[Convention oatioaale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J Séclm'bre “lïg-17 { Pièce n° 11 (1). Observations de Michaud et Siblot, députés à la Convention nationale, sur les quatre libelles (2) que le nommé Boissard, ci-devant procureur syndic du district de Pontarlier, a publiés contre eux au sujet de la suspension provisoire qu'ils ont prononcée contre lui le 25 avril de la présente année. Boissard est fils d’un lieutenant général de bailliage, frère d’un émigré, père d’un prestolet qui, par sa puante aristocratie, s’est fait empri¬ sonner à Pontarlier dans le courant de l’été dernier, et beau-frère d’un ci-devant subdélégué, de deux ci-devant conseillers au Parlement de Besançon et du ci-devant trésorier du bureau des finances de la même ville; il aspirait, sous l’ancien régime, à devenir noble; il a cherché, quelques années avant la Révolution, à se hanter (sic) par une généalogie fabuleuse qui se trouve jointe à la dénonciation de la Société populaire de Pontarlier sur plusieurs familles de ci-devant nobles qui ont nié formellement de lui être alliées, entre autres la famille Mautry de Salins. Il croyait franchir insensiblement la distance qu’il y avait entre lui et cette caste privilégiée en ajoutant souvent à ses signatures la double qualité d’avocat (il parvint, quelques années avant la Révolution, et sans doute à cause de sa grande popularité, à la dignité démé¬ rite (sic) de la Ferme générale qui le fit procu¬ reur du roy delà justice des traites à Pontarlier) et d’ancien officier au régiment de Picardie; il a eu la petitesse de se pourvoir contre le curé de sa paroisse parce que, dans quelques actes de sépulture ou de baptême où celui-ci avait fait mention de lui, il ne lui avait donné que le premier de ces titres; il est si ridiculement vain que dans un de ses Mémoires soi-disant justificatifs, il a eu l’impudence de dire d’un de ses fils, volontaire dans un des bataillons du département du Doubs, qu’il était plus fait pour figurer au premier rang que nombre d’autres, et de se lamenter sur ce que ses camarades lui avaient fait subir la mortification de ne le placer que dans les derniers rangs de sa compagnie. Ce vaniteux personnage est si rempli de morgue que quelques lignes plus bas il lui est échappé de dire de la Société populaire de Pontarlier qui l’avait invité à se rendre dans son sein pour se justifier de plusieurs faits graves dont il avait été accusé : cette Société a été aveuglée au point de me mander, moi procureur syndic, et de me demander raison de ma conduite. Arrivé à Paris pour réclamer contre sa sus¬ pension, il s’est choisi pour défenseur officieux le nommé Rutledge, chassé même l’année der¬ nière de la Société des Cordeliers et envoyé dernièrement à l’Abbaye par ordre du comité de sûreté générale; Boissard s’est permis les personnalités les plus outrageantes contre Mi-chaud et Siblot parce qu’ils l’ont suspendu pro¬ visoirement de ses fonctions; il a traité leurs arrêtés d’arrêts proconsulaires, il leur a dit, relativement à celui par lequel ils ont soustrait le citoyen Le Rebours à d’affreuses persécutions qu’il exerçait contre lui, que sa grâce était une (1) Archives nationales, carton W 358. dossier 753, 2e partie, pièce 85. (2) Nous ne possédons que trois de ces libelles. collusion, son absolution un crime et sa canoni¬ sation une sottise ou une profonde scélératesse. Il les a comparés aux intendants de l’ancien régime ; il a donné à Michaud, en particulier, les épithètes infâmes d’hypocrite et de moderne Verrès; il a fait afficher le 2 juin, jour de la grande insurrec¬ tion populaire de cette ville, et jusqu’à la porte de ce dernier, un placard qui ne tendait à rien moins qu’à exciter contre lui l’indignation et la fureur du peuple ; il a eu la stupide méchanceté de lui dire, ainsi qu’à Siblot, en croyant les hu¬ milier beaucoup, qu’ils étaient les collègues effectifs de Marat et de Robespierre; il a vomi contre eux mille autres injures non moins atroces que celles qu’on vient de rappeler; il a osé, au mépris de l’arrêté par lequel ils l’ont suspendu de ses fonctions de procureur syndic, prendre cette qualité au bas des trois libelles en forme de mé¬ moire qu’il a publiés contre eux, comme si, en qualité de représentants du peuple et de com¬ missaires de la Convention nationale, ils n’en avaient pas eu le droit; il n’a pas rougi de se permettre envers la Convention nationale elle-même une basse et perfide flagornerie qui insulte de la manière la plus outrageante à sa fermeté et à sa justice; il lui a dit en propres termes : que tous les jours elle faisait grâce à des admi¬ nistrateurs suspects et même en rébellion ouverte, qu’il leur suffisait d'un désaveu, d’une simple rétractation et de quelques marques de repentir pour qu’elle s’empressât de les réintégrer dans leurs fonctions. D’après ces faits, quel est l’homme de bonne foi qui pourrait douter de l’incivisme de Bois¬ sard? Quel est l’homme honnête qui pourrait s’intéresser à sa réintégration? Quel est le pa¬ triote qui pourrait improuver les commissaires de la Convention nationale pour l’avoir sus¬ pendu de ses fonctions? Mais ce n’est point assez pour Michaud et Siblot d’avoir présenté cette légère esquisse des immoralités de Boissard; ils vont, en reprenant successivement les im¬ postures les plus spécieuses et les plus graves qu’il a entassées dans ses quatre libelles, prouver jusqu’au dernier degré d’évidence que sa prétendue justification n’est fondée que sur des calomnies ou de misérables subterfuges. lre allégation de Boissard. « Michaud, député, a influé sur la variation « inattendue et subite des dispositions de la « municipalité de Pontarlier à son égard; quel¬ le ques jours avant l’arrivée de celui-ci à Pon-« tarlier cette municipalité lui avait accordé « un certificat de civisme. » Béponse. Il est si peu vrai que Michaud ait provoqué la dénonciation que le conseil général de la commune de Pontarlier leur fit, à son collègue et à lui, contre Boissard, que deux membres de la municipalité, les citoyens Salo¬ mon et Battandier, étant venus leur présenter cette dénonciation le lendemain du jour où ils arrivèrent, Michaud les engagea, pour le bien de la paix, à ne pas insister sur la suspension de Boissard et à faire tout ce qui dépendrait d’eux auprès du conseil général pour qu’il ne persistât pas dans cette demande; que les mêmes municipaux, accompagnés de deux de leurs collègues, revinrent deux jours après dire aux commissaires que le conseil général, après avoir réfléchi ultérieurement et avec la plus grande attention sur les conséquences quj pourraient ■ résulter de cette suspension, n’ÿ 172 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. avait rien aperçu que d’infiniment utile au bien général et à la tranquillité particulière de la ville et du district de Pontarlier et qu’ils les supplièrent de ne pas différer plus longtemps cet acte de justice. Il est si peu vrai que Michaud ait suscité contre Boissard la haine qui éclata contre lui lorsqu’il parut à Pontarlier que, s’étant rendu avec son collègue à la séance ordinaire de la Société populaire de cette ville, ils n’y fu¬ rent pas plus tôt entrés que cent voix s’élevèrent pour demander son expulsion de l’administration du district, qu’il y fut déjà accusé de toutes les infamies que cette Société lui a reprochées dans sa pétition, que plusieurs membres demandèrent qu’il soit rayé à l’instant du tableau des socié¬ taires, que Michaud qui occupait le fauteuil s’v opposa fortement en disant qu’il ne conve¬ nait point de prendre un parti si violent avant que l’accusé eût été entendu; que sur ses repré¬ sentations cette radiation fut ajournée, que Boissard lui en fit des remerciements le lende¬ main au district ; que dans l’après-midi du même jour une députation de dix à douze membres de cette Société vint annoncer aux commissaires qu’elle adhérait au vœu que leur avait manifesté le conseil général de la commune, que Boissard, ayant refusé d’aller se justifier dans son sein des faits dont il avait été accusé, il en fut chassé et que son diplôme fut même brûlé sur le bureau, et que ce ne fut qu’ après tout cela que les commissaires prirent enfin le parti de le sus¬ pendre. Comment d’ailleurs le concilier avec lui-même? C’est Michaud, dit -il, qui a indisposé le conseil général de la commune contre lui ! et dans d’autres endroits de ses libelles il dit que la révolution de la municipalité à son égard n'est autre chose que l'effet de l'influence pestilentielle du citoyen Le Rebours, que c'est lui qui jette la commune dans l'illusion, que c'est lui qui subjugue la Société populaire, qui l'associe, qui l'asservit à ses vengeances. Voilà des contradictions bien manifestes. Quant au certificat de civisme qu’il a obtenu avant l’ar¬ rivée des commissaires à Pontarlier et qu’il fait contraster d’un air si triomphant avec la dé¬ nonciation du conseil général de la commune, Michaud et Siblot ont reconnu que jamais il ne l’avait mérité et que la municipalité, qui n’a pas tardé à se repentir de lui avoir accordé une fa¬ veur si déplacée, ne s’y est décidée que par la crainte qu’elle a eue des dangereuses influences de [son caractère fortifiées par l’autorité de sa place. 2 e imposture de Boissard. « Micnaud père est son ennemi. Michaud fils « n’a été, dans la suspension qu’il a prononcée « contre lui, que l’instrument de sa haine et « Siblot n’y a souscrit que par complaisance. » Réponse. Quelle preuve Boissard donne-t-il de la prétendue haine qu’il prétend que le citoyen Michaud père a contre lui? Aucune. Il est vrai que dans un de ses libelles il raconte que ce dernier a été en concurrence avec lui pour la place de maire, qu’il n’a tenu qu’à lui de l’en déposséder aux élections de l’année der¬ nière, mais qu’il a eu la générosité de ne pas le vouloir et qu’il a même déclaré qu’il n’accep¬ terait celle de procureur de la commune qu’ au¬ tant que Michaud serait continué dans le majorât. Mais si un sentiment d’inimitié avait pu naître d’une pareille concurrence, serait -ce du côté du citoyen Michaud père qui a réuni la pluralité des suffrages pour occuper cette place? Ne serait-ce pas plutôt du côté de Bois¬ sard qui n’a pas pu l’obtenir? Est -il présumable d’ailleurs que s’il s’est aussi bien montré pour Michaud qu’il le prétend, celui-ci, loin d’y avoir été sensible, loin d’en avoir conservé de la re¬ connaissance, n’ait cherché qu’à le perdre? Des procédés si contraires aux impressions que laisse le souvenir d’un bienfait sont -ils présumables et surtout dans un vieillard de soixante -huit ans qui a joui constamment de l’estime de ses concitoyens, qui a été continué maire trois fois de suite, après avoir occupé longtemps la même place sous l’ancien régime et qui n’a jamais eu la moindre difficulté avec Boissard; enfin com¬ ment concevoir que ce dernier ait pu reprocher à Michaud fils de s’être livré à la haine que le citoyen Michaud père lui portait, tandis qu’il a imprimé en toutes lettres, dans un autre de ses libelles, que c'était réellement au citoyen Le Re¬ bours qu'il l'avait sacrifié. Cette réfutation est si péremptoire qu’elle dispense Siblot de se jus¬ tifier de la lâche complaisance qu’il lui a repro¬ chée; l’échafaudage d’absurdités qui lui a fourni ce reproche étant renversé, Siblot n’a plus rien à dire. 3e imposture de Boissard. « Sa suspension et la réhabilitation de Le « Rebours ont été annoncés à Pontarlier avant « que les commissaires ne fussent partis de « Besançon. » Réponse. Cet insigne mensonge se trouve dé¬ menti par le récit que Michaud et Siblot viennent de faire des circonstances qui ont précédé l’arrêté qu’ils ont pris contre lui; malgré que la Société de Besançon les avait prévenus qu’il se condui¬ sait fort mal dans sa place de procureur syndic et que l’intérêt public demandait qu’il en lût écarté et qu’elle fût donnée à un patriote pur et incorruptible, sa destitution n’avait pas pu être annoncée à Pontarlier avant qu’ils y arrivassent parce qu’elle n’avait été ni arrêtée ni promise à Besançon; ils s’étaient contentés de dire à la Société de cette ville qu’ils examineraient la con¬ duite de Boissard et que s’il y avait matière à le suspendre ils sauraient faire usage des pouvoirs que la Convention nationale leur avait confiés. 4e imposture de Boissard. « Il s’était attiré, dit -il, la haine de quelques « agioteurs dont il avait froissé les intérêts; « ces agioteurs furent au-devant des commissai-« res à Besançon; ceux-ci prévenus par leurs « mensonges burent le venin de la préoccupa-« tion inconsidérée et ils avaient déjà prononcé « sa suspension avant qu’il eût pu penser qu’il « eût été porté contre lui aucune plainte. » Réponse. Ici ce n’est plus le citoyen Michaud père qui a donné l’éveil aux commissaires de la Convention nationale sur les malversations en tout genre que la Société populaire de Pontarlier et le conseil général de la commune de cette ville ont reprochées à Boissard, ce sont des accapareurs qui lui en voulaient parce qu’il avait mis un frein à leur sordide avarice. Si cette nouvelle contradiction prouve qu’il a une imagination très féconde, en revanche elle ne donne pas une grande idée de sa mémoire. Les détails dans lesquels Michaud et Siblot sont en¬ trés dans leur réponse à sa première objection [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j *| JéSSS're’ilM prouvent clairement qu’ils ne se sont décidés a le suspendre à Pontarlier qu’ après y avoir mûrement réfléchi et sur les instances réitérées non seulement du conseil général de la com¬ mune de cette ville, mais encore de la Société populaire qui y existe. 5 e objection de Boissard. « La dénonciation faite aux commissaires ne « contient pas une seule prévarication, pas « un délit desquels on puisse induire le moindre « reproche contre sa vie publique ou privée; « des mots vagues, des généralités ont été ac-« cueillies par la préoccupation inattentive et « la partialité filiale. » Béponse. Il fallait toute l’impudence de Boissard pour oser tenir un pareil langage; Mi-chaud et Siblot se contenteront, pour toute ré¬ ponse à une imposture si grossière, de rappeler en précis les faits dont le conseil général de la commune et la Société populaire de Pontarlier l’ont accusé, et de citer ensuite quelques aveux de sa part sur une partie de ces mêmes faits. Le conseil général de la commune lui a re¬ proché, dans sa dénonciation, de s’être montré constamment à Pontarlier l’ennemi de la chose publique et celui de la liberté et de l’éga¬ lité ; il lui a reproché de ne s’être dirigé dans ses fonctions de procureur de la commune et de procureur syndic du district que par l’arbitraire et ses passions, d’avoir opprimé ses concitoyens çt même des étrangers d’une manière plus tyran¬ nique que le despotisme n’eût osé le faire sous l’ancien régime; ü lui a reproché d’avoir eu des ménagements pour une famille accusée d’inci¬ visme et d’aristocratie et d’avoir résisté opini⬠trement aux instances que la municipalité et la Société populaire lui avaient faites pour qu’il la poursuivît et la fît juger; il lui a reproché de s’être montré l’ennemi de la municipalité dans le temps qu’il n’était que membre du con¬ seil général de la commune et d’avoir vexé le con¬ seil général après être devenu procureur syndic du district; il lui a reproché d’avoir commis la plus grande et la plus scandaleuse de toutes les injustices en faisant désarmer un citoyen qui avait l’estime de tous les patriotes de Pon¬ tarlier, à qui le conseil général de la commune, la garde nationale et la Société populaire avaient donné des certificats de civisme les plus hono¬ rables ; il lui a reproché d’avoir exigé de la muni¬ cipalité qu’elle fît désarmer ce citoyen, tandis qu’aux termes de la loi cette mesure aurait dû être concertée entre elle et le district ; elle lui a reproché d’avoir établi arbitrairement des pa¬ trouilles dans la ville de Pontarlier et sans en avoir prévenu la municipalité à qui la police de sa localité appartient; ü lui a reproché d’avoir célé à cette même municipalité un arrêté du dé¬ partement portant que toutes les municipalités du ressort cesseraient la surveillance qu’elles exerçaient sur le service des postes ; il lui a re¬ proché d’avoir autorisé arbitrairement un rece¬ veur des douanes à ouvrir les lettres qui passe¬ raient dans le bureau des postes de l’endroit de sa demeure; il lui a reproché enfin d’avoir calomnié indignement et sans aucun motif légi¬ time, dans une lettre qu’il avait adressée au département, après avoir eu l’adresse de la faire signer par quelques-uns de ses collègues, non seulement la Société populaire et la garde nationale \le Pontarlier, mais encore le conseil 173 général de la commune, un bataillon de volon¬ taires de la Drôme et un autre bataillon du 105e régiment. La Société populaire de la même ville l’a accusé : de n’avoir du patriotisme que le masque, d’avoir fait mendier dans les cantons du district de Pontarlier les attestations de civisme dont il se prévaut, d’être parti pour la Convention hérissé des calomnies les plus odieuses contre les patriotes de la même ville, d’avoir employé les quatre années qui ont précédé la Dévolution à se créer des généalogies par lesquelles il cher¬ chait à s’anoblir, de s’être montré au commen¬ cement de la Révolution le plus zélé partisan des parlements, d’avoir accablé d’injures des dépu¬ tés que la commune de Pontarlier avait envoyés aux États de la ci-devant province de Franche-Comté, et d’avoir même imprimé contre eux des libelles; elle l’a accusé de s’être glissé à Quingey dans une assemblée de nobles pour comprimer les efforts que le peuple faisait pour recouvrer sa liberté et d’en avoir été chassé honteusement, de s’être élevé contre l’établis¬ sement d’une garde nationale à Pontarlier; de s’être refusé au service qu’elle faisait et même à payer les remplacements de sa garde; d’avoir dit qu’il n’était pas fait pour faire ce service avec la canaille; d’avoir brigué plusieurs places; d’a¬ voir fait des libelles après avoir échoué dans ses manœuvres contre les patriotes qui les avaient obtenues; d’avoir tourmenté la muni¬ cipalité sous les plus vains prétextes, d’avoir persécuté ensuite les notables, d’avoir cabalé pour obtenir la place de juge de paix qui lui fut refusée, d’avoir intrigué avec la même indécence pour se porter à celle de procureur syndic, d’avoir favorisé une famille accusée de principes et d’actions contre-révolution¬ naires parce qu’il était débiteur envers un indi¬ vidu de cette famille de la somme de 4,500 livres ; d’avoir, comme procureur de la commune, perçu des frais sur les assignations qu’il donnait et sur les jugements qu’ü faisait rendre, de s’être approprié aussi les émoluments du greffier et de l’huissier. D’avoir abusé de l’autorité de sa place pour se faire prêter artificieusement des sommes appartenant à l’hôpital et aux confré¬ ries de la ville de Pontarlier sans donner caution, d’avoir fait désarmer des citoyens sans en avoir prévenu le conseil général de la commune à qui il appartenait aux termes de la loi de désigner les personnes suspectes contre qui cette mesure devait être employée. D’avoir fait tomber cette mesure sur les citoyens contre qui il avait des vengeances à exercer ou dont il convoitait les places, d’y avoir compris des juges qui, aupa¬ ravant, étaient entourés de la confiance pu¬ blique, d’avoir vexé constamment les citoyens français et étrangers qui se présentaient à la municipalité pour faire viser leurs passeports, d’avoir fait emprisonner deux malheureux déserteurs dont les passeports étaient en règle et qui avaient été relâchés de Melun par ordre de la Convention nationale et du ministre, d’avoir souscrit des billets en juin 1791 sur pa¬ pier libre, d’avoir soustrait de la maison des ci-devant Annoneiades de Pontarlier un billet de 144 livres qui appartenait à la nation ; d’avoir circonvenu les électeurs du district de Pontarlier pour se faire élire procureur syndic, d’avoir en¬ travé le commerce à Pontarlier en refusant de viser les passeports des commerçants de cette ville qui étaient obligés de se rendre en Suisse pour leurs affaires de négoce, d’avoir fait vendre 174 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j *f J-�nbie 'l793 clandestinement la bibliothèque de la nommée LeBeuf, émigrée, et de s’en être approprié une partie à l’aide d’un prête-nom; d’avoir décidé comme avocat que des fonds engagés par une commune pour une somme en numéraire ne pouvaient pas être retirés avec des assignats; d’avoir augmenté arbitrairement la liste des personnes suspectes que le conseil général de la commune avait cru sujettes à la loi du désar¬ mement; d’avoir fait désarmer et conduire en prison le citoyen Le Rebours, connu par son civisme pur et invariable; d’avoir surpris la reli¬ gion de la municipalité de Pontarlier pour en obtenir un certificat de civisme. Enfin la même Société lui a reproché encore d’avoir été chassé de son sein pour des prévarications certaines; et dans ses observations supplémentaires elle lui a reproché d’avoir exigé, comme procureur syndic des hommes de loi de Pontarlier, ses confrères, qu’ils prissent des patentes tandis que lui, qui continuait à exercer la même profes¬ sion, n’avait pas daigné remplir cette formalité et d’avoir poussé l’impertinence et le dérespect envers la représentation nationale jusqu’à traiter de triumvirs les premiers représentants du peuple envoyés dans le département du Doubs, qualification qui leur déplut beaucoup et dont iis se plaignirent hautement. Telles sont les inculpations que Boissard appelle des mots vagues, des généralités insi¬ gnifiantes dont on ne peut induire aucun reproche contre sa vie publique ou privée! Et, comment s’en est-il justifié! par des injures atroces contre les commissaires de la Convention nationale qui n’avaient point été ses accusateurs et qui, en le suspendant, n’avaient fait que leur devoir, et par des verbiages et des faux-fuyants qui, en décelant son embarras, ont rendu la preuve de ses iniquités encore plus complète. Qu’a-t-il répondu, par exemple, au reproche que la Société de Pontarlier lui avait fait do s’être attribué, à la police rurale de cette ville, des frais qui appartenaient au procureur (sic) et à l’huissier? « Si je dois compte, a-t-il dit, de quelques-uns de ces frais à des agents ministériels, pourquoi ne les ont-ils pas de¬ mandés eux-mêmes, pourquoi avoir saisi le moment de mon absence imprévue pour me faire ce grief? » Qu’a-t-il répondu au reproche que cette Société lui a fait d’avoir enlevé de chez les Ànnonciades de Pontarlier le billet de 144 livres qu’il leur devait, et qui était une propriété nationale? En disant qu’il en avait fait compensation avec des honoraires qui lui étaient dus. Qu’a-t-il répondu au reproche qu’elle lui a fait d’avoir décidé comme homme de loi que des fonds engagés pour mie somme en numéraire ne pouvaient pas être retirés avec des assignats? Il a dit qu’il n’avait pas donné un avis aussi tranchant et qu’au surplus un avis sur consultation n’était pas un jugement et qu’aucune loi ne le rendait répréhensible ou responsable pour ce fait. Qu’a-t-il répondu au reproche que cette Société lui a fait de s’être montré, au commencement de la Révolution, le plus zélé partisan des parlements? En disant que tant que le gouvernement ne lui laissait en perspective que le hideux despotisme qui écrasait tout, il aimait à se dire que les par¬ lements étaient à portée de lui en dérober la vue et les coups, et que cette façon de penser ne pouvait appartenir qu’à l’âme déjà répu¬ blicaine. Qu’a-t-il répondu au reproche que cette Société lui a fait, d’avoir eu des ménage¬ ments liberticides pour la famille Coün, de Pontarlier, accusée de fanatisme et d’aristo¬ cratie, et de l’avoir favorisée parce qu’il était débiteur d’une somme de 4,500 livres à un individu de cette famille? En verbiageant beaucoup, en supposant d’abord que s’il n’avait pas agi, c’était faute d’une loi assez précise sur l’objet en question, puis en finissant par dire qu’il n’était pas proprement le débi¬ teur de la famille Colin, tandis que c’est, au fils et au frère de la veuve et de l’abbé Colin qu’il doit 4,500 livres. Qu’a-t-il répondu enfin au reproche que la même Société lui a fait d’avoir cabalé ouvertement pour se porter à différentes places que sa petite vanité convoitait? En niant d’abord tranchément (sic) ce fait dans son libelle intitulé Détails justificatif s , puis en convenant, dans celui qu’il a publié sous le titre de Réponse à la dénonciation dè la Société populaire de Pontarlier qu’il avait effectivement intrigué pour la place de juge de paix de cetto ville et ensuite pour se porter au tribunal de district, mais en priant qu’avant de le juger sur cette étiquette on voulût bien considérer les circonstances où il se trouvait, qu’albrs, comme aujourd’hui, il était père d’une nom¬ breuse famille, qu’il voyait fuir son état acquis depuis plus de vingt ans et qu’il avait conçu que ses veilles et ses travaux semblaient encore le rapprocher autant et plus que d'autres d’une place de juge. Et pourquoi a-t-il avoué cette fois -ci qu’il avait cabalé pour se porter à des places? C’est parce qu’il s’est souvenu que le citoyen Demesmay avait fait iniprimer une de ses lettres par laquelle il l’avait sollicité de la manière la plus rampante à le faire entrer au tribunal de Pontarlier et en lui faisant entendre que s’il le lui obtenait, son frère qui était greffier du même tribunal en vaudrait mieux. C’est de cette pitoyable manière, c’est en niant des faits constants, ou en se donnant des démentis formels, ou en se retranchant sur de misérables prétextes que ce méchant hottiîne prétend effacer de son front le sceau d’igttomi-nie que le conseil général de la commune et là Société populaire de Pontarlier y ont imprimé; mais la Convention nationale saura apprécier ses moyens. 6e objection. « Les commissaires ont jugé Boissard sans « l’avoir entendu. » Réponse. Non seulement les commissaires ont entendu Boissard, avant de le suspendre, sur tous les faits contenus dans la dénonciation du conseil général de la commune de Pontarlier et sur ceux dont il avait été accusé en leur pré¬ sence à la Société populaire de la même ville, mais avant que d’en venir à cette mesure de rigueur ils l’ont encore confronté avec le citoyen Le Rebours, pendant plus d'une heure, et ils les ont entendus contradictoirement; cette confrontation, qu’aucun des membres du district ne pourrait infirmer parce qu’ils étaient tous présents lorsqu’elle a eu heu, a été connue de la Société populaire, qui l’a attestée dans ses Observations. 7 e imposture de Boissard. « Ses discours et ses écrits prouvent qu’il a « marché constamment dans le sens de la « Révolution graduelle et républicaine. » [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g de* cambre3 1793 Réponse. Cette jactance est bien démentie par tous les faits que le conseil général de la commune et la Société populaire de Pontarlier lui ont reprochés : « Vous prétendez vous con¬ former aux lois, lui dit très énergiquement cette Société; vous prétendez être juste, mais vos actions sont tout autre chose. Est-ce donc par la subversion des lois qu’on parvient à les affermir? Est -ce en immolant des citoyens qui ont bien mérité de la patrie qu’on fait des prosélytes? Est -ce en les vouant à la ruine publique qu’on maintient la tranqidllité? Est -ce enfin en semant le dégoût qu’on assure l’ordre? Boissard, vous avez fait tout ce mal. » 8 e imposture de Boissard. « Il ne s’est jamais refusé (dit-il) au service « de la garde nationale. » Réponse. La pétition de la Société populaire de Pontarlier atteste précisément le contraire, et le commandant et un tambour de la garde nationale do la même ville ont déclaré, aussi par écrit, que non seulement il avait refusé, au commencement de la Révolution, de monter ses gardes en personne, mais encore qu’il avait eu l’insolence de dire qu’il n’était pas fait pour les monter avec toutes sortes de gens. 9 e imposture de Boissard. « Les commissaires devaient entendre les « quatre-vingt -neuf communes composant le « district de Pontarlier avant que de le sus-« pendre. » A quoi il ajoute dans un autre de ses libelles que « toutes les communes ne s’étant « pas expliquées sur son compte, on ne peut pas « dire qu’il ait eu l’opinion publique contre lui. » Réponse. Il faudrait avoir bien du temps à perdre pour s’amuser à réfuter de telles absur¬ dités. Michaud et Siblot se contenteront d’obser¬ ver que les citoyens de Pontarlier devaient être crus sur des faits qui s’étaient passés sous leurs yeux et que, si les autres communes du district eussent été entendues sur ces mêmes faits elles n’auraient pu ni les affirmer ni les justifier. 10e imposture de Boissard. « La Société populaire de Frasne, persuadée « de l’innocence de Boissard et de l’in justice « des commissaires qui l’ont suspendu les a « dénoncés à la Convention nationale. » Réponse. Cette dénonciation est de Boissard lui-même. Le manuscrit trouvé à Besançon, chez l’imprimeur, est écrit tout au long de sa main. N’a-t-il pas bonne grâce, après cela, de se prévaloir contre Siblot et Michaud des calomnies qu’elle renferme. Il est à remarquer, d’ailleurs, que, malgré que cette prétendue dénonciation aurait eu l’assentiment de la Société de Frasne, elle n’en serait pas pour tout cela plus digne d’être crue : 1° parce qu’elle est démentie de la manière la plus positive par les témoignages que les Sociétés populaires de Besançon et de Pontarlier, le conseil général et la garde nationale de cette ville ont rendu à la Convention nationale sur la conduite irré¬ prochable que Michaud et Siblot ont tenue dans le département du Doubs; 2° parce quo le témoignage d’une commune aussi fanatique que celle de Frasne est tout au moins récusable à l’égard de deux députés montagnards ; 3° parce que la Société de ce petit village n’est composée que de quelques habitants de la campagne à qui l’artificieux Boissard ou ses partisans auraient arraché par surprise cette adhésion; 4° enfin parce que cette Société n’a pas été à portée de connaître la conduite que Siblot et Michaud avaient tenue à Pontarlier, ni les prévarications de toute espèce dont Boissard s’y était rendu coupable. 11e imposture de Boissard. « Plusieurs municipalités du district de « Pontarlier ont réclamé contre sa suspension. « Réponse. Ces municipalités ont réclamé à peu près comme un perroquet qui répète les mots qu’on lui a appris; Boissard ayant fait mendier des certificats de civisme et des adresses improbatives de sa suspension auprès de toutes celles du district; il en a obtenu de quelques-unes qui ont même été assez com¬ plaisantes pour se conformer littéralement aux modèles qu’il leur avait fait distribuer. Mais que conclure de pareils actes extorqués par surprise ou par menaces à la timide simplicité des habitants de la campagne? Rien du tout de favorable pour lui, car des certificats mendiés ne sont que des chiffons, et ceux dont il se prévaut sont d’autant plus à rejeter, que plusieurs ont déjà été rétractés et qu’il est convenu avec le citoyen Rieord, son premier rapporteur, qu’il les avait fait demander. 12e imposture mise par Boissard au rang de ses moyens justificatifs les plus imposants! « Le département du Doubs lui a donné, « dit-il, après sa suspension une attestation « qui prouve en sa faveur, et le procureur « général syndic lui a écrit que peu de pères « de familles avaient aussi bien mérité que lui « de la patrie. » Réponse. Il n’est pas étonnant que le dépar¬ tement du Doubs ait accordé à Boissard le certificat dont il se targue; il y avait identité de principes entre lui et la plupart des membres qui l’ont signé. Et puis son ami Janson, qui occupait une place dans cette administration, a su aiguillonner vivement par des brusquerie;; impétueuses, par des emportements violents ceux de ses collègues qui se faisaient scrupule de signer cet acte imposteur. Mais en suppo¬ sant pour un moment qu’il ait été accordé librement et par des administrateurs de trempe républicaine, qu’en pourrait-on conclure en faveur de Boissard? Atteste-t-il son civisme? Non; il ne fait mention que de ses talents; il ne contredit donc pas à l’arrêté des commis¬ saires qui ne l’ont pas suspendu pour impé¬ ritie, mais parce qu’il n’avait ni patriotisme ni délicatesse. Par qui ensuite ce certificat lui a-t-il été délivré? par une Administration qui a déclaré dans un de ses arrêtés du 19 fé¬ vrier de la présente année qu’il était prouvé jusqu’à l’évidence qu’il avait violé (sic) le sceau des lettres par treize individus, dont neuf ont été destitués de leurs places par les derniers commissaires que la Convention natio- 176 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRE� I 18 frimaire an il ( 8 décembre i793 nale a envoyés à Besançon. Ce certificat n’est donc à tous égards qu’une pièce de rebut à laquelle la Convention nationale ne peut point s’arrêter, et celui que lui ont expédié les admi¬ nistrateurs du district de Pontarlier, destitués eux-mêmes de leurs fonctions parce qu’ils se dirigeaient par les mêmes principes, doit avoir le même sort. Quant aux deux lettres si sottement louangeuses que Boissard prétend avoir reçues du ci-devant procureur général syndic de ce département et dans l’une des¬ quelles celui-ci lui dit si complaisamment que peu de pères de familles avaient aussi bien mérité que lui de la patrie, ce ne sont là que de basses flagorneries qui ne le disculpent point des faits pour lesquels il a été destitué; car un mensonge dans la bouche ou dans les lettres d’un procureur général syndic n’est toujours qu’un mensonge et il est constant, d’après toutes les prévarications, d’après toutes les bassessses dont le conseil général et la Société populaire de Pontarlier ont accusé Boissard, que loin d’avoir bien mérité de la patrie, comme il atteste de le croire d’après le témoignage d’un individu qui a perdu la confiance publique et que les commissaires de la Convention natio¬ nale ont jugé si coupable, qu’ après l’avoir destitué de sa place, ils l’ont fait mettre en état d’arrestation, il n’a cessé au contraire, depuis le commencement de la Révolution, de donner l’exemple scandaleux de toutes les immoralités les plus inciviques. 13e imposture de Boissard. « Ricord et Dartigoeyte n’ont pas fait, dit-il, « le rapport de son affaire parce qu’ils ont été « effrayés de l’évidence de ses moyens et des « torts des commissaires. » Réponse. Il n’est pas possible de se donner plus ridiculement les violons ni do mentir avec plus d’audace; si Ricord et Dartigoeyte n’ont pas fait ce rapport, c’est parce que peu de temps après la distribution qui leur en fut faite, ils furent envoyés l’un et l’autre en commission où ils sont encore. Se peut-il donc qu’à vue des motifs qui avaient engagé leurs collègues à suspendre Boissard ils aient pu les blâmer d’avoir fait usage si à propos des pouvoirs que la Convention nationale leur avait délégués? Comment leur supposer un tel aveuglement? Mais il est si faux que la prévention ou l’erreur les ont fascinés à ce point que Dartigoeyte n’avait pas encore eu le temps d’examiner cette affaire lorsqu’il a reçu sa mission et que Ricord, après avoir lu les pièces de Boissard et avoir entendu Michaud et Siblot leur dit en propres termes qu’il regardait ce pétitionnaire comme un bien mauvais sujet et que son rapport les vengerait des calomnies atroces qu’il avait fait imprimer contre eux. Ricord à son retour attestera très certainement ce fait. 14e imposture de Boissard. c Ses dénonciateurs n’ont osé donner la