont point participé,, ni assisté aux scènes scandaleuses .qui s’y sont passées ; du moment qu’ifs en ont été instruits, jaloux de l’honneur d’un corps qui, né du sein de la liberté, a su l’apprécier et la chérir, ils se sont empressés de les désavouer, et leur premiersoin a été de s’adresser au directoire du département du Haut-Rhin, pour lui demander de nommer des juges pour en poursuivre les auteurs. L’Assemblée nationale, en ordonnant une information, a prévenu leur demande et rempli leurs vœux. C’est de cette prudence qu’ils attendent leur justification, et c’est dans la justice de cette auguste Assemblée qu’ils mettent leurs espérances. « Signé : Drouhot, Krlmaine, Dutertre, Hell, Dehuvé, Pichon, Joignisde Martinville, Fonde!, Drouhot fils, Naasouty, Salomon et Sir-jacques*- M. le Président répond : « L’Assemblée nationale voit avec satisfaction que le régiment de Laozun s’est empressé de donner des témoignages authentiques de son respect et de sa soumission pour ses décrets ; elle ne doute pas qu’un corps qui a déjà bien servi la liberté ne se consacre entièrement à sa défense et ne l’ait vu troubler avec la plus profonde douleur