423 [Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [14 août 1791.] « Une créance qui aura été rejetée dans les formes légalement autorisées jusqu’ici par les ordonnateurs, ministres du roi, chambres des comptes et autres tribunaux, ne pourra être présentée au comité de liquidation. » Il a observé que les formes légalement autorisées jusqu’ici pour des réjections de ce genre, avaient été la présentation de requêtes ou de mémoires, soit aux ministres, soit au conseil; que, dans le cas présent, plusieurs mémoires avaient été rejetés par différents ministres, et que sur de nouvel les influen ces l’affaire avait été portée au conseil du roi, y avait été rejetée par une décision formelle. D’après cela, le directeur général de liquidation a conclu à ce qu’il fût dit qu’iJ n’y avait lieu à délibérer sur la demande des Etats d’Allemagne. Yos comités ont adopté le même avis, en se fondant encore sur deux autres motifs. Le premier, c’est qu’ils ont cru que la France fournissant 100,000 hommes au lieu de 24 qu’elle avait promis, devait, en considération de cette augmentation de secours, être dispensés de fournir des fourrages. Le second, c’est qu’en supposant que la liquidation de ces fournitures dût être faite, c’était au moment où les intendants de l’armée étaient encore dans l’Empire, pour savoir ce qui était à la charge de la France et à la charge de l’Empire, qu’on devait la faire. Nous vous proposons donc de déclarer qu’il n’y a lieu à délibérer sur la demande des différents Etats d’Allemagne. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités central de liquidation et diplomatique, décrète qu’il n’y a lieu à délibérer sur les demandes des princes, villes et Etats de l’Empire, relativement aux fourrages et munitions prétendus fournis par eux aux troupes françaises pendant la guerre de 1757 à 1763. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Grobel, évêque de Paris. La ville de Nuremberg a des titres ; ils ont été reconnus par M. Choi-seul en 1763 ; et prenez bien garde, Messieurs, que les Etats de l’Empire n’ont point requis les troupes de France; c’est la maison d’Autriche seule qui avait contracté le traité, et qui les a requises ; mais les Etats de l’Empire n’en ont point profité, ils ont, au contraire, infiniment souffert du séjour de ces grandes armées sur leur territoire; ils leur ont fourni les fourrages qu’ils ont payés de leur poche, mais qu’ils ue devaient pas comme contingent, surtout la ville de Nuremberg : des lettres qui ont été écrites par les ministres après la guerre, en font foi. D’ailleurs vous devez. Messieurs, particulièrement des égards à la ville de Nuremberg; c’est une République, une ville souveraine qui a reconnu votre souveraineté : il y a 18 mois qu’elle entretient ici un agent pour cette affaire; il existe entre ses mains des pièces sur lesquelles on a glissé fort légèrement, quoiqu’il les ait communiquées. Je demande donc que l’agent de la République de Nuremberg soit entendu. M. Camus, rapporteur. Les titres de la ville de Nuremberg sont les mêmes que ceux de tous les autres Etats d’Allemagne, et les lettres qu'elle a reçues de M. Ctioiseul, portent seulement que l’on examinera sa prétention, et que l’on verra à lui donner satisfaction. Mais elle a contre elle, comme tous les autres Etats d’Allemagne, les rejections des différents ministres, la décision du conseil, et le décret du 17 juillet 1790. Elle a si bien senti qu’on pouvait lui appliquer ce décret, que dans un mémoire imprime en sou nom, elle s’en est fait l’objection à elle-même, et qu’elle n’y a répondu qu’en disant que ces décisions étaient une injustice, réponse commune à tous les Etats qui ont des prétentions sur la France pour les fourrages de la guerre de Sept Ans. M. Gobel, évêque de Paris. — La République de Nuremberg a fourni loyalement. . . Un membre : Vous l’avez déjà dit et on vous a répondu que notre armée était auxiliaire. M. le Président. Je rappelle à l’Assemblée que l’agent de la République de Nuremberg avait demandé à être entendu, et que l’Assemblée avait paru acquiescer à cette demande sur laquelle elle avait renvoyé à statuer lors du rapport. (Murmures.) L’Assemblée veut-elle. . . ? (Non! non!) M. Goupil-Préfeln. Je demande la question préalable sur cette pétition, et je l’appuie sur une considération fort simple. La guerre de 1756 était une guerre de l’Empire : l’armée française étant dans l’Empire, était auxiliaire de l’Empire, la République de Nuremberg est Etat de l’Empire. Si elle a fourni plus que son contingent, c’est vis-à-vis de ses co-Etats qu’elle doit exercer sa réclamation. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! (L’Assemblée, consultée, adopte le projet de décret proposé par M. Camus.) M. le Président annonce le résultat du scrutin pour la présidence et pour les fonctions de secrétaires : M. Victor de Broglie est élu président. MM. Pougeard du Limbert, Gouppé et Mailly-Chàteau-Renaud sont élus secrétaires en remplacement de MM. Châteauneuf-Randon, Delavigne et Creuzé de Latouche. (La séance est levée à neuf heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du dimanche 14 août 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Alexandre de Beauharnais, président sortant , ouvre la séance. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 11 août qui est adopté. M. le Président. Messieurs, une députation de citoyens de la section Poissonnière demande à présenter ses hommages à l’Assemblée et à lui (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 426 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 août 1791. offrir un don patriotique. L’Assemblée m’auto-rise-t-elle à la faire introduire? ( Oui ! oui !) (La députation est introduite.) L'orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, « Les citoyens de la section de la rue Poissonnière, constamment animés de l’amour de la liberté, du patriotisme le plus pur, de la soumission la plus absolue à la loi, viennent offrir aux pères de la patrie, une somme effective de 4,491 livres et celle de 1,070 livres en soumissions volontaires, annuelles, destinées à la paye des soldats-citoyens qui se sont dévoués à la défense de cet Empire. « Leur fermeté, leur courage, l’opinion prononcée de tous les Français, nous assurent assez que nous n’avons rien à redouter ni des despotes, ni des factieux qui nous environnent. « Mais si, égarés par un faux calcul, ils étaient encore assez féroces ou assez barbares pour oser violer le territoire sacré de la liberté, leur défaite apprendra à leurs peuples que nous ne voulons d’autre maître que la loi, et que les vôtres doivent leur servir de modèles. » ( Applaudissements .) M. le Président répond : « Messieurs, « L’Assemblée nationale est touchée de voir des citoyens généreux qui, sans cesser de remplir avec zèle leurs fonctions, s’empressent à concourir à la défense de l’Etat, en offrant à son secours le produit de leurs économies, ou le fruit de leurs travaux : elle n’est point étonnée que les habitants d’une ville qui se distingue par son patriotisme, ses vertus et ses lumières, contribuent doublement par cette conduite estimable au maintien de la Constitution, et au succès de la chose publique. Votre dévouement et votre hommage sont accueillis avec reconnaissance; ils garantissent à la nation la conservation de sa -liberté; ils assurent le triomphe de la loi. En effet, pourrait-on conserver encore quelque inquiétude, quand on voit les Français, aussi infatigables que courageuxr4’une main assurer la tranquillité publique, et de l’autre faire trembler les ennemis de la patrie.-» ( Applaudissements .) M. l’abbé Bécherel. Je demande l’impression et l’insertion au procès-verbal du discours de la députation et de la réponse de M. le Président. (Cette motion est décrétée.) M. le Président. Je suis chargé de faire hommage à l'Assemblée d’un tableau de la France divisée en départements et en districts, dressé par un citoyen nommé Morinet, commis principal de la marine royale. (L’Assemblée agrée cet hommage et ordonne qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal.) M. le Président. Le résultat du scrutin, pour l’élection d’un Président ayant donné la majorité à M. Victor de Broglie, je lui cède le fauteuil. M. Victor de Broglie, président , prend place au fauteuil. {Applaudissements.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal du vendredi 12 août qui est adopté. M. Begnaud (de Saint-Jean-d' Angély), au nom du comité militaire. Messieurs, j’ai à vous entretenir des faits qui se sont passés dans quelques régiments de la 6e division à l'occasion d’un rassemblement de cavalerie aux environs de Gray. Depuis le décret que l’Assemblée nationale a rendu pour assurer le retour de la discipline dans les troupes, il avait paru convenable au ministre de la guerre de faire sortir autant qu’il était possible les régiments des lieux où ils étaient en garnison pour les déshabituer de l'espèce de mollesse qu’ils y contractaient et pour les faire cantonner dans les lieux où les fourrages étaient abondants, afin qu’ils s’y trouvassent plus disposés au service militaire si la défense de la patrie l’exigeait. En conséquence, des ordres qui avaient été donnés au commandant de la 6e division, cet officier a transmis ces ordres au commandant des 12e, 22e et 29* régiments qui étaient sous son commandement, l’un en garnison à Besançon, l’autre en garnison à Vesoul, et le troisième en garnison à Gray. Cependant, pour ne point laisser les villes dégarnies de troupes qui pouvaient être nécessaires à seconder les régiments d’infanterie et de la garde nationale, ce commandant n’a donné l’ordre du cantonnement qu’à un certain nombre de cavaliers de ces 3 régiments. La terreur a semblé être répandue dans ces différents cantons par des individus qui sont sans doute les moines, qui ailleurs ont cherché à répandre le trouble pour empêcher la soumission et l’obéissance; il paraît qu’on a surtout réuni ces efforts contre le 12° régiment en garnison à Gray : on a prétendu que l’on faisait marcher les troupes pour une contre-révolution; on a fait des assemblées particulières et je dois encore dire que la société des amis de la Constitution de Gray a eu une discussion fort animée à ce sujet, dans laquelle on annonce qu’on a empêché le régiment de partir. Une autre société, celle de Besançon, a décidé d’envoyer une députation à l’officier général, pour lui demander de ne pas exécuter les ordres qu’il avait reçus de tous ces différents mouvements, qui étaient, sans doute, le fruit d’un patriotisme égaré.... A gauche : Non 1 non 1 M. Begnaud (de Salnt-Jean-d' Angély)... mais qui sont extrêmement dangereux, et qu’il importe aux corps administratifs de réprimer par tous les moyens que la Constitution a mis au pouvoir des corps administratifs. Il en résulte que les craintes les plus fausses se sont emparées de l’esprit des soldats, qu’enfin ils étaient disposés à refuser de partir et que le 12e régiment, en garnison à Gray, est revenu dans une révolte, car on ne peut pas dire dans une insurrection. Dans une rébellion absolue aux ordres de ses chefs, dans ces circonstances l’officier général commandant n’a pas cru qu’il fût convenable de réunir le régiment qui était à Besançon, et celui qui était en garnison à Vesoul, avec celui qui venait de donner des preuves assez marquées d’indiscipline. Il a suspendu pour l’instant, sous quelques prétextes apparents, l’exécution des ordres qu’il avait donnés, et il a adressé le compte des faits, que je viens d’exposer, au ministre de la guerre. 11 a fait rester le 12° régiment à Gray, il a fait retourner à Besançon, le détachement du 22e régiment qui était déjà parti, il a fait demeurer également à Vesoul 250 hom�*