668 (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M9 brumaire an u ' <9 novembre 1793 nous sommes empressés de rendre de notre mission à nos collègues, nous vous avons dépêché deux courriers porteurs de lettres contenant les détails succincts et fidèles de tout ce qui s'est passé à l'armée du Bhin , de Va bandonnement des lignes de Wissembourg, de la prise de cette ville et de celle de Lauterbourq, de la marche rapide de l'ennemi, de la position actuelle de notre armée. « Aucun de ces courriers ne nous est encore revenu, et nous attendons, citoyens collègues, avec impatience, la réponse à nos dépêches. « Dans cet intervalle, nous allons vous faire un tableau exact de ce qui existe présente¬ ment. « La position de notre armée du Bas-Rhin est toujours la même que celle mentionnée dans notre dernière. L’ennemi n’a fait aucun pas de plus ; hier matin, quelques coups de fusil de part et d’autre, dans les avant-postes, ont été tirés, et quoiqu’on s’attendait à une action très vive, l’ennemi s’est tenu dans l’inaction. « Nous avons profité de cette suspension pour voir tous nos frères d’armes, leur inspirer de la confiance, relever leur courage, et l’aug¬ menter de toutes les manières. « Les bataillons ont vu avec plaisir les représentants du peuple venir les consoler du revers qu’ils ont éprouvé et surtout de ce que, sans coup férir, les lignes avaient été abandonnées, de ce que la retraite s’était pro¬ longée pour ainsi dire dans les glacis de Stras¬ bourg. « Le soldat est vivement affecté de cette retraite, il brûle du désir de reprendre son poste sur les lignes, il n’est pas douteux que si l’ar¬ mée avait quelque renfort, on y parviendrait. « Nous avons pris divers arrêtés pour lui procurer, sans délai ce qui lui est si nécessaire dans la saison actuelle, couvertures, bois ; il faut se l’attacher par la reconnaissance que lui inspirera naturellement une attention par¬ ticulière de ne le laisser manquer de rien. Strasbourg, qui peut d’un moment à l’autre être assiégée, mérite beaucoup de soins. « Il faut, dans cette place, employer une fermeté républicaine, une énergie révolution¬ naire et s’entourer de patriotes prononcés. « Il s’y trouve beaucoup d’égoïstes, d’in¬ souciants, qui, pour une tranquillité honteuse et servile, sacrifieraient toutes leurs facultés intellectuelles. « Nous sommes allés à la Société populaire, et là par des discours les plus révolutionnaires, nous avons essayé d’élever l’âme des socié¬ taires, du peuple, à la hauteur des circons¬ tances. Nous nous proposons d’y aller à chaque séance; il nous a paru que l’on pourrait réussir à monter ici l’esprit du public. Il en est bien temps. « On nous a assuré que les ennemis avaient pris possession, au nom de l’empereur, des villes de Lauterbourg et de Wissembourg, qu’ils avaient fait marcher avec eux contre nous tous les jeunes gens de la première réquisition qui se trouvaient encore dans ces deux endroits, qu’ils ont laissé le cours des assignats en les frappant d’un aigle impérial. « La multiplicité de nos opérations a exigé une distribution particulière de travail, et que chacun de nous puisse plus particulièrement servir la chose publique et remplir sa mission. C’est dans ces vues que nous avons pris l’arrêté ci-joint (1). Nous espérons que vous le trou¬ verez convenable. « Salut et fraternité. J. -B. Lacoste; Mallarmé. » G. Les représentants à l'armée du Bhin au comité de Salut public (2) : « S a verne, 2 e jour du 2 e mois de l’an II. « Saint-Just et Lebas font connaître la posi¬ tion de nos troupes et celle de l’armée ennemie, qui est maîtresse de Haguenau, Wissembourg et Lauterbourg. Ils demandent un chef hardi pour enflammer les troupes, et que, pour leur fournir des armes, on n’en laisse aucune dans les villes dangereuses. Ils joignent un arrêté portant établissement d’une Commission révo¬ lutionnaire (3) pour juger les coupables et un ordre (4) à tous les officiers de l’armée de satis¬ faire aux plaintes du soldat. » H. Les représentants de l'armée du Bhin au comité de Salut public (5). « Strasbourg, 3e jour du 2e mois de l’an II. « Citoyens collègues, « Nous sommes arrivés hier ici. Nous y avons trouvé nos collègues Ruamps, Milhaud, Lacoste, Mallarmé et Borie. Quelle que soit la cause du mécontentement qui a lieu contre la plupart (1) Cette pièce n’était pas jointe. (2) Archives nationales, carton AFii, n° 247 (Analyse). (3) Cette Commission révolutionnaire, composée de 5 membres, devait opérer dans le district de Haguenau, tant que l’ennemi n’aurait pas été chassé de l’Alsace, et faire fusiller tous ceux qui seraient convaincus d’être agents ou partisans de l’ennemi. (Note de M. Aulard : Recueil des actes et de la cor¬ respondance du comité de Salut public, t. 7, p. 595). (4) Cet « ordre » est une proclamation à l’armée ainsi conçue : « Nous arrivons et nous jurons au nom de l’armée que l’ennemi sera vaincu. S’il est dans son sein des traîtres et des indifférents même à la cause du peuple, nous apportons le glaive qui doit les frapper. Soldats, nous venons vous venger et vous donner des chefs qui vous mènent à la victoire. Nous avons �résolu de chercher, de récompenser, d’avancer le mérite et de poursuivre tous les crimes, quels que soient ceux qui les aient commis. Courage, brave armée du Rhin : tu seras désormais heureuse et triomphante avec la liberté. Il est ordonné à tous les chefs et agents quelconques du gouvernement de satisfaire dans trois jours aux justes plaintes des soldats. Après ce délai, nous entendrons nous-mêmes ces plaintes et nous donnerons des exemples de jus tice et de sévérité que l’armée n’a point encore vus. » « Saint-Just; Le Bas. » (Note de M. Aulard : Recueil des actes et de la cor¬ respondance du comité de Salut public, t. 7, p. 595.) (5) Ministère de la guerre ; Armées du Rhin et de la Moselle. Aulard : Recueil des actes et de la corres¬ pondance du comité de Salut public, t. 7, p. 615.