ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |ll juillet t79l.] 114 [Assemblée nationale.] proposition relative au mandat est une preuve très fâcheuse gue beaucoup de membres de cette Assemblée — j’ai de la peine à le dire — croient être ici pour l’argent, tandis qu’ils y sont pour la gloire. Aussi, Messieurs, j’insiste sur ma motion, et je demande que quiconque ne répondra pas à l’appel nominal soit réputé absent et privé de son mandat du mois de juillet. M. d’André. Je crois que demain je ne manquerai pas à l’appel, mais je ne crois pas qu’il soit convenable à l’Assemblée de l’exiger précisément par la raison de M. Bouche : car M. Bouche a dit que nous n’étions pas ici pour l’argent; ce n’est donc pas par une privation d’argent qu’il faut punir ceux qui sont insensibles à l’honneur de faire leur devoir. Il vaut infiniment mieux que vous fassiez imprimer et afficher le nom des absents. Alors vous les punissez véritablement par l’endroit qui peut leur être sensible ; toute la nation saura qu’ils n’ont pas fait leur devoir, et c’est là la punition la plus grave et en même temps la plus convenable que vous puissiez infliger aux représentants du peuple. Je demande donc, Monsieur le Président, que sans s’arrêter au moyen de supprimer le mandat qui est suivant moi un très petit moyen, et qui répugne à la délicatesse, sans s’arrêter à l’idée d’ordonner une amende, je demande, dis-je, que l’Assemblée se contente d’ordonner l’impression du résultat de l’appel nominal et que ceux qui n’y auront pas été présents seront connus de la nation et leur peu de|patriotisme rendu ostensible à tout le monde. ( Applaudissements .) M. Fréteau-Saint-Just. Il faut que la liste des absents soit imprimée à part. M. Bouche. Je demande que la liste des absents soit envoyée aux comité des finances chargé de la délivrance des mandats. (L’Assemblée décrète qu’il sera imprimé une liste des membres présents et une liste des membres absents et que celle des absents sera envoyée au comité des finances.) M. le President fait lecture à l’Assemblée d’une lettre de M. Duroyer, député du départe-ment de L’Aisne, qui envoie son serment et qui produit des certificats de médecins attestant que sa santé le met dans l’impossibilité de retourner à l’Assemblée. M. Duport, au nom du comité de Constitution. Les six tribunaux criminels, provisoirement établis à Paris, nous ont adressé plusieurs demandes. Après nous être entendus avec eux sur ces demandes, nous sommes convenus des points contenus dans le projet de décret suivant : <■ L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Art. lor. Chacun des 6 tribunaux criminels provisoires, établis à Paris en vertu de la loi du 14 mars 1791, est autorisé à nommer deux commis greffiers pour l’instruction des procès criminels. « Art. 2. Les commis greffiers dont il vient d’être parlé auront pour traitement les deux tiers de celui attribué au greffier, le tout à raison de la durée de leur service près lesdits tribunaux criminels. « Art. 3. Les accusateurs publics des 6 tribunaux auront une indemnité égale à celle des commissaires du roi, de service auprès desdits tribunaux, également à raison de la durée de leur service. « Art. 4. Les accusateurs publics des tribunaux de district auront une indemnité égale aux deux tiers de celle des commissaires du roi, pour tout le temps de la durée de leur service. » M. Martineau. Les accusateurs publics sont un rouage inutile à la machine judiciaire ; je demande, par principe d’économie, que leurs fonctions soient réunies à celles de commissaires du roi, M. Treilhard. Ce serait pervertir l’ordre judiciaire et il serait dangereux dans ce moment surtout de réunir entre les mains des agents du roi deux pouvoirs aussi considérables et de leur confier la poursuite des délits. M. Goupil-Préfeln appuie l’opinion de M. Treilhard. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Martineau.) M. Ramel-Aogaret. Je m’oppose à la proposition du comité qui attribue aux accusateurs publics une indemnité fixe. Les accusateurs publics n’ont presque rien à faire, et dans plusieurs départements on se plaint de ce que la plupart d’entre eux ont refusé de remplir leur devoir, lorsqu’à la sollicitation très pressante des corps administratifs, ils auraient dû poursuivre des prêtres fanatiques qui ne cessent d’agiter tout à l’heure les torches de la discorde et de la guerre civile. Je demande donc que les administrations des départements soient autorisées à fixer les salaires des accusateurs publics en proportion de leurs travaux, et dans une quotité qui serait déterminée par l’exactitude de ces officiers publics à remplir leurs devoirs. M. Merlin appuie la motion de M. Ramel-No-garet et fait valoir des considérations tirées de l’insouciance des accusateurs publics. M. Tréteau-Saint-Just. Je ne comprends pas qu’un pareil amendement, qui tendrait à faire payer l’accusation à tant la pièce, à faire payer la délation même, puisse être soumis à la délibération de l’Assemblée nationale. Notre Constitution donne à tous les individus les moyens de poursuivre tous les fonctionnaires qui ne remplissent pas leur devoir. Laissez-la donc suivre la marche que vous lui avez tracée et ne la souillez pas d’une semblable immoralité. M, Duport, rapporteur , appuie l’opinion de M. Fréteau-Saint-Just. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. Ramel-Nogaret.) Un membre propose, par amendement à l’article 4, de fixer l’indemnité des accusateurs publics à la moitié de celle des commissaires du roi, et non les deux tiers comme le propose le comité. M. Bouche. J’appuie la proposition du comité. La fixation de leur indemnité aux deux tiers de celle des commissaires du roi n'est pas exagérée, quand on pense que les accusateurs publics sont chargés des fonctions les plus désagréables de la Constitution et que ces fonctions leur attirent souvent pour prix de leur zèle des haines funestes et éternelles. lll juillet 1791. J [Assemblée nationale.) M. d’André appuie l’opinion de M. Bouche. (L’Assemblée décrète que le traitement des accusateurs publics sera égal à la moitié de celui des commissaires du roi.) M. Duport, rapporteur, donne lecture du projet de décret amendé dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit: Art. 1er. « Chacun des 6 tribunaux criminels provisoires, établis à Paris en vertu de la loi du 14 mars 1791, est autorisé à nommer deux commis greffiers pour l’instruction des procès criminels. Art. 2. « Les commis greffiers dont il vient d’être parlé auront pour traitement les deux tiers de celui attribué au greffier, le tout à raison de la durée de leur service près desdits tribunaux criminels. Art. 3. « Les accusateurs publics des 6 tribunaux criminels auront une indemnité égale à celle des commissaires du roi, de service auprès desdits tribunaux, également à raison de la durée de leur service. Art. 4. « Les accusateurs publics des tribunaux de district auront une indemnité égale à la moitié de celle des commissaires du roi, pour tout le temps de la durée de leur service. » (Ge décret est adopté.) M. Bergasse-Laziroule. Messieurs, personne n’ignore que M. Duveyrier a été envoyé par le roi auprès de M. le prince de Condé... (Murmures.) M. Bouche. Monsieur a raison, M. de Condé est prince du Saint-Empire. M. Bergasse-Ija*ipoule... pour lui notifier le décret de l’Assemblée nationale qui lui enjoint de s’éloigner des frontières, et qu’il a été chargé d’une lettre particulière du roi. M. Duveyrier s’est rendu à Worms et de là il a donné de ses nouvelles. 11 a annoncé que M. de Condé lui avait dit qu’il était obligé de se rendre à Coblentz pour conférer avec M. d’Artois et qu’après s’être concerté avec lui, il loi ferait connaître sa réponse ; M. de Condé envoya en conséquence un exprès à M. Duveyrier" pour l'engager à le suivre à Coblentz. M. Duveyrier s’y est rendu. Depuis cette époque, quinze jours ou trois semaines se sont passés sans qu’on ait eu de nouvelles de M. Duveyrier. Le bruit s’est répandu qu’il avait été mis en état d’arrestation a Coblentz et même ce bruit a paru confirmé par quelques lettres qui ont été adressées de Mayence et de Coblentz au comité des rapports et par quelques lettres particulières venues de Bruxelles. Dans cette incertitude, comme il est impossible que la nation française ne réclame pas un de ses envoyés et que le droit des gens soit impunément violé, je demande que l’Assemblée veuille bien inviter le ministre des affaires étrangères à venir rendre compte incessamment des avis qu’il peut avoir reçu relativement à la mission de M. Duveyrier. 1)5 M. d’André. Je m’oppose au renvoi au comité. Ce n’est pas ici une mesure qui puisse être envoyée au comité. Il n’y a pas ici d’examen à faire. Un envoyé de la nation française est absent ; on n’en a pas de nouvelles. Le peu qu'on en sait, quoique ce ne soit pas parfaitement authentique, indique cependant qu’on a violé à son égard toutes les règles du droit des gens. L’Assemblée nationale doit s’informer sur-le-champ de l’exactitude des faits et les mêmes personnes, qui ont toujours montré une fermeté inébranlable à réprimer tous les attentats contre l’ordre public, montreront la même fermeté à réprimer tout attentat contre le droit des gens et toute insulte à la dignité nationale. Je demande donc que M. de Montmorin soit invité à venir sur-le-champ à l’Assemblée rendre compte des faits qui peuvent être à sa connaissance afin que nous puissions prendre des mesures convenables à la majesté du peuple français que nous représentons. (La motion de M. d’André est adoptée.) (1). M. de Sillery, au nom du comité de marine , fait un rapport concernant les régiments et bataillons coloniaux et autres troupes employées à la défense des colonies et des possessions nationales hors du royaume. 11 s’exprime ainsi : Messieurs, votre comité de la marine, avant de vous proposer de réunir aux départements de la guerre tous les régiments des colonies et les autres troupes soldées par le département de la marine et destinées à leur défense, a cru devoir vous développer les principaux motifs qui l’ont déterminé à cette sage mesure: il vous sera facile, d’après quelques éclaircissements que je vais vous donner, d’apprécier la différence qui existe entre un gouvernement arbitraire et celui qui n’a que les lois et l’utilité publique pour guide; dans l’un vous verrez les ministres cherchant sans cesse à augmenter leurs pouvoirs et leur influence, et dans l’autre vous les verrez se borner à l’exercice de leurs fonctions, et redouter cette responsabilité qui, grâce à votre énergie, ne sera pas un décret illusoire. A une époque qui n’est pas très reculée, les colonies, en temps de paix, n’avaient d’autre garnison que leurs milices et quelques compagnie franches qui y étaient établies. Au moment de la guerre, on y faisait passer quelques troupes; mais, avant celle qui a eu lieu en 1755, les régiments de ligne avaient été très rarement employés pour la défense de nos colonies. Plusieurs officiers suisses proposèrent d’entretenir à Saint-Domingue et à la Louisiane des régiments qu’il devaient recruter dans les cantons, et ils eurent le crédit d’obtenir une capitulation très onéreuse pour la nation, car leurs engagements portaient que les régiments seraientconstammeptentretenus sur le pied de guerre, et ils n’oublièrent pas de stipuler que les régiments seraient toujours payés au complet. Je ne fatiguerai pas l’Assemblée des détails de tous les abus qui ont existé à cet égard. Je me permettrai seulement de lui citer un fait qui suffira pour fixer son opinion. On craignit au Cap français quelques mouvements. Le général manda par prudence le régiment suisse qui était en garnison au Port-au-Prince; il lui donna l’ordre d’employer la plus extrême diligence; il autorisa même l’officier qui commandait le régiment de prendre des cabrouets , voi-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Plusieurs membres : Le renvoi au comité ! (1) Voyez ci-apres, page 121, les renseignements fournis à l’ Assemblée par M. de Montmorin.