339 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 novembre 1790.) mente une lettre conçue à peu près en ces termes : * Je suis informé qu’il se fait des exportations de fourrages sur les pays voisins. Comme la France peut se trouver forcée d’en rassembler sur ses frontières, cette démarche mérite beaucoup d’attention. J’ai bien ordre d’employer la force pour arrêter celle des blés, mais non pas celle des fourrages. C’est à vous à examiner si vous ne devez pas en référer, à ce sujet, à l’Assemblée nationale. Si le mal vous paraissait pressant, je prendrais, sur votre réquisition, les mesures nécessaires. » Les directoires de département ont en conséquence écrit à l’Assemblée nationale, et en attendant ils ont arrêté d’étendre la prohibition de l’exportation aux fourrages et avoines. Vos comités ont pensé que c’était le cas de confirmer provisoirement leurs mesures. On fait valoir l’intérêt des vendeurs, qui se lie avec celui des départements. On dit que ces ventes procuraient la facilité de payer les impôts et favorisaient l'agriculture. On dit que le Corps législatif doit envisager surtout l’exécution des traités dont l’effet va se trouver annulé. L’attente d’une nation voisine va être trompée, et on va inquiéter sans objet le peuple des frontières. Tels sont les motifs que l’on oppose aux décisions provisoires des départements. Voici ceux par lesquels on les combat. Il est nécessaire de soutenir le zèle des corps administratifs sur les frontières. Vous vous rappelez les sages mesures qu’ils ont prises na-guères pour arrêter l’exportation des blés. Les règlements sont invoqués et ils ne sont pas encore abrogés. On regarde comme partie de la force militaire les denrées nécessaires pour les grands rassemblements de troupes. La démarche des départements a été provoquée par la lettre de M. de Bouillé. Si tel était le devoir du commandant, il était aussi du devoir des départements de correspondre à son zèle. Ils n’auraient as été provoqués qu’ils auraient dû le faire. ous vous rappelez que lorsque M. de Bouillé, obéissant aux ordres du roi, requit les municipalités de laisser passer les troupes autrichiennes, tous les corps tirent entendre un cri d’mdigna-tion : le pays n’était pas en état de défense; les canons n’étaient pus sur les remparts ; les arsenaux pouvaient être surpris. L’Assemblée applaudit à leurs mesures et les confirma. 11 est de notre devoir de le dire, M. de Bouillé prévoit la possibilité d’un armement nécessaire et d’un rassemblement de troupes sur les frontières. Il y a trois mois, le ministre de la guerre a écrit à l’Assemblée pour la prier d’engager les municipalités à ne pas s’opposer au passage des troupes de ligne sur les frontières ; et, pendant deux mois, nous n’avons pu savoir que le nom d’un seul régiment qui avait quitté la ci-devant province de Normandie pour se rendre dans la ci-devant province d’Alsace. Le ministre qui, il y a trois mois, nous demandait un rassemblement de troupes, vient de nous faire part qu’il n’y a dans le royaume que cent vingt-trois mille hommes effectifs. Nous sommes bien loin de regretter ces temps trop célèbres où nous avons payé si cher la gloire des lauriers cueillis pendant quelques campagnes; où l’orgueil et la flatterie qui environnaient le trône de Louis XIV lui avaient fait mettre sur pied trois ceut quatre-vingt mille hommes de terre et quatre-vingt-dix-sept mille hommes de mer : mais aujourd’hui, au lieu de places fortes, vous n’avez plus que des brèches et des murs qui s’écroulent en mille endroits. Songez que depuis la paix de 1783 il en a coûté 15 millions par an pour le département de la guerre, et qu’aujourd’hui ce n’est pas le ministre de la guerre, mais un homme qui achève sa première tournée, qui vous avertit du désordre qu’il aperçoit. Vos grains nourriront les chevaux étrangers, et vous achèterez vos fourrages le double de ce que vous les aurez vendus. Eu 1787, sous le prétexte d’un rassemblement de troupes destinées à donuer à la France un maintien respectable, on fit une dépense de 35 millions, les uns disent 40 et même 50, uniquement pour nourrir des cavaliers qui n’étaient pas daDS le lieu du rassemblement, et qui ne s’v sont jamais rendus. Si les craintes de M. de Bouillé se réalisaient, après avoir vendu votre fourrage 8 sous, vous ie rachèteriez 18 et 20. Voilà ce que vos comités vous dénoncent ; et voyez si c’est avec quelque justice qu’ils ont manifesté le désir de voir le gouvernement confié à des mains plus expertes et plus sûres ! (On applaudit.) Nous nous étions flattés que les colonnes autrichiennes avaient reçu ordre de s’arrêter ; mais un billet de M. de Montmorin vient de faire évanouir cet espoir : il est ainsi conçu : « Je n’ai aucune notion que les colonnes des troupes autrichiennes aient reçu ordre de s’arrêter. Tout ce que je sais, c’est que l’empereur vient de faire publier un manifeste par lequel il n’accorde que trois semaines aux provinces belges pour rentrer sous sa domination. Ce manifeste a été fait d’accord avec l’Allemagne, la Hollande et la Prusse. Les Belges ont demandé la médiation de la France ; cette proposition a été fortement repoussée par les trois puissances. La soumission des Belges devient indubitable. Les circonstances n’exigent-elles pas que vous ayez sur les frontières un corps de troupes respectable, ne fût-ce que pour en imposer? » Il a été impossible de détacher ces considérations du rapport que j’ai été chargé de vous faire. Je vous prie de les peser avecgrande attention. Les comités réunis des rapports et diplomatique vous proposent de décréter: 1° que l’Assemblée nationale approuve les mesures prises par les départements de la Meurthe et de la Meuse ; 2° qu’elle fait défense d’exporter à l’étranger aucun fourrage ou avoine, ou autres denrees de même nature; 3° que le roi sera supplié de donner des ordres nécessaires à cet effet, etquele président se retirera dans le jour parde-vers le roi pour le prier de donner sa sanction au présent décret. Il est impossible de rien ajouter au dédain avec lequel les Français sont traités dans les cours étrangères. Nos ennemis font tous leurs efforts pour dépriser ie succès et les motifs de notre Révolution. Leux qui ont quelque correspondance, soit à Naples, soit à Madrid, doivent être parfaitement instruits de ces intrigues. M. Volfius. Il faut rappeler les ambassadeurs. M. de Mirabeau. Je n’ai pas demandé la parole pour inlirmer le décret qui vous est présenté. Il nous a paru qu’il était sage de déférer aux inquiétudes et aux demandes des départements; mais je n’entends pas comment ces inquiétudes ont pu nous conduire au tableau de la situation politique de l’Europe. Ce que j’ai voulu dire, c’est que le comité diplomatique, en adoptant le décret, était loin d’adopter le rapport. Nous n’avons aucune inquiétude, bieu qu’il ne soit pas inutile de prendre 340 [Assemblée nationale.} des dispositions de police assorties aux circonstances. Notre collègue sait bien qu’en se chargeant de présenter un projet de décret relatif à l’exportation des fourrages, il ne nous a pas dit que son rapport embrasserait le tableau de notre situation politique. Je ne puis que louer ses intentions et son zèle; mais le comité diplomatique ne peut pas adopter un rapport qu’il ne connaissait pas, qu’il n’avait pas entendu : tel est le seul motif qui m’a fait prendre la parole. M. d’Ambly. Si l’on empêche l’exportation de l’avoine et des fourrages, les départements qui les fournissaient ne pourront plus payer les impôts. M. Fréteau. Vos comités ont pensé qu’il était possible qu’on accordât une indemnité aux départements, s’il était nécessaire. M. d’André. Le comité diplomatique avait chargé un de ses membres (M.de Menou) d’examiner la disposition des troupes, et il nous a rapporté qu’elles étaient le mieux possible. M. Rewbell. M. de Menou est mal instruit. M. Charles de Lameth. Je ne m’oppose pas à ce qu’on mette aux voix le décret qui vous est présenté ; mais j’ai un souvenir à vous rappeler : je demande que M. le président, en se retirant pardevers le roi, s’informe si le décret relatif à la fabrication des armes, pour les citoyens qui ont le droit et le désir d’en porter, a été exécuté. Si le ministre y a mis le zèle qu’on attendait de son patriotisme, il doit y avoir beaucoup de fusils et de baïonnettes fabriqués ; mais il a été dénoncé à plusieurs bons citoyens que les magasins à poudre étaient dans le plus mauvais état. On n’ignore pas partout que c’est quand on en a qu’on n’a pas besoin de s’en servir. M. Barnave. La motion deM. de Lameth est très atriotique, mais elle est contradictoire avec le écret qui ordonne au comité militaire de rendre compte, dans la huitaine, de l’état de la fabrication d’armes que vous avez ordonnée. L’Assemblée adopte à l’unanimité le décret présenté en ces termes par M. Fréteau : « L’Assemblée nationale décrète que son président sera chargé d’écrire aux assemblées administratives des départements de la Meurthe, de la Meuse et des Ardennes, pour leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée, du zèle qu’ils ont marqué dans ces circonstances ; l'Assemblée nationale confirme les défenses provisoires faites par les directoires de département, concernant l’extraction des grains, avoines et fourrages, des frontières du royaume ; ordonne que le roi sera prié de sanctionner incessamment le présent décret et d’envoyer toutes proclamations nécessaires pour son exécution. M. le Président donne lecture de la lettre suivante du chef des bureaux de la guerre : Paris le 9 novembre. Monsieur le Président, J’ai ouvert la lettre que M. de Bouillé a écrite àM. de La Tour-du-Pin pour l’informer de l’évasion de MM. de La Tour et de Grünstein, officiers de Royal-Liégeois. Le roi ayant accepté hier la démission de ce ministre, je m'empresse de vous envoyer une copie de cette dépêche. Je suis avec respect, etc. Bessierks . 19 novembre 1T90.] Lettre deM. de Bouillé à M . de La Tour-du-Pin. « Monsieur, la lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire le 3 de ce mois, à 10 heures du soir, vous a informé des arrangements que je venais de prendre, d’après les ordres du roi et les vôtres, pour l’arrestation de M. de La Tour, colonel, et de M. de Grünstein, major de Royal-Liégeois, ainsi que du sieur Châlons, aide-mafor de là ville de Belfort. Je viens de recevoir deM. Van Helden, premier capitaine de Royal-Liégeois, une lettre datée du 3, par laquelle il me mande que MM. de La Tour et de Grünstein, rompant leurs arrêts, se sont enfuis de Bitche. Il ajoute qu’il leur est arrivé un courrier qui leur a sans doute été dépêché de Paris par quelques-uns de leurs amis, au moment où le décret de l’Assemblée nationale a pu être connu dans le public; ce décret est daté du 30 octobre. M. deTernan, qui me l’apportait avec les ordres du roi, datés du 31, me les a remis le 3 à cinq heures du soir; ainsi le courrier arrivait à Bitche en même temps que M. de Ter-' nan à Metz; et MM. de La Tour et de Grünstein, s’enfuyaient au moment où je faisais partir, avec la plus grande diligence, l’officier de la maréchaussée chargé de les arrêter. Ce rapprochement de dates et de circonstances vous prouvera que l’évasion de ces officiers ne peut être imputée à personne. « Je viens d’envoyer une ordonnance de maréchaussée à Belfort pour enjoindre que le sieur Châlons, aide-major de la place, qui d’après vos ordres devait être mené à Bitche pour s’y réunir aux sieur de La Tour et de Grünstein et les accompagner à Paris, y soit conduit directement sous l’escorte que vous avez prescrite. Je D’ai pas encore de nouvelles de l’arrestation de cet officier. « Je suis, etc. Bouillé. » La députation des électeurs présumés du département de Paris est admise à la barre : elle supplie l’Assemblée de vouloir bien ordonner que les six divisions des électeurs se réuniront en commun pour vérifier leur pouvoir et remplir les fonctions qui leur sont attribuées par la Constitution. M. le Président répond que l’Assemblée s’occupera de cette pétition. L’Assemblée décide que le rapport en sera fait demain à deux heures (1). (La séance est levée à trois heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHASSET. Séance du mardi 9 novembre 1790, au soir (2). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. M. d’Elbecq, secrétaire , donne lecture des adresses suivantes : Adresse de la société des amis de la Conslitu-(1) Voir ce rapport p. 352. (2) Cette séance est incomplète au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.