113 SÉANCE DU 10 PRAIRIAL AN II (29 MAI 1794) - N° 18 L’ORATEUR reprend : Heureuse citoyenne, l’allégresse que ta présence fait éprouver à nos augustes représentants et aux citoyens et citoyennes qui nous écoutent, le baiser fraternel que tu recevras bientôt du président de la Convention nationale au nom de la patrie reconnaissante, sont un dédommagement bien doux de la perte que tu as faite; mais non, tu n’as rien perdu, ton fils n’est point mort, il a reçu une nouvelle existence, il est né à l’immortalité. ( Applaudissements ) Et comme si rien ne devait manquer aujourd’hui à notre allégresse, l’oncle et l’instituteur tout à la fois, du jeune Viala, Agricole Moreau, dont le civisme vous est connu et qui, par ses leçons et par ses exemples, a puissamment concouru a former ce jeune héros, s’est rendu sur notre invitation au milieu de nous avec les patriotes avignonnais témoins de l’action héroïque de l’intrépide Viala. (L’ORATEUR, en s’adressant aux jeunes citoyens et citoyennes qui entourent les bustes, dit :) Et vous qui tenez à ces jeunes héros par le double lien de l’âge et de la fraternité, Barra et Viala vous ont laissé un grand exemple à suivre, vous vous rendrez dignes d’eux par la pratique de toutes les vertus; chaque jour de votre vie vous aurez les yeux fixés sur le Panthéon où leur âme repose, et si de nouvelles circonstances ne vous offrent pas les mêmes occasions, sachez pour ne l’oublier jamais qu’on peut l’obtenir de plus d’une manière. Citoyens représentants, au lever de l’aurore nous nous sommes rendus au sommet de la Montagne sainte, et là, après avoir adressé nos vœux à l’Eternel, nos jeunes citoyennes en chantant vos glorieux travaux, les victoires des défenseurs de la patrie, les vertus que vous avez mises à l’ordre du jour et que nous mettons en pratique, se sont occupées en même temps à cueillir ces fleurs dans l’intention de vous en faire hommage; c’est la beauté vertueuse et modeste qui vous les offre, daignez les accepter, daignez jeter un regard favorable sur ces jeunes citoyennes qui sont aussi l’expression de la patrie, bientôt épouses et mères; elles vous promettent de graver dans le cœur de leurs jeunes nourrissons l’amour sacré de la liberté et une haine implacable pour la tyrannie, de les élever dans l’austérité des vertus républicaines, de les pénétrer de toute l’étendue de leurs obligations envers notre mère commune et de la Sainteté de leurs devoirs; trop heureuses si pour prix de leur tendresse elles pouvaient un jour les voir placés à côté de Barra et du jeune Viala. Vous apprendrez sans doute avec plaisir qu’un citoyen de cette commune, placé aux frontières n’ayant point rempli ses devoirs, son père ayant appris son délit et la punition qui en avait été la suite, a été prendre sa place. Nous profitons de cette occasion pour vous offrir un échantillon du salpêtre que nos citoyens ont arraché des entrailles de la terre et qu’ils ont porté au dépôt général. Vive la République, vive la Convention nationale et périssent tous les traîtres ! (1). (1) C 306, pl. 1157, p. 28. Le PRÉSIDENT répond : Citoyens, Les devises qui décorent vos bannières annoncent que vous honorez les vertus; le discours que vous venez de prononcer prouve que vous savez les pratiquer toutes. Le spectacle attendrissant que vous nous offrez en ce moment est bien digne de fixer les regards de l’Eternel vers lequel vous avez élevé vos cœurs et vos mains; il est digne du peuple français, et vous méritera la vénération de tous les amis de l’humanité. Vous offrez à nos regards les images de deux jeunes héros qui, encore adolescens, ont versé leur sang pour la patrie; la couronne civique que vous voyez placée sur la tête du buste de Barra, déposé depuis quelques jours au sein de la Convention nationale, atteste qu’elle n’a pas attendu jusqu’à ce moment pour honorer la vertu de ce jeune héros. Barra et Viala, placés au Panthéon, annoncent aux français qui auront le même courage et le même dévouement, ce qu’ils doivent attendre de la reconnaissance de leurs concitoyens. Que ne sont-ils ici, les despotes orgueilleux qui ont osé former le projet de nous asservir ! En voyant la mère, la sœur et le frère du jeune Barra, placés auprès du président de la Convention nationale, recevoir par son organe les témoignages de l’amour et de la reconnaissance du peuple français, leurs dernières espérances seroient anéanties. Citoyens, vous venez de nous faire éprouver les sensations les plus délicieuses : toute la France applaudira comme nous à cet acte de civisme et de vertu. La Convention nationale s’empresse de vous admettre dans son sein, prenez place à sa séance (1) . CHARLIER : Les citoyens qui sont à la barre vous offrent le simulacre de deux jeunes martyrs de la liberté. A côté du président, vous voyez les images vivantes de l’un de ces héros. Quelle leçon pour tous les français ! (On applaudit). Quel spectacle attendrissant pour nous ! ( Nouveaux applaudissements). Je demande que le procès-verbal fasse mention de cette scène touchante, et que le discours de la Société populaire de Sceaux et la réponse du président soient insérés au bulletin. RICHARD : Je demande que le procès-verbal soit envoyé aux armées. Tous les jours nous voyons le parallèle des soldats républicains mourant pour la patrie avec les satellites des despotes mourant pour leur abominable cause. Ces derniers, en périssant, maudissent les tyrans qui les ont envoyés combattre les héros de la liberté, tandis que ceux-ci expirent en bénissant la République et en se félicitant de verser leur sang pour elle. (On applaudit) (2). 18 La commune de Clamart-le-Vignoble (3) près Paris félicite la Convention sur le décret du 18 floréal. La mention et l’insertion au bulletin est décrétée, et la députation est invitée à la séance (4) . (1) Débats, n° 620, p. 198. (2) Mon., XX, 604. (3) Seine. (4) P.V., XXXVIII, 190. Bln, 12 prair. (suppl1) ; J. Matin, n° 708. 6 113 SÉANCE DU 10 PRAIRIAL AN II (29 MAI 1794) - N° 18 L’ORATEUR reprend : Heureuse citoyenne, l’allégresse que ta présence fait éprouver à nos augustes représentants et aux citoyens et citoyennes qui nous écoutent, le baiser fraternel que tu recevras bientôt du président de la Convention nationale au nom de la patrie reconnaissante, sont un dédommagement bien doux de la perte que tu as faite; mais non, tu n’as rien perdu, ton fils n’est point mort, il a reçu une nouvelle existence, il est né à l’immortalité. ( Applaudissements ) Et comme si rien ne devait manquer aujourd’hui à notre allégresse, l’oncle et l’instituteur tout à la fois, du jeune Viala, Agricole Moreau, dont le civisme vous est connu et qui, par ses leçons et par ses exemples, a puissamment concouru a former ce jeune héros, s’est rendu sur notre invitation au milieu de nous avec les patriotes avignonnais témoins de l’action héroïque de l’intrépide Viala. (L’ORATEUR, en s’adressant aux jeunes citoyens et citoyennes qui entourent les bustes, dit :) Et vous qui tenez à ces jeunes héros par le double lien de l’âge et de la fraternité, Barra et Viala vous ont laissé un grand exemple à suivre, vous vous rendrez dignes d’eux par la pratique de toutes les vertus; chaque jour de votre vie vous aurez les yeux fixés sur le Panthéon où leur âme repose, et si de nouvelles circonstances ne vous offrent pas les mêmes occasions, sachez pour ne l’oublier jamais qu’on peut l’obtenir de plus d’une manière. Citoyens représentants, au lever de l’aurore nous nous sommes rendus au sommet de la Montagne sainte, et là, après avoir adressé nos vœux à l’Eternel, nos jeunes citoyennes en chantant vos glorieux travaux, les victoires des défenseurs de la patrie, les vertus que vous avez mises à l’ordre du jour et que nous mettons en pratique, se sont occupées en même temps à cueillir ces fleurs dans l’intention de vous en faire hommage; c’est la beauté vertueuse et modeste qui vous les offre, daignez les accepter, daignez jeter un regard favorable sur ces jeunes citoyennes qui sont aussi l’expression de la patrie, bientôt épouses et mères; elles vous promettent de graver dans le cœur de leurs jeunes nourrissons l’amour sacré de la liberté et une haine implacable pour la tyrannie, de les élever dans l’austérité des vertus républicaines, de les pénétrer de toute l’étendue de leurs obligations envers notre mère commune et de la Sainteté de leurs devoirs; trop heureuses si pour prix de leur tendresse elles pouvaient un jour les voir placés à côté de Barra et du jeune Viala. Vous apprendrez sans doute avec plaisir qu’un citoyen de cette commune, placé aux frontières n’ayant point rempli ses devoirs, son père ayant appris son délit et la punition qui en avait été la suite, a été prendre sa place. Nous profitons de cette occasion pour vous offrir un échantillon du salpêtre que nos citoyens ont arraché des entrailles de la terre et qu’ils ont porté au dépôt général. Vive la République, vive la Convention nationale et périssent tous les traîtres ! (1). (1) C 306, pl. 1157, p. 28. Le PRÉSIDENT répond : Citoyens, Les devises qui décorent vos bannières annoncent que vous honorez les vertus; le discours que vous venez de prononcer prouve que vous savez les pratiquer toutes. Le spectacle attendrissant que vous nous offrez en ce moment est bien digne de fixer les regards de l’Eternel vers lequel vous avez élevé vos cœurs et vos mains; il est digne du peuple français, et vous méritera la vénération de tous les amis de l’humanité. Vous offrez à nos regards les images de deux jeunes héros qui, encore adolescens, ont versé leur sang pour la patrie; la couronne civique que vous voyez placée sur la tête du buste de Barra, déposé depuis quelques jours au sein de la Convention nationale, atteste qu’elle n’a pas attendu jusqu’à ce moment pour honorer la vertu de ce jeune héros. Barra et Viala, placés au Panthéon, annoncent aux français qui auront le même courage et le même dévouement, ce qu’ils doivent attendre de la reconnaissance de leurs concitoyens. Que ne sont-ils ici, les despotes orgueilleux qui ont osé former le projet de nous asservir ! En voyant la mère, la sœur et le frère du jeune Barra, placés auprès du président de la Convention nationale, recevoir par son organe les témoignages de l’amour et de la reconnaissance du peuple français, leurs dernières espérances seroient anéanties. Citoyens, vous venez de nous faire éprouver les sensations les plus délicieuses : toute la France applaudira comme nous à cet acte de civisme et de vertu. La Convention nationale s’empresse de vous admettre dans son sein, prenez place à sa séance (1) . CHARLIER : Les citoyens qui sont à la barre vous offrent le simulacre de deux jeunes martyrs de la liberté. A côté du président, vous voyez les images vivantes de l’un de ces héros. Quelle leçon pour tous les français ! (On applaudit). Quel spectacle attendrissant pour nous ! ( Nouveaux applaudissements). Je demande que le procès-verbal fasse mention de cette scène touchante, et que le discours de la Société populaire de Sceaux et la réponse du président soient insérés au bulletin. RICHARD : Je demande que le procès-verbal soit envoyé aux armées. Tous les jours nous voyons le parallèle des soldats républicains mourant pour la patrie avec les satellites des despotes mourant pour leur abominable cause. Ces derniers, en périssant, maudissent les tyrans qui les ont envoyés combattre les héros de la liberté, tandis que ceux-ci expirent en bénissant la République et en se félicitant de verser leur sang pour elle. (On applaudit) (2). 18 La commune de Clamart-le-Vignoble (3) près Paris félicite la Convention sur le décret du 18 floréal. La mention et l’insertion au bulletin est décrétée, et la députation est invitée à la séance (4) . (1) Débats, n° 620, p. 198. (2) Mon., XX, 604. (3) Seine. (4) P.V., XXXVIII, 190. Bln, 12 prair. (suppl1) ; J. Matin, n° 708. 6 114 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE FILLASSIER, orateur de la députation : Dans votre séance du 27 brumaire dernier, tous les habitans de Clamart-le-Vignoble, district de l’Egalité, département de Paris, concluaient leur adresse insérée dans le Bulletin, en vous disant : « Plus de ministres ,plus d’apôtres, plus de « cultes privilégiés, que chacun adore l’Etre « Suprême à sa manière; c’est un droit qu’il « tient de la nature, mais décrétez enfin qu’il « n’y aura plus désormais d’autre culte public « que celui de la Raison, et le prompt retour « des bonnes mœurs couronnera vos travaux « immortels. » Citoyens, notre commune n’a plus rien à désirer; en proclamant l’existence de l’Etre Suprême et l’immortalité de l’âme, vous donnez la vie à toutes nos institutions sociales; vous comblez le vœu d’un grand peuple; vous confondez tous nos ennemis, et vous placez vos travaux et votre gloire sur une base inébranlable. En effet, sans la ferme croyance de ces deux vérités, reconnues de toutes les nations de la terre, la liberté n’est qu’une chimère dangereuse et le plus sage gouvernement n’est qu’une triste illusion. Sans ces idées sublimes, nous ne serions que des machines, et vous-mêmes, Législateurs, vous ne seriez aussi que des automates, doués d’un mouvement un peu plus réfléchi et d’une énergie moins inconsistante. La vertu, sans l’éternel témoin qui la fait naître, qui la soutient, qui l’encourage et qui la console, sans l’impérissable couronne qu’il lui destine, ne serait plus qu’un déplorable fantôme contre lequel Brutus aurait droit de blasphémer. Et pour qui travailleriez-vous avec tant de persévérance et de courage ? Pour des atomes insensibles, fugitifs, rapides enfans d’un hazard, aveugle comme eux. Etait-ce bien parmi nous, hommes des champs et fils aînés de la nature, que cette horde factieuse, couverte du manteau de l’athéisme, voulait essayer de disséminer son absurde doctrine ? Quelle foule d’argumens, simples comme nous mais victorieux comme la raison, nous eussions opposés tout à coup à l’impudence de leurs assertions et à l’astuce de leurs sophismes ! Ce grain qui ne peut s’anéantir que pour reprendre un nouvel être et multiplier son espèce, ce bouton qui semble ne s’ouvrir que pour embellir par l’éclat des fleurs les plus suaves, le riant triomphe du printemps, et qui présente ensuite au palais la délicieuse saveur d’un fruit nourrissant et salutaire ; ces métamorphoses périodiques et si constantes de tous les végétaux, cette admirable succession, cet incompréhensible enchaînement de tous les êtres et l’immutabilité de leurs habitudes et de leurs formes, tout ne nous annonce-t-il pas la main d’un ouvrier souverainement sage et d’un conservateur tout puissant qui se montre à chaque instant par son inépuisable munificence, et qui nous a créés pour l’immortalité puisqu’il nous a donné le sentiment de ses bienfaits, l’amour de la vertu, l’horreur du vice et le remords du crime. Pour établir cette profession de foi publique, vous n’avez pas eu besoin, Législateurs, de recourir aux pieuses fictions des Lycurgue, des Solon, des Numa ni de Socrate lui-même. Dans le siècle de la saine philosophie, il vous a suffi de parler son langage et votre voix a retenti dans les cœurs de tous les vrais patriotes. A cette voix redoutable, la tyrannie est tombée et tous ses vils suppôts ont péri avec elle; la superstition s’est anéantie pour faire place à la vérité et à la raison; toutes les erreurs politiques et morales ont disparu, et le français. rendu à sa dignité originelle ne se courbera plus que devant le père de tous les êtres. O Divinité tutélaire ! Nous te devons la liberté, le plus grand de tous les biens, et l’égalité, sa céleste compagne. Jette les yeux sur ton ouvrage. Arme ton bras puissant, continue d’environner les intrépides et généreux restaurateurs d’une nation qui t’adore et qui t’offre l’hommage d’un peuple immense qu’ils ont rendu digne de toi. Achève de confondre les complots des scélérats qui osent t’insulter en voulant renverser les bienfaits dont tu nous combles, et que les attentats qu’ils viennent de méditer soient les derniers efforts d’une rage impuissante ! (1) . 19 Une députation de la Société populaire de Châlons-sur-Marne exprime son indignation sur l’assassinat des représentans les plus fidèles au peuple, projeté par les rois, et félicite la Convention sur ses importans travaux et sur les hommages qu’elle rend à l’Etre-Suprême; la députation est invitée aux honneurs de la séance, et la Convention décrète la mention honorable et l’insertion au bulletin de l’adresse des montagnards de Châlons. (2) . L’ORATEUR de la députation : Représentants, Attaqué de toutes parts, le peuple français a vaincu parce qu’il a foulé aux pieds tous les vices. Son triomphe est celui de la vertu et tandis que les enfans de la patrie font mordre la poussière aux esclaves coalisés contre elle, vous affermissez à jamais la République par des lois sages, des lois qui, en rappelant l’homme à sa dignité, touchent sa sensibilité, lui inspirent l’amour de ses droits et de ses devoirs, lui font chérir et pratiquer les vertus. Parmi ces lois que les patriotes ont reçues avec joie, ils ont surtout remarqué celle qui enchaîne l’athéïsme et rend hommage à l’Etre Suprême, et celle qui porte la consolation dans la chaumière du pauvre. Qu’il est beau, qu’il est sublime le gouvernement où le malheur est honoré, où les inégalités sont aplanies, où les infortunés sont secourus, où l’enfance, le vieillard, l’infirme la mère de famille indigente trouvent un soulagement assuré, dans la protection des agens publics ! Remplir des devoirs (1) C 305, pl. 1144, p. 31. Signé Coignet (présid. de la Sté popul.), Lépine (Mun.), Fillassier (présid.), Batlas, Laplace, Crespinet, Franquet [et 3 signatures illisibles]. (2) P.V., XXXVIII, 190. B