181 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juin 1790.] M. Martineau, rapporteur. Pour faire cesser ces difficultés, je propose : « 1° De décréter le principe de la nécessité des cinq années de vicariat, en réservant d’étendre l’éligibilité à telles autres fonctions qui seraient déterminées ; « 2° D’adopter la nouvelle rédaction de l’article, en se réservant également d’y apporter les différentes exceptions qui seront jugéesconvenables.» Ces deux propositions sont mises aux voix et adoptées. L’article 7, tel qu’il se-trouve rapporté au procès-verbal, est ensuite maintenu. M. l’abbé Dumouchel, secrétaire, annonce que M. Aubry, inspecteur général des turcies et levées du royaume, membre de différentes acca-démies, fait hommage à l’Assemblée d’un ouvrage intitulé , « Mémoires sur différentes questions de la science des constructions publiques et économiques, qui ont successivement remporté les prix d’académies. » L’Assemblée témoigne sa satisfaction de l’ouvrage qui lui est présenté ; elle applaudit au zèle de l'auteur pour l’utilité publique, et ordonne que l’ouvrage sera déposé aux archives. M. le Président dit que la parole est demandée pour plusieurs affaires particulières très instantes; il indique entre autres celle de Marseille, qui semble mériter toute l’attention de l’Assemblée. M. Castellanet observe qu’il est important d’attendre les députés de cette ville, qui devaient se rendre incessamment à Paris. En conséquence, l’affaire de Marseille est ajournée à la séance de mardi soir. M. Defermon , au nom du comité des finances, demande que M. Guyard soit autorisé à remplir les fonctions de trésorier dans la province de Bretagne, sous le cautionnement de la famille de M. Beaugeard, ancien trésorier de cette province, et interdit pour cause de folie. L’Assemblée adopte le décret qui lui est proposé et qui est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, sur le rapport fait au nom du comité des finances de l’interdiction prononcée contre le sieur Beaugeard, ancien trésorier de la province de Bretagne, et de la soumission des sieurs Beaugeard et le Douarain fils et gendre dudit sieur Beaugeard, de faire parachever les exercices, et remplir les fonctions du trésorier aux mêmes charges et conditions; «< Considérant qu’il est nécessaire de pourvoir à ce que la comptabilité et l’administration relatives aux impositions de cette province ne soient pas interrompues jusqu’à ce que le uou-vel ordre qui doit être déterminé pour 1791 ait lieu, a décrété ce qui suit : « Art. 1er Le sieur Guyard, présenté par les sieurs Beaugeard fils et le Douarain, est autorisé à remplir, sous leur cautionnement et surveillance, les fonctions de trésorier, en se conformant aux conditions suivantes : « Art. 2. Les commissaires intermédiaires de Rennes nommeront un inspecteur pour veiller à la manutention des deniers, à leur emploi, et à l’établissement des comptes. « Art. 3. Il sera établi un coffre à trois clefs : l’une sera remise à l’inspecteur, l’autre au sieur Guyard, et la troisième restera au fils ou à l’un des gendres du sieur Beaugeard. Toutes les sommes que l’on recevra seront versées dans ladite caisse, et n’en pourront être tirées que par le concours des porteurs des clefs. « Art. 4. Il sera, du jour de la nouvelle administration, établi de nouveaux registres qui seront chiffrés et numérotés par l’inspecteur. « Art. 5. Les registres et pièces de comptabilité seront constatés par le fils, les gendres et les cautions du sieur Beaugeard, ou par les fondés de procuration spéciale, par l’inspecteur et par le sieur Guyard. « Art. 6. Le fils et les gendres du sieur Beaugeard et ses cautions feront procéder sans délai à la reddition des comptes de sa gestion ; ils seront reçus et arrêtés Jjar les commissaires des cinq départements de Bretagne. « Art. 7. Chaque mois il sera fait et signé par les trois porteurs de clefs un état de la recette et de la dépense : cet état sera envoyé aux commissaires intermédiaires de Rennes, et un double en sera remis au ministre des finances. « Art. 8. Il sera pareillement fait, chaque mois, un aperçu du travail sur les comptes de l’ancienne gestion, pour être aussi envoyé aux commissaires intermédiaires de Rennes, et être remis au ministre des finances. > M. le duc de La Iftochefoucanld-Lian-court, rapporteur du comité de mendicité, fait au nom des comités réunis des rapports, des recherches et de mendicité, le rapport suivant sur la lettre du premier ministre des finances. Messieurs, les comités des rapports, des recherches et de mendicité, en vous proposant le décret sur la situation actuelle de la mendicité de Paris, après avoir établi les droits de l’homme pauvre et valide à la subsistance, par le travail, ceux du pauvre invalide à des secours gratuits, enfin ceux de la société sur le travail de l’homme indigent et valide qu’elle secourt, ont dû avoir pour objet, de remplir les vues de l’Assemblée nationale sur les circonstances qui la pressaient de rendre un décret provisoire; éloignement du danger qui menaçait la sûreté de la capitale, et dont l’annonce se renouvelait sans cesse; protection pour les indigents de Paris, ou qui, nés dans le royaume, se trouvaient dans la capitale ; remède à la pauvreté parle travail ; enfin, justice à tous. Il semble que ces vues étaient suffisamment expliquées dans le décret, pour que l’exécution en fût sans difficulté conforme à l’intention de l’Assemblée qui l’a prononcé. Le premier ministre des finances demande aujourd’hui quelque explication, nommément sur le 3° article, et il paraît craindre que l’annonce d’un travail facile, mis à un prix trop haut, n’appelle à Paris des indigents de toutes les provinces de France, et il demande interprétation à cet article. Les trois comités réunis croient devoir répondre que l’intention du décret étant d’éloigner de Paris les mendiants qui y sont étrangers, les moyens d’éxecution doivent servir ces vues; que si l’Assemblée eut indiqué le mode d’exécution, elle n’eût pu échapper aux reproches de vouloir exercer les fonctions du pouvoir exécutif, et peut-être de les gêner dans les voies qu’elle aurait prescrites. Les trois comités croient seulementdevoir ajouter, que si au lieu de distribuer les mendiants à présent dans la capitale, dans les divers ateliers qui sont proposés en grand nombre par l’inten- 182 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (12 juin 1790.1 dant des travaux publics, et sur les diverses routes du ressort de ce qui était autrefois la généralité de Paris, on les entasse dans la capitale ; que si au lieu de leur donner un salaire proportionné à leur travail, on le leur donne sans proportion ; que si au lieu de leur présenter des travaux utiles, on leur en présente sans utilité, et qu’encore l’homme qui se refuse à travailler, soit aussi bien payé que celui qui remplit exactement sa tâche ; que si l'annonce des secours accordés dans chaque province pour établir des ateliers, n’est pas promptement connue d’elles, sans doute les demandeurs de travail abonderont de toutes parts dans Paris : il s’en présentera même sans besoin comme sans envie de travailler et votre décret ne produira pas le salutaire effet que vous devez en attendre; mais on ne peut craindre ce mode d’exécution d’une administration bienveillante et éclairée qui dispose de tous les moyens. Quant à la trop grande abondance de filatures, en raison des besoins des manufactures ( seconde objection du premier ministre des finances), les trois comités pensent que l’Assemblée n’a rien encore à répondre à cet égard. Sonobjetaétéde présenter à la pauvreté un travail utile, en l'empêchant de mendier : si les calculs de l'administration lui font croire qu’un autre travail que celui de la filature est préférable pour les besoins du royaume, sans doute elle les prescrira, et elle se conformera ainsi à l’esprit du décret. En conséquence, les trois comités ont l’honneur de proposer à l’Assemblée de charger M. le président de répondre au premier ministre des finances, que son intention était bien positivement prononcée dans son décret du 31 mai, de faire cesser dans Paris la mendicité par le travail, et d’en éloigner les oisifs étrangers à ia capitale et sans ressources; elle attend avec confiance que l’exécution de ce décret servira ses vues de prévoyance et de justice : que si quelque décret provisoire, semblable à celui rendu le 10, sur la proposition du comité ecclésiastique, pour l’évacuation de deux maisons religieuses, était nécessaire, elle s’en ferait rendre compte d’après ies demandes du ministre ou de ia municipalité de Paris; et d’ajouter que le comité des recherches recevant sans cesse de nouveaux avis sur le nombre prodigieux d’étrangers sans aveu, introduits journellement dans le royaume, et dont plusieurs déclarent de mauvais desseins, il est instant, pour la chose publique, que le décret du 31 mai soit promptement publié, répandu dans les provinces et mis en exécution. M. le Président met aux voix les propositions du comité. Elles sont adoptées. M. de Là RocfaefoucaiiId-KJancoitrt dépose un autre rapport, dont l’Assemblée ordonne l’impression et la distribution. Il est ainsi conçu : Premier rapport du comité de mendicité. Exposé des principes généraux qui ont dirigé son travail , par M. le duc de La Rochefoucauld-Liancourt. Messieurs, l’extinction de la mendicité est le plus important problème politique à résoudre ; mais sa solution devient un devoir pour une nation sage et éclairée, qui, élevant une Constitution sur les bases de la justice et de la liberté, reconnaît que la classe nombreuse de ceux qui n ont rien appelle de tous les droits de l’homme, les regards de la loi. Jusqu’ici cette assistance a été regardée comme un. bienfait : elle n’est qu’un devoir; mais ce devoir ne peut-être rempli que lorsque ies secours accordés par la société sont dirigés vers l'utilité générale. Si l’on pouvait concevoir un État assez ricbe pour répandre des secours gratuits sur tous ceux de ses membres qui n’auraient pas de propriété, en exerçant cette pernicieuse bienfaisance, cet Etat se rendrait coupable du plus grand crime politique; et si celui qui existe a le droit de dire à la société : Faites-moi vivre , la société a également le droit de lui répondre : Donne-moi ton travail. Ici se présente ce grand principe longtemps méconnu dans nos institutions sociales : « La misère des peuples est un tort des gouvernements, » Si l’administration d’un État n’est pas telle que le travail y soit dans la proportion des hommes qui ne peuvent vivre sans travailler, elle favorise la mendicité, le vagabondage, et se rend coupable des orimes produits par ia pauvreté sans ressource. Si une charité indiscrète accorde avec insouciance un salaire sans travail, elle donne une prime à l’oisiveté, anéantit l’émulation et appauvrit l’État. L’enfant, le vieillard, que la société doit secourir gratuitement, ne sont cependant ainsi secourus que parce qu’ils promettent du travail ou qu’ils, en ont donné; le malade, par un sentiment près* sant d’humanité aqquel çède toute autre consi-: dération. L’homme enfin qui préfère au travail la mendicité, devient dès lors coupable envers la société, et mérite sa sévérité et la répression la plus prompte. Ces principes, renferment tout le système des secours qu’un État doit à ceux de ses membres qui’sont sans ressources personnelles. Ils semblent d’une telle évidence, qu’ils ne peuvent être contestés; c’est leur exécution exacte que la législation doit assurer. Aucun État encore n’a considéré les pauvres dans la Constitution. Beaucoup se sont occupés de leur procurer des secours, beaucoup ont cher* ché les principes de cette administration, quelques-uns en ont approché; mais dans aucun pays les lois qui l’établissent ne sont constitutionnelles. On a toujours pensé à faire la cbaritéaux pauvres, et jamais à faire valoir les droits de l'homme pauvre sur la société, et ceux de la société sur lui. Voilà le grand devoir qu’il appartenait à la Constitution française de remplir, puisque aucune n’a encore autant reconnu et respecté les droits de l’homme. C’est en acquittant ce devoir que la Constitution attachera à sa conservation cette classe nombreuse, jusqu’ici réprouvée, en apparence, par la société, et que de bonnes lois, secourant de la manière la plus utile cette classe indigente, amélioreront les mœurs par le travail, préviendront tous les vices qui naissent si nécessairement de la misère, dioiinueront la pauvreté, et multiplieront ainsi le nombre des véritables citoyens. Mais cette législation qui doit s’élever d�ns ses différentes branches sur des bases uniformes, qui doit être toujours conséquente dans ses applications, doit faire encore partie intégrante de la Constitution. Elle doit être dans elle, c’est-à-dire, qu’elle doit être telle, que sans elle la Goastiita-tion serait imparfaite; car, comme la classe intéressante et nombreuse qui réclame les secours de la société, est partie intégrante de cette société, la législation qui gouverne cette Glasserteât faire partie nécessaire de ia Constitution établie