[Convention nationale,! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ,*j 33S la rentrée au Trésor public de 300 millions volés. Mais comme ces messieurs vous adressent journellement des pétitions dans lesquelles ils se plaignent d’être vexés, et qu’ils demandent à être réunis pour présenter des moyens de défense victorieux, vous devez être justes. Je vous pro¬ pose d’adjoindre le comité de sûreté générale à la commission, pour prendre les mesures con¬ venables à l’effet de leur donner la facilité de faire entendre leurs réclamations. (Décrété.) ANNEXE N° 2 à la séance de la Convention nationale du SI frimaire an II (1). (Mercredi, A4 décembre 1903.) Plan simple, facile et uniforme d’une éducation républicaine et populaire, par Selagueulle, député par le département du Loiret. ( Imprimé par ordre de la Con¬ vention nationale (2). La Convention nationale s’occupe en ce moment d’organiser définitivement l’éducation publique : mais avant de se livrer à cette impor¬ tante discussion, il est une mesure préparatoire sur laquelle il serait nécessaire que la Conven¬ tion s’expliquât, parce que c’est de cette mesure que dépendent les déterminations ultérieures et définitives qui doivent asseoir le plan régé¬ nérateur d’une bonne éducation. La mesure que j’ai à proposer ne tient à aucune de ces idées arbitraires dont la plupart des plans qui nous ont été présentés se trouvent enveloppés. Elle est simple ; elle a la raison pour appui, l’évidence pour principe, et l’expérience pour garant de son succès. Elle consiste à mettre en action la véritable éducation commune ; la seule convenable à tous les temps, à tous les âges ; la seule applicable aux intérêts de la société, et à chacun de ceux qui la composent. Elle a de plus cet avantage, c’est qu’elle est susceptible d’être mise à exécution dès l’instant même où elle sera adoptée. Elle n’entraîne aucune avance, aucune mise, aucune dépense qui puisse grever la nation; car les établissements sont tous formés, les institu¬ teurs existent. Ces établissements, ces institu¬ teurs, sont répandus sur toute la surface de la République, dans tous les points du territoire; et les élèves peuvent s’y présenter avec con¬ fiance, certains d’y recueillir les leçons qu’ils ont droit d’en attendre. Cette mesure consiste à astreindre tous les citoyens indistinctement à apprendre, à un âge déterminé, un art, un métier ou profession ca¬ pable de leur procurer les moyens de subsis¬ tance. Nous avons décrété l’égalité : nous ne vou¬ lons pas sans doute qu’elle soit un vain nom, qu’elle demeure illusoire et sans réalité; car, dans une République démocratique et populaire, (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 328, note n° 3, le compte rendu de la discussion sur l’ins¬ truction publique d’après le Journal de Perlel. (2) Bibliothèque nationale : 8 pages in-8° Le38, n° 364. Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez de l'Oise, t. 93, n° 25. la loi de l’égalité est la seule qui puisse opérer le bonheur commun. Rappelons -nous ces temps de despotisme et de barbarie, où la portion la plus pure et la plus utile du peuple, celle qui vivait dans rindigence et la médiocrité, n’était connue que sous les qualification odieuses et flétrissantes d'hommes de peine, d'hommes de bras; comme si les jouis¬ sances et le bonheur ne doivent être que le par¬ tage des hommes oiseux et inutiles. Ilâ ons-nous d’effacer jusqu’au souvenir de ces temps de honte et d’opprobre, et annonçons à l’univers que tous les Français libres seront désormais des hommes de bras, et s’honoreront d’accom¬ plir des travaux utiles à eux-mêmes, à leurs sem¬ blables et à la société entière. Personne n’ignore que la République est en ce moment remplie d’une foule de jeunes ado¬ lescents qui, jusques à présent, sont restés dans une funeste inaction. Beaucoup de pères de famille, imbus de faux préjugés, ou entraînés par des motifs encore plus criminels, ont mieux aimé laisser leurs enfants dans un triste aban¬ don, plutôt que de les disposer à devenir des citoyens utiles par l’exercice des arts et métiers que nécessitent les différents besoins de la société. En effet, pensez-vous que les ci-devant nobles, les ci-devant gens de robe, de pratique, les riches marchands, la plupart des bourgeois aisés répandus dans nos villes et dans nos cam¬ pagnes, se déterminent facilement à faire mettre leurs enfants en apprentissage d’un métier ou profession si la loi ne leur en impose l’obliga¬ tion? “Sans doute, ils couvriront leur refus du prétexte apparent de la culture des sciences et des lettres, pour lesquelles ils diront qu’ils destinent leurs enfants; mais je leur dirai que, dans une république démocratique, il faut plus priser les mains laborieuses et les bras exercés au travail, que les iroides et stériles conceptions de l’esprit. Il est donc temps de prévenir les maux que causerait une plus longue insouciance; il est temps de rappeler les hommes à leurs premiers devoirs, à leurs véritables intérêts ; il est temps de rendre à l’agriculture, aux arts et aux pro¬ fessions utiles, cette foule de bras que l’orgueil, l’égoïsme, l’aristocratie et la superstition lui ont enlevés car, enfin, des hommes égaux par la mature, et assujettis aux mêmes besoins, doivent partager les mêmes soins et s’associer aux mêmes travaux. La loi que je propose sera une loi de sagesse et de bienfaisance, dont la société et les individus éprouveront les plus salutaires effets. Elle sera une loi de sagesse, parce qu’elle consacrera la loi de l’égalité; car, quand les jeunes citoyens iront indistinctement partager les mêmes travaux de main-d’œuvre, se con¬ fondre dans les mêmes ateliers, ils reconnaî¬ tront que la loi de l’égalité est commune pour tous les hommes, et que toutes les prétentions exclusives doivent disparaître et s’anéantir devant elle. Elle est encore une loi de sagesse, en ce qu’elle tend à affermir la liberté individuelle ; car l’homme qui trouve dans l’exercice d’un métier des ressources assurées contre le besoin et les accidents imprévus de la vie, devient vérita¬ blement indépendant et jouit de la liberté la plus illimitée. Elle sera une loi de bienfaisance, en ce qu’elle arrachera les jeunes citoyens à l’oisiveté qui les corrompt; car l’homme oiseux est l’ennemi de 336 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j *J Membre" 793 ses semblables, elle rendra aux besoins de la sooiété des hommes qui ne servaient qu’à la surcharger de leur inutile existence. Enfin l’exécution de cette loi sera, pour ceux qui l’accompliront, le creuset épuratoire où viendront se fondre les préjugés de l’ancien régime; elle tirera les jeunes citoyens de l’état d’isolement où. l’orgueil les précipite; elle fera taire les haines, l’envie, les soupçons, les injustes préventions, et elle préparera le retour de la confiance envers ces hommes qui, inspirant de justes motifs de défiance, ne parviendront à les faire évanouir que quand on les verra se rapprocher et se confondre avec la masse des citoyens dans l’exercice des mêmes arts et des mêmes professions. Projet de décret . Art. 1er. « Tous les citoyens parvenus à l’âge de douze ans, seront tenus d’apprendre un métier ou pro¬ fession capable de procurer à ceux qui les exer¬ cent, les moyens de subsister. Art. 2. « Les pères, mères, tuteurs et autres personnes qui ont des enfants confiés à leurs soins, demeu¬ reront responsables de l’inexécution de la pré¬ sente loi, chacun en ce qui les regarde, à peine d’être réputés mauvais citoyens. Art. 3. « Les pères et mères qui, par leur pauvreté notoirement connue, seront dans l’impuissance de faire les frais de l’ apprentissage de leurs enfants, s’adresseront à la municipalité de leur résidence, qui en fera les avances, dont le montant leur sera remboursé sur le produit des sous additionnels ou des contributions assises sur les riches. Art. 4. « Les actes d’apprentissage, contenant renga¬ gement souscrit entre l’élève et celui qui s’en¬ gage d’enseigner, seront reçus par les officiers municipaux de la commune sur laquelle l’ins¬ tituteur est domicilié; lesdits officiers tiendront un registre ou tableau sur lequel ils inscriront les noms et âges des jeunes gens qui entrent en apprentissage, duquel tableau ils feront passer copie, à la fin de chaque année, au directoire de district de leur arrondissement. Art. 5. « Les enfants des cultivateurs, et générale¬ ment tous ceux qui sont employés aux travaux de l’agriculture, ne sont pas compris dans la disposition de la présente loi. Art. 6. « La présente loi sera mise à exécution dans toutes les parties de la République dans le mois de sa promulgation, et les municipalités seront tenues de veiller à sa prompte et entière exécu¬ tion. » Développement des motifs de la loi. J’ai fixé à l’âge de 12 ans l’entrée en appren¬ tissage des métiers, parce que cette époque m’a paru réunir toutes les convenances et prévenir tous les inconvénients (1). Avant 12 ans, l’enfant n’aurait peut-être pas la force suffisante pour effectuer le travail; d’ailleurs le temps qui précède cet âge peut être consacré à recueillir dans les écoles primaires l’instruction qui convient au premier âge. Plus tard, il court le risque d’atteindre trop tardive¬ ment à la perfection de l’art qu’il s’est choisi, ou de se voir surpris par l’époque où la patrie réclame de lui d’autres services. Dans les campagnes, l’enfant parvenu à sa douzième année, entre dans un atelier de cul¬ ture, en exécute les travaux, et y reste immua¬ blement attaché. Dans les villes, l’enfant qû, à la même époque, s’est choisi un métier, doit à sa quinzième année posséder deux avantages, la force physique et la pratique d’une profession utile : riche de ce seul patrimoine, il peut parcourir avec cette sécurité que donne l’indépendance du besoin, les divers territoires de la République, se per¬ fectionner dans l’exercice de son art par le rap¬ prochement de l’expérience, ajouter à ses con¬ naissances acquises, et se créer par son active industrie les bases d’un bonheur durable. Un cours de trois années suffit à ce genre d’ins¬ truction, et conduit cet enfant de la République à sa dix -huitième année. Alors si la patrie a des ennemis à combattre, il s’honore de marcher à sa défense; car la République ne veut à l’avenir confier qu’à ses propres enfants le soin de la défendre. Cet acte de dévouement accompli, il revient dans ses foyers, y fait le choix d’une compagne vertueuse, active et laborieuse, et devient lui-même fondateur d’une nouvelle famille dont la République se trouve enrichie. Telle est la marche d’une éducation républi¬ caine et vraiment populaire, je n’en connais point d’autre; c’est le terme où toute éduca¬ tion doit aboutir, et le résultat qui doit la compléter. Le même plan est en grande partie applicable aux filles. En effet, toute fille parvenue à sa quinzième année, doit avoir appris et savoir un métier convenable à son sexe. Dotée de cette précieuse ressource, elle peut avec confiance aspirer à l’état de mère de famille, pour lequel la nature l’a destinée. Si cependant elle juge plus utile d’en retarder l’époque à un âge plus avancé, elle peut ou continuer l’exercice de sa profession, ou apprendre auprès de quelque mère de famille vertueuse le bon emploi du temps, en partageant avec elle les soins et les travaux domestiques. Qu’on ne croie pas que sous un régime répu-(1) Les enfants des hommes libres devancent tou¬ jours en force et en facultés intellectuelles les enfants des esclaves. Voilà le motif qui m’a déterminé à faire commencer à 12 ans l’apprentissage des métiers, qui s’apprennent d’ailleurs avec plus de facilité, lorsque la pratique en est commencée de bonne heure. Il peut y avoir cependant quelques exceptions pour certains métiers, pour l’exercice desquels il faut une force physique prédominante; alors le terme peut être différé, mais il ne doit point se proroger au delà de la seizième année. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Jj JsSSbrfi793 337 blioain démocratique et populaire, la plaie de la domesticité puisse continuer d’affliger le corps social aussi profondément qu’elle l’a fait jusqu’à présent. Toute mère de famille doit apprendre à se passer de secours étrangers, et ne doit point abandonner à des mains merce¬ naires les soins qui lui sont confiés. La domesti¬ cité n’est point une profession ; elle ne doit être considérée que comme un temps d’apprentissage, un genre d’instruction pratique, où la jeunesse peut recueillir des leçons et des exemples utiles. Cet apprentissage doit être de courte durée; et ce période révolu, il est d’autres soins et d’autres devoirs dont la nature et la société imposent l’accomplissement. Il est une vérité dont chacun dit être bien pénétré, c’est que, dans une république où les fortunes doivent être très divisées, où chacun doit avoir peu, pour que tous aient quelque chose; chez une nation d’où une horde immense de prêtres, de filles cloîtrées , de femmes égarées par la superstition ou dégradées par le vice, va disparaître sans retour, il faut que les mariages recouvrent leur dignité, et que le célibat soit frappé d’une éternelle proscription. Le célibat ne fut jamais qu’un raffinement de corruption, et un moyen d’assouvir plus librement de hon¬ teuses voluptés. J’abandonne ces réflexions à la méditation des sages et des vrais amis de la cause popu¬ laire : elles ne me sont inspirées que par l’ardent désir que j’ai de voir les hommes heureux. Ces réflexions ne sont point faites pour être livrées à la discussion des savants. Il n’appartient qu’au sentiment et à la touchante sensibilité de les apprécier, et de demeurer convaincu que ce n’est qu’en réalisant la mesure que je pro¬ pose, qu’on verra s’accélérer la régénération morale, seule capable d’opérer la prospérité et l’immuabilité de la République. CONVENTION NATIONALE Séance du 22 frimaire, Pan n de la République française, une et indivisible. (Jeudi, 12 décembre 1793.) La séance est ouverte à 10 heures du matin. Un membre [Bourdon {de l'Oise) (1)] donne lecture de la correspondance et des différentes pièces ci-après (2) : Les représentants du peuple Barras, Fréron, Robespierre jeune et Ricord, font passer à la Convention nationale un exemplaire de la pro-(1) D'après le Moniteur universel. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 127. lre SÉRIE, T. LXXXI. clamation qu’ils ont fait publier, au nom du peuple français, datée de Marseille le 14 de ce mois. Cette pièce énergique a été vivement ap¬ plaudie. La mention honorable et l’insertion au « Bul¬ letin » ont été décrétées (1). Suit le texte de la lettre et de la proclamation des représentants à Marseille d’après le Bulletin de la Convention (2). Les représentants du peuple près les armées et les départements du Midi, au comité de Salut public de la Convention nationale. « Marseille, le 14 frimaire, Fan II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. « Citoyens collègues, « L’exécution de votre arrêté, qui met cette commune en état de siège, a fourni à quelques malveillants le moyen d’exciter des troubles. La nuit qui a suivi la proclamation du comman¬ dant a été orageuse. La Société populaire, égarée par des meneurs, s’est déclarée perma¬ nente et est venue nous demander compte des motifs qui nous avaient déterminés à prendre cette mesure. La municipalité a poussé l’audace plus loin ; elle a délibéré de mettre en état d’arres¬ tation le commandant de la place et de retenir dans ses murs le bataillon des sans -culottes, dont nous avions ordonné le départ. Quatre bataillons de cette commune avaient encore reçu l’ordre de s’assembler dans leurs arrondis¬ sements respectifs. « Enfin, sous le prétexte d’une revue, on avait commandé toutes les troupes de nouvelle levée. Heureusement le peuple est resté calme; il a entendu la voix des représentants du peuple, et est resté sourd à celle des intrigants et des instigateurs. Par notre vigilance et notre fer¬ meté, nous avons déjoué ce grand complot, ourdi, nous n’en doutons pas, par des scélérats, qui, sous le masque du patriotisme, ne respirent que sang, et ne voient, dans la Révolution, que l’espoir de faire fortune et de s’enrichir des dé¬ pouilles de ceux qu’ils veulent immoler. « Nous savions, depuis longtemps, qu’on devait égorger les prisonniers : quelques soi-disant patriotes nous avaient même avoué que c’était dans les circonstances le seul parti à prendre. Sous prétexte de faire subvenir aux frais de la guerre, des conseillers municipaux avaient souillé leur écharpe en allant dans les prisons exiger des détenus des sommes considé¬ rables, qu’ils ont reportées le lendemain sur nos ordres. « Ainsi le meurtre et le pillage étaient au grand ordre du jour à Marseille; mais tout est déjoué. Le même jour a vu éclore et finir ce mouvement contre-révolutionnaire. Le départe¬ ment et le district se sont ralliés à nous. La Société populaire, revenue aux vrais principes, a délibéré tranquillement, la municipalité a (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 127. (2) Bulletin de la Convention, séance du 22 fri¬ maire (jeudi 12 décembre 1793), l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. 22