[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES [llmail790.j 437 rompent l'opinant). Les rapts ne sont que des conventions pour se faire entendre et je crois que le mot est consacré. Tandis que l’Assemblée nationale acquiert une nouvelle gloire, elle semble s’endormir au sein de ses succès ; elle oublie que l’ennemi de la liberté publique veille encore; et lorsque sa folie prend tous les caractères du délit, il est impossible que l’Assemblée n’en prenne pas connaissance. Je demande donc que le rapport des pièces dont on nous a fait lecture soit renvoyé au comité des recherches, et que le président de ce comité soit chargé d’écrire au régiment de Guienne pour toutes les instructions nécessaires relativement à cette affaire. M. de Clermont-Tonnerre. En me rappelant les résultats intéressants des travaux patriotiques du comité des recherches, j’insiste, avec M. Charles de Lameth, pour qu’upe affaire aussi grave lui soit dénoncée. J’observe seulement, en opposition directe sur ce point avec lui, qu’il ne vient dans mon esprit aucune suspiscion sur le patriotisme de M. de Marguerittes. Sa dignité de membre de l’Assemblée nationale demande qu’il ne soit traduit à la barre que lorsqu’il y aura contre lui accusation en forme, et j’appuie mon opinion par un exemple. Lorsque M. Malouet, accusé devant vous, entrainé par l’indiscrétion de son zèle, voulut se rendre à la barre, on lui ordonna de monter à la tribune. Je propose donc seulement d’inviter M. de Marguerittes à venir reprendre la place qui lui appartient dans cette Assemblée, et que là il rende les comptes qu’il jugera convenables. ( L'opinant est interrompu .) Si on persiste à vouloir demander à la barre M. de Marguerittes, j’espère qu’on voudra bien amener à cette même barre les officiers municipaux sous les yeux desquels on a assassiné... On m’entend. M. Martineau. Il est certain qu’il existe à Nîmes un foyer de fermentation; quels en sont les auteurs? Je ne sais. Quel en est la cause? Vous allez l’apprendre. En ma qualité de président du comité ecclésiastique, j’ai reçu delà municipalité de Ghâlon-sur-Saône une lettre par laquelle on m’annonce qu’il lui a été envoyé une délibération de la ville de Nîmes, où l’on cherche à insinuer que l’objet de nos décrets est d’anéantir la religion catholique. Dans dépareilles circonstances, je propose d’inviter M. l’évêque de Nîmes à se rendre dans son diocèse pour apaiser les troubles. Personne n’en est plus capable et par son caractère personnel et par le caractère sacré dont il est revêtu, et enfin par la connaissance particulière qu’il a des intentions de l’Assemblée nationale de conserver la religion catholique dans toute sa pureté. M. Barnave. Je ne m’arrêterai gu’au seul point de la délibération qui peut être l’objet d’une discussion sérieuse, c’est-à-dire de mander à la barre le maire de la ville de Nîmes. J’appuie de toutes mes forces cette proposition • et je ne crois pas que la qualité de député puisse affranchir le maire de Nîmes de la responsabilité à laquelle il est sujet en cette dernière qualité. N’avons-nous pas vu plusieurs fois le maire de Paris et le commandant de la garde nationale paraître à la barre pour y faire des pétitions ou pour y rendre des comptes ? De ces faits il résulte que tout citoyen qui réunit un autre caractère à celui de député peut venir à la barre et y figurer, ainsi qu’il ferait s’il n’était pas membre de l’Assemblée nationale. Ge serait un terrible privilège que celui de député, s’il nous affranchissait de la responsabilité. Votre délicatesse vous dit assez, sans que j’aie besoin de le développer, qu’il vous est impossible de vous établir susceptibles d’une fonction et d’en supprimer la responsabilité; je crois avoir prouvé que vous avez ce droit, et je dis que, d’après les faits de notoriété publique, il y a preuve suffisante pour le faire. Il est de notoriété qu’il a été imprimé dans la ville de Nîmes une affiche commençant par ces mots « : L’infâme Assemblée nationale. » G est peu de jours après que sont arrivés les troubles et la municipalité ne s’y est point opposée. Qu’on ne me dise point qu’elle les ignorait, car je dis qu’elle serait coupable même de les ignorer. Il n’est pas permis aux pères du peuple d’ignorer ce qu’on médite dans leur ville, au moment où l’opinion publique en murmure. La délibération par laquelle elle a paru vouloir rassurer les citoyens est un titre assez suffisant pour le mander à la barre. Gomment qualifier son insouciance au moment où il se passe de pareils événements? Nous les apprenons, non par le maire, mais par un club patriotique. Je demande si le courrier -de la municipalité n’aurait pas dû précéder tous les autres; je demande, dis-je, comment les amis de la paix peuvent excuser une pareille conduite ? Je conclus en disant que l’Assemblée a le droit de mander à la barre le maire de Nîmes, et qu’il v a preuve suffisante pour lui ordonner de rendre compte de sa conduite. M. le vicomte de IWoailles. J’appuie la proposition de M. Barnave, avec d’autant plus de raison que M. de Clermont-Tonnerre lui-même vient de me dire qu’il se rendait à cet avis. Pour rassurer les bons citoyens de la ville de Nîmes, je demande que M. le président se retire par devers le roi, pour le supplier de faire rester le régiment de Guienne en garnison dans cette ville. (On demande que la discussion soit fermée.) M. de l�acbèze. On devrait du moins parler autant pour que contre l’accusé, (L’Assemblée décide que la discussion est fermée.) M. Barnave propose le décret suivant qui est adopté : « L’Assemblée nationale décrète que le maire de Nîmes se rendra sans délai à la barre de l’Assemblée nationale, pour y rendre compte de sa conduite et de celle de la municipalité, relativement aux troubles de cette ville. u Renvoie toutes les pièces relatives à cette affaire au comité des recherches, lequel sera chargé de prendre tous les éclaircissements qui lui paraîtront nécessaires. « Décrète, en outre, que son présfdpiit se retirera par devers le roi, pour le supplier de ne pas éloigner de Nîmes le régiment de Guienne. » M. le baron de Menou lit une lettre du régiment d’Aquitaine, adressée à tous les grenat diers et chasseurs de l’armée. ' ' ” M. Dubois de Çrancé demande que cette adresse, remplie d’intentions patriotiques, soit insérée en entier dans le procès-verbal. Cette proposition est adoptée. Suit le texte de l’adresse : 488 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [u mai 1790. j « Nos chers frères et compatriotes, « Il n’est point de liberté sans lois consenties, et il n’est point de lois salutaires sans liberté. Nous jouissons présentement de ces deux biens inappréciables, c’est à les conserver que doivent tendre toutes nos actions. « En réfléchissant à notre ancienne position, nous sentons qu’elle était la plus cruelle de tou-es; nous sentons que des différentes classes entre lesquelles était autrefois divisée la famille des Francs, la nôtre est celle qui a le plus gagné par le recouvrement de ses droits si longtemps et si indignement méconnus : l’écrit que nous vous adressons en contient l’authenticité bien frappante. La reconnaissance nous oblige donc, plus que d'autres, à procurer à nos libérateurs la satisfaction de voir s’achever leur majestueuse entreprise. Cependant, combien de nos compatriotes dont l’état n’est pas la profession des armes, nous donnent l’exemple du plus grand dévouement pour garantir le bonheur public 1 Ces pactes fédératifs de dix, vingt, quarante, cent mille hommes, couvriraient nos drapeaux d’un opprobre éternel, et nous rendraient indignes du nom de Français, si nous ne manifestions les sentiments qui nous animent, en attendant l’occasion de les faire mieux connaître. « En conséquence, nos chers frères et compatriotes, après que nous avons tous prêté, dans notre âme, le serment exprimé par un de nos camarades dans l’adresse ci-jointe, nous le renouvelons entre vos mains, et vous prions, conjurons au nom de lu liberté et du salut commun, d’employer toutes vos forces, de sacrifier toutes vos existences pour le maintien de la Constitution : nous comptons sur vous. Non, il ne sera point dit que les sénateurs de France auront été interrompus dans leur saint ministère 1 non, il ne sera point dit que les guerriers de France, et surtout les grenadiers, les auront abandonnés aux poignards des faux et impies patriotes! non, il ne sera point dit que Louis XVI, restaurateur, appui de notre liberté, aura été livré à ceux qui ont tant de fois déchiré son cœur paternel en le trompant sur le sort de ses peuples! « Nous allons instruire l’Assemblée nationale de notre démarche. « Nous sommes avec cordialité, nos chers frères et compatriotes, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Les grenadiers du régiment d’Aquitaine, de notre propre mouvement, et à l’invitation des chasseurs et de nos autres camarades. Signé : Belisle, caporal ; Hercule, caporal ; Buisson, caporal ; Troussac, caporal ; Laplanche, caporal ; Valenciennes, caporal ; Maubeuge, caporal ; Vertamour, caporal ; Sansoucy, caporal ; La Faveur, appointé ; Monteautac, appointé ; Belhu-meur, appointé ; Contois, appointé ; YUlard, appointé; Rigaud, grenadier ; Vendôme, grenadier Hector, grenadier ; Lamoureux, grenadier ; Vernin, grenadier ; Vernay, grenadier ; Latranchée, grenadier ; Janvier, grenadier ; Désirez, grenadier ; Duval, grenadier ; Lajoie, grenadier-, Balalrd, grenadier-, Bonneville, grenadier ; Sansquartier, grenadier ; Fleur-d’Epine, grenadier ; Latour, grenadier ; Robert, grenadier , Laferté, grenadier ; Léveillé, grenadier ; Lavallée grenadier ; Bien-aimé, grenadier-, Lovandhal, grenadier-, Sainte-Foi, grenadier ; Tureune, grenadier ; l’intrépide, grenadier-, Peries, Berol, Bies, Pret-à-boire, Ber-taux, Lavolonté, Bruiay, Duché. » Une députation de la ville d’Arras a été admise à la harre : l’orateur, qui était à la tête, a prononcé un discours qui annonce, de la part des habitants de l’Artois, les dispositions les plus formelles de tenir étroitement unis à l’empire français, et d’employer tous les efforts que peuvent inspirer la sagesse et le courage pour le maintien de la liberté et de la nouvelle Constitution. Ce discours annonce en même temps qu’une fédération patriotique de toutes les gardes nationales des provinces belges, est sur le point de s’effectuer, et l’orateur termine par l’exposition d’un projet de fédération de toutes les gardes nationales du royaume, pour le �maintien de la Constitution et de ia liberté. Adresse de la commune et de la garde nationale de la ville d'Arras. Nosseigneurs, les citoyens qui composent la commune d’Arras et la garde nationale de cette ville, admirateurs de vos glorieux travaux, nous ont députés vers vous pour vous exprimer leur dévouement à la chose publique, dont vous vous occupez si constamment, et le désir qu’ils ont de seconder vos vues patriotiques, dans le généreux dessein que vous accomplissez, celui de régénérer le plus puissant empire de l'univers. Cette commune, Nosseigneurs, obligée de résister au mouvement qui la porterait à devenir déposer ici elle-même l’hommage de son admiration, a cru en devoir charger d’abord le citoyen qui a été assez heureux pour être l’objet de son premier choix. Après lui avoir commandé de se placer à sa tête, de veiller toujours pour elle, et de ne pas quitter le poste important qui lui a été confié par ses frères, elle veut aujourd’hui qu’il s’éloigne d’elle ; elle lui accorde d’avance la plus magnifique récompense de ses travaux, en lui donnant la commission de se présenter, en son nom, devant cette auguste assemblée ; et lui tout fier de cette nouvelle marque de confiance, se félicite, en ce moment, d’avoir à remplir une fonction aussi douce et aussi glorieuse. D’autres citoyens la partagent avec lui : dix mille auraient voulu l’accompagner, trois seulement ont été choisis ; deux d’entre eux représentent ici ces braves citoyens armés pour la liberté et pour la Constitution, qui ont juré d’être les défenseurs de l’une et de l’autre, et qui les ont défendues avant de l’avoir promis ; les autres nous suivaient de leurs vœux. Allez, s’écriaient-ils, lorsque nous nous séparions d’eux, allez, heureux enfants de la patrie, paraissez devant vos pères ; dites-leur qu’il existe à quarante lieues d'eux, vingt-deux mille citoyens qui les bénissent, et qui ne veulent d’autre gloire et d’autre félicité que celle qu’ils leur préparent. Mais, que dis-je ? Nosseigneurs, pendant que j’ose vous entretenir ici de notre dévouement, pendant que nous nous vantons d’être patriotes, tandis que ia France entière l’est, l’envie peut-être s’élève contre nous, la calomnie nous attaque et veut nous perdre. La calomnie ! pourrions-nous la craindre en cette enceinte sacrée? Non, non, elle bourdonne peut-être autour de ces murs, mais elle n’y pénètre jamais. Les législateurs, impassibles comme la loi, ne peuvent se laisser séduire par les suggestions empoisonnées : il faut donc vous l’apprendre, Nosseigneurs, elle a voulu nons infecter de son odieux venin. On a osé dire que, courbés encore sous le joug des préjugés, nous refusions d’ouvrir les yeux au jour pur que la liberté nous offrait. On a osé dire que nous étions opposés à vos