[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1790.] 019 Le comité des pensions a éprouvé et éprouve encore les mêmes difficultés. M. Bouche. Le comité des domaines doit s’occuper aussi du comté de Clermont, que M. de Calonne a fait acheter 36,000,000 par le Roi, quoiqu’il ûe rapportât que 68,000 livres annuellement. M. l’abbé Maury. Le grand Condé étant devenu prince du sang, Louis XIV lui donna en apanage le comté de Clermont avec tous les droits régaliens. La France se trouvant très gênée par 1 exercice de ces droits, le roi acheta 12,000,000 ce comté, qui rapportait réellement 600,000 livres. Il est malheureux de se tromper des deux tiers en sus. Mais le roi n’a acheté que les droits indirects attachés à ce comté; le prince de Condé est resté propriétaire des droits directs. Ainsi il n’est point exact de dire qu’un revenu de 600,000 livres a été cédé au roi. M. Pison du Galand. Un rapporteur est chargé de faire connaître tous ces détails à l’Assemblée, d’après les pièces authentiques; il ne s’agit en ce moment que de pourvoir à ce que ces pièces soient communiquées au comité. M. le Président consulte l’Assemblée et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que les différents comités établis par elle seront autorisés à demander dans les dépôts des départements, ceux des cours et autres dépôts publics, toutes les pièces qu’ils jugeront nécessaires à leurs travaux, desquelles pièces il leur sera délivré des copies certifiées sur papier non timbré et sans frais, même que dans le cas où lesdits comités jugeraient nécessaire de voir les minutes, elles seront représentées aux commissaires qu’ils nommeront à cet effet, et remises en leur pouvoir s’ils le jugent convenable, sur le récépissé des secrétaires desdits comités, à la charge d’être rétablies dans les dépôts dont elles auront été tirées, après qu’il en aura été rendu compte à l’Assemblée. » M. Camus. J’ai à proposer quelques Observations relatives au régime intérieur de l’AsSem-blée. Toutes les expéditions qui sont remises aux archives sont scellées d’un sceau qui porte pour légende: Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, au lieu de Roi des Français , 11 faut demander la réforme de cet usage, contraire à l’intitulé de la loi. M. l’abbé Manry. Une raison a empêché de faire jusqu’à présent de nouveaux sceaux ; c’est la cherté de cette opération. Je n’ose assurer quelle serait cette dépense, mais je sais qu’on l’estime R, 000, 000. M. Camus. Je n’entends pas les sceaux de chancelleries et des tribunaux judiciaires : ces changements se feront successivement, lorsque le nouvel ordre de choses sera établi. M. du Lubersac, évêque de Chartres. Il ÿ a huit jours que j’ai vu deux nouveaux sceaux chez M. l’archevêque de Bordeaux. On demande la question préalable. M. Camus. Un décret est toujours nécessaire: M. le garde des sceaux ne peut changer les sceaux sans un décret positif qui l’autorise à ce changement. M. le Président met aux voix la question préalable. Elle est rejetée. Le décret suivant est ensuite adopté : « L’Assemblée nationale décrète que son Président se retirera par devers le Roi, à l’effet de lui demander que la forme du sceau actuellement en usage soit réformée, et la légende rendue conforme à l’intitulé des lettres émanées du Roi. » M. Camus propose dénommer quatre commissaires pour surveiller les dépenses en bougies, bois et papiers dans les bureaux et comités. On observe que MM. Ansôn et Salomon sont déjà chargés de ces fonctions. — L’Assemblée ordonne qu’il leur sera donné deux adjoints, Sur la proposition de M. rabbé Golaud de la Salcette, elle supprime les feux des bureaux. M. le marquis d’Csson, député de Pamiers, demande la parole pour faire une motion sur un projet de caisse patriotique et militaire. M. le Président lui accorde la parole après avoir consulté l’Assemblée. M. la marquis d’Çssoh (1). Messieurs, c’est l’amour du bien général qui vous a engagés à décréter que la Caisse d’escompte servirait, en quelque sorte, de caisse nationale. Pénétré des mêmes sentiments qui vous animent, je ne crains pas de vous proposer le projet d’une caisse patriotique et militaire. 11 ne reste aujourd’hui à tout citoyen animé d’un vrai zèle pour le bonheur de sa patrie qu’un seul moyen d’en offrir des preuves honorables; celui de tourner ses vues sur des objets utiles ; d’offrir des causes capables de déraciner les abus, et dé faire renaître insensiblement les sources du bonheur dont le peuple est privé depuis si longtemps. Lé plan dont j’ai à vous entretenir a pour objet principal la destruction de l’usure et de l’agiotage : c’est assez vous dire qu’il peut influer sur les moeurs, sur les fortunes, par conséquent sur la félicité publique. II ne faut pas à tous les individus ce qu’on appelle de la fortune : un partage à peu près égal de richesses serait absolument impossible; mais il faut à tout le monde une existence proportionnée à son état, à ses habitudes, à ses besoins. Les moyens manquent souvent à ceux qui voudraient s’en procurer une; et quand l’indigence se fait sentir, il est rare que celui qui en souffre n’oublie pas ses principes, et ne se laisse aller, du plus au moins, à des opérations qui achèvent de le ruiner, ou à des actions qui le conduisent à l’opprobre. Dans une constitution comme celle que vous avez commencé d’établir, Messieurs, il me paraît essentiel de prévoir tout ce qui peut contribuer au bonheur des citoyens, dans toutes les classes de la société. Les établissements qui préparent des secours à l’infortune sont bien plus sages, bien plus dignes d’admiration que les ordonnances qui la punissent d’être devenue criminelle. Jusqu’ici on a beaucoup parlé du pauvre, mais on s’en est (1) La motion do M. le marquis d’Usspn n’a pas été insérée au Moniteur.