SÉANCE DU 20 BRUMAIRE AN III (10 NOVEMVRE 1794) - N08 20-22 77 générale par appel nominal : cette motion n’a pas de suite (97). CLAUZEL : Je demande que Reubell, qui présidait hier les quatre comités réunis, rende compte des délibérations qui ont été prises. La parole est accordée à Reubell. Le représentant du peuple [REUBELL] qui a présidé les quatre comités réunis lorsqu’ils ont délibéré sur l’événement d’hier, rend compte des faits (98). REUBELL : Citoyens, hier la séance du comité de Sûreté générale s’était prolongée jusqu’à cinq heures ; mais au premier avis du trouble qui se manifestait, les membres se réunirent, et à huit heures tous étaient à leur poste. Ce n’est pas moi que les quatre comités ont choisi pour être leur organe (99) ; ce ne sera donc pas un rapport que je vais vous faire, mais simplement un récit des faits, et le résumé des opinions qui ont été émises dans les comités lorsque je présidais. Un membre de cette Assemblée a dit aux Jacobins que les partis étaient en présence. Je crois qu’il s’est trompé; il n’y a qu’un parti en France, celui qui veut sauver la République. (Vifs applaudissements. Oui, oui ! s’écrie-t-on de toutes parts.) Comme il n’y a qu’un seul parti, il ne doit y avoir qu’un seul cri de ralliement, et ce cri de ralliement doit être : Vive le peuple ! [vive la liberté!] (100) vive la République! vive la Convention nationale! (On applaudit.) Tout autre cri qui servirait de ralliement à une faction n’est qu’un cri de révolte, un cri de guerre civile : c’est d’après ce principe que vos comités se sont conduits : vous allez les juger. Les yeux les moins exercés à la tactique des factions devraient s’apercevoir que ce qui se passe en ce moment n’est qu’une suite et une conséquence de ce qui a lieu depuis quinze mois. Avez-vous donc oublié que le but des hommes qui sont venus ici commander à la Convention, et lui faire des demandes qui ont conduit plusieurs de ses membres à l’échafaud, était d’avilir la représentation nationale, pour être les dominateurs de la France? Ce fait existe. DUHEM : C’est au Palais-Royal qu’on avilit la Convention nationale. REUBELL : Oui, je suis sur la brèche ; ma vie est à la patrie, je l’offre ; mais avant de la perdre j’aurai le courage de dire toute la vérité. (Vifs applaudissements.) Où la tyrannie s’est-elle organisée? où a-t-elle eu ses suppôts, ses satellites? C’est aux Jacobins. Qui a couvert la France de deuil, porté le désespoir dans les familles, peuplé la République de bastilles, rendu le régime républicain si odieux qu’un esclave courbé sous le poids de ses fers eût refusé d’y vivre? les Jacobins. (Vifs applaudissements.) (97) P.-V., XL IX, 109. (98) P.-V., XLIX, 109. C.Eg., n° 814. (99) Débats, n° 778, 715 indique que « Laignelot, nommé rapporteur, s’étant trouvé incommodé, n’a pu faire le rapport ». (100) Débats, n° 780, 729. Qui regrette le régime affreux sous lequel nous avons vécu? les Jacobins. Si vous n’avez pas le courage de vous prononcer en ce moment, il n’y a plus de République, parce que vous aurez des Jacobins. (Nouveaux applaudissements.) GASTON : Je déclare pour le salut de la République... (Grand bruit.) Plusieurs voix : La parole est à Reubell. REUBELL : Sans doute il est des aristocrates ; mais que chacun de nous descende dans sa conscience, qu’il jette un coup d’oeil sur l’intérieur de la République ; il verra que ceux qui dans les départements sont les patriotes les plus exagérés étaient aristocrates au commencement de la révolution. (On applaudit.) Étaient-ce les aristocrates, à la manière de certaines gens, qui dans le nuit du 9 au 10 thermidor conspiraient contre la République? Étaient-ce les aristocrates qui, dans cette nuit célèbre, remplissaient les tribunes des Jacobins et de la commune rebelle? Étaient-ce les aristocrates qui voulaient assassiner la représentation nationale? Étaient-ce les aristocrates qui voulaient dominer pour se gorger d’or? Non, c’étaient les Jacobins! (On applaudit. ) Pouvez-vous vous dissimuler, sans passer pour des lâches, que le système qui existait aux Jacobins avant le 9 thermidor ne soit le même que l’on suit maintenant? Quel est le Jacobin rebelle qui soit tombé sous le glaive de la loi depuis le 9 thermidor, si ce n’est le vice-président? S’il y avait un président aux Jacobins dans la nuit du 9 au 10 thermidor, il y avait aussi une assemblée; pourquoi avoir puni l’un et fait grâce aux autres? Quelles sont maintenant les tribunes des Jacobins? les mêmes du 9 thermidor : elles sont composées de Furies de guillotine (on applaudit), qui ne font d’autres métiers que de les remplir, et de venir assiéger celles de la Convention nationale. (On applaudit [vivement, et la Convention se lève en criant : Oui, oui.)] (101) [C’est ainsi qu’une poignée de factieux se met insolemment en opposition avec votre sublime Adresse.] (102) Souffrir que de misérables factions se mettent au-dessus de la Convention nationale, quelle honte pour nous ! Depuis quelque temps, des gens soudoyés par la faction se mêlaient aux groupes, et affectaient de se mettre en opposition avec la Convention nationale pour sonder l’opinion publique. Le premier jour, ce petit manège leur a réussi ; mais le second jour, le peuple avait ouvert les yeux, et les battants ont été battus. (On rit.) Alors, grand bruit ; ils ont dit que tout était perdu parce que des Jacobins avaient reçu quelques coups de bâton. (On rit et on applaudit.) Ce qu’on faisait il y a quelques mois se répète aujourd’hui : des gens sans aveu se mêlent dans les groupes, et, je ne sais pourquoi, crient les uns : Vivent les Jacobins! et les autres : Vive la Convention! DUHEM : C’est faux! (Bruit.) (101) Débats, n° 780, 731. (102) Débats, n° 780, 731. 78 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Plusieurs membres : C’est vrai! [RUAMPS : Reubell, tu nous prouveras tout à l’heure que ce sont les Jacobins qui ont assassiné le Palais-Royal.] (103) *** : Les pièces déposées au comité prouveront que plusieurs Jacobins ont été assassinés au Palais-Royal. REUBELL : Hier on nous amena au comité de Sûreté générale cinq individus. Après les avoir entendus, il en est résulté que dans les groupes on avait maltraité des gens qui criaient vive la Convention nationale! ( Des murmures s’élèvent dans une partie de la salle; plusieurs membres démentent le fait; d’autres l’attestent.) DUHEM : Ils avaient été arrêtés le poignard à la main. Reubell ment au peuple français. PONS (de Verdun) : Ce que dit Reubell est faux; (j’y étois] (104). REUBELL : J’observe à mon collègue Pons, qui me donne un démenti, que le fait dont je parle, s’est passé hier matin, et qu’il n’était pas au comité. DUQUESNOY : Les prétendus Jacobins dont parle Reubell sont du Palais-Royal; ils crient Vivent les Jacobins! pour les faire exterminer. RUAMPS : Il y a plusieurs assassinats de commis. Plusieurs membres : Tu n’as pas la parole. {Bruit.) RUAMPS : Je demanderai la parole jusqu’à ce que l’on me tue ; j’en ai vu qui voulaient nous égorger. ( Grand bruit.) Duhem et Ruamps parlent dans le tumulte. [C. : J’observe au président que Reubell à la parole par un décret.] (105) LESAGE-SENAULT : Je demande que Lai-gnelot, rapporteur des comités, ait la parole. CLAUZEL : Laignelot avait été nommé rapporteur par les comités, mais une incommodité l’a empêché de se préparer. Les comités ont été inculpés; la Convention a décrété que Reubell, qui les présidait, rendrait compte de ce qui s’était passé ; je demande qu’elle fasse respecter son décret. {On applaudit.) LESAGE-SENAULT : Je demande la parole pour un fait. Plusieurs voix : Quand Reubell aura fini. GOUPILLEAU (de Fontenay) : Je demande, par motion d’ordre, que Reubell soit entendu dans le silence. À la fin de cette discussion il se trouvera des hommes qui, mettant de côté les passions et les individus, parleront pour les principes et en faveur de la chose publique. (103) Débats, n° 780, 731. (104) Débats, n° 780, 731. (105) Débats, n° 780, 732 attribue cette observation au représentant « Cigoigne », inconnu. THURIOT [fait observer qu’il était présent aux comités réunis.] (106) On n’a point chargé Reubell de dire les diatribes qu’il vient de débiter. {Rumeurs.) Plusieurs membres : Président maintenez la parole à Reubell. REUBELL : Il me semble qu’on oublie que j’ai la parole par décret, et que je ne fais que rendre compte de ce que j’ai vu, sans y rien ajouter. J’adjure Thuriot de déclarer si j’ai proféré une parole qui n’ait été dite au comité. BILLAUD-VARENNE : On n’a point dit à l’Assemblée... {Murmures.) Je demande la parole pour un fait. [Quelques membres : Président, rappelle à l’ordre cet homme. - Voilà comme les meneurs des Jacobins respectent la Convention et ses décrets.] (107) REUBELL : Ces interruptions doivent faire voir clair à tout le monde. (Oui, oui! s’écrient plusieurs membres.) LALOY : Président, demande à l’Assemblée la force nécessaire pour faire respecter ses décrets. *** : Ce tumulte prouve que les Jacobins influencent la Convention. {Quelques applaudissements. Murmures.) REUBELL : Il est évident qu’en m’interrompant sans cesse on me fait perdre le fil de mes idées et la suite des faits que j’avais à révéler à la Convention. Je disais donc qu’étant au comité de Sûreté générale, à trois heures, on y amena plusieurs individus : les uns se plaignirent d’avoir été maltraités parce qu’ils avaient soutenu la Convention nationale. {Murmures dans une partie de la salle. Plusieurs membres attestent le fait.) Parmi ces individus était une femme qui mérite votre intérêt, parce que vous avez décrété qu’elle a bien mérité de la patrie ; elle se plaignait aussi d’avoir été maltraitée pour avoir crié : vive la Convention! D’autres, au contraire, portaient des plaintes de ce qu’on les avait insultés en criant : vivent les Jacobins! Vous le voyez, citoyens, les deux parties se trouvaient réunis au comité. Il est résulté de leur interrogatoire que des personnes rassemblées dans la cour des Tuileries criaient, les unes : vivent les Jacobins ! les autres : vive la Convention nationale ! et que, toutes les fois que ceux-ci faisaient entendre ce cri si cher aux Français, on leur répondait par un cri de faction. Quel était cet homme qui criait si fort vivent les Jacobins? un domestique qui depuis quatre jours était sans place. Nous l’avons arrêté, parce qu’il était sans aveu, et nous avons renvoyé les autres, quoiqu’ils eussent proféré le même cri. [DUHEM : Qu’il nous dise ce que le comité a fait du fabricateur de faux assignats.] (108) (106) Rép., n° 53. (107) Débats, n° 780, 732. (108) Débats, n° 780, 733. SÉANCE DU 20 BRUMAIRE AN III (10 NOVEMBRE 1794) - N08 20-22 79 J’ai été chargé par le comité d’expliquer les principes qui le dirigeaient; je vais vous les soumettre, parce que vous jugerez s’ils sont mauvais et si le comité mérite d’être renouvelé. Les voici. Citoyens, le comité m’a chargé de vous faire connaître les principes qu’il professe : il ne peut y avoir qu’un seul cri de ralliement pour tous les Français, et ce cri doit être : Vive le peuple ! vive la République! vive la Convention nationale ! parce que dans ce cri se trouvent réunis la souveraineté et le gouvernement; les autres cris pourraient être interprétés à mal, et pourraient servir de ralliement aux factions et aux haines. Défiez-vous de l’exagération de part et d’autre, et retournez chez vous en bons citoyens. Voilà ce que je leur ai dit de la part du comité ; ces principes sont-ils mauvais? (Vifs applaudissements.) PONS (de Verdun) : Citoyens, j’étais dans l’erreur; mon collègue parle de ce qui s’est passé le matin, et moi, je parlais de la nuit (109). REUBELL : Comme il s’agit principalement de justifier en ce moment la conduite du comité de Sûreté générale, je dois ajouter qu’avant cette scène le comité, voulant assurer la tranquillité publique, m’avait député au comité Militaire avec un autre de mes collègues, pour l’engager à renforcer le poste de la Convention ; j’annonce aux malveillants que les mesures ont été tellement prises qu’il n’y a rien à craindre. Hier soir, à huit heures, plusieurs membres du comité de Sûreté générale s’étaient déjà rendus à leur poste, lorsqu’on vint avertir le comité du trouble qui se manifestait. Et ici, citoyens, je vais vous rendre compte des faits tels qu’ils ont été rapportés au comité. On nous avait annoncé qu’un groupe très nombreux s’était porté aux Jacobins ; heureusement qu’un de nos collègues vint nous rassurer sur la force de ce groupe, en disant, ce que nous ignorions à l’Assemblée, que les Jacobins n’avaient pas été assiégés que par une trentaine d’individus. (On rit dans une partie de l’Assemblée.) J’avoue que le rapport fait au comité de Sûreté générale annonçait un groupe considérable. A l’instant même où nous apprîmes cet événement, nous convoquâmes les comités de Salut public, de Législation et Militaire, afin d’aviser aux mesures à prendre; et aussitôt des patrouilles nombreuses se portèrent au lieu de rassemblement, ayant à leur tête deux membres de chaque comité. Ce qui nous a déterminés à nous porter nous-mêmes sur le lieu de la scène, c’est qu’on nous avait dit que la vie de plusieurs de nos collègues était en danger. Barras nous représenta que ce n’était pas le moment de délibérer, qu’il fallait d’abord délivrer nos collègues qui se trouvaient au milieu des Jacobins, parmi cette tourbe de factieux, et de les ramener dans notre sein. (On applaudit.) Le rapport que nous firent nos collègues nous rassura sur la suite (109) Débats, n° 780, 733, indique : « J’ai mal entendu et je ne voulois parler que des faits qui se sont passés ce matin même aux trois comités. » de cet événement; il portait que plusieurs citoyens étaient allés aux Jacobins, en avaient voulu enfoncer les portes mais qu’ils se retirèrent paisiblement à la voix des représentants du peuple. Ce rassemblement, suivant un autre rapport, a commencé au Palais-Royal où plusieurs individus criaient : Vivent les Jacobins ! à bas la Convention nationale ! Le peuple indigné les poursuivit, et... (Violents murmures d’une partie de l’Assemblée.) DUHEM : Combien as-tu payé ceux qui t’ont fait ce rapport, Reubell? (Rumeur.) REUBELL : Je dis les faits tels qu’ils ont été rapportés aux comités, et je prie mes collègues de me relever si je me trompe ; car il est possible qu’un homme qui a passé trois nuits ait la mémoire moins fraîche que ceux qui se reposent toutes les nuits. [RUAMPS : Nous ne l’avons pas passé trop bonne non plus.] (110) Je disais donc que ce cri avait attiré sur eux d’autres citoyens, qui les poursuivirent jusqu’aux Jacobins. Un de nos collègues, digne de foi, a rapporté que ces scènes s’étaient renouvelées aux Tuileries, où il avait reconnu trois membres de la Société des Jacobins, qui criaient : vivent les Jacobins ! et qui tenaient des propos capables d’occasionner une émeute. (Murmures d’une partie de l’Assemblée.) H paraît qu’on s’était concerté. [C... : J’y étois. (Interruption.)] (111) [Plusieurs membres : On ne veut pas de ces faits là.] (112) Reubell continue : On a beau m’interrompre, je dirai tout ce qui s’est passé. [Quelques voix : Ce n’est pas vrai.] (113). Le fait rapporté aux comités réunis a donné lieu à une discussion très bien motivée ; je ne puis rapporter ici toutes les opinions qui ont été émises ; je me contenterai de vous soumettre le résultat de celles de Laignelot, Barras, Bourdon (de l’Oise), Delmas et Bréard, qui ont très bien parlé. Plusieurs membres : Thuriot, Prieur et Cambacérès ont aussi parlé ; tu ne parles pas d’eux. REUBELL : Il est vrai que je dois une réparation à Thuriot, car il a parlé souvent et longuement ; je devais m’en souvenir. (Rires et murmures.) THURIOT : J’avoue que Reubell ne voulait pas qu’on parlât quand on n’était pas de son avis. (Murmures.) RUAMPS (parle dans le tumulte) : Il est bien étonnant que Reubell puisse lancer des épi-grammes à tout le monde. RUAMPS : On ne vous a pas dit qu’une femme a eu la peau des cuisses enlevée. (Rires.) Cela vous fait rire, voilà comme on traite le pauvre (110) Débats, n° 780, 734. (111) Débats, n° 780, 734. (112) Débats, n° 780, 734. (113) Débats, n° 780, 734. 80 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE peuple; c’est la femme d’un défenseur qu’on a ainsi écorchée. (114) REUBELL : Je n’ai jamais comprimé l’opinion de personne; dans la discussion qui a eu lieu aux comités, tout le monde a parlé, et à six heures du matin, au moment où on allait prendre une délibération, on nous amena plusieurs individus qui avaient été arrêtés. On demanda qu’ils fussent entendus avant de rien statuer, leur déposition pouvant jeter de grandes lumières sur la question que l’on agitait ; ces individus furent conduits au comité de Sûreté générale, où on les interrogea. Il est résulté de l’interrogatoire de ces citoyens un fait certain : c’est que des pierres ont été jetées dans les croisées de la salle des Jacobins, que les groupes ont été dispersés par la force armée, et que ce n’est qu’après leur dispersion que les Jacobins ont fait des sorties et ont maltraité quelques individus qui se trouvaient dans les cours et qui s’en retournaient paisiblement chez eux. (On rit et on applaudit.) [Plusieurs voix : C’est faux.] (115) RUAMPS : Ce rapport tend à l’assassinat des patriotes. ( Bruit dans une partie de l’Assemblée.) DUHEM : [On ne peut pas mentir plus impudemment que Reubell]. (116) Ce rapport a été dicté à Reubell par ses amis Fréron et Tallien ; ils ont oublié les coups de pistolet qu’on a tirés sur nous, et les poignards qu’on a saisis sur les prisonniers. (Bruit.) (117) LAIGNELOT : Président, fait cesser ces personnalités. Sommes-nous les représentants d’un grand peuple? Délibérons-nous en ce moment? Je demande que tout le monde s’explique avec caractère et dignité. REUBELL : On ne veut pas faire attention que je rapporte les déclarations de ces individus [qui nous ont été faites aux comités, en présence de 30 ou 40 membres qui peuvent attester ici que je dis vrai...] (118); ce qu’ils ont dit est-il vrai, je n’en sais rien; ils ont dit qu’il n’y avait plus de groupes, qu’ils s’en retournaient chez eux lorsqu’ils furent assaillis de coups de bâton ; et en effet ils étaient tout ensanglantés ; qu’ils ont été poussés dans la Société des Jacobins succombant sous les coups qui leur étaient portés. Parmi eux était un enfant de quinze ans qu’on avait traité d’aristocrate et de contre-révolutionnaire parce qu’il avait un sabre. Cet enfant descendait sa garde; son billet nous l’a attesté. Il nous a déclaré qu’étant entré dans la Société des Jacobins, plusieurs membres tirèrent de leurs poches des cordes pour l’attacher, ainsi que les autres citoyens qu’ils avaient arrêtés. ( Mouvements d’indignation.) Ils ont été ainsi conduits chez le commissaire de police, qui, ne sachant qu’en faire, les a renvoyés au (114) Débats, n° 780, 734. (115) Débats, n° 780, 735. (116) Débats, n° 780, 735. (117) Débats, n° 780, 735. (118) Débats, n° 780, 735. comité de Sûreté générale. Après les avoir interrogés séparément, le comité a renvoyé les blessés chez eux pour se faire panser, et personne ne venant déposer contre les autres, ils ont été également rendus à la liberté. (Applaudissements.) Après avoir entendu ces individus, les comités reprirent leur délibération ; le résultat ne fut pas de détruire les Sociétés populaires, comme voudraient le faire croire plusieurs personnes ; mais on a observé que parmi les Jacobins il y avait encore des hommes du 9 thermidor, et que, si nous ne voulions pas voir élever autorité contre autorité, les séances de cette Société devaient être suspendues pendant quelque temps. (Applaudissements.) J’espère qu’après que les opinions auront été émises, et qu’on aura entendu la lecture des pièces qui sont au comité, ceux qui veulent sincèrement le bonheur de leur patrie se joindront à l’avis des comités qui n’a eu contre lui que quatre voix. (On applaudit.) Mais en même temps que vous prendrez cette mesure pour assurer la tranquillité des citoyens, il faut que la représentation nationale soit respectée ; il ne faut pas qu’en sortant de chez lui le matin un représentant du peuple entende crier dans les rues des diffamations contre lui, et c’est l’objet du second article du projet de décret que les comités doivent vous présenter. (On applaudit.) DUHEM : Il n’osera plus écrire des assassinats. (Bruit.) REUBELL : [Je n’écris pas moi ; mais je ne redoute ni les écrits, ni les diffamations, ni les clameurs.] (119) Nous avons été presque unanimement convaincus que ceux qui diffamaient la Convention nationale en totalité ou dans la personne de quelques-uns de ses membres, et que ceux qui sans cesse s’injuriaient, travaillaient l’un et l’autre pour la tyrannie, et Thuriot a parfaitement parlé sur cette matière. (On applaudit.) Voilà les détails que la Convention a désiré connaître. Je vais maintenant lui faire lecture des deux articles du projet de décret arrêté par les comités. C’est à ceux de mes collègues qui les ont appuyés à faire sentir en ce moment la nécessité de leur adoption; pour moi, je les regarde comme devant seuls sauver la chose publique; les voici : Les séances des Jacobins seront suspendues jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. Les comités de Législation, de Salut public et de Sûreté générale, présenteront incessamment un projet de loi contre les calomniateurs. (On applaudit.) On demande à aller aux voix sur ces propositions. Un membre [CAMBOULAS] demande que la correspondance qu’on avoit dit inculper les Jacobins soit communiquée à la Convention par le comité de Salut public (120). (119) Débats, n° 780, 736. (120) P.-V., XLIX, 109.