[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mars 1731. | 373 politiques, de l’associer à toutes les idées de la nation et de la Constitution sur l’administration de l’Empire. Ainsi j’appuie l’ajournement. M. Thouret, rapporteur. L’intention du préopinant me paraît être que le roi mineur pourrait être exclu entièrement du conseil. 11 nous semble au contraire impossible de l’empêcher d’y assister à IG ou 17 ans. On n’a donc besoin d’ajournement que sur le mode. Quant au principe, on peut décréter seulement que le roi, quoiqu’il ne soit pas majeur, aura entrée au conseil. M. de Crillon jeune. Je pense qu’il faut conserver la première rédaction du comité, car il pourrait y avoir des inconvénients à laisser entrer le roi au conseil, à 12 ans, par exemple. M. Martineau. Je crois que c’est en apprenant de bonne heure ce que t’on doit faire toute sa vie, que l’homme se perfectionne; en conséquence, je regarde comme infiniment essentiel au bonheur de l’Etal que les rois aient entrée au conseil dès qu’ils en seront capables. Quant à l’indiscrétion qu’un peut craindre, je dis, Messieurs, que la fiction de Télémaque est d’une grande vérité : Les hommes apprennent à garder un secret lorsqu'on les accoutume à le garder dès l’enfance. Nos rois entreront au conseil à 12 ou 13 ans, et, en leur faisant sentir de quelle importance il sera pour eux de garder un secret, ils s’y accoutumeront. M. Cloupil-Préfehi. Fixer un âge pour l’admission du jeune roi au conseil, c’est mettre dans la Constitution un germe de division entre le régent et le roi mineur. Il vaut mieux ajourner l’article. M. Prieur. J’appuie l’ajournement. (L’Assemblée, consultée, repousse l’aiourne-ment.) M. Duport. Je répète ma motion, qui tend à ce qu’il n’y ait pas deux espèces de majorité du roi, l’uue à 14 ans pour entrer au conseil, et l’autre à 18 ans pour être roi ; mais qu’il soit dit simplement que le roi, avant sa minorité, pourra entrer au conseil pour son instruction seulement. M. de Mirabeau. Je suis tout à fait de l’avis de M. Duport. 11 me semble que le temps est passé, quoiqu’il ne soit pas bien éloigné, car c’est sous Louis XIII, où Ton disait à des cours, on les appelait souveraines alors, dans un écrit émané de l’autorité de la régente, que, des grâces particulières d’état répandant sur les princes des lumières anticipées, le roi devait entrer à 14 ans au conseil. Ces ehoses-là ont été écrites, dites, applaudies, révérées même ; ce temps est passé et, j’imagine, pour toujours. lt est cependant trop extraordinaire de penser ou qu’un enfant de 14 ans puisse entrer au conseil, ou même qu’un régent fût assez impérite pour que, s’il était obligé de le faire entrer au conseil, à 14 ans, il s’agitât autre chose que des fariboles. Je crois donc, Messieurs, qu’il est extrêmement sage de ne point fixer d’âge, et de dire seulement que l’enfant royal entrera au conseil quand le régent le voudra. (Murmures.) Plusieurs membres : Non ! non ! M. lia Poule. Je demande la parole. M. de Mirabeau. Je retire mon amendement si M. La Poule le combat. (Rires.) M. lia Poule. La modestie de M. de Mirabeau n’a jamais mieux paru que dans cette occasion. Mon intention, Messieurs, était d’appuyer ce qu’il venait de dire, et je voulais l’appuyer, en proposant cette rédaction-ci : « Le roi mineur pourra assister au conseil pour sa particulière inriruc-tion. » (La discussion est close.) L’Assemblée, consultée, adopte l’article 19 du comité avec l'amendement de M. Duport, dans tes termes suivants : Art. 19. « Le roi, parvenu à l’âge de 14 ans accomplis, pourra assister au conseil pour son instruction seulement. » M. Thouret, rapporteur , donne lecture de l’article 21 du projet du comité, qui est ainsi conçu : « Aussitôt que le roi sera devenu majeur, il annoncera, par une proclamation publiée dans tout le royaume, qu’il a atteint sa majorité et qu’il est entré en exercice des fonctions de la royauté. » M. Alexandre de Lameth. Je ne donnerai pas un grand développement à la proposition que j’ai à faire, non pas que je ne la regarde comme très importante, mais parce que j’espère qu’elle ne souffrira pas de difficultés. Les principes adoptés par l’Assemblée sur les questions que nous agitons ont été que la régence était l’exercice d’une royauté intermédiaire, et d’après l’extrême importance de cette fonction, vous avez cru qu’on devait exiger du régent, avant d’entrer en exercice, le serment d’être fidèle à la Constitution. Il me semble que nous devons statuer qu’il eu sera de même pour le roi ; c’est-à-dire que, au moment où le roi sera majeur, et qu’il le publiera par une proclamation, cette proclamation renfermera le serment à lu Constitution et la promesse de le réitérer aussitôt que le Corps législatif sera rassemblé. Si cette proposition était combattue, je réclamerais la parole pour la soutenir. M. de Mirabeau. La proposition n’est pas susceptible de contradiction ; mais il y en aurait peut-être une autre. 11 est question d’une proclamation qui annonce la lin de la régence, c’est-à-dire qui annonce l’avènement de la majorité; je crois que cette proelamution-là doit être faite par le Corps législatif; je crois que c’est lui qui doit être l’organe... Plusieurs membres : Et s’il n’est pas assemblé? M. de Mirabeau. Ce 11’est pas là une objection, car il peut l’être pour une telle époque, qui est très déterminée, très connue. Je crois qu’il serait infiniment plus conforme aux principes que ce fût le Corps législatif, véritable organe de la loi, qui proclamât l’époque de la mtjorité. J’appuie toujours la proposition de M. dé Lameth, car je veux, comme lui, que la [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mars 1791.1 proclamation contienne le serment. (Applaudissements.) M. de Cazalès. Je ne m’oppose nullement à la proposition de M. de Lameth. Il est parfaitement sage qu’un roi, arrivé à l’époque de la majorité, et qui est à la tête du royaume, prête le serment à la Constitution à cette époque-là ; mais il me paraît que celle de M. de Mirabeau peut être dangereuse. L’avènement du roi à la majorité est une chose de fait. Il suffit que le roi annonce ce fait que personne ne pourra contester, ce fait sur lequel il n’y aura aucun doute, c’est qu’il aatteint l’âge de 18 ans. Si, au lieu de cela, vous chargez le Corps législatif de cette proclamation, il pourrait s’ensuivre qu’on la regarderait comme une espèce de sanction du droit, ce qui ne doit pas être, car certainement c’est indépendamment de l’autorité du Corps législatif que le roi sera majeur, qu’il enlrera en plein exercice du pouvoir exécutif. Si le Corps législatif se refusait à cette proclamation, qu’est-ce qui en arriverait? Le roi serait-il dépouillé du pouvoir exécutif que la loi constitutionnelle de l’Etat lui a confié? Il me paraît qu’il y aurait de l’inconvénient dans la proposition faite par M. de Mirabeau, et je demande que celle du comité soit adoptée. ( Applaudissements .) M. de Mirabeau. Et je ne conçois pas, moi, comment on peut trouver de l’inconvénient à déclarer, par exemple, qu’à l’avènement de la majorité le Corps législatif sera toujours assemblé, que le roi s’y rendra pour y déclarer que la loi l’émancipe et qu’ensuite il rendra une proclamation qui contiendra son serment. M. de Cazalès. M. de Mirabeau ayant entièrement changé sa proposition, celle-ci n’a plus d’inconvénient. ( Applaudissements .) M. de Mirabeau. On n’est dans une assemblée délibérante que pour s’éclairer mutuellement. Je remercie M. de Cazalès d’avoir été la cause que je me suis rectifié. M. Thouret, rapporteur. J’adopte bien que la proclamation exprime le serment ; mais j’observe qu’il peut survenir quelque obstacle au rassemblement du Corps législatif, soit par des circonstances forcées, soit par des circonstances concertées-, et ceux qui pourraient opposer des retards à ce rassemblement seraient par là les maîtres de prolonger la régence, de retarder l’activité du roi, activité qu’il tient de la loi même, au moment de sa majorité; car il ne reçoit rien de plus par la Constitution •. il était roi dès que le trône a vaqué. Son autorité était suspendue par sa minorité ; mais du jour de sa majorité, en vertu de la Constitution, je ne dis pas il devient roi, mais il acquiert l’activité delà royauté. Or, ne peut-on pas présumer quelques circonstances dans lesquelles il serait dangereux que cette activité dépendît d’un rassemblement du Corps législatif ? La déclaration de su majorité est un acte qu’il a droit de faire. (Applaudissements.) M. de Mirabeau. Je réponds que vous ne pouvez pas supposer des obstacles au rassemblement du Corps législatif, sans supposer un grand attentat à la Constitution; et c’est une grande raison de plus pour exiger le rassemblement du Corps législatif. Et comme ici l’intérêt du gouvernement monarchique, l’intérêt de toutes les autorités légitimes concourraient parfaitement avec l’obéissance à la Constitution, il me semble ou que ces circonstances-là sont peu redoutables, ou qu’il est peu de moyens efficaces de les déjouer, sinon d’exiger précisément le rassemblement d’une Assemblée si imposante, chargée de pouvoirs si terribles, et devant lesquels tous les factieux, tous les conspirateurs, fùt-ce le régent, devraient être si embarrassés. Je persiste donc dans mon avis. M. Itewbcll. Je demande que le rassemble-meot de la législature soit fixé à une époque qui précédera d’un mois celle de la majorité au roi. M. deCazalès. Sans doute, ce qu’il y aurait de mieux à faire, dans l’hypothèse de M. Thouret, serait de rassembler le Corps législatif ; mais pour que ce rassemblement puisse s’effectuer, pour que les mauvaises intentions soient combattues, pour que l’attentat contre la Constitution soit prévenu, il est extrêmement important que le roi soit à l’instant, par le seul fait de sa naissance, par le seul fait de la loi constitutionnelle de l’Etat, mis en possession de l’autorité royale qui lui a été départie, afin de pouvoir combattre et le3 attentais, et favoriser le rassemblement du Corps législatif. En conséquence, j’adopte la rédaction de M. Thouret. M. de Mirabeau. Vous avez raison. (L'Assemblée ferme la discussion et adopte l’amendement de M. Alexandre de Lametb). M. Thouret, rapporteur. Voici quelle serait, en conséquence, la rédaction de l’article ; Art. 21. « Aussitôt que le roi sera devenu majeur, il annoncera, par une proclamation publiée dans tout le royaume, qu’il a atteint sa majorité, et qu’il est entré en exercice des fonctions de la royauté. Dans cette proclamation, le roi exprimera son serment constitutionnel, et promettra de le réitérer devant le Corps législatif.» (Adopté ) M. Moreau de Saint-Méry. Messieurs, j’ai demandé la parole pour prier l’Assemblée de me permettre de lui donner lecture de lettres que la députation de la Martinique vient de recevoir de l’assemblée coloniale de cette île. Je supplie l’Assemblée d’en écouter la lecture avec quelque attention et de ne pas perdre de vue que ces lettres sont écrites par des hommes livrés alors, depuis plus de 5 mois et demi, aux horreurs de la guerre civile. Au Gros -Morne-Martinique, le 23 janvier 1791. « Messieurs, nous avons reçu, le 20 de ce mois, par l’hôtel de ville de Saint-Pierre, une copie du décret de l’Assemblée nationale, du 29 novembre dernier, qu’elle a reçu de la chambre de commerce de Marseille. Et nous avons reçu, le 22 au soir (par l’aviso) avec votre lettre du 13 décembre dernier, le décret que vous nous avez envoyé, et qui diffère peu de la copie. « Il ne serait pas sage de préjuger les effets que produiront ses dispositions. D’ailleurs ces effets seront autant l’ouvrage des commissaires et du nouveau gouverneur, que des circonstances. « Quant aux circonstances, elles seront d’a-