406 [États géni 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Sénéchaussée de Bordeaux. DEMANDES PARTICULIÈRES DES DIFFÉRENTES CORPORATIONS DE BORDEAUX. . CAHIER Des plaintes et doléances de la communauté des maîtres hôteliers, cabaretiers , cuisiniers et traiteurs de la ville de Bordeaux (1). Il est une foule d’objets à présenter à l’assemblée générale delà nation et sur lesquels elle portera sans doute une scrupuleuse attention. Chaque ordre ne manquera pas de les annoncer dans ses cahiers, les uns tendant à l’intérêt et au bien général de la nation, les autres n’intéressant que des corporations particulières, et il se peut que toutes les communautés n’exprimeront pas le même vœu, et que si elles sont d’accord sur certains objets, il en est d’autres dont elles ne feront peut-être pas de mention, parce que l’utilité de ces objets leur aura échappé. La communauté des maîtres hôteliers-traiteurs, ne se flatte pas de pouvoir présenter tous les objets qui peuvent et doivent être traités dans l’assemblée générale ; la plupart ne sont pas à sa connaissance, les autres peuvent lui échapper; mais pleine de confiance dans les lumières des autres corps et corporations, elle va faire le détail de ceux qui l’ont frappée plus vivement, bien assurée que les objets qu’elle pourra méconnaître ou connaître ne le seront pas par tous ceux qui doivent s’occuper de remédier aux maux qui affligent la nation. 1° Elle reconnaît qu’il est nécessaire de contribuer, par une imposition aux besoins de l’Etat; mais cette imposition ne peut point être arbitraire; elle ne peut être consentie que par la nation assemblée. Cette imposition ne doit pas être permanente : elle doit être proportionnée au besoin de l’Etat, et il est nécessaire que sa durée ne soit fixée que jusqu’à une certaine époque, après laquelle l’imposition ne pourra plus être perçue si elle n’est de nouveau accordée par la nation assemblée. Il est donc indispensable que l’assemblée des Etats généraux se renouvelle à des époques fixes et déterminées et qu’elle ne puisse jamais étudier ce à quoi on parviendra en accordant l’impôt, que depuis une assemblée jusqu’à l’autre. 2° Limposition doit être également répartie, abstraction faite du rang et de la qualité, chacun devant la supporter en proportion de ses biens ; c’est là un des abus dont la communauté demande la réformation. 3° La nation devant s’imposer elle-même, il est de toute justice qu’elle connaisse l’état des finances, la cause de son dérangement, la destination et l’emploi des fonds ; qu’il y ait un état des pensions et la cause pour laquelle chacune est accordée. 4° L’imposition devant porter sur la portion de la nation là plus nombreuse, il est de toute justice que le tiers-état, qui forme cette portion la plus nombreuse, soit présenté dans l’assemblée de la nation en nombre égal aux deux autres ordres réunis et que les délibérations s’y prennent par tête et non par ordre, afin que cette portion de la nation puisse y défendre ses droits. C’est là la principale demande de la communauté. 5° Elle demandera aussi qu’il plaise à Sa Majesté rétablir les Etats de cette province et que le tiers-état y soit représenté en nombre égal à la noblesse et au clergé. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 6° La liberté individuelle étant le plus beau privilège des Français, elle demandera l’abolition absolue des lettres de cachet, et qu’à l’avenir aucun citoyen, de quel rang et de quelle qualité il soit, ne puisse être emprisonné d’autorité, et que dès qu’il aura été privé de la liberté, on lui fasse son procès selon les formes indiquées, afin qu’il puisse faire éclater son innocence ou que le crime ne demeure pas impuni. 7° La suppression des abus du droit de chasse et pêche. 8° La manière dont l’administration des biens ecclésiastiques est faite doit aussi être l’objet des réclamations. Il est utile sans douteque le clergé ait des revenus, mais il est juste qu’ils soient répartis de manière à ce que la portion la plus utile des curés et vicaires soit plus considérable, ayant à peine de quoi vivre, tandis que la majeure “partie des revenus passe entre les mains des communautés religieuses, des prieurs, abbés et autres titulaires. On n’entend pas néanmoins supprimer les cures primitives, ces bénéfices qui ne sont pas à charge d’âmes; mais que les revenus soient répartis avec plus d’égalité. Il est très-possible de les répartir de manière que les communautés religieuses qui ont des biens immenses n’en conservent que ce qui leur est nécessaire et que le surplus soit donné aux curés, pour les faire vivre avec la décence qui convient à leur état. Il résultera même de cette répartition égale, le moyen de supprimer un abus scandaleux dans l’Eglise pour la perception des droits de dispense, baptême, mariage et sépulture ; que l’on assigne à chaque curé un revenu proportionné à ses besoins et que l’on supprime tous leurs droits odieux et même scandaleux pour la religion ; que l’on cesse de faire une distinction entre le riche et le pauvre, relativement aux secours spirituels ; qu’on ne marchande plus la place où l’on pourra être enseveli ; que l’on ne calcule plus au poids de l’or le plus ou moins de sonnerie de’s cloches, mais qu’elle devienne ce qu’elle était autrefois, un avertissement aux fidèles de prier pour les défunts. 9° La réformation des abus qui se sont glissés dans l’administration de la justice n’est pas moins essentielle. L’Assemblée nationale doit s’en occuper sérieusement. Il est intéressant de former un code civil et un code criminel. Cette partie surtout mérite la plus grande attention. Que les procédures ne soient plus un secret pour l’accusé ; qu’il ait le moyen de faire éclater son innocence; qu’on lui donne un conseil et surtout qu’on ne le fasse pas languir par une instruction lente et tardive. Il est aussi intéressant de simplifier la procédure civile, de mettre un terme à la durée des procès. Il serait à désirer que l’on pût forcer le juge à terminer chaque procès dans un délai qui serait fixé; que le jugement ne fût plus dû à la faveur, mais que chaque procès fût jugé à son rang. Il serait très-intéressant encore de remédier aux frais énormes des procès causés pour cause d’usurpation, parce que l’usurpé serait dans l’impuissance de subvenir aux frais de toute espèce qu’entraîne après soi un procès. 10° La communauté représentera aussi qu’il serait à désirer qu’on s’occupât sérieusement du soin d’obvier aux fréquentes banqueroutes, et elle sait aussi qu’il en est de volontaires, qui malheureusement sont très-fréquentes par l’impunité. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Bordeaux.] 40*7 Une loi rigoureuse qui imprimerait une note d’infamie sur tout banqueroutier volontaire et frauduleux ferait cesser cet abus nuisible au commerce. 11° De ces objets généraux et communs à toute la France, la communauté passera à ceux qui sont particuliers à cette ville. II en est un qui a déjà excité l’attention du sénat de cette province sur tous ceux qui logent des femmes de prostitution. Dans le sénat il a été rendu déjà des arrêts très -sévères sur cet objet. 12“ La communauté demandera aussi quil n’y ait plus qu’un même poids et une même mesure pour les comestibles et autres marchandises, comme à Paris. 13° Que chaque jour un des officiers municipaux se transporte au marché, accompagné d’un maître hôtelier-traiteur, et d’un maître pâtissier-rôtisseur, pour y taxer le poisson frais de mer et de rivière, les œufs et les autres comestibles, et qu’il soit prononcé pareillement une amende contre quiconque vendra et achètera avant la taxe. 14° Il est pareillement essentiel de pourvoir d’une manière solide à ce que tous les bourgeois et habitants puissent se pourvoir au marché des choses qui leur sont nécessaires ; qu’il n’y ait à cet égard aucune préférence soit pour le rang, soit pour la qualité ; il est nécessaire pour cela d’enjoindre àux marchands de vendre à quiconque se présenterait sans exception de personnes, et de prononcer une amende contre quiconque sera trouvé en contravention. 15° Qu’il y ait une police plu s rigoureuse qu’elle n’a été jusqu’ici dans les marchés pour empêcher que les regrattiers n’enlèvent les marchandises avant que les bourgeois et habitants ne se soient pourvus des choses nécessaires et souvent même avant la taxe. 16° Il est surtout indispensable de mettre fin à la rapacité des bouchers et de veiller à ce qu’ils ne vendent pas la viande au-dessus de la taxe et au-dessous du poids. On y parviendrait en procédant deux fois par an à la taxe, à peine d’une forte amende pour la première fois, de fermeture de leur étal pendant six mois pour la seconde, et en cas d’une troisième contravention, de fermeture absolue. Mais cela seul ne réussirait pas à détruire l’abus; peu de personnes connaissent les poids des bouchers en sorte que par là ils vendent la viande au-dessus de la taxe ; pour prévenir et empêcher cette fraude, il n’est besoin que de supprimer les poids dont ils se servent et y subsistuer les poids de marc. Il est encore nécessaire de faire défense aux bouchers, à peine de punition corporelle, de vendre la viande à l’œil et sans la peser, à l’exception cependant des têtes, pieds, foies et autres viscères. 17° La communauté regarde aussi comme indis-ensable la suppression de la maîtrise pour les oulangers, et la liberté de cet état ne peut être qu’avantageuse au public. La police doit être des plus rigoureuse pour prévenir les fraudes qui se commettent soit pour le poids, soit pour la mauvaise qualité du pain; elle croirait à propos d’obliger chaque boulanger d’avoir un numéro qu’il serait tenu d’empreindre sur chaque pain, à peine d’amende et de confiscation, d’ordonner que le choine ne pourra être plus fort que deux livres et moindre d’une livre, le pain coc de six ou douze livres, tant chez les boulangers que chez le canolier ; le pain bis de cinq à douze livres ; que le pain sera taxé à la première audience de chaque mois, et qüe tout pain où il manquera quatre onces sur six livres, sera confisqué et vendu au profit des pauvres. 18° La communauté est particulièrement intéressée à réclamer contre l’abus de l’administration du bureau des échas et à demander même la suppression des droits qui s’y payent. Cet impôt est exorbitant. La communauté des hôteliers-traiteurs, payant la capitation et industrie et frais de milice, partage donc ainsi la contribution générale. L’impôt sur les vins est perçu par le bureau des échas sur le pied qu’on les vend et le droit de ville n’est que de six pots par barrique. Louis X1Y en a créé six pots qu’il a supprimés. Les jurats représentèrent au Roi que la perception du droit des échas forme un impôt plus commodp à lever que les autres droits qui avaient été substitués. Les hôteliers-traiteurs ont eu beau représenter à la magistrature que ce droit étant éteint, on devait les affranchir de ce droit, néanmoins il a été perçu depuis près de soixante ans. La commune verra comme les fermiers des octrois perçoivent aujourd’hui à raison de 16 sols le pot, savoir : échalas 9 livres 12 sols, 10 pour cent qui fait 4 livres, 16 don gratuit, 4 livres 16 sols, 8 pour cent, ce qui forme pour chaque barrique à raison de 16 sols le pot, 21 1. 2 s. 6 d. C’est le droit d’aujourd’hui, et onveut les soumettre à déclarer leur vin à un prix fixe, et à ce que le vin qu’ils consomment pour eux et leurs domestiques, soit tenu en barrique sans qu’on puisse le mettre dans un vase. La commune prendra sans doute ces objets en considération ; ce droit d’échas, cet impôt sur les vins est particulier à une classe de citoyens, tandis que les au-très en sont exempts : c’est le peuple qui paye l’octroi et non le riche. Il est essentiel de demander au Roi F abolition dé ces impôts ruineux et de mettre ainsi fin aux vexations que l’on fait éprouver au peuple. Que tous les vins qui entrent dans la ville pour y être consommés ou par les habitants dans leurs maisons, ou dans les auberges, ou en cabaret, payent sans aucune distinction un droit quelconque aux barrières, comme à Paris ; c’est là le moyen de rendre l’impôt plus doux et moins dur pour la classe la moins en état de le supporter. Il y a au moins dans la ville mille bourgeois et nobles qui vendent leur vin en bouteilles sans payer aucun droit. Les hôteliers-traiteurs espèrent que le tiers-état fera valoir avec force les raisons qui doivent faire cesser cette distinction, ces privilèges, qui ne doivent point exister lorsqu’il s’agit d’impôts. 19° La suppression de la mendicité est un des objets sur lesquels on doit porter par les classes les plus instruites, les hôteliers-traiteurs s’y# réfèrent ainsi que pour les autres objets qui auraient pu leur échapper , ainsi que la convocation de rassemblée des 130 de la ville ne soient convoqués du tiers-état que par la commune de Tours ce qui peut avoir lieu à l’impôt et au droit attribué à la ville et au bien public. Signé, Barnay, Bonnoit, Pomard, Batüt. DEMANDES Particulières des différentes corporations de la ville dé Bordeaux (1). Les corporations du tiers-état de Bordeaux (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.