419 [Assemblée nationàle.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 Janvier 1791.] ce fait ; j’affirme que dans le Parlement de Paris, l’accusé n’a jamais manqué de comparaître libre et sans fers et même sans qu’il y eût aucune espèce de garde dans ta salle où il était conduit. Il est bon cependant d’empêcber qu'un accusé puisse s’enfuir ; mais ce sera dans les règlements à faire qu’il faudra exiger qu’il y ait des gardes autour de l’accusé pour l’empêcher de s’évader. Il n’y a pas, du reste, un citoyen honnête qui ne puisse être l’objet d’une accusation criminelle et il serait barbare de traiter avec dureté un individu qui doit être présumé innocent, jusqu’à ce que la loi l’ait déclaré criminel. . Je demande donc qu’en prenant des précautions, vous laissiez ce qui était dans l'ordonnance de 1670 et que l’accusé comparaisse à la barre, libre et sans fers. M. de Lachèzc. Un accusé doit être libre devant le juge qui l’interroge et qui va prononcer sur son sort ; c’était la disposition de l’ordonnance de 1670. L’article doit rester tel qu’il est, surtout dès que, par des règlements particuliers, on pourra veiller à ce qu’il y ait une garde suffi' santé à la porte de l’auditoire où se trouvera l’accusé. Ainsi, je demande la question préalable sur l’amendement. M. Sentetz. Ce n’est pas pour les juges ni pour le public qu’un accusé peut être dangereux, mais pour les témoins; ainsi il n’est pas étonnant qu’au Parlement, où très rarement les accusés étaient en face des témoins, ils fussent dans l’usage de comparaître sans fers. Mais je puis attester que, dans les juridictions inférieures, les accusés se portaient à de grandes violences contre les témoins qui les chargeaient dans les confrontations : l’ancien usage avait été établi pour la sûreté des témoins et pour que le temple de la justice ne devînt pas une arène de gladiateurs. M. Eie Bois-des-Guays. Ma malheureuse destinée m’a conduit à présider, à Montargis, au jugement d’un procès où 120 scélérats ont été exécutés; 80 d’entre eux ont dit qu’ils auraient immolé plus d’une victime s’ils avaient été libres et je vous assure qui si les juges n’avaient pas pris de précaution pour se préserver des violences de ces criminels, ceux-ci se seraient portés à des extré mités. Un membre : J’ai vu, Messieurs, dans une circonstance, un accusé vouloir égorger le lieutenant criminel ; et si on ne fût venu promptement à son secours, il aurait péri à coups de couteau, dont il parvint heureusement à parer le premier coup. On a vu des accusés tellement féroces qu’il a fallu faire une cage pour les renfermer pendant la confrontation. Je crois qu’il faut ajouter à l’article que l’accusé sera libre et sans fers quand le président le croira convenable. M. Duport, rapporteur. Je demande la question préalable sur les amendements* L’accusé sera dans un endroit séparé de celui qu’occuperont les juges et les témoins ; d’ailleurs, les comités vous présenteront, dans des articles subséquents, des mesures pour rendre inutile la violence des accusés furieux. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements.) L’article Ie» est ensuite adopté* Art. 2. « Le président avertira l’accusé d’être attentif à tout ce qu’il va entendre, il ordonnera au greffier de lire l’acte d’accusation : après quoi il rappellera clairement à l’accusé ce qui y est contenu; il lui dira ; « Voilà de quoi vous êtes ac-« cusé; vous allez entendre les charges qui « seront produites contre vous. » {Adopté.) Art. 3. « L’accusateur public, ainsi que la partie plaignante, s’il y en a, feront entendre leurs témoins : ceux-ci, avant de déposer, prêteront serment de parler sans haine et sans crainte , de dire la vérité, , toute la vérité , rien que la vérité. » {Adopté.) Art. 4. « La liste des témoins qui doivent déposer, sera notifiée à l’accusé 24 heures au moins avant l’examen. » {Adopté.) Art. 5. « Après chaque déposition, le président demandera à l’accusé s’il veut répondre à ce qui vient d’être dit contre lui. L’accusé pourra, ainsi que ses amis ou conseils, dire, tant contre le3 témoins que contre leur témoignage, ce qu’il jugera utile à sa défende ; il pourra les questionner. L’accusateur publrc, les jurés et le président pourront aussi demander les éclaircissements dont ils croiront avoir besoin. » {Adopté.) Art. 6. « Le témoin sera toujours tenu de déclarer d’abord si c’est de l’accusé présent qu’il entend parler, et s’il connaissait l’accusé avant le fait. » {Adopté.) Un membre propose un article additionnel qui est ainsi conçu : Art. 7. « Il sera demandé au témoin s’il est parent, allié, serviteur et domestique d’aucuue des parties. » {Adopté.) Art. 8 (ancien art. 7). « Lorsque les témoins de l’accusateur public et de la partie plaignante, s’il y en a, auront été entendus, l’accusé pourra faire entendre les siens ; l’accusateur public ou la partie plaignante pourront également les questionner, et dire sur eux, ou leur témoignage, tout ce qu’ils jugeront nécessaire. » {Adopté.) Art. 9 (ancien art. 8). a Les témoins ne pourront jamais s’interpeller entre eux. » M. Garai l’aîné. Get article suppose que tous les témoins devront être présents à l’auditoire ; car dès qu’ils n’y seraient pas présents, ils n’auraient pas le moyen de s’interpeller. Or, je pense que les témoins ne doivent paraître que successivement et singulièrement devant le juré et devant l’accusé, parce que, comme vous le disait fort bien M. Tronchet, chaque témoin n’est là que. pour son témoignage ; parce que les témoins rassemblés à l’auditoire pourraient compromettre le sort de l’accusé, se confédérer entre eux et combiner leurs dépositions. (L’article 9 est adopté.) 420 {Assemblée nationale.] M. Duport, rapporteur, donne lecture de l’article 10 (ancien art. 9), qui est ainsi conçu : « L’accusé, ainsi que ses amis ou conseils, pourront demander que les témoins produits contre lui soient introduits et entendus séparément, même après qu’ils auront déposé. Il pourra demander encore que ceux qu’il désignera se retirent de l’auditoire et qu’un ou plusieurs d’entre eux soient introduits de nouveau, séparément ou en présence les uns des autres. » M. Tronehet. Il est évident que cet article-là suppose, pour règle générale, que les témoins pourront comparaître ensemble, puisqu’il ne reste à l’accusé que la faculté de demander qu’ils soient entendus séparément. Je persiste dans l’observation que j’ai déjà faite, qu’il est du plus grand danger pour l’accusé et l’innocence, que les témoins soient entendus, en général, en présence les uns des autres, parce qu’un témoin n’a pas besoin d’entendre la déposition d’un autre témoin. Je demande, en conséquence, que l’article soit rédigé ainsi : Art. 10. « Les témoins seront entendus séparément; l’accusé pourra par lui-même, ou par ses amis ou conseils, demander qu’ils soient entendus en présence les uns des autres. Il pourra demander encore, après qu’ils auront déposé, que ceux qu’il désignera se retirent de l’auditoire, et qu’un ou plusieurs d’entre eux soient introduits et entendus de nouveau, séparément, ou en présence les uns des autres. » (Cette rédaction est adoptée.) Art. 11 (ancien art. 10). « L’accusateur public aura la même faculté à l’égard des témoins produits par l’accusé. » M. JPervinquière . Je demande que le même droit soit donné à l’accusateur public pour tous les témoins, après qu'ils auront été entendus une première fois séparément. Car comment voulez-vous que l’accusateur fasse tomber les dépositions de plusieurs témoins produits par l’accusé s’il ne peut pas faire reparaître ses témoins de nouveau ou ceux de la partie plaignante? Ne résultera-t-il pas de cette comparaison des témoins de l’accusateur et de la partie plaignante d’un côté et de ceux de l’accusé de l’autre, une plus grande lumière pour la découverte de la vérité? Ainsi, je crois qu’il serait juste de rédiger l’article comme suit: « L’accusateur public et la partie plaignante auront la même faculté. » M. Duport, rapporteur. Je ne sais s’il ne résulterait pas un très violent et très fâcheux scandale de ce combat direct fait devant le juré et le public entre un homme qui poursuit une réparation en matière civile et celui qui risque sa vie et son honneur. Je crois que la partie civile a le droit de fournir tous les moyens et d’indiquer tous les témoins mais que c’est à l’accusateur public à les faire entendre. Un pareil combat serait l’abolition des mœurs qu’on doit respecter et de la.pudeur publique qu’il faut épargner, Plusieurs voix: La question préalable! (L’Assemblée consultée, décrète, après deux épreuves déclarées douteuses, qu’il y a lieu à délibérer.) {22 janvier 1791.1 M. Fa Révelllère-Iiépeaux. Puisque l’Assemblée a jugé à propos de passer à la délibération sur l’amendement, je ne reviens point sur la question préalable; mais j’en demande l’ajournement. Je suis convaincu que lorsque chacun des membres de cette Assemblée y aura réfléchi, il sentira qu’il est impossible d’admettre un amendement aussi corrupteur pour les mœurs publiques. M. Garat l'aîné. L’accusé risque sa vie s’il succombe; la partie plaignante doit porter la peine de sa calomnie, si elle ne prouve pas sa dénonciation. C’est la réciprocité entre les parties qui est la base de toute justice. Je soutiens l’amendement comme extrêmement juste. M. Fe Chapelier. Si la question préalable était admise, je ne parlerais pas ; car la discussion devrait être finie et nous devrions nous hâter de rejeter cet amendement. Ne sachant pas encore si l’opinion est bien formée dans l’Assemblée, je demande à faire une ou deux observations. Je crois que cet amendement ne peut pas être admis sans blesser tous les principes de la morale et, sans aller plus loin, sans nuire même à la découverte de la vérité. Dans votre instruction criminelle bannissez autant que vous le pourrez tous les accessoires qui tendraient à faire de l’instruction judiciaire un affreux procès. Aussitôt qu’un homme, maltraité dans sa personne ou dans ses biens, en a fait la dénonciation à la justice, il doit disparaître pour que l’accusateur public vienne prendre sa place et parle au nom de la société. Ce n’est que de cette manière que vous rendrez, aux yeux des jurés et des juges, votre institution imposante et que vous pourrez, d’un pas rapide, aller à la découverte de la vérité. S’il était possible qu’un homme devînt l’adversaire de celui qui l’a attaqué dans sa personne ou dans ses biens, autrement qu’en prenant des conclusions civiles contre lui, alors les jurés devraient apercevoir dans cet homme un adversaire excité par la haine ou l’animosité. Certes, Messieurs, alors la défiance devrait être dans l’esprit de vos jurés. Si, au contraire, l’accusateur public est chargé de cette fonction au nom de la société, alors la défiance est bannie de l’esprit des jurés. Ainsi, ceux qui prétendent que, pour aller à la découverte de la vérité, il faut introduire un affreux combat entre l’accusateur et l’accusé, repoussent eux-mêmes cette vérité qu’ils veulent trouver. ( Applaudissements .) MM. Ghabroud et Goupilleau appuient l’article du comité. M. de Folleville. Les arguments employés contre l’amendement ne sont que spécieux. Lorsqu’il s’agit de l’assassinat d’un père et de l’empoisonnement d’une mère, je demande si ce n’est pas rompre tous les liens de la morale que d’interdire à un fils... (Murmures.) Plusieurs membres : Aux voix ! M. de Folleville.... la douce consolation de se venger I M. Tuant de lia Bouverie. line s’agit pas, ARCHIVES PARLEMENTAIRES.