388 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tourée par les forces anglaises et espagnoles. Que peuvent faire en ce cas les patriotes pour fuir la tyrannie? S’embarquer sur des bâtiments neutres? Mais le traître Paoli fait surveiller par ses satellites ces sortes de bâtiments, et empêche que les bons patriotes en profitent pour se dérober à son joug de fer. Il ne reste donc à ces malheureux que la ressource de s’embarquer sur quelque bâtiment portant pavillon corse ou anglais, afin de pouvoir sortir de l’île, aborder à quelque continent et accourir ensuite sur le territoire de la liberté. Plusieurs l’ont déjà fait en s’embarquant sous pavillon corse ou paoliste; ils ont eu le bonheur d’arriver à Gênes, et de là les uns se sont rendus au Port-de-la-Montagne, d’autres dans l’armée d’Italie, où ils ont combattu avec leurs frères, et combattent encore les satellites des tyrans. Et comment pourrait-on douter que dans cette portion du peuple français, connue dans tous les siècles, et surtout dans le nôtre, par les guerres nombreuses qu’elle a soutenues pour son indépendance et sa liberté, une grande partie ne soit empressée de se soustraire à l’oppression et à la tyrannie de celui qui, comme Robespierre, se servit du masque du patriotisme, des armes même de la liberté pour l’asservir? Cependant si ces patriotes malheureux qui, en s’embarquant sur un bâtiment ennemi, ne peuvent évidemment avoir d’autre but que de venir recouvrer leurs droits sur la terre de la liberté, étaient pris dans leur traversée par des bâtiments de la République, ils seraient punis de mort précisément pour un crime qu’ils auraient voulu fuir. Je ne me dissimule pas que si l’on annulait l’arrêté des représentants du peuple, plusieurs contre-révolutionnaires pourraient impunément méditer et exécuter des complots qu’il est d’un intérêt majeur de prévenir, en profiter pour continuer leurs trahisons ; mais n’y aurait-il pas moyen aussi de le modifier de manière à ce que, par un sévère examen des circonstances, les vrais patriotes fussent sauvés, et les contre-révolutionnaires punis? Je me résume et vous propose de décréter le projet de décret suivant (107). Sur la proposition d’un membre, relative aux patriotes corses réfugiés en France, la Convention nationale adopte le décret suivant : Article premier. - Le comité de Salut public lui présentera de nouveau, et dans le plus bref délai, la rédaction du décret du 4 fructidor, qui a été égarée, et qui or-donnoit qu’il seroit accordé à chaque patriote réfugié Corse, venant de Calvi, Saint-Florent, Bastia, de l’intérieur de l’isle, ou qui pourroit arriver dans la suite, une somme journalière et égale jusqu’à ce que le département de Corse soit rendu à la France, et d’en fixer la somme. (107) Moniteur, XXII, 172, 198-199. Art. II. - Les comités de Salut public et d’instruction publique examineront s’il ne seroit pas expédient de disperser dans les différens établissements d’instruction publique les enfans des patriotes réfugiés Corses, au-dessous de 18 ans, pour propager plus facilement l’usage de la langue française dans le département de Corse. Art. III. - Le comité de Salut public examinera si l’arrêté portant peine de mort contre tous les individus corses pris sous pavillon Paoliste, Corse ou Anglais, peut être modifié de manière que les vrais patriotes qui s’y embarqueroient uniquement pour fuir la tyrannie du traître Paoli, ou des Anglais, ne puissent être confondus avec les contre-révolutionnaires (108). 66 Un membre présente des vues sur l’agriculture, ainsi qu’un projet de décret. La Convention en ordonne l’impression et le renvoi au comité d’agriculture (109). PÉNIÈRES, au nom du comité d’Agricul-ture : On a senti depuis longtemps la nécessité d’améliorer, d’augmenter et d’étendre les productions du sol de la République ; un petit nombre d’hommes s’en sont laborieusement occupés; mais leurs travaux n’ont été que peu utiles, pour n’avoir pas été mis à la portée de tous les citoyens ; les ouvrages précieux de Duhamel, de Rosier, de Halles, de Joyeuse, de Parmentier, de Lottinger, de Châteauvieux et de quelques autres agronomes, ne sont connus que des citoyens instruits, et n’ont servi jusqu’à ce jour qu’à établir des théories que quelques curieux seulement ont mises en pratique; il est aussi vrai de dire que les expériences, ou les premiers travaux que l’on donne à l’amélioration des terres, étant souvent longs dans leurs développements et dans leur rapport, le cultivateur, pressé de recueillir et de jouir, se dégoûte, et laisse à moitié fait un ouvrage coûteux, qui faute de persévérance ne lui a rien produit. Si, comme l’ont pensé plusieurs savants, on devait juger des connaissances des habitants d’un pays par leur perfection plus ou moins grande dans l’art de cultiver la terre, la République française offrirait un contraste bien frappant aux yeux de l’observateur qui partirait d’une semblable donnée. Dans le département du Nord, jusques aux rives de la Loire, on a beaucoup inventé et mis presque tout en usage pour fertiliser la terre. Dans ceux du Sud, de l’Est et Ouest, on est endos) P.V., XLVII, 27-28. C 321, pl. 1332, p. 7, minute de la main de Arrighi, rapporteur. Décret anonyme selon C* II 21, p. 7. Ann. Patr., n° 645; Ann. R.F., n° 17; C. Eg., n° 780; J. Fr., n" 742; J. Perlet, n” 745; J. Univ., n° 1779. (109) P.-V., XLVII, 28.