[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 janvier 1791.] 366 d’interroger l’opinion, comme fonctionnaires oublies, pourraient se dispenser de répondre. Elle a seulement prononcé qu’alors ils seraient remplaces, ils ne pourraient plus exercer de fonctions publiques, parce qu’en effet ce sont deux choses évidemment inconciliables, d’être fonctionnaire public dans un Etat, et de refuser de maintenir la loi de l’Etat. « Tel a été l’unique but du serment ordonné par la loi du 26 décembre dernier, de prévenir ou de rendre inutiles les odieuses recherches qui portent sur les opinions individuelles. Une déclaration authentique du fonctionnaire public rassure la nation sür tous les doutes qu’on élèverait contre lui. Le refus de la déclaration ri’a d’autre effet que d’avertir que celui qui a refusé ne peut plus parler au nom de la loi, parce qu’il n’â pas juré ne faire maintenir la loi. « Que les ennemis ne la Constitution française cherchent à faire naître des difficultés sur la légitimité de ce serment, en lui donmint une étendue qu’il n’a pas ; qu’ils s'étudient à disséquer minutieusement chaque expression employée dans la constitution civile du clergé, pour faire naître des doutes dans les esprits faibles ou indéterminés : leur conduite manifeste des intentions et des artifices coupables ; mais les vues de F Assemblée sont droites : et ce n’est point par des subtilités qu’il faut attaquer scs décrets. » Si des pasteurs ont quitté leurs églises au moment où on leur demandait de prêter leur serment; si d’autres les avaient déjà abandonnées avant qu’on le leur demandât, c’est peut-être par l’effet de l’erreur qui s’était glissée dans l’intitulé de la loi, erreur réparée aussitôt qu’on l’a reconnue. Ils craignaient, disent-ils, d’être poursuivis comme perturbateurs dü repos public, s’ils ne prêtaient pas leur serment. « L’Assemblée, prévoyant à regret le refus que pourraient fairë quelques ecclésiastiques > avait du annoncer les mesures qu’elle prendrait pour les faire remplacer. Le remplacement étant consommé; elle avait dû nécessairement regarder comme perturbateurs du repos public ceux qui, élevant autel contre autel, ne céderaient pas leurs fonctions à leurs successeurs; c’est celte dernière résistance que la loi a qualifiée de criminelle. Jusqu’au remplacement, l’exercice des fonctions est censé avoir dû etre continué. « Smait-ce le sacrifice de quelques idées particulières, de quelques opinions personnelles; qui les arrêterait? L’avantage général du royaume, la paix publique, la tranquillité des citoyens, le zèle même pour la religion seront-ils donc trop faibles danslesmiuistres Ü une religion qui ne prêche que l’amour du prochain, pour déterminer de tels sacrifices ? Dès que la foi n’est pas en danger, tout est permis pour le bien des hommes, tout est sanctifié par la chanté. La rési>tanee à la loi peut entraîner, dans les circonstances présentes, une suite de maux incalculables; l’obéissance à la loi maintiendra le calme dans tout l’empire; le dogme n’est point en danger; aucun article de la foi catholique n’est attaqué. Gomment serait-il possible, dans uue telle position; d’hésiter entre obéir ou résister ? « Français, vous connaissez maintenant les sentiments et les principes de vos représentants; ne vous laissez donc plus égarer par des assertions mensongères. « Et vous, pasteurs, réfléchissez que vous pouvez, dans cet instant, contribuer à la tranquillité des peuples. Aucun des articles de la foi n’est en danger. Cessez donc une résistance sans objet ; qu’on ne puisse jamais vous reprocher la perte de la religion, et ne causez point aux représentants de la nation la douleur de vous voir écarter de vos fonctions par une loi que les ennemis de la Révolution ont rendu nécessaire. Le bien public en reclame la plus prompte exécution , et l'Assemblée nationale sera inébranlable dans ses résolutions pour le procurer. >> , Tel est, Messieurs, l’instruction que nous avons l’honneur de vous présenter; s’il entrait dans l’intention de l’Assemblée de, délibérer sur cette adresse et de l’adopter, voiçi ce que le,s comités vous proposeraient de décréter à la suite : ; « L’Assemblée nationale décrète que l’instruction sur la constitution civile du clergé, lue dans la séance de ce jour, sera envoyée sans délai aux corps administratifs, pour l’adresser aux municipalités, et qu’elle sera, sans retardement, luë tin jour de dimanche, à l’issue de la on ssé paroissiale, pàr le ciirë bu Un vicairë; et, à leur défaut, pat le ndaire oii le premier officier municipal. « Elle charge son président dé sè retirer, dans lë jour, devers le roi, pour le prier d’accorder sa sanction au présent dëcrël, et de donner lès ordres les plus positifs pour sa plus prompte expédition et exécution. » (Dans le tumulte, tin entend invoquer la quës-tioii préalable èt plusieurs mëthbres crier i Aux voix !) M. i’abbé Maury. Vbiis peUserei, par ma présence dans cettë tribune, combien je suis profondément persuadé qu’il n’èst pas nécessaire d’avoir aucune faveur përsontiëile dans cette Assemblée, Cjuând on y présente leS intérêts de la justice et de la vérité. D’après les principes que voué venez d’eùtehdrë dans l’instruction que VoS comités réunis vous présentent ën ce moment, Si nous cherchons aVeë impâftiàlitë le rârid intérêt de la tranquillité publique, nous evons ië trouver dans un instant. Nos principes, Messieurs, et je ne crains pas d’être contredit par mes honorables collègues, nos principes se rapprochent infiniment dans la théorie de ceux qüi viennent d’être développes. Il ne s’agit plus dans ce moment que de chercher sans coutemion d’esprit, sans désir d’opposer uüe vaine résistance, et surtout sans désir de faire prévaloir son opinion, si les conséquences quë l’on tire de ces mêmes principes doivent être admis par des hommes de bonne foi. Nous convenons donc toüs, Messieurs, et nous bénissons la loyauté de vos comités qui en ont fait le noble aveü, nous convenons donc tous que les objets qui appartiennent à l’aütorité de l’Eglise sont étrangers à Cette Assemblée : or, Messieurs, il ne suffit pas d’éi oncer ce principe, il s’agit d’examiner dans cette Assemblée ce qui dans ce moment se discute dans toutes les paroisses du royaume; savoir : si véritablement les ecclésiastiques fonctionnaires publics sont suffisamment rassurés par cet aveu, et si le dévbir impérieux de la confiance leur permet d’adhéfer à la constitution civile du clergé sous la seule garantie de l’Assemblée nationale, qui déclare publiquement qu’elle ne veüt porter aucune atteinte à l'autorité spirituelle . Ici, Messieurs, la discussion devient infiniment facile; et comme il convient toujours à des législateurs, et même à dë simples citoyens, de se mohtret généreux et indülgénts envers des hommes qu’on a réduits à la triste nécessité de faire [Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 janvier 179 î.j 367 une apologie publique de leurs sentiments, per-mettez-moi de vous le rappeler, Messieurs, sans vous le reprocher, mais uniquement pour consacrer une vérité incontestable ; permettez-moi, dis-je. Messieurs, de vous représenter avecrespect que si on eût voulu reconnaître plus tôt dans cette Assemblée les mêmes principes que l’on adopte dans l’instruction qui vient d’être lue, nous n’aurions pas essuyé le double désagrément d’avoir sollicité inutilement dans cette Assemblée un décret par lequel elle rendit hommage au principe que l’autorité spirituelle lui est étrangère; nous n’aurions pas présenté à cette Assemblée une formule de serment dans laquelle nous voulions précisément mettre à l’écart tous les objets réservés à la puissance spirituelle. Je ne reproche point au Corps législatif ses décisions, mais si je les lui rappelle dans ce moment, c’est pour justifier la conduite des ecclésiastiques dont la conscience a été alarmée. Eh bien l Messieurs, puisque nous convenons tous que l’autorité spirituelle est étrangère à l’Assemblée nationale, qui peut donc nous diviser? Il ne s’agit, Messieurs, de consulter dans ce moment que l’intérêt delà vérité, et la vérité prend un caractère d’évidence qui est incontestable. Il ne suffit pas, car nbus voulons tous pirocéder avec loyauté et bonne foi, que l’Assemblée nationale ne veuille pas porter atteinte à la puissance spirituelle ; est-il vrai que la Constitution civile n’y porte aucune atteinte? (Murmures.) Plusieurs voix : Non 1 non 1 M. l’abbé Maury. J’avoüe et je crois pouvoir le déclarer ouvertement en présence de tous ies contradicteursqui voudront m’éclairer, j’avoue qu’il me paraît plus clair quë la lumière du soleil que, contre votre intention, vous avez touché à l’autorité spirituelle. ( Grands murmures.) M, de Tracy. L’ordre du jour n’est point de discuter la constitution civile du clergé, mais l'instruction présentée par vos comités. M. l’abbé Gouttes. M. Maury calomnie l’Assemblée ; je suis dans le cas de le prouver. M. l’abbé Alaury. Mais, Messieurs, il faut m’entendre 1 M. de Tracy. L’opinant nous rejette dans l’équivoque interminable qui nous a été présentée il y a quelque temps. L’Assemblée n’a pas voulu toucher à la religion ; l’Assemblée l’a décidé par ses décrets. Nul corps dans l’Etat ne peut décider le contraire. Si une claâse d’hommes dans l’Etat pouvait, sur ce point, contredire le Gorps légistatif, le corps constituant, nous perdrions ici notre temps, il faudrait leur laisser la place. Personne n’a le droit de limiter les pouvoirs du Gorps législatif, parce que nul corps ne lui est supérieur. On ne prouvera jamais que notre religion nous empêche de faire les dispositions que l’Assemblée nationale a faites pour le bien du royaume. Si l’on nous prouvait qu’une religion quelconque peut et doit nécessiter l’obéissance à un prince étranger. .... Une voix : Ge n’est pas cela ! M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angely). Je demande que M. le président dise à M. Maury qu’il s’agit en ce moment, noti. de discuter un point de fait ou de droit qui n’est pas à l’ordre du jour, mais d’examiner si l’adresse qui vient d’être lue, et aux principes de laquelle le préopinant a été forcé de rendre hommage, renferme des principes qu’il veuille contester ; je demande donc qu’il soit rappelé à l’ordre de la discussion. . M. Aladier de Afontjau. Si on discute l’adresse pour la correction du style, elle doit être renvoyée à l’Académie; si c’est pour les principes, on doit permettre à M. l’abbé Maury de les examiner, ou bien il faut l’adopter de confiance comme toutes les autres. M. l’abbé Alaury. il s’agit, dans ce moment, d’un trop grand intérêt pour que je veuille m’écarter des bornes de la plus sévère modération. Je préviens l’Assemblée que mes conclusions sont très douces. (On rit.) Je vous disais dernièrement, et je vous demande la permission de le répéter, qu’il faut toujours finir par entendre la vérité. Commençons, Messieurs, pat* la chercher. Si nous la cherchons de bonne foi, nous devons être d’accord dans une minute. Considérez que j’ai l’honneur de vous parler au nom d’un grand nombre de citoyens dont la conscience est inquiète. La question m’est absolument étrangère, je ne suis point fonctionnaire public. On ne me demande aucun serment. Je parle au nom d’une foule de malheureux, qui n’ont point d’autre voix pour se faire entendre. Une voix : Que vous ! M. l’abbé Alaury. Daignez donc, Messieurs, oublier en ce moment l’orateur, et vous souvenir au nom de qui il vous parle; il vous dit en leur nom : vous ne voulez pas toucher à l’autorité spirituelle et vous le déclarez ; c’est bien là votre conscience, mais ce n’est pas la nôtre. Rassurez-nous, car üous sommes très inquiets. Nous vous disons qdé contre votre intention , puisque vous en faites une déclaration si authentique et si légale, nous remarquons que cette prétendue constitution civile du clergé nous paraît spirituelle sous deux rapports. Eclairez-nous si nous noos trompons, il y va de noire vie (Interruption); car lë peuple nous prend pour des ennemis publics. Une voix : Il a raison ! M. l’abbé Alaury. Ecoutez des malheureux qui ne vous parlent qu’au moment où il y a déjà des martyrs dans le royaume. Plusieurs voix à gauche Cela n’est pas vrai 1 (Tumulte.) M. l’abbé Alaury. je prends pour moi les huées, je demande les lumières pour le clergé. Eclairez des malheureux qu’on menace d’assassinats. Voici les deux rapports d’inquiétudes, car il faut bien que vous les connaissiez ; il faut bien que vous sachiez si ces hommes sont absurdes. Ils vous disent ; Votre constitution civile devient spirituelle sous deux rapports : 1° Il paraît démontré que plusieurs articles, dans votre préfendue constitution civile du clergé, peuvent être simples, raisonnables, désirables pour le bonheur des peuples� mais qu’il y manque, pour les faire unanimement applaudir, de demander la consécration de la puissance spirituelle qui doit intervenir. (On rit et on murmure.) 368 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]21 janvier 1791.] M. Chasset, rapporteur. Je demande la parole pour u Lie question d’onlre. M. l’abbé Alanry. On va nous dire : puisque vous trouvez cette constitution si raisonnable, que ne l’adopti z-vous sur-le-champ? Voilà votre argument. Eh oien, voici ma réponse : il me paraît bien extraordinaire qu’on ait posé ici en principe, au nom des quatre comités, que la démission volontaire des évêques ou des curés supprimés donnerait à votre loi toute la sanction que l’autorité spirituelle peut réclamer; c’est une grande erreur. (Mxirmures.) Je ne crois pas qu’aucun membre de cette Assemblée ait eu l’intention de rendre le clergé odieux au peuple; mais il est pourtant bien vrai que dans cette tribune on a dit plusieurs fois : si la constitution civile ne vous plaît pas, donnez votre démission, retirez-vous,; on vous donnera un succe-seur. Plusieurs membres à gauche : Oui! oui! M. l’abbé Alaury. Eh bien, sans examiner la nature u un tel ordre, qui vous paraît peut-être à vous-mêmes un peu sévère, R démission même volontaire de tous les titulaires qui ne veulent pas vivre sous le régime de la constitution civile du clergé ne prouverait rien encore, parce qu’un évêque, en faisant vaquer son titre, ne transmet pas son titre épiscopal à son voisin. {Murmures.) Ecoutez-moi donejusqu’au bout! Je dis que si vous voulez procéier dans les règles, l’absence et la démission ne vous serviraient de rien, parce qu’une église veuve ne peut pas être anéantie; il faut que le double concours de la puissance spirituelle et de la puissance civile intervienne et traite... (Murmures.) Toutes les fois qu’on vous pail • de moyens de traiier, vous supposez que ce sont des moyens de résistance; ce sont des moyens légaux, graves, tels qu’un Corps législatif n’en doit jamais connaître d’autres. Supposez que les évéques donnent leur démission aujourd’hui; demain, par que le autorité les évêques conserves seront-ils investis de la nouvelle juridiction? Ge ne sera pas par la puissance civile, puisque vous venez de reconnaître que vous n’aviez pas le droit de conférer une juridiction spirituelle. (Murmures.) M. Chasset, rapporteur. Je demande la parole pour une question d’ordre. Je fais la motion que... ( Grands murmures à droite.) M. l’abbé Maury soit rappelé à l’oidre, et en conséquence qu’il soit restreint à discuter sur J’adresse qui vous est présentée, et qu’il ne vienne pas ici attaquer la Constitution civile. M. l’abbé Alanry. Je ne l’attaque point. M. Chasset, rapporteur. Il s’agit de savoir s’il y a quelque chose à retrancher, à augmenter ou mobilier dans l’adresse, et M. l'abbé Maury veut ouvrir une controverse pour la constitution civile du cierge. M. l’abbé llaury. On commande des tambours pour m’interrompre M. Chasset, rapporteur. Quand la loi est portée, vous dt Vt z l’exécuter ; discutez l’adresse s.ms entrer dans l’txameu de la Constitution civile. ( Applaudissements .) M. l’abbé Maury. Je discute votre adresse comme on la discutera avec respect dans tout le royaume. M. Chasset, rapporteur. Eh bien, que voulez-vous y changer? M. l’abbé Alaury. Si vous voulez avoir des signataires, permeth z-rnni de vous dire ce que l’on vous dira des quatre coins du royaume. Eh bien, on vous dira que vous n’avez pas le droit de toucher à l’autorité spirituelle. Plusieurs membres à gauche se levant : C’est toujours le même cercle vicieux 1 Aux voix ! aux voix! aux voix! M. l’abbé Maury quitte la tribune. ( Vifs applaudissements à droite ; murmures à gauche.) M. l’abbé Alaury, ère s'avançant vers le milieu de la salle : Vous voyez ici le tableau de ce qui arrivera dans le royaume; la moitié approuvera, l’autre moitié murmurera. M. de Foucault de Cardimalie. Nous ne pouvons pas preudre part à m délibération. (Une partie nés membres nu côté droit sort de la salle.) (On entend quelques applaudissements.) L’Assemblee décide que la discussion est fermée. (L’adresse est mise aux voix et adoptée, sauf rédaction.) Le projet de décret est adonté en ces termes : « L’Assemblée nationale décrété que l’instruction sur la constitution civile du clergé, lue dans la séance de ce jour, sera envoyée sans dél ii aux corps administratifs pour l’adresi-er aux municipalités, et qu’elie s> ra sans retardement lue un jour de dimanche, à l’issue de la messe paroissiale, par le curé ou un vicaire, et, à leur défaut, par le maire ou le premier officier municipal. Elle charge son président de se retirer dans le jour devers le roi, pour le prier d’accorder sa sanction au présent décret, et de donner les ordres les plus positifs pour sa plus prompte expédition et exécution. » M. le Président annonce l’ordre du jour de demain et lève la séance à trois heures. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 21 JANV1EK 1791. Nota. — En vertu du décret du 12 juin 1790, le comité de mendicité fît imprimer et distribuer, dans Je cours de l’année 1791, divers rapports que nous insérons ci-dessous. Troisième rapport du comité de mendicité. Bases constitutionnelles du système général de la législation et de V administration de secours (1), par k. de Fa Itochefoucauld-JLiancourt. (Le troisième rapport du comité, distribué en (1) Les comités de Constitution, d’imposition et ecclé-