[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 157 serez bénis de nos parents, de nos amis qni nous accompagnent, et de nous qui transmettrons Vos noms à la postérité la plus reculée; vous aurez en outre la satisfaction d’avoir fait le bien. Roucelle. « Vive la République ! » Suit le texte du discours prononcé par l'orateur de la députation d'après le Bulletin de la Con¬ vention (1): Citoyens, nos pères, nos amis, Dans ces temps d’orgueil et d’ignorance où des ministres imposteurs travaillaient à main¬ tenir l’homme sous le joug des tyrans, dans ce temps où ces êtres impurs, abusant de la cré¬ dulité de leurs concitoyens, leur prêchaient la soumission la plus aveugle à des mystères dont ils ne faisaient que rire, dans ces temps, dis-je, où l’on croyait aux prêtres, aux saints et à leurs miracles, les plus fameux orateurs fai¬ saient, au moins une fois l’an, à la fête du patron d’une église, l’apologie d’un saint dont tout le mérite se réduisait toujours à avoir pu résister aux principes sacrés de la nature et à s’être honteusement dégradé de l’auguste qualité d’homme, en fuyant la société. Des mots pom¬ peux entortillaient des phrases insignifiantes, et le zèle de ces apôtres du mensonge augmen¬ tait tous les ans la vie du saint patron de quel¬ ques nouveaux miracles. Maintenant donc que, grâce à votre vigilance, nous sommes éclairés sur ces absurdités, que nous ne voulons plus d’autre culte que celui de la justice, de la vérité et de la raison, et d’autre évangile que les Droits sacrés de l’homme et notre sage Constitution; maintenant que nous ne voulons plus honorer que ceux qui méritent de l’être, nous venons vous prier de nous en¬ tendre sur ce que nous savons de notre nouveau patron. Un enfant simple et naïf demande à vous faire un récit pur de ce qui a rendu fameux Mucius Scœvola. Porsenna, tyran des Toscans, assiégeait la ville de Rome l’an de sa fondation 246. Il était près de réduire cette ville à la dernière extré¬ mité. Un jeune Romain, plein d’nue-noble ardeur, passe, déguisé en Etrurien, dans le camp ennemi. Il pénètre jusqu’à la tente de Porsenna, dont il poignarde le secrétaire, qu’il avait pris pour le tyran. On l’arrête; on lui demande son nom. « Je suis Romain, répondit-il fièrement, et l’on me nomme Mucius; tu vois un ennemi qui a voulu tuer son ennemi, et je n’aurai pas moins de courage pour souffrir la mort que jo n’en ai eu pour te la donner. « En même temps, comme pour punir sa main droite d’avoir manqué son coup, il la met sur un brasier qu’on venait d’allumer pour un sacrifice, et la voit brûler sans témoigner aucun sentiment de douleur. Le tyran, frappé de ce prodige de fermeté, le fait éloigner de l’autel, et lui rend sa liberté. « Puisque tu sais, lui dit Mucius, honorer la (1) Supplément au Bulletin de la Convention du 8 frimaire de l’an II (jeudi 28 novembre 1793). vertu, ce que tu n’aurais pu m’arracher par menaces, je l’accorderai à ton bienfait. Sache que nous sommes 300 jeunes Romains qui avons juré devant les dieux de mourir tous , ou de te poignarder au milieu de tes gardes. » Le tyran, saisi de crainte, prit le parti de lever le siège. Serment républicain. Nous promettons, en républicains, que nous exterminerons tous les tyrans, tous les despotes coalisés contre notre sainte liberté; que nous ' promènerons le niveau redoutable de l’égalité pour abattre tout ce qui s’élèvera au-dessus de l’ expression solennelle de la volonté générale; que nous prêterons l’appui fraternel de notre bras à tout républicain opprimé ou injustement persécuté; que nous serons toujours la force du faible et le contre-poids du puissant; les amis du citoyen indigent et les implacables ennemis de l’opulent égoïste; que nous combattrons et poursuivrons tous les abus, restes impurs de la monarchie et d’un despotisme corrupteur; que nous protégerons les chaumières et renverserons tout ce qui pourrait inquiéter la liberté; qu’ au¬ tant qu’il sera en notre pouvoir, nulle Bastille ne restera sur la terre, nul tyran sur son trône, nul peuple dans les fers; que tous les hommes / trouveront en nous des frères et tous nos con¬ citoyens des soutiens inébranlables de la Répu¬ blique une et indivisible; nous le jurons par les ruines de la Bastille; nous le jurons par les Droits immortels de l’homme et du citoyen. Compte rendu du Moniteur universel (1). Une députation de la section de Mucius Scœvola accompagne les jeunes enfants de cette section, qui viennent demander que la Convention s’occupe incessamment de l’organisation de l’instruction publique. Un jeune enfant com¬ mence le récit de l’histoire de Mucius Scævola. L’Assemblée applaudit aux heureuses dispo¬ sitions de ce jeune républicain. Danton. Dans ce moment où la superstition succombe pour faire place à la raison, vous devez donner une centralité à l’instruction publique, comme vous en avez donné une au gouverne¬ ment. Sans doute vous disséminerez dans les départements des maisons où la jeunesse' sera instruite dans les grands principes de la raison et de la liberté; mais le peuple entier doit célé¬ brer les grandes actions qui auront honoré notre révolution. Il faut qu’il se réunisse dans un vaste temple, et je demande que les artistes les plus distingués concourent pour l’élévation de cet édifice, où, à un jour indiqué, seront célébrés des jeux nationaux. Si la Grèce eût ses jeux olympiques, la France solennisera aussi ses jours sans-culottides. Le peuple aura des fêtes dans lesquelles il offrira de l’encens à l’Etre (I) Moniteur universel [n° 68 du 8 frimaire an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 276, col. 2]. Voy. d autre part ci-après, annexe n° 1, p. 234 le compte rendu d’après divers journaux, de l’admission à la barre des enfants de la section Mucius Scœvola et des décrets rendus sur la motion de Danton et de Thuriot. 158 [Convention nationale� ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j æÜCi suprême, an maître de la nature ; car nous n’a¬ vons pas voulu anéantir la superstition pour établir le règne de l’athéisme. Citoyens, que le berceau de la liberté soit encore le centre des fêtes nationales. Je de¬ mande que la Convention consacre le Champ - de-Mars aux jeux nationaux, qu’elle ordonne d’y élever un temple où les Français puissent se réunir en grand nombre. Cette réunion ali¬ mentera l’amour sacré de la liberté, et augmen¬ tera les ressorts de l’énergie nationale; c’est par de tels établissements que nous vaincrons l’Univers. Des enfants vous demandent d’orga¬ niser l’instruction publique; c’est le pain de la raison, vous le leur devez; c’est la raison, ce sont les lumières qui font la guerre aux vices. Notrç révolution est fondée sur la justice, elle doit être consolidée par les lumières. Donnons des armes à ceux qui peuvent les porter, de l’instruction à la jeunesse, et des fêtes nationales au peuple. Cambon. Personne ne peut s’opposer à la pro¬ position de Danton, parce que nous voulons tous l’unité de la République, et cette unité ne peut avoir lieu sans l’unité dans l’instruction, dans les lumières. Je demande que le principe soit décrété. Thuriot. Sans doute, il] faut des fêtes natio¬ nales; elles sont propres à entretenir l’amour sacré de la liberté dans le cœur de tous les Français; mais ce que demande Danton est fait. Le comité d’instruction publique est chargé de vous présenter ses vues sur cet objet. Ce qui doit fixer votre attention, c’est l’orga¬ nisation de l’instruetion publique. La France entière vous le demande; on ne vous présente pas une seule pétition où ce vœu ne soit exprimé. Citoyens, si déjà les écoles primaires étaient en activité, si des instituteurs animés du bien public enseignaient les grands principes de la raison et de la morale, les plus zélés défenseurs de la liberté ne seraient pas si atrocement calomniés, des monstres ne tenteraient pas de désunir des amis liés par un égal amour pour le peuple. Je demande que, le primidi de la 2e décade, l’organisation de l’instruction pu¬ blique soit mise à la discussion. La proposition de Thuriot est décrétée, et celle de Danton est renvoyée au comité d’in¬ struction publique. Plusieurs autres pétitionnaires sont admis, et leurs réclamations renvoyées aux divers comités qu’elles concernent (1). A. Pétition du citoyen David Alexandre, dragon (2). Aux citoyens représentants du peuple français composant la Convention nationale, à Paris. « Expose le citoyen David Alexandre, dragon (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 169. (2) Archives nationaies, carton D ni 158, dossier Nancy. du régiment ci-devant Angoulême, et aupara¬ vant Murain (sic), détenu en la maison d’arrêt de Nancy. « Disant que des motifs très légers venus à la connaissance de la justice correctionnelle l’auraient fait condamner à deux années de détention, mais vous assure qu’elle a plutôt jugé son esprit que son cœur. Voilà presque une année qu’il est jugé et qu’il souffre dans cette prison, de se voir privé d’aller au secours de ses frères d’armes soit sur terre ou sur mer, pour leur aider à achever d’exterminer les ennemis du dehors. En conséquence, il vous prie de vouloir bien commuer le reste de sa déten¬ tion ou la remettre à faire dans un temps pins calme, lui accorder sa liberté, le laisser voler aux frontières et le laisser combattre jusqu’à ce que l’ennemi ait rendu le dernier soupir, à ses offres de venir se constituer de nouveau prisonnier, quand la République sera débar¬ rassée de tous les ennemis de la liberté. En re¬ connaissance, l’exposant ne cessera d’adresser des vœux à l’Etre suprême qu’il vous accorde toute prospérité humaine. Vous priant de le croire pour la vie, avec les sentiments les plus respectueux et républicains, citoyens repré¬ sentants, votre très soumis et obéissant ser¬ viteur. « David Alexandre, dragon. « A la maison (d’arrêt) de Nancy, départe¬ ment de la Meurthe, ce 27 octobre 1793, l’an II de la République. » B. Pétition du citoyen François Bourdain (1). Au citoyen Président de la Convention nationale. « Citoyen Président, « Le citoyen François Bourdain, vinaigrier, domicilié rue Simon-le-Franc, section de la Réunion, fut mis en état d’arrestation le 15 mai dernier, sur une dénonciation de propos inci¬ viques; mais les faits articulés dans cette dé¬ nonciation ayant été reconnus faux, il fut mis en liberté sur la fin du mois d’août dernier. Du moment qu’il se vit en liberté, il fut à Versailles pour rétablir sa santé, que trois mois de capti¬ vité avaient altérée. Ses ennemis l’ont pour¬ suivi dans cette retraite, et trois jours après son incarcération (sic) il fut arrêté de nouveau sans connaître les nouveaux faits qui lui ont fait ravir sa liberté. Il gémit depuis ce temps dans les prisons de Versailles. « Le même jour, son épouse, sou fils, âgé do 15 ans et la citoyenne Binet, sa sœur, ont été arrêtés à Paris sur ladite section, conduits et détenus pendant huit jours en prison, mais gardés, depuis ce temps, chez eux par deux citoyens. « Il résulte de leur interrogatoire qu’elles ont aussi été arrêtées pour avoir tenu des propos (1) Archives nationales, carton FtT 4609, dos¬ sier Bourdin.