[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791 J. 093 tabilité des directeurs des monnaies, et de suivre la rentrée de leurs débets. Il fera de plus parvenir, dans le plus court délai possible, à chacun de ces directeurs, un extrait dudit procès-verbal, contenant l’article du jugement de leur travail, afin qu’ils aient à s’y conformer. » Un membre propose en outre de charger le comité des monnaies de se concerter avec les rédacteurs du code pénal pour statuer sur l’excédent des fautes que pourraient commettre les directeurs des monnaies dans la fabrication dont ils sont chargés. (Cette motion est décrétée.) M. le Président lève la séance à dix heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU SAMEDI 21 MAI 1791* AU SOIR. Deuxième rapport du comité militaire sur les invalides pensionnés , les soldes , demi-soldes , récompenses militaires , les compagnies détachées; et sur V administration de l'hôtel, par M. Du-bols-Crancé (1). — (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Avant-propos. — * Le mémoire qu’on va lire était la suite nécessaire des décrets rendus le 24 mars 1791 sur l’hôtel des Invalides et son administration (2). Ce mémoire était prêt dès le 6 avril suivant, et j’ai proposé alors au comité militaire d’en enten t re la lecture pour obtenir qu’il fût placé à l’ordre du jour. Différentes circonstances ont retardé jusqu’à ce moment-ci la discussion d’un travail qui cependant intéressait vivement l’Assemblée, puisque d'une part les fonds applicables à l’entretien des invalides ne sont pas encore déterminés, et que de l’autre il s’agissait de tranquilliser sur leur, sort 27,000 vétérans, qui ont bien mérité de la patrie. Ne pouvant plus espérer de faire mon rapport, j’ai pris les ordres du comité militaire pour le faire imprimer tant pour me justifier de la négligence dont on m’accusait très faussement, que pour fixer à l’ouverture de la session prochaine l’attention de la nouvelle législature sur un objet qui sera pour elle, comme pour moi, du plus grand intérêt. Je profite de cette occasion pour engager la première législature à ne point établir de comité central exclusivement chargé de classer les rapports à faire à l’Assemblée, mais d’ordonner qu’il sera journellement affiché un tableau sur lequel M. le Président fera inscrire les rapports à mesure que ceux qui en seront chargés les présenteront, afin qu’ils arrivent à tour de rôle à l’ordre du jour, à moins que dans des circonstances impérieuses l’Assemblée elle-même ne juge convenable d’en appeler de préférence, et d’intervertir pour cette fois l’ordre du tableau. Signé : Dubois DE Crancé. (1) Voy. Archives parlementaires, t. XXIII, séance du 13 février 1791, p. 158, le 1er rapport du comité. (2) Voy. Archives parlementaires, tome XXIV, séance du 24 mars 1791, pages 309 et suiv. Messieurs, L’Assemblée nationale a décrété le 24 mars dernier: l°que l’hôtel des Invalides serait conservé m sous la condition expresse qu’il n’y serait plus reçu à l’avenir que des militaires estropies à la guerre on caducs, et qui justifieront qu’ils ont besoin de l’hôtel pour subsister. 2° Elle a supprimé l’état-major de cet hôtel. 3° L’Assemblée a ordonné que le comité militaire lui présenterait des bases d’organisation d’une nouvelle administration, ainsi que des vues sur l’utilité des compagnies d’invalides détachées : entiu, pour compléter celte partie de son travail, votre comité doit fixer votre attention sur Je sort de 24,000 vétérans, répandus dans le, royaume avec des traitements différents, et des droits plus ou moins rapprochés pour venir achever leur carrière à l’hôtel des Invalides. La conservation de cet hospice militaire est un hommage que vous avez cru, Messieurs, devoir1 rendre à la mémoire de Louis XIV, et surtout à l’humanité, en faveur des vétérans de l’armée française. Vous avez envisagé les droits des invalides sur l’hôtel comme une propriété consacrées la fois par deux grands motifs : le courage et l’infortune. Pour remplir votre intention, et vous présenter de nouvelles bases d’administration, votre comité a dû considérer d’abord ce que serait à l’avenir l’hôtel des Invalides d’après votre décret sur sa conservation, comparé aux probabilités résultant de vos décrets sur les pensions militaires., Il n’a pu se dissimuler, d’après de nouvelles réflexions, que cet établissement sera beaucoup moinsimportant, et s’anéantira vraisemblablement de lui-même dans un espace de terri p3 plus ou1 moins rapide; mais, dans ce cas, l’événement sera la preuve la plus évidente de votre sagesse. ' En effet, Messieurs, d’après les principes de justice et de bienfaisance qui ont dicté vos décrets sur les récompenses militaires, tout soldat estropié à la guerre obtiendra le maximum de la retraite de son grade ; de sorte que, s’il est sous-officier, il aura 300 1. 10 s.; et s’il n’est que simple soldat, quelle que soit la brièveté de ses services, il ne peut lui appartenir moins de 227 1. 10 s. de pension; enfin, pour ne rien atténuer des réflexions que présentent toutes les gradations que vous avez établies, üri1 soldat qui se retirera à 30 ans de servicè, encore simple soldat, sans avoir fait aucune campagne de terre ou de mer (et ces deux Càs réunis seront très rares), ne peut obtenir moins de 50 écus de pension de retraite. Jusqu’à cette époque de 30 ans de service, il n’appartient ri en au militaire à titre de récompense pécuniaire; et l’esprit de votre décret l’autoris,é-ruit encore moins à réclamer l’hôtel des Invalides, qui n’est destiné qu’à ceux qui, caducs ou estropiés à la guerre, préféreraient cette retraite aux pensions qui leur appartiendraient. D’après c s bases, il est facile de prévoir qu’à l’avenir, avec des traitements si avantageux, là très grande majorité des soldats préférera une vie libre et commode au milieu de ses concitoyens, à un établissement qui, quelle quVn soit la magnificence, quelque améliorée que vous en supposiez l’administration, aura toujours l’inconvénient de la gêne de la multitude et de l’expatriation. Il était, sans doute, indispensable qu’un officier qui n’avait qu’un trait* ment de 200 livres, qu’un vétéran qui n’avait obtenu que 3 ou 4 sols par jour, après avoir, sur ses vieux 294 [Assemblée atonale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [21 mai 1791, jours, épuisé les ressources de sa famille ou de l’amitié, sollicitait sa rentrée à Dhôtel; et voilà, Messieurs, ce qui vous en fa.it décréter la conservation : mais voyez ce qui s\est passé en exécution de vos décrets. La plupart de ceux qui étaient à l’hôtel, qui ai avaient jamais compté en sortir, oJ11 demandé à jouir du bénéfice delà loi. Des homme, s de 82 ans oat réclamé leur liberté. L’espérance qu’une maiïî ,£ui ne leur est pas étrangère leur ù-rmera les yeux, semblé lés consoler de longues et pénibles privations ; et Sur 3,000 invalides demeurant à l’hôtel, à peine 8 à 900 sont restés. Il est vrai que les départements contiennent 23 à 34,000 hommes, soit invalides détachés, soit retirés avec pensions, solde, demi-solde ou récompenses militaires, et qui ont des droits à l’hôtel. Beaucoup même de ces braves gens, forcés de tourner leurs regards vers cette terre promise, parce qu’ainsi que je viens de le dire, ils n’ont pour récompense de leur service que 3 ou 4 sols par jour, n’en ont été écartés que par l’abus du pouvoir, et auraient dû obtenir la préférence sur la plupart de ceux qui y étaient. Tant qu’il existera des hommes aussi mal récompensés, l’hôtel ne sera pas inutile; mais ne trouverez-vous pas rigoureusement juste, Messieurs, d’offrir à ceux qui ont un droit acquis pour y entrer, le choix de la pension de leur grade chez eux, au sein de leur famille, d’après vos décrets, ou de la retraite à l’hôtel? Non seulement c’est un acte de justice comparative, mais vous y trouverez un moyen de bienfaisance de plus; car quel que soit l’avantage du régime que vous adopterez pour cet établissement, un invalide entretenu à l’hôtel coûtera toujours plus que celui qui prendra la pension que vous avez décrétée pour ceux qui en sortiraient. Ainsi en supposant que la nation ne veuille pas profiter de cette économie, elle servira à donner une plus grande latitude à ses bienfaits : si au contraire vous décrétez que l’hôtel recevra de nouveaux sujets en remplacement de ceux qui en sont sortis sans autre modification, la dépense de l’hôtel étant à peu près la même, il faudrait augmenter les fonds de 3 quarts de la valeur des pensions que vous accordez à ceux qui en sont sortis, c’est-à-dire environ 600,000 livres, sans que cette bienfaisance eût presque aucune influence sur le sort des vétérans actuellement répandus dans les départements. Votre comité militaire, Messieurs, vous doit ici une réflexion. Honoré de votre confiance, c’est à lui que s’adressent toutes les victimes malheureuses de l’ancien régime: il ne peut se dispenser d’être auprès de vous leur organe, et de les recommander à votre justice. Les officiers et soldats invalides sont ceux qui ont le mieux servi la patrie; leurs corps criblés de blessures, leurs membres mutilés attestent qu’à la guerre ils ont eu le poste d’honneur; mais, à Versailles, ils n’ont été envisagés souvent que comme les instruments serviles de la gloire de leurs chefs; des grades militaires, des gouvernements, des cordons rouges et bleus, des pensions énormes démontraient la munificence du gouvernement envers les officiers supérieurs qui venaient de commander, tandis que les moyens physiques de subsistances étaient refusés à leurs pauvres compagnons d’armes. En un mot, tous les fléaux de la guerre étaient pour les subalternes; toutes les douceurs de la paie étaient pour les chefs. Non seulement, Messieurs, vous avez détruit ce régime absurde, vous avez établi des récompenses proportionnelles et modifiées avec équité; mais vous avez rappelé aux vrais principes toutes les classes d’ofticiers qui avaient précédemment obtenu des retraites; vous avez ordonné de supprimer les pensions qui n’étaient qu’abusives, de diminuer celles qui étaient excessives, et d’augmenter les récompenses qui sont trop modiques. Le travail de votre comité des pensions sur les septuagénaires offre déjà à la nation la preuve de l’excellence de vos principes : les officiers et soldats invalides seront-ils donc les seuls oubliés, par la raison qu’ils sont invalides, et l’expectative de rhôtel sera-t-elle leur unique consolation? Gomment ces hommes béniront-ils une Ré-Tolution qui ne changerait rien à leur état de souffrance, qui ne leur présenterait aucune espérance pour l’avenir, et qui aggraverait encore leurs maux par le spectacle de l’amélioration subite du sort de ceux qui n’ont pas mieux mérité qu’eux de la patrie? Un principe vrai, et qu’aucun de vous, Messieurs, ne désavouera, c’est que s’il eût été possible de le faire, on aurait dû graduer les pensions militaires, non seulement sur les services, mais encore sur les besoins. Une récompense pécuniaire annuelle donnée par l'Etat, ne doit être autre chose qu’une pension alimentaire; et celui qui peut s’en passer, devrait rougir de réclamer à son profit une surcharge pour ses concitoyens. Mais ici le principe est totalement renversé : un officier qui a cinquante ans de services ou de campagnes de guerre, et qui s’est retiré capitaine. s’il était sur la liste des pensions, serait rétabli, d’après vos décrets, sur l’état des pensions pour 2,500 livres par an : parce que sa misère l’a fait classer parmi les invalides, il n’a que 3 ou 400 livres ; un lieutenant aurait 1,050 livres, et n’a que 2 ou 300 livres. Quant aux sous-officiers et soldats qui sont mutilés, ou qui ont acquis des droits par trente ans de services dans les troupjs de ligne, votre comité ne peut se persuader, Messieurs, que vous considérez 3, 4 ou 5 sols par jour, comme une récompense suffisante de leur dévouement : Si vous avez rétabli dans leurs droits tous les anciens officiers pensionnés, vous n’abandonnerez pas sans pitié à la misère cette classe qui, pour être subalterne, n’en est pas moins digne de la bienfaisance d’une nation grande et généreuse. Votre comité militaire, Messieurs, assuré de votre équité, a pensé qu’il suffirait de vous retracer ces nuances pour fixer votre attention ; mais il est forcé de se restreindre dans la limite des dépenses attribuées aux invalides (et cette dépense est en masse de 5,500,000 livres pour vingt-sept mille anciens militaires répandus sur la surface de l’Empire). Votre comité vous avait proposé la suppression de l’hôtel, et il avait espéré une économie d’environ 1,200,000 livres, qui, sans surcharger l’Etat aurait été versée sur toutes les classes de ces pensionnaires, à raison de leurs droits et de leurs besoins. Votre comité aurait dit aux vingt-sept mille invalides répandus dans le royaume : Ceux de vous qui n’ont pas trente ans de services à justifier, n’ont aucun droit aux bienfaits de la nation; mais ils jouisse it d’un modique traitement. L’Assemblée natioua'eleconserve: elle ne veut pas user envers eux d’une sévérité qui, quoique juste, lui paraîtrait cruelle : à l’égard de ceux qui ont servi trente ans la patrie ou qui lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.1 295 sont mutilés, ils ne peuvent avoir moins de 50 écus de pension, et nous allons les en faire jouir sur-le-champ. Ce système vous a paru sous un autre aspect entraîner des inconvénients, il exigeait la suppression de l’hôtel; et le comité militaire a dû se conformer à votre décret. Maintenant il faut se placer entre deux écueils u’il est de la sagesse d’éviter également : celui e surcharger la nation d’une dépense très considérable, et celui d’être injuste envers nos vétérans. Il paraissait d’abord très naturel et très simple de considérer les officier s, sous-officiers et soldats invalides, sous le même rapport que tous les autres pensionnaires de l’Etat, sauf, après avoir fixé le sort de chacun sur les bases de vos décrets, à leur donner le choix de la pension qui leur appartiendrait à raison de l’ancienneté et qualité deleursservio.es, ou de se retirer à l’hôtel qui leur est consacré. Mais : 1° cette opération serait excessivement dispendieuse pour la nation; 2° après y avoir mûrement réfléchi, votre comité a pensé que cette mesure n’éiait guère applicable aux invalides. En général beaucoup d’officiers, sous-officiers et soldats n’ont pas servi les trente années requises pour mériter des pensions, conformément à vos décrets; beaucoup ont obtenu, en entrant aux Invalides, des grades supérieurs à ceux qu’ils occupaient dans l’armée, les sergents aux gardes, les gendarmes de la gendarmerie, les grenadiers à cheval prenaient en entrant à l’hôtel le grade de lieutenant, quelquefois celui de capitaine, ou ils l’acquéraient par quelques années dp service dans les compagnies détachées : enfin, si l’on vérifie les contrôles, on verra que des hommes mutilés, ou qui ont longtemps servi la patrie, sont restés simples soldats invalides, tandis que des espions de police, des valets de grands seigneurs ont obtenu, pour récompense de leurs services domestiques, des grades supérieurs. Ces abus étaient grands, sans doute, et mériteraient même votre animadversion, si l’humanité ne venait pas contrebalancer la rigueur des principes : le mot d’invalides est le complément de tous les sentiments de respect et de commisération ; vous hésiteriez, Messieurs, de soulever un voile, qui pourrait en atténuer l’expression : ainsi d’une part, vous ne voudrez pas réduire au désespoir des hommes qui, pour exister, ont usurpé à la vérité des titres d honneur sous le cachet de la misère ; mais de l’autre aussi, vous n’accorderez pas sans discernement des pensions relatives à des gra les qui sont hors ligne de la hiérarchie militaire : ce sont ces puissants motifs qui avaient déterminé votre comité à vous proposer une nouvelle échelle de récompenses pour tous ceux qui sont à l’hôtel, ou qui ont un droit acquis pour y entrer. Vous avez, Messieurs, adopté cette partie du plan de votre comité pour le traitement des invalides qui sont soriis de l’hôtel : elle va donc servir de base à la confection d’un travail dont beaucoup de branches sont encore en susp ns. Vous n’avez pu avoir l’intention, dans le décret que vous avez rendu sur cette partie, d’augmenter la dépense attribuée aux invalides, de tout ce qu’il en coûterait pour le traitement de ceux qui sont sortis de l’hôtel sans profit pour la nation, ni pour la majeure partie des vétérans qui sont répandus sur la surface de l’Empire : c’est cependant ce qui arrivera si l’on considère l’hôtel comme vacant, et si on le remplit sur-le-champ de nouveaux individus appelés des départements. Que ces hommes y aient un droit acquis ou simplement éventuel, l’administration, qui a intérêt de réunir beaucoup d’administrés, saura bien les trouver en règle; la protectiou sera encore mise en jeu et les abus se propageront malgré la juste sévérité de votre décret (1). L’hôtel des Invalides a servi de retraite jusqu’ici à 3,000 hommes environ ; mais il peut en entretenir 5,000 tant en dedans qu’en dehors, avec les fonds qui lui étaient ci-devant appliqués : il faut donc se servir de ces bases pour appeler à en jouir ceux qui l’ont mérité le mieux, en leur donnant le choix de prendre la pension suivant la proportion que vous avez déterminée, ou l’hôtel, auquel ils seront depuis ce moment, jusqu’à leur mort, censés présents. Pourriez-vous, en effet, arracher malgré lui à ses foyers un pauvre vieillard que de douces habitudes consolent de longues privations, et lui dire : « Infortuné depuis longtemps oublié, si tu veux enfin échapper personnellement à l’indigence, il faut te séparer de ta femme, de tes enfants, t’exposer aux dangers d’une longue route, et venir sous un climat qui t’est étranger, achever la carrière dans une maison dont le régime et les habitants te sont encore moins familiers que la température. Si tu ne veux pas jouir de ce bienfait, il est le seul qu’on daigne t’offrir, reste dans ta misère : un autre prendra ta place. » Non, Messieurs, les sentiments que vous avez manifestés sont trop opposés à cette rigueur; vous ne le pourriez même pas. Voilà l’heureuse différence d’un gouvernement despotique à un état monarchique tel que sera le nôtre : c’est que les despotes, même daus leurs injustices, ne sont jamais censés accorder que des grâces ou des faveurs ; et vous, Messieurs, vous êtes forcés de faire justice à tout le monde. C’est donc cette justice que votre comité réclame en faveur des invalides; mais il la réclame sévère et affranchie de tous abus; et pour y parvenir il faut considérer : 1° Que nul n’a le droit d’entrer à l’hôtel, s’il n’est estropié ou hors d’âge, et sans aucun moyen personnel de subsistance; 2° Qu’en supposant les fonds appliqués à l’hôtel susceptibles d’entretenir soit dedans, soit dehors, 5,000 individus de tous grades (et c’est lui donner une latitude qu’il n’a jamais eue), ce nombre d’hommes étant complet, nul ne peut être admis à jouir des mêmes avantages qu’au fur et à mesure des extinctions des titulaires. D’après ces principes, je dis que l’hôtel contenait ci-devant 2,888 hommes; et leur entretien absorbait 2 millions de fonds : qu’ils y soient restés ou qu’ils en soient sortis, ils doivent toujours être comptés comme présents, puisqu’ils consomment, soit en nature, soit en argent, le traitement qui leur appartenait; et comme cet arrangement permet une économie assez considérable, les fonds appliqués ci-devant à l’hôtel pourront de cette manière entretenir 5,000 individus, au lieu de 2,800. L’Assemblée peut donc, sans accroître la dépense, appeler sur-le-champ à ce bienfait 2,200 hommes de plus, auxquels elle donnera la faculté de rester chez eux avec une augmentait) Depuis le décret du 6 mars, il a été reçu à l’hôtel beaucoup d’individus dont la vérification des titres no serait peut-être pas exactement conforme à l’esprit de cet établissement. 296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1791.] tion de traitement analogue à celui qu’elle a décrété pour ceux qui viennent de se retirer dans leurs foyers, ou de venir achever leur carrière à l’hôtel. Voilà, Messieurs, ce qui est juste, conforme à vos principes; cette amélioration considérable n’augmentera cependant pas les charges de la nation, car la différence qui existe entre le traitement que vous avez accordé aux invalides qui voudraient se reiir-r, et leur entretien à l’hôtel, jointe à la destruction des abus de l’ancienne administration, couvriront l’excédant de dépense de 2,200 hommes que vous allez appeler nouvellement à jouir de l’hôtel ou d’une indemnité proportionnelle. Quant aux autres invalides qui n’avaient en réalité que l’expectative, il ne leur appartient qu’un droit de succession à exercer sur les extinctions annuelles qui pourront avoir lieu parmi les invalides habitant ou censés présents à l’hôtel; et ce droit, beaucoup plus étendu que par le passé, puisqu'il s’exercera sur les extinctions de 5,000 vieillards au lieu de 2,800 hommes, la plupart encore jeunes et robustes, doit être commun à tous les officiers et soldats de l’armée de terre ou de mer qui sont ou seront à l’avenir susceptibles de pensions. C’est ainsi, Messieurs, que le comité militaire a pensé que, sans froisser les véritables intérêts de qui que ce soit, vous rempliriez ce que vous devez à la justice et à l’humanité, sans être exposés à grever la nation d’une somme plus forte que celle qui avait été ci-devant employée à ce genre de récompense militaire. L’hôtel des Invalides sera conservé, mais uniquement destiné à ceux qui l’auront mérité, et qui voudront en jouir. Qu’importe à la nation le nombre effectif des habitants de l’hôtel, du moment qu’il est ouvert à tous ceux qui y ont droit? Des intérêts particuliers seraient ici les seuls motifs de contradictions, car il convient à des administrateurs d’avoir sous la main beaucoup d’administrés; mais ce qui importe à l’Assemblée, c’est de faire le bien, et de le faire sans contrainte de la part de ceux qui y ont d oit ; car tout ce qui contrarie la volonté cesse d’être un bienfait. Enfin, pour éviter les abus et couper racine à toute faveur particulière qui serait une injustice révoltante aujourd’hui, nous vous proposons, Messieurs, d’ordonner que la liste des invalides présents ou censés présents à l’hôtel, sera imprimée chaque année avec la date de leur âge, de leurs services et de leurs blessures, afin que ces listes, distribuées dans les 83 départements, soient soumises à l’examen des parties intéressées, et puissent servir de base à leurs réclamations. Il résulte de tout ce que je viens d’avoir l’honneur de vous dire, que l’administration de l’hôtel des Invalides ne peut plus avoir désormais aucun appareil militaire, puisque cet hôtel ne sera habité, d’après l’esprit et la lettre de votre décret, que par des hommes mutilés ou très caducs. Ses habitants seront vraisemblablement peu nombreux; car quelque douce, quelque fraternelle que soit une administration, elle ne peut avoir le prix de la liberté aux yeux de celui qui peut la conserver : votre comité a donc cru que la nouvelle administration de l’hôtel des Invalides devait être confiée à un conseil choisi par ses propres habitants, sous la surveillance de la municipalité et du département de Paris, et que la garde de cet hospice vénérable était le domaine des citoyens. Section II. Vous avez ordonné au comité militaire de vous présenter des idées nouvelles sur les compagnies d’invalides détachées : il vous en avait proposé la suppression, excepté de celles des canonniers gardes-côtes; cependant voici les motifs qui lui ont paru susceptibles de vous déterminer à conserver quelques-unes de ces compagnies détachées. et même à ne les éteindre qu’à mesure que rinutilité de leur poste se fera sentir. Vous avez décrété que les récompenses militaires ne seraient accordées à l’avenir qu’à trente ans de services et cinquante ans d’âge, à moins de blessures considérables à la guerre. Beaucoup d’hommes, soit par la faiblesse de leur tempérament, soit par des accidents particuliers, ne pourront atteindre cette carrière dans le service actif des troupes de ligne. D’une part il ne faut pas permettre que sous aucun prétexte la loi concernant l’ administration de l’hôtel soit transgressée; de l’autre, il vous paraîtra dur sans doute qu’un homme qui a consacré toute sa jeunesse au service de la patrie, passe le reste de sa vie dans la misère, parce que près d’atteindre une récompense méritée, sa santé ne lui a pas permis de continuer. Il faut garantir la nation des abus qui pourraient naître de cet ordre de choses; mais votre comité a pensé que vous ne trouveriez peut-être pas d’inconvénients à autoriser tout homme, après 34 ans de services, à se faire présenter par ses supérieurs pour achever sa carrière dans les compagnies d’invalides détachées, où il continuera son activité, avec l’espérance d’y acquérir des grades et des récompenses tels que vous les avez décrétés pour tous les militaires français. Ges compagnies d’invalides sont employées en grande partie à la garde de quelques forts ou châteaux, peu importants à la vérité, mais dont vous ne détruirez pas les fortifications existantes, et qui en temps de guerre peuvent toujours protéger le plat pays. Quant aux invalides employés à la garde des maisons royales ou au service des frères du roi, nous vous observerons que ces places étaient ci-devant non seulement une récompense, mais une faveur; ceux qui en étaient pourvus avaient, indépendamment de leur solde, une gratification annuelle sur les domaines de Sa Majesté, et cette gratification était ordinairement équivalente aux appointements. Depuis que vous avez donné au roi sa liste civile, il paraissait que tous les frais dépendant du service particulier de Sa Majesté devaient cesser d’être à la charge de la nation : le contraire est arrivé; et depuis le mois de juillet 1790, le supplément de traitement accordé aux invalides employés à la garde des maisons royales a été rejeté en entier sur le département de la guerre, par le ministre de la mai-on du roi. Les motifs de ce ministre n’ont pas été communiqués à votre comité, qui ignore si le roi a entendu par là n’avoir plus besoin du service des invalides; ou si, les considérant comme faisant partie des troupes de ligne, il a cru ne devoir pas confondre cette dépense avec celles de sa maison. Votre comité vous propose, Messieurs, de consulter Sa Majesté sur ce point, et de déclarer que les invalides employés à la garle des maisons royales doivent être* au compte de la liste civile, s’il convient au roi de les conserver pour son 297 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (21 mai 1791.] service particulier; mais que dans le cas où il croirait devoir s’en passer, alors ces invalides réformés seront traités par la nation, chacun suivant leur grade, sur le même pied que s’ils étaient à l’hôtel. Votre comité vous propose encore la suppression des compagnies d’invalides employées à l’hôtel, parce qu’il croit que la police doit en être confiée à la garde nationale parisienne, de même que la surveillance administrative sera confiée à la municipalité, sous les ordres du directoire du département. Voici le projet de décret que nous vous proposons : PROJET DE DÉCRET. TITRE Ier. Art. 1er. L’Assemblée nationale considérant que par son décret du 24 mars, elle a eu l’intention de traiter plus favorablement qu’ils ne l’ont été jusqu’ici les invalides qui ont des droits acquis à l’hôtel, décrète qu à l’avenir 5,000 officiers et soldats du nombre de ceux qui ont obtenu des récompenses militaires, sous quelque dénomination que ce soit, seront inscrits sur le registre de l’hôtel, comme faisant partie des habitants dudit hôtel, et qu’il leur sera offert de venir y passer le r> ste de leurs jours ou de recevoir chez eux, chacun suivant son grade, les traitements décrétés le 24 mars dernier pour ceux qui demeurant ci-devant à l’hôtel ont préféré en sortir. Art. 2. Le nombre des invalides entretenus sur les fonds de I’hôiel ne pouvant précisément être déterminé à 5,000, l’administration prendra pour base : 1° la somme fixe de 2 millions qui y seront annuellement employés, compris les frais d’e itretien, d’administration de l’hôtel, et de retraites aux agents actuels qui en sont susceptibles; 2° la remise des anciens traitemenis dont jouissaient précédemment les invalides qui seront susceptibles du bénéfice accordé par l’article premier du présent décret (1). (1) L’hôtel contenait à l’époque du 24 mars 2,888 hommes, savoir : 8 lieutenants-colonels, 20 commandants de bataillon, 144 capitaines, 260 lieutenants, 165 maréchaux des logis, 485 sous-officiers et 1806 soldats. Si tous ces militaires eussent pris la pension décrétée suivant leur grade pour se retirer dans leurs familles, la dépense pour la nation eût été de 927,064 1. 19 s. : c’est à raison de 321 livres par tête. En suivant cette proportion, 5,000 hommes coûteraient la somme de ....................... 1,605,000 liv. Les fonds ci-devant appliqués aux dépenses de l’hôtei montaient à ...... En ajoutant la remise des traitements ci-devant accordés aux 2,112 hommes de plus que ceux ci-devant entretenus à l’hôte], et qui se trouveront compris dans la nouvelle répartition ; et en supposant que ces invalides, officiers ou soldats, n’eussent obtenu précédemment que 100 livres par tète, c’est encore ............... Total pour l’entretien de 5,000 hommes, soit dedans soit dehors de l’hôtei, et sans augmentation de la dépense qui était ci-devant appliquée. 2,211,200 liv. Supposons maintenant que sur ces 5,000 individus, un quart veuille habiter l’hôtel ; il en résultera que Art. 3. Sont appelés à concourir aux mêmes avantages tous les officiers, sous-officiers et soldats tant des troupes de terre que de la marine et gendarmerie nationale, qui jouissent de pensions de retraite, ou qui en mériteront par la suite, conformément aux décrets précédemment rendus. En observant d’accorder toute préférence aux plus âgés de ceux qui auront été mutilés à la guerre, jusqu’au dernier, et ensuite aux plus âgés de ceux qui ne seront pas mutilés, et par rang d’ancienneté de service. Art. 4. Il sera dressé à cet effet une liste, qui sera imprimée chaque année, des individus composant l’hôtel des invalides, présents ou censés présents, avec l’état de leur âge, leurs blessures et leur ancienneté de services. A cette liste sera joint un état dans le même ordre de 500 aspirants destinés à remplacer ceux qui mourront dans le cours de l’année, lesquels aspirants entreront en jouissance à dater du jour de la mort de leurs prédécesseurs. La liste sera faite par l’administration de l’hôtel, sous l’inspection du département de Paris, et envoyée à tous les districts du royaume, lesquels feront parvenir, soit les réclamations, soit les demandes particulières des invalides de leur arrondissement, par le directoire de leur département, à l’administration de l’hôtel, pour y faire droit. Ces états seront remis chaque année sous les yeux du Corps législatif, et distribués à chacun de ses membres pour obtenir le décret d’exécution. Art. 5 Seront compris parmi les 5,000 invalides désignés ci-dessus, ceux qui étaient présents à l’hôtel lors du décret du 24 mars, quels que soient le genre et l’ancienneté de leurs services; mais ii en sera fait également mention dans la liste : en conséquence, les registres de l’hôtel seront sur-le-champ remis par l’administration au directoire du département pour former cette liste, la compléter suivant les bases indiquées article 2. Art. 6. Ne seront point considérés comme invalides présents à l’hôtel ceux qui y seront entrés depuis le décret du 24 mars, à moins qu’ils ne justifient qu’ils sont dans la classe de ceux qui y ont des droits acquis de préférence, conformément à l’article 2. Art. 7. Les droits des invalides détachés dans les compagnies restant en activité, qui désireront obtenir l’hôtel, conséquemment à l’article 1er, seront évalués concurremment avec ceux des invalides retirés dans les départements, à raison de leurs services, soit dans les troupes de ligne, soit dans les compagnies détachées. Art. 8. Il ne sera rien ajouté ni diminué au sort des officiers, sous-officiers et soldats invalides retirés dans les provinces, ni aux soldes, demi-soldes et récompenses militaires, traitements des grenadiers à cheval et gendarmerie réformée, jusqu’à ce que, aux termes des articles 2 et 3 du présent décret, ils soient susceptibles d’être classés parmi les 5,0Ü0 invalides, qui 3,750 pensionnés à 321 livres chacun pour tous les grades, ainsi qu’il a été calculé, coûteront. 1,203,750 liv. Cette somme étant à déduire de celle de 2,211,200 livres, il reste sur les fonds ci-devant appliqués à l’hôtel, 1,007,450 livres ponr l’entretien des 1250 hommes qui auraient préféré le séjour de l’hôtel, et pour tous les frais d’administration. Cette somme est plus que suffisante pour atteindre, avec une sage économie, le but que le comité militaire s’est proposé. 2,000,000 liv. 211,200