[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J "[vose an H 171 I 22 décembre 1793 Renvoyé au comité de sûreté générale pour en faire un prompt rapport. Compte rendu du Moniteur universel (1). Une députation de la Société des Jacobins de Paris est admise à la barre. L’orateur. Citoyens législateurs, vous avez sauvé la République en plaçant la terreur à l’ordre du jour. Aussitôt les conspirateurs se sont cachés dans l’ombre, les malveillants ont abandonné leurs projets liberticides, l’égoïste épouvanté est venu au secours de la République, ses coffres-forts se sont ouverts. L’imposteur qui avait amassé des trésors par la superstition, a soulevé lui-même le voile qui couvrait les pres¬ tiges. La Convention jouissait du glorieux triomphe d’avoir fondé la République et s’occupait d’éta¬ blir le règne de la liberté sur la pratique de toutes les vertus. Quelle criminelle intrigue veut l’arrêter dans sa carrière et la priver du fruit de ses travaux? Les ennemis du peuple font de nouveaux efforts; n’ayant pu le vaincre par la force, ils emploient la ruse pour le faire rétro¬ grader. C’est ainsi que vous avez vu une foule turbulente se précipiter à votre barre; que vous avez entendu des femmes et des enfants de¬ mander la liberté d’hommes justement arrêtés; qu’on a pris toutes les marques et toutes les atti¬ tudes pour vous apitoyer sur une ville criminelle, et donner le change à votre sensibilité. Vous avez été inflexibles, et nos ennemis ont redoublé d’astuce; ils ont employé la calomnie contre les patriotes les plus intrépides; ils ont jeté des nuages sur leurs intentions; on a imaginé des conspirations fantastiques pour détourner vos regards des conspirations réelles. La stupeur s’est emparée des esprits, l’audace de l’intrigue s’est accrue. Les modérés sont devenus brûlants. Les amis sincères de la liberté ont cherché la vérité au milieu de ce brouillard épais et de ce tour¬ billon contre-révolutionnaire. Yous avez été abusés sur des dénonciations controuvées; on vous a surpris un décret d’arrestation contre d’excellents patriotes. Le général de l’armée révolutionnaire a été mis dans les fers sans être entendu; d’autres encore ont été privés de la liberté, et on menace tous les hommes à carac¬ tère. Une nouvelle conspiration se trame; on parle d’une amnistie en faveur de tous les détenus indistinctement. Nous ne le croyons pas. La Convention qui S’est couverte de gloire en punissant les coupables qui s’étaient glissés dans son sein., ne fera pas grâce à d’autres conspira¬ teurs; mais tel est le piège qu’on a voulu vous tendre. Il est du devoir de bons républicains de vous dénoncer les complots pour les déjouer, et empêcher les ennemis de la liberté d’en former de nouveaux. Nous venons vous demander que vous ordon¬ niez de vous faire un prompt rapport sur les membres qui sont depuis longtemps en état d’arrestation, sur la nouvelle conspiration qui vous a été dénoncée par votre comité de sûreté générale. Tel est le vœu que nous vous adres¬ sons. (1) Moniteur universel [n° 94 du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 380, col. 2], Citoyens, d’après le rapport de Collot-d’Her-bois sur Commune-Affranchie, et d’après les renseignements qu’il nous a donnés sur Ronsin, et d’après ceux que nous avons pris sur Vincent, la Société pense que ces deux citoyens sont sans reproches; ils ont été accusés par des hommes qui n’avaient d’autre crime à leur reprocher que d’avoir traversé leurs manœuvres. Nous vous demandons d’ordonner qu’il vous sera fait un prompt rapport sur leur arrestation. Le Président. Toutes les fois que les dangers ont menacé la liberté, les Jacobins se sont trouvés en surveillance; les Jacobins ont rendu de grands services à la patrie, ils sont appelés à lui en rendre encore de plus grands. La Con¬ vention reçoit avec satisfaction et reconnais¬ sance les renseignements que vous venez de lui apporter; elle s’en fera faire un rapport et prendra les mesures que lui dictera sa sagesse. Elle vous invite aux honneurs de la séance. La .députation entre au milieu des applaudis¬ sements. La Convention décrète la mention honorable de la pétition, la renvoie à son comité de sûreté générale, et en ordonne l’insertion au Bulletin. La séance est levée à 5 heures (1). Signé : Couthon, président; Jay, Bourdon (de l’Oise), Marie-Joseph Chénier, A.-L. Thibaudeau, Perrin (des Vosges), Pé¬ lissier, secrétaires. PIÈCES ET DOCUMENTS NON MENTIONNÉS AU PROCÈS-VERBAL, MAIS QUI SE RAP¬ PORTENT OU QUI PARAISSENT SE RAP¬ PORTER A LA SÉANCE DU 2 NIVOSE AN II (DIMANCHE 22 DÉCEMBRE 1793). I. Adresse de la Société montagnarde de Mirande pour demander : 1° que les malveillants soient déportés en Afrique; 2° que l’exercice public du culte catho¬ lique NE SOIT PLUS TOLÉRÉ (2). Suit le texte de la Société montagnarde de Mirande, d’après un document des Archives nationales (3). La Société montagnarde de Mirande à la Convention nationale. « Mirande, le 14 frimaire, an II de la Répu¬ blique, une et indivisible. « Depuis que la guillotine a tranché les têtes coupables qui cherchaient à répandre le désordre (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 52. (2) L’adresse de la Société montagnarde de Mi¬ rande n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 2 nivôse an II; mais on lit en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, l’indi¬ cation suivante : « Renvoyé au comité d’instruction publique le 2 nivôse an II de la République. » (3) Archives nationales, carton F” 1008s, dos¬ sier 1479. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J* nivôse an II (22 décembre 1793 172 et la confusion parmi vous, depuis qu’elle menace toutes celles qui voudraient nous arra¬ cher la liberté que nous avons conquise, et que nous défendrons jusqu’à la mort, depuis que par vos travaux immenses et vos mesures sages et vigoureuses vous avez mis debout la nation tout entière, redonné à nos assignats la con¬ fiance et la valeur convenables, réparti telle¬ ment les subsistances que les pauvres sont assu¬ rés d’exister aux dépens des riches égoïstes qui, à l’instar des suppôts des rois, qui, siégeant dans votre sein, cherchaient à exciter dans nos départements les défiances, les haines et les divisions pour nous replonger dans l’asservisse¬ ment; depuis, enfin, que l’harmonie, le concert et l’ensemble régnent dans vos délibérations comme dans vos cœurs, sans éprouver aucune force réactive, nos Sociétés populaires ont vomi de leur sein tous les germes contre-révolution¬ naires de l’aristocratie, du fédéralisme, du modé¬ rantisme. Elles sont composées aujourd’hui de patriotes francs, fortement prononcés, de vrais sans-culottes qui ont pris l’attitude ferme et courageuse que vous leur avez inspirée; leur ardeur révolutionnaire s’est répandue rapide¬ ment dans ces campagnes; les malveillants ne trouvent plus d’asile que dans ces maisons qui servaient autrefois de repaire au fanatisme et à la paresse, devenues aujourd’hui des maisons de réclusion, où ils font sans doute des vœux criminels pour le succès des tyrans coalisés contre nous. « Citoyens législateurs, nous voyons avec dou¬ leur que ces ennemis des hommes dévorent des subsistances qui devraient servir à alimenter les amis et les défenseurs de la liberté et de l’éga¬ lité; ils ont voulu nous forger des chaînes d’or et d’argent, eh bien, qu’on leur donne à manger cet or et cet argent, qu’ils s’en gorgent, les monstres, et qu’on nous laisse notre fer pour les combattre et notre pain pour nous nourrir. « Nous vous demandons, citoyens législa¬ teurs, un décret qui nous délivre de ces animaux voraces et carnassiers; que la terre de la liberté ne soit plus souillée de leur présence et de leur contact, envoyez-les dans les déserts de l’Afrique, habités par des monstres qui leur ressemblent, ou plutôt, qu’ils disparaissent de dessus la face de la terre. « Un autre objet qui excite notre sollicitude, et que nous vous prions de prendre en considé¬ ration, c’est l’instruction publique. Citoyens législateurs, la doctrine des Français ne doit plus être celle de la cour de Rome. Les principes des catholiques ne sont pas ceux des républi¬ cains et il ne peut pas y avoir de rapports entre le Vatican et la Convention nationale. Rome est l’antipode de la raison, de la vérité et de la philosophie; la France, qui est aujourd’hui leur berceau, doit devenir à jamais leur séjour natu¬ rel; le moyen unique de parvenir à ce but salu¬ taire, c’est d’extirper, de toute l’étendue de la République, l’exercice public d’un culte dont le dogme et les cérémonies paralysent toutes les facultés morales et physiques. Les calotins igno¬ rants, hypocrites et fourbes ne travaillent qu’à obscurcir la raison pour la soumettre à la foi de leurs mystères; ils ne savent prêcher qu’une obéissance aveugle aux puissances de la terre, c’est-à-dire aux despotes à qui nous avons voué une haine éternelle; ils feraient de nos enfants des esclaves ignorants et superstitieux, et nous voulons en faire des hommes éclairés et libres. « Citoyens législateurs, décrétez, le moment est favorable, décrétez que les prêtres ne seront plus salariés par la nation; qu’il n’y aura plus en France de culte public que le culte de la liberté; plus de fêtes à célébrer que le jour de la décade; plus de panégyriques à faire que pour les héros qui seront morts en défendant la patrie. « Cariey, président; Bérenger, vice-pré¬ sident; Dutouy fils, secrétaire; Sahel, secrétaire; Seillan, secrétaire. » II. Lettre du représentant Chateauneuf-Randon, au sujet des subsistances (1). Suit le texte de cette lettre, d’après un document des Archives nationales (2). Châteauneuf-Randon, député par la Convention nationale dans divers départements de la Répu¬ blique et près l’armée des Alpes, à la Convention nationale. « A Rochelibre, ci-devant Saint-Chély, département de la Lozère, le 25 fri¬ maire, l’an II de la République, une et indivisible. « Citoyens mes collègues, « Les infâmes ennemis de notre liberté, les Coblenciers, les Pitt et les Cobourg, ont étendu et ancré leur scélératesse dans tout le territoire français, dans la Vendée, dans Lyon, dans Mar¬ seille, dans Bordeaux, dans l’Ardèche, dans la Lozère, dans l’Aveyron et dans le Cantal, ceux-ci avec leurs satellites Saillant, Bord, Rivière, Charrier, Aillier et autres contre-révolution¬ naires; les droits du peuple et les principes sacrés de la Révolution française ont été ven¬ gés dans tous ces lieux par l’énergie de la Con¬ vention nationale et du peuple lui-même. « Mais tous les fils de leurs trames ourdies ne sont pas entièrement détruits, les subsis¬ tances étaient le dernier objet par lequel ils voulaient détruire tous les liens de l’unité et de la fraternité de toute la République. Leurs coups étaient montés et on les voit s’exécuter à l’aide de ce besoin particulier de la vie dans toute la République; les frontières des départe¬ ments de l’Aveyron, du Cantal, de l’Ardèche, n’ont point été oubliées pour le théâtre de cette conspiration. On y voit, d’une part, des com¬ munes refuser de porter, aux termes de la loi, leurs subsistances et denrées dans les marchés qu’elles sont habituées d’approvisionner; l’on y voit des autorités constituées autoriser les limites de cette exportation dans leur territoire de district; on y voit arrêter des grains achetés (1) La lettre de Châteauneuf-Randon n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 2 ni¬ vôse an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, on lit l’indication suivante : « Renvoyé au comité de Salut public, le 2 nivôse, deuxième année républicaine. » (2) Archives nationales, carton AFii 186, pla¬ quette 1540, pièce 38. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 430.