268 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] procureur du Roi a été aussitôt commencée ; elle n’est pas terminée, parce qu’il a été nécessaire de faire assigner les témoins indiqués, demeurant à plus de 80 lieues de Paris : ces témoins sont sur le point d’arriver. Il a été d’ailleurs annoncé que la commune ferait déposer au greffe du Châtelet des pièces importantes, mais le dépôt n’est point encore effectué. Le 6 novembre, le procureur-syndic a dénoncé l’affaire des sieurs comte d’Astorg, du Reynier, Douglas, de Rubat, de Livron, et demoiselle de Bissy. Le 10, plainte rendue, ensuite information faite, laquelle est terminée et va être décrétée. Le 19, dénonciation du procureur syndic contre MM. de Barentin, de Broglie, de Puységur, de Bezenval, et d’Àutichamp. Le lendemain, plainte du procureur du Roi, et le 21 interrogatoire de M. de Bezenval. La commune a fait déposer, le 24, plus de 400 pièces relatives à cette affaire. Des motions faites au district de Saint-Martin-des-Champs contre la loi martiale et la garde nationale ont donné lieu à une plainte, et à une information qui vient d’être terminée, et sera décrétée ces jours-ci. Un sieur Delcros a été prévenu de faire des enrôlements pour l’Espagne; d’après l’information, il a été décrété de prise de corps cejourd’hui 24. Il n’a été remis au Châtelet aucune pièce relativement au mandement de M. l’évêque de Tréguier. Certifié véritable, ce 24 novembre 1789. Signé : Bermeseac. M. Brostaret. Puisque l’Assemblée avait attribué la connaissance de l’affaire de l’évêque de Tréguier au Châtelet, il doit faire remettre à son greffe toutes les pièces relatives à ce procès. M. Lanjuinais. Je demande que l’Assemblée use envers l’évêque de Tréguier de la même clémence qu’elle a eue pour les parlements de Rouen et de Metz ; ce prélat a, comme les parlements, rendu dans un mandement ultérieur, relatif au décret sur l’argenterie des églises, hommage aux décrets de l’Assemblée nationale, et particulièrement rétracté son premier mandement, en ce qu’il avait donné lieu à des interprétations contre la pureté des sentiments dont il est pénétré envers l’Assemblée. M. Brostaret. M. l’évêque de Tréguier n’a point rétracté son mandement. M. Lanjuinais. J’offre d’en fournir la preuve. L’Assemblée ne prend aucune décision. M. llargonne, député du Perche, demande une permission pour s’absenter pendant quinze jours ou trois semaines. La permission est accordée. L’ordre du jour appelle un rapport du comité des finances sur les plans et projets qui ont été renvoyés à ce comité. M. Lebnm (1). Messieurs, chargé personnellement de l’examen des plans et projets, c’est en mon nom seul que je viens vous en parler. Je vous supplie d’avance de me pardonner, si, pour (1) Le rapport de M. Lebrun est incomplet au Moniteur. être égal à mon sujet, je descends quelquefois au-dessous de la dignité de vos séances. Le comité des finances n’avait pas cru devoir encore offrir à l’Assemblée le résultat des plans et des projets qu’elle a soumis à son examen. 11 avait osé, il ose toujours se flatter qu’elle lui accorde assez de confiance, pour lui laisser, et le choix des projets, et le choix du moment où il sera utile de placer sous ses yeux ceux qui lui auront paru dignes de fixer son attention. Mais la juste impatience que quelques honorables membres ont témoignée de vérifier ses travaux et de jouir des trésors qu’annoncent à la nation les nombreux auteurs de ces projets, me force de rompre le silence et de révéler les ressources qui nous sont offertes. Je ne vous parlerai point, Messieurs, de ces hommes timides qui se traînent dans les sentiers de la routine, qui ne présentent que les améliorations triviales de l’ordre et de l’économie. Il y en a très-peu de ce genre ; et les bons esprits qui se sont bornés à ces obscures découvertes n’ont, la plupart, sur les différentes parties de l’administration que des connnaissances incomplètes ou des idées exagérées. Des génies plus hardis vous enrichissent d’un trait de plume. L’un supprime tous les impôts et vous donne une contribution volontaire de 600 à 700 millions. D’autres substituent à ces droits compliqués, à ces perceptions confuses, qui pèsent sur les personnes et sur les choses, une taxe personnelle, bien juste, bien graduée, qu’ils assoient sur vingt-cinq millions d’individus, sur douze, sur huit, sur quatre, sur deux, et qui vous rendra 2 milliards, 1,200 millions, et à tout le moins 800. De menues ressources, par exemple un impôt sur les chiens, sur les cheminées, les rubans civiques, des ordres patriotiques, vous feront des revenus innocents et intarissables. Voulez-vous entreprendre tous les souliers du royaume? on vous garantira sur cette affaire unique un produit égal à toutes vos dépenses. On vous garantira, quand il vous plaira, une paix universelle sur mer et sur terre; plus de militaires, plus de marine, et de là un revenu de 130 millions, qui fonde une caisse d’amortissement. Vous pouvez encore payer graduellement votre dette sans qu’il vous en coûte rien. Gréez 300 ou 400 millions de billets, ordonnez qu’ils passeront par cent mains, avant que de se présenter au Trésor public, et qu’à chaque mutation ils décroîtront de 1 0/0. Si vous appelez cela une manière de banqueroute, ordonnez qu’ils circulent pendant vingt ans sans intérêts, et à la vingtième année vous les rembourserez avec le montant de ces intérêts que vous n’aurez pas payés. Voici un profond calculateur qui ne prend rien sur les capitaux et sur les intérêts de vos créanciers, mais qui les rembourse en trente années, en appliquant seulement une partie de l’intérêt à l’extinction du capital. Gréez 5 milliards de billets, et vous aurez une banque nationale. Ces billets circuleront dans toutes les caisses, tout le monde s’empressera de les recevoir. Vous les prêterez à des propriétaires de fonds qui vous mettront à la place de leurs créanciers privilégiés. Ils vous paieront 4 0/0 par an, et de ces 4 0/0 vous éteindrez vos billets et la dette de l’emprunteur. Voulez-vous des effets plus solides encore? [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 269 Morcelez les contrats de vos emprunteurs, faites-en des coupons de 1,000 livres, de 600 livres, etc. Imprimez sur chacun de ces coupons le timbre national. Vous aurez un signe représentatif des valeurs réelles, un signe immédiat, ou plutôt les valeurs elles-mêmes. L’emprunteur paiera 4 0/0 d’intérêt pour ces coupons que vous lui livrerez, et avec ce produit-là, vous liquiderez encore vos billets et la dette de l’emprunteur. Mais il faut trouver 300 millions d’argent comptant pour pouvoir payer ces effets à bureau ouvert. La difficulté, sans doute, est grande, mais elle n’est pas invincible; avec vos boîtes, vos bijoux, votre vaisselle, et l’argenterie des églises, on vous fournira juste 400 millions comptant, et dans quelques mois votre banque sera en activité. Dans la séance de samedi dernier, on vous présenta un autre projet de banque qui ne nous était pas inconnu. On trouvait 300 millions d’argent, vous livriez 600 millions de billets d’Etat, auxquels vous attachez 1/2 0/0 d’intérêt par an. La banque les négociait,. les payait à vue, et puis les rendait à la circulation. Elle recevait pour vous, payait pour vous dans toutes les provinces, comptait avec vous de l’intérêt de toutes les sommes qui séjournaient dans les caisses, et partageait encore avec vous les bénéfices. Je ne vous parlerai pas de quelques projets lus modestes, dont les auteurs ont adopté les ases simples et communes sur lesquelles s’est appuyé le premier ministre des finances. Je ne vous parlerai point de quelques projets de réforme et d’amélioration qui, peut-être, méritent d’être discutés, mais qui ne peuvent l’être que quand vous aurez déterminé et la forme et le mode des impositions. J’ai cru, Messieurs, ne devoir vous offrir qu’un tableau rapide de toutes vos richesses spéculatives-, quiconque a un peu contracté l’habitude des affaires est avare de son temps et doit ménager le vôtre. Vous avez encore été justement impatients de connaître le véritable état des finances, les détails et la forme de la dette. Votre comité, Messieurs, vous avait présenté ce tableau par l’organe de M. le marquis de Mon-tesquiou, et la plupart des états que vous avez demandés sont annexés à son rapport. Des détails plus étendus vous seront offerts à mesure que nous vous présenterons les comptes élémentaires dont se compose la dépense générale. Nous avions pensé, Messieurs, qu’il était inutile d’anticiper ces objets ; nous avions pensé surtout qu’ils n’avaient pas un rapport essentiel avec cette Banque nationale dont le premier ministre des finances vous a développé le projet. Peut-être avions-nous trop compté sur votre indulgence et sur nos motifs; mais qu’il me soit permis de vous observer que sans votre confiance vos comités seraient bientôt découragés, qu’elle est surtout nécessaire pour soutenir ceux qui, voués aux détails obscurs de la finance , ne recueillent souvent de leurs travaux que des dégoûts et des censures. Je passe à un objet plus important. Le comité s’occupait des désordres qui se renouvellent au 1er janvier, dans diverses administrations, lorsqu’il a appris que M. Necker, ayant eu le même soin, avait défendu les dons d’étren-nes dans les différentes parties de son département. Le comité a cru que cette sage disposition devait être générale , il vous propose, en conséquence, un projet de décret qui défend le don des étrennes payées par le gouvernement et les différentes administrations. M. le Président. Je propose à l’Assemblée que, sans s’arrêter à aucun des plans de finances dont on lui a présenté le détail, elle s’occupe uniquement de la motion qui termine le rapport qu’elle vient d’entendre. (Ce mode de procéder est adopté.) M. Lanjiiinais. Je demande que la défense de recevoir à l’avenir quelque présent que ce soit, à titre d’étrennes, ne soit pas bornée aux agents de l’administration, mais qu’elle soit étendue aux juges, et qu’ils ne puissent recevoir, notamment, le présent de cire et de bougies. M. Dupont (de Bigorre) s’écrie : Vous êtes professeur de droit canon, pourquoi ne pas y ajouter les professeurs? (On rit beaucoup.) M. Dusson de Bonnac, évêque d’Agen, présente un amendement relatif à la peine de concussion. M. Target. Je propose d’exprimer dans le décret que la défense s’étend, non-seulement aux agents de l’administration, mais encore à tous ceux qui, en chef ou en sous-ordre, exercent quelque fonction publique. M. d’AIlIy. M. le ministre des finances m’a déclaré que le Roi allait donner des ordres pour faire cesser, au 1er janvier, toutes les étrennes, et notamment celles que les commandants, intendants et autres agents du pouvoir exécutif reçoivent des corps , villes et provinces. La question préalable est réclamée sur tous les amendements et prononcée, sauf sur celui de M. Target. La motion contenue à la suite du rapport de M. Lebrun est lue une seconde fois, l’amendement de M. Target y est inséré et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, considérant que toute fonction publique est un devoir; que tous les agents de l’administration, salariés par la nation, doivent à la chose publique leurs travaux et leurs soins; que, ministres nécessaires, ils n’ont ni faveur, ni préférence à accorder, par conséquent aucun droit à une reconnaissance particulière ; considérant encore qu’il importe à la régénération des mœurs, autant qu’à l’économie des finances et des revenus particuliers des provinces, villes, communautés et corporations, d’anéantir le trafic de corruption et de vénalité qui se faisait autrefois sous le nom d’étrennes, vins-de-ville, gratifications, etc. , a décrété et décrète qu’à compter du 1er décembre prochain, il ne sera permis à aucun agent de l’administration, ni à aucun de ceux qui, en chef ou en sous-ordre, exercent quelque fonction publique, de rien recevoir à titre d’étrennes, gratifications, vins-de-ville ou sous quelque autre dénomination que ce soit, des compagnies, administrations de provinces, villes, communautés, corporations ou particuliers, sous peine de concussion ; qu’aucune dépense de cette nature ne pourra être allouée dans le compte desdites compagnies, administrations, villes, corporations.