[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mai 1791.] nion; et s'il osait la rédiger ainsi, n’exciterait-elle pas le rire et la pitié ? Qu’est-ce en effet que la plainte si ce n’est une demande, une pétition accompagnée de douleur, accompagnée d’une dénonciation, d’une lésion qu'on a soufferte? Ainsi donc cette distinction que M. le rapporteur fait entre une plainte et one pétition est absurde. Eh t Messieurs, le droit de pétition ne devrait-il pas être assuré d’une manière plus particulière aux citoyens non actifs? Plus un homme est faible et malheureux, plus il a de besoins. plu s les prières lui sont nécessaires. Et vous refuseriez d’accueillir les pétitions qui vous seraient présentées par la classe la plus pauvre des citoyens! Mais Dieu souffre bien les prières, Dieu accueille bien les vœux non seulement des plus malheureux des hommes, mais encore des plus coupables. Et qu’êtes-vous donc? N’êtes-vous point les protecteurs du pauvre, o’étes-vous oint les promulgateurs des lois du législateur ternel ? Oui, Messieurs, il n’y a de lois sages, de lois justes, que celles qui sont conformes aux lois de l'humanité, de la justice, de la nature, dictées par le législateur suprême. F.t si vous n’étes point les promulgateurs de ses lois, si vos sentiments ne sont point conformes à leurs principes, vous n’êtesplusles législateurs, vousêtesplutôt les oppresseurs des peuples. ( Applaudissements .) Je regarde donc qu’il n’est pas permis à l’Assemblée d’accorder exclusivement le droit de pétition aux citoyens actifs. Je crois même que l’Assemblée, à titre de législateurs et de représentants de la nation, est incompétente pour ôter aux citoyens ce droit imprescriptible de l’homme et du citoyen. (. Applaudissements .) Je passe au second vice essentiel que présente le projet du comité; c’est celui qui met des entraves de toute espèce à la manière d’exercer le droit de pétition collectivement. Une collection d’individus, comme un particulier, a le droit de pétition, et ce droit n’est point une usurpation de l’autorité politique; c’est le droit imprescriptible de tout être intelligent et sensible. Il n’a rien de commun avec les pouvoirs qui doivent être rigoureusement réservés à ceux qui en sont investis par le peuple. C’est au contraire un droit naturel, et je soutiens que, puis-3ue tout individu isolément a le droit de pétition, n’est pas possible que vous interdisiez, à une collection d’hommes, quelque titre, quelque nom qu’elle porte, que vous lui interdisiez, dis-je, la faculté d’émettre son vœu et de l’adresser à qui que ce puisse être. 11 suftit qu’une société ait une existence légitime, pour qu’elle ait le droit de pétition ; car, si elle a le droit d’exister reconnu par la loi, elle a le droit d’agir comme une collection d’êtres raisonnables, qui peuvent publier leur opinion commune et manifester leurs vœux. On nous parle sans cesse de désordres, on nous fait craindre les plus grands maux, si nous laissons aux sociétés le droit de pétition qu’elles ont exercé jusqu’à ce moment sans aucune contradiction; or, quels faits peut-on citer? Je sais bien que des pétitions ont été adressées par ces sociétés qui veillent sans cesse au maintien des lois et connues sous le nom des amis de la Constitution; qu’elles ont souvent présenté à l’Assemblée nationale des adresses remplies de bons principes qui pouvaient éclairer la sagesse du législateur et lui révéhr des faits importants pour le salut public. Je vois bien quels sont les avantages immenses que ces sociétés ont produits , mais les maux qu’elles ont faits, je ne les aperçois nulle part. 685 Et c'est dans ce moment qu’on veut paralyser ces sociétés, leur ôter le droit d’éclairer les législateurs. Je le demande à tout homme de bonne foi qui veut sincèrement le bien, mais qui ne cache pas sous un langage spécieux le dessein de miner la liberté; je demande si ce n’est pas chercher à troubler l'ordre public par des lois oppressives, et porter le coup le plus funeste à la liberté. Je pense donc que, quant au droit de pétition, il n’y a pas lieu a délibérer sur le projet du comité de Constitution. Des réflexions non moins frappantes pourraient vous être présentées sur le droit d’afticbe; mais je les réserve à un autre moment, daus le cas où la question préalable sur le projet du comité, que je vous prie de mettre aux voix, ne serait point adoptée. {Applaudissements.) M. le Président. L’ordre du jour de demain sera la suite de la discussion du droit de pétition. M. Pétion de Villeneuve. Mais, Monsieur le Président, j’ui fait la molion de l’ajournement jusqu’après l’impression du rapport. Elleest appuyée, je vous prie de la mettre aux voix. Plusieurs membres : La question préalable sur l’ajournement. M. Anthoine. Je demande si on a ordonné l'impression du rapport pour en faire une pièce de cabinet. Si l’on veut qu’il soit médité avant de délibérer, il faut bien ajourner. M. le Président. On a demandé la question préalable, je la mets aux voix. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement.) M. le Président indique l’ordre du jour de la semaine et lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du mardi 10 mai 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. M. le Président. M. Priorcau fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé : Plan de géographie en relief. (Cet ouvrage est renvoyé au comité d’agriculture et de commerce.) M. le Président. M. Gauthier d’Autteville, prévôt général des maréchaussées du Dauphiné, adresse à l’Assemblée un Compte rendu au roi et à l’Assemblée nationale de for faits commis à l'ombre du civisme et de l'anarchie (2). (Cet ouvrage est renvoyé au comité militaire.) (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Voy. ce document aux annexes de la séance, p. 701 et suiv.