[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 4191.] 464 de nous pouren prouver l’innocence; sans doute, l’Assemblée nationale ne voudra pas nous laisser personnellement en butte aux soupçons qui ne manqueraient pas de nous poursuivre si nous arrivions à Saint-Domingue avec la réputation d’être accusés, ni sans avoir pu obtenir même la connaissance de l’accusation; elle ne voudra pas nous exposer, de la part de nos concitoyens, au reproche trop fondé d’une trahison criminelle ou d’une lâcheté presque aussi inexcusable. « Nous avons l’honneur d’être avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles, etc. « Signé : Bacon, DE LA CHEVALERIE, IDAILHÈRE, Boral, Thomas Millet, etc., « Commissaires par procès-verbal du 20 mars. « Paris, ce 30 mars 1791. » M. Charrier de la Roche. Il y a 6 mois que les députes de Saint-Domingue sont à Paris à la suite de l’Assemblée naiionaie; vous avez jugé leurs actes, il est temps enfin déjuger leurs personnes ; et comme il n’est pas dans l’esprit de l’Assemblée de juger personne sans l'entendre, je demande qu’ils soient admis et entendus à la barre, dans la [dus prochaine séance. M. Regnaud [de Saint-Jean-d' Ang&ly). Si les individus qui viennent de vous écrire s’étaient toujours exprimés comme ils viennent de le faire, je ne crois pas qu’on pût s’empêcher de leur accorder la très juste demande qui fait l’objet de leur lettre. On les accuse, il faut les entendre avant de les juger. Ils accusent votre comité colonial; je ne dis pas qu’ils aient raison de l’accuser, mais enfin ils l’accusent; cela suffit pour ne point renvoyer leur lettre à ce comité. Ce serait une espèce de refus; ce serait, comme le disait autrefois M. Necker des intendants, fane juge l’homme que l’on prétend qui a besoin d’êire jugé. J’appuie donc la demande de M. l’abbé Charrier. M. Rriois-Reaumetz. Ils doivent être entendus comme individus, mais non pas comme faisant un corps. M. de La Rochefoucauld-Liancourt. Vous devez vous rappeler qu’ils n’um point été reçus dernièrement à cause de l’iriévérence de leur lettre, dans laquelle ils prenaient des titres. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). Ils ont signé comme particuliers; ils doivent être entendus comme pétitionnaires et comme individus. (L’Assemblée décrète que les 80 citoyens français de Saint-Domingue seront entendus à la barre, à la séance de demain soir, comme pétitionnaires et individuellement ; et elle renvoie, au surplus, leur lettre au comité colonial.) M. Camus. Comme il est important de faire connaître que les décrets sont exécutés, je dois dire à l’Assemblée que déjà, depuis quelque temps, la fabrication des 400 premiers millions d’assignats est terminée; les matrices, les ustensiles, tous les resiants de papiers, qui ont servi à cette fabrication ont éié déposées, aussitôt qu’elle a été finie et ainsi que vus décrets le portent, aux archives où ils sont enfermés. M. de Folleville. Ce que vient de dire M. Camus n’est pas suffisant, parce que cela n’a pas l’authenticité nécessaire; il faut qu’il en soit dressé procès-verbal. M. Camus. C’est fait. Je demande les ordres de l’Assemblée, non pas comme commissaire des assignats, mais comme dépositaire de ces procès-verbaux. L’Assemblée ordonne-t-elle qu’à l’instant même j’en fasse faire des copies pour être imprimées sans délai? Plusieurs membres : Oui ! oui ! (L’Assemblée décrète l’impression et la publication des procès-verbaux qui consiatent que, immédiatement après la fabrication des 400 premiers millions d’assignats, les matrices, poinçons et autre ustensiles, ainsi que les restes des papiers qui ont servi à cette fabrication, ont été déposés aux archives de l’Assemblée.) M. Lebrun, au nom, du comité des finances. Messieurs, vous croyez peut-être la corvée abolie; cependant quatre départements luréclameutet deuxd’entre eux l'ont déjà mise en u-age. Ces départements sont ceux dii Haut-Rhin et du Gard qui dans cette doctrine a succède à l’As-emblée provinciale ü’Armagnac. Les autres département som ceux du Doubs et ceux de la Dordogne. Il suffit de vous dénoncer cet abus pour faire sentir combien il importe d’y remédier. C’est dans ces vues que nous vous proposons de décréter l’abolition de toute c>rvée en nature et la défense de l’exiger d’aucun citoyen. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). J’observe à l’Assemblée que ce qu’on vous propose a déjà été décrété par vous d’une manière trop solennelle pour que l’Assemblée nationale puisse y revenir. En effet, ce serait faire croire qu’il faut renouveler les lois chaque fois que des corps ou des individus se permettent de les enfreindre; en second lieu, il existe une disposition dans le projet de décret, qui a besoin d’étre mûrement réfléchie. Il faut que votre comité vous présente, du moins je le pense, une mesure générale pour la cuniection des grandes routes, et il ne suffit pas de dire en ce moment que la corvée en nature sera remplacée par une imposition. De quel genre sera cetie impofftiun ? Quelle en sera la quo-tiié? comment sera-t-elle répartie? Enfin on sent combien de questions se présentent à discuter sur ce point. Il faut, je le répète, une loi générale ; et je demande que le projet de décret qui vient de vous être soumis soit renvoyé au comité pour qu’il vous présente des articles généraux. M. Defermon. La loi générale est faite. Parmi les objets à la charge des départements, les frais des chemins sont compris pour 20 et quelques millions. Si cette somme est insuffisante, les départements y suppléeront par des sous additionnels, comme ils seront obligés de le faire pour les dépenses de départemenis. M. de Ifontesquiou. Je demande que ces faits soient constatés d’une manière légale, rien ne me paraît plus simple qu’une telle contravention à la lui soit renvoyée au pouvoir exécutif chargé de la faire exécuter. (Applaudissements.) M. de Liancourt. Je prends celte occasion pour faire la motion expresse que vos comités d-' s finances, des contributions publiques, d’agri- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1791.) 465 culture et de commerce, soient chargés de présenter à l’Assemblée un plan de législation sur les chemins. M. d’Estourinel . Je prie Monsieur le rapporteur d’énoncer ici si cette dénonciation est faite par le pouvoir exécutif. M. Lebrun. C’est une dénonciation du pouvoir exécutif. M. Démeunier. Il est étonnant que le comité des finances vienne proposer un pareil décret. Les routes sont une matière d’administration générale. Par vos décrets antérieurs, vous avez déclaré qu’aucun arrêté de directoire de département, en matière d’administration générale ne pourrait avoir son effet qu’avec l’approbation du roi. Voilà le point dont on ne peut se départir. Quant au parti que vous avez à prendre, il est constant que le comité des finances, celui des contributions publiques, les autres comités chargés de ce travail devraient s’empresser de fournir un mode par lequel on avisera aux réparations des chemins qui se dégradent dans ce moment-ci. Vous avez décrété, comme l’a dit M. Defermon, des sous additionnels qui remplaceront la corvée, qui fourniront aux fiais des départements. 11 n’y a donc pas lieu à délibérer sur ce décret. Je demande que dans le procès-verbal il soit dit que les actes du département eu matière de chemins conformément aux décrets, ne pouvant être exécutés qu’avec l’approbation du roi, on renvoie au pouvoir exécutif; que d’ailleurs on enjoigne aux comités de présenter incessamment leurs vues sur cet objet, et je demande ensuite qu’on passe à l’ordre du jour. M. de Liancourt. Je demande qu’on emploie tous les moyens possibles pour étendre à toutes les parties du royaume les avantages des communications. (L’Assemblée consultée, accorde la priorité à la motion de M. Démeunier.) Cette motion est décrétée, avec l’amendement de M. de Liancourt, dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, considérant que la corvée en nature étant déjà abolie, le pouvoir exécutif doit en empêcher le rétablissement; que d’ailleurs les délibérations des corps administratifs sur cette matière ne peuvent être exécutées sans son approbation, a renvoyé l’affaire au pouvoir exécutif. Elle a, au surplus, chargé ses comités des linances, des contributions publiques, et d’agriculture et de commerce, de lui présenter leurs vues sur la législation des chemins, et sur les moyens de faire profiter toutes les parties du royaume de la facilité des communications. » M. Lebrun, au nom du comité des finances, Messieurs, le moment des travaux dans les ponts et chaussées est arrivé; ces travaux n’oct pas même été interrompus pendant tout le cours de l’hiver. Vous n’avez pas encore ordonné la manière dont les départements feraient les fonds de cette dépense. Sur ce, le comité vous propose ce projet de décret : « Il sera avancé par le Trésor public une somme de 2 millions, pour être employée, soit au payement des ouvrages d’arts et d’entretien des routes, déjà faits cette année, soit au payement des appointements, salaires et frais de con-T. XXIV duite du quartier de janvier, sauf le remplacement sur les départements, pour les parties qui devront être à leur charge. » (Ce décret est adopté.) M. Lebrun, au nom du comité des finances. Messieurs, eu 1784, il a été ordonné, par un arrêt du conseil, qu’il serait fait dans la province du Nivernais un canal. Ce canal a été continué depuis le 1er janvier par les entrepreneurs, qui y ont employé 1,200 ouvriers. Cette entreprise consomme à peu près 50,000 livres par mois; comme elle a été faite sur le fond des domaines et bois, votre comité a pensé qu’elle devait être reportée sous la direction des ponts et chaussées et sous l’inspection du département de la Nièvre. Il vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblé nationale décrète : « Art. 1er., Il sera payé par le Trésor public la somme de 150,000 livres pour les travaux du canal du Nivernais, faits depuis le 1er janvier de la précédente année. » M. Regnaud (de Saint-Jean d'Angêlÿ). Je demande que l’Assemblée ne décide, rien sur la question avant de savoir au compte de qui seront ces dépenses. M. Lebrun, rapporteur. En ce cas, on peut mettre : » sauf le remplacement de cette somme sur le département de la Nièvre » et rédiger comme suit le décret : Art. 1er. « 11 sera payé par le Trésor public la somme de 150,000 livres pour les travaux du canal du Nivernais, faits depuis le 1er janvier de la présente année, sauf le remplacement de cette somme sur te département de la Nièvre, s’il y a lieu. Art. 2. « Lesdits travaux seront provisoirement continués sous la même réserve, sous l’inspection du département de la Nièvre et de la direction des ponts et chaussées. Art. 3. « Le directoire du département de la Nièvre et l’administration des ponts et chaussées, rendront, au plus tard dans deux mois, un compte raisonné de l’importance et de la situation de cette entreprise. » (Ce décret est adopté.) M. Defermon, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, j’ai à vous soumettre deux dispositions relativement à la contribution mobilière et à la contribution des patentes. Dans l’ordre que nous vous avons proposé pour la contribution mobilière nous ne pouvions rien décider que vous n’eussiez décrété les patentes; nous vous avons demandé, et vous avez décrété, que chaque citoyen, pour la formation du rôle de la contribution mobilière, serait tenu de faire une déclaration du montant du loyer de son habitation ; vous avez en même temps décrété, sur notre demande, que le montant du loyer des ateliers et magasins ne ferait pas partie de l’évaluation ni delà contribution fixée pour la cote d’habitation. Depuis le décret de la contribution mobilière, vous avez décrété que le droit de patente serait payé sur le montant des loyers, compris celui du I loyer des boutiques et magasins. D’après le dé-30