268 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juillet 1789.] et Meulan, qui annoncent l’établissement de leurs gardes bourgeoises ; des déclarations de la noblesse du bailliage deGien et du comté de Mâ-connois, qui donnent aux pouvoirs de leurs députés une extension illimitée. M. Gouttes, curé d’Argilliers, a fait le rapport de la députation de M. le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, pour le bailliage d’IIague-nau et de celle de M. l’abbé Boug, nommé sou suppléant. M. Gouttes. Messieurs, M. le cardinal de Rohan, nommé d’abord par acclamation par tous les membres du clergé du bailliage d’Haguenau, est ensuite élu par la voie régulière du scrutin. Le lieutenant général du bailliage lui apprend son élection ; il répond en ces termes : Ma santé ne me permet pas d’accepter, les gens de l’art ne m’en font pas espérer une meilleure de plusieurs mois ; je ne renonce pas cependant à aller aux Etats généraux. M. l’abbé Boug, nommé son suppléant, consulte M. le garde des sceaux, qui répond, le 24 mai, que la lettre de M. de Rohan contient un refus exprès; qu’un député absent et qui ne peut pas se rendre doit être remplacé par son suppléant, sans qu’il puisse jamais plus faire valoir les droits de son élection. M. le cardinal est instruit de la réponse de M. le garde des sceaux. Il' était à Saverne, où il s’empresse de consigner devant un notaire sa protestation contre cette décision ; et il fait connaître son intention d’aller aux Etats généraux, lorsque les causes qui l’en empêchent auront cessé. Un règlement du 3 mai avait décidé qu’un suppléant ne serait admis à remplacer un député que dans le cas de mort de celui-ci, ou d’une démission formelle. M. le cardinal n’a point donné sa démission ; il est vrai qu’il n’a pas accepté expressément, mais' il s’est réservé la faculté d’aller aux Etats généraux, lorsque la maladie, qui tenait plutôt à des causes politiques que physiques, lui permettrait de so rendre à son poste. M. le rapporteur dit que la majorité des membres du comité est d’avis qu’il faut écrire à M. le cardinal, pour savoir s’il accepte ou s’il refuse la députation. M. l’abbé Boug défend lui-même sa cause dans un discours assez long. M. ***. La loi doit être une barrière insurmontable, et rien ne peut et ne doit autoriser à la franchir. 11 faut donc que désormais chaque ministre soit responsable, non-seulement des maux qu’il fait, mais encore de la suspension du bien qu’il empêche de faire aux autres, et toute tyrannie doit être marquée au sceau de la réprobation. Trop longtemps le cardinal de Rohan a gémi sous le glaive du despotisme ; il est temps de briser les chaînes d’un prélat qui brûle de partager avec vous les pénibles fonctions de votre sacré ministère, et de contribuer par ses efforts à la régénération du royaume et au grand œuvre de la constitution. En vain M. Boug a-t-il prétendu qu’il ne s’agissait, dans les articles du règlement, que de ceux qui avaient déjà exercé la députation. Un mandataire, a-t-il dit, n’est censé mandataire que lorsqu’il est chargé de mandais; un député ne doit conséquemment être réputé tel que lorsqu’il a exercé la députation. Get argument, tout spécieux qu’il est, ne peut arrêter l’Assemblée. Un membre de la noblesse combat vivement les prétentions de M. l’abbé Boug. 11 fait ce dilemme: M. le cardinal a accepté ou non accepté. Dans ces deux cas, les prétentions du suppléant sont mal fondées. S’il a accepté, pourquoi M. Boug vient-il se présenter? S’il ne l’a pas fait, si sa non-acceptation était commandée, donc ce refus n’en est pas un. Le droit du garde des sceaux est absolument nul ; il n’avait pas droit de prononcer sur une pareille question. On remarque que la cause de M. le cardinal trouve de nombreux partisans parmi les députés des communes, qui le considèrent comme une victime de la tyrannie. Ils observent que son silence même ne peut être interprété ; qu’il faudrait, delà part de ses commettants, une acceptation formelle de son refus ; qu’il a bien soin d’agir ainsi, puisqu’il a protesté légalement contre l’injustice qu’on lui faisait de le priver d’un droit qu’il ne devait qu’au choix de son clergé pour le représenter aux Etats et stipuler des intérêts. Ges observations ne sont pas également goûtées des membres delà noblesse et du haut clergé. — Au moins remarque-t-on qu’ils craignent d’énoncer un avis contraire aux sentiments de la cour. Un grand nombre des premiers quittent les gradins pour ne pas délibérer. M. Iflébrard. On a conclu que M. le cardinal n’ayant point accepté, il y avait un refus formel. Rétorquez l’argument : il a été forcé de ne pas accepter; donc cette espèce de refus est une vraie acceptation. Il a consigné l’acte de son acceptation par sa réclamation entre les mains du président de son ordre, La déclaration de M. le cardinal, de ne point renoncer à la faculté d’entrer aux Etats généraux, milite contre les prétentions du suppléant et contre ses procédés. Jamais une maladie n’a exclu un homme des droits librement acquis par le vœu de ses commettants à les représenter aux Etals généraux et à y stipuler leurs intérêts ; c’est vouloir pervertir les intentions des commettants, et dire qu’ils n’ont pas voulu ce qu’ils ont voté; c’est une absurdité énorme. Je conclus donc que, ni M. le lieutenant général, ni le suppléant, ni le garde des sceaux, ne pouvaient aller contre le vœu du clergé d’Alsace. M. de Montmorency dit qu’il est chargé par ses commettants de réclamer contre la lettre d’exil qui retient M. le cardinal. Il pense qu’un pareil ordre ne peut pas empêcher un député de se rendre à une Assemblée libre. M. Le Belletier de Saint-Fargean conclut pour l’admission de M. de Rohan, attendu qu’il n’a pas refusé formellement. Je m’applaudis, ajoute-t-il, d’avoir opiué deux fois pour le soustraire aux vexations du pouvoir arbitraire. M. l’abbé d’Eymar (1 ). Messieurs, ce n’est point l’acte de députation qu’on attaque, lorsqu’on (1) Le discours de M. l’abbé d’Eymar n’a pas ëlé inséré au Moniteur.