434 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1790. J Divers membres prennent encore la parole et, après une courte discussion, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des assemblées administratives des départements de Seine-et-Oise, du Morbihan, du Tarn, de l’Hérault, du Cher, des Bouches-du-Rhône, de la Somme, des Deux-Sèvres et de l’Aisne, décrète, ce qui suit : <' Il sera établi des tribunaux de commerce dans les districts de Provins, Vannes, lienne-boud, Àiby, Béziers, Bourges, lesquels siégeront dans ces villes, à l’exception de cuix de Béziers et de Hennebond, qui seront établis à Pezenas et à Lorient. « Les pétitions des communes de Dunkerque, Strasbourg et Monlauban sont, ajournées et renvoyées aux administrations du Nord, du Lot et dt/Bas-Rhin, pour être statué ce qu’ii appartiendra. « I! sera nommé deux juges de paix à Bourges, trois à Atx, trois à Amiens, deux à Abbeville, deux à Niort, deux à Saint-Quentin. « La pétition de Ja commune de Vienne pour l’établissement de deux juges de paix est renvoyée à l’administration de son département, pour ensuite être statué ce qu’ii appartiendra. La demande de rassemblée du departement de l’Hérault pour l’établissement d’un tribunal de commerce dans la ville maritime d’Agde et son canton, et celle relative au port du canal de Béziers, sont renvoyées au comité de Constitution. » I M. lue Chapelles*, rapporteur du comité de Constitution, du : 11 s’élève une difficulté sur la nomination des commissaires du roi. Vous avez décrété que nul ne pourra être élu juge, s’il n’est homme de loi exerçant depuis cinq ans au moins. Un très honnête citoyen, réclamé par tout sou département, a été nommé commissaire du roi, sans avoir les qualités requises, puisqu'il n’est pas gradué. Votre intention n’a été, en exigeant des grades, que d’établir une présomption de capacité. Or, cette capacité .est suffisamment prouvée, lorsqu’on a rempli des fonctions qui nécessitent la connaissance des lois. C’est pourquoi nous vous proposons de déclarer régulières ce s nominations iorsque le pourvu a exerce pendant cinq ans les fonctions de juge ou du ministère public. M. d’ André. Je propose d’étendre la facubé d’élire des citoyens non gradués aux j uges mômes de district. Le texte de vos décrets n’exige que la quotité de juge et non celle de gradué. M. Elegnand, député de Saint-Jean-dé Angcly . Il faut distinguer entre les juges et les commissaires du roi; pour les premiers, il es! nécessaire qu’ils soient gradués, sans quoi l’Assemblée aura indiqué aux choix du peuple tous les juges des seigneurs, parmi lesquels il y en a plusieurs qui sont huissiers ou praticiens avides; la loi romaine les appelait vultures togali. L'exception me paraît moins dangereuse pour les commissaires du roi. Eu rie m’opposant pas au décret proposé par le comité, je demande la question préalable sur la proposition de M. d’André. Divers membres proposent la question préalable sur le tout. L’Assemblée, consultée, décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. lîernoux, membre du comité d'agriculture et de commerce, fait le rapport suivant sur le rétablissement des barrières au pays de Labour. « Messieurs, en ajournant la question relative aux ports francs, vous avez conservé provisoirement à Bayonne et au pays de Labour la libre circulation qu’ils ont avec l’étranger. Ce décret en nécessite un autre. Depuis plusieurs mois, les barrières qui existaient entre Bayonne et l’intérieur du royaume, et qui auraient été inutiles si Bayonne avait cessé d’être franc, ont été détruites. Si ces barrières n’étaient pas promptement rétablies, il en résulterait un mal incalculable. Si on voulait les rétablir sans un décret particulier, il pourrait y avoir de fortes oppositions de la part du bourg de Saint-Esprit et des pays adjacents, à la franchise, qui ont toujours souffert ces barrières avec impatience. Ces considérations ont fait penser à votre comité de commerce et d’agriculture qu’il convenait de rendre, pour le rétablissement de ces barrières, un décret semblable à celui que vous avez rendu le 15 de ce mois pour les barrières du Roussillon, qui avaient été détruites comme celles de Rayonne; j’ai, en conséquence, i’bonneur de vous présenter en son nom le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit: Art. 1er. « Les bureaux destinés à la perception des droits des douanes nationales seront très incessamment rétablis dans tous les lieux limitrophes de Bayonne et du pays de Labour, où, au pre-j mier "avril 1790, il existait des bureaux de traite, sans rien préjuger sur la question de la | franchise. Art. 2. « Les municipalités de Bayonne, du Saint-Esprit et autres, se concerteront pour opérer le rétablissement desdits bureaux, celui des brigades et pataches destinés à les protéger, ainsi que pour veiller à la sûreté des préposés, à la police du commerce extérieur, et assurer les perceptions; et faute de prendre les précautions necessaires à cet égard, elles en demeureront responsables aux termes du décret du 22 février uer nier. Art. 3. « Les directoires de district et de département veilleront à l’exécution du présent décret; et pour assurer cette exécution, le roi sera supplié de donner des ordres aux troupes de ligne actuellement en garnison à Bayonne de prêter mam forte aux municipalités et directoires de district et de département qui les requerront.» (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre de la dame Legendre et de ses tils, portant soumission de leur part d’entretenir les souterrains des environs de la capitale, pour une somme de 260,000 livres par an, au lieu de 400,000 livres qu’on donne au sieur Guillaumot, architecte du roi, intendant général de ses bâtiments, et directeur de la manufacture des Gobe-lins, et cependant de donner à chaque ouvrier 10 sous de plus par jour. L’Assemblée oruonne le renvoi de celte lettre aux comités d’agriculture et de commerce. M. Se Président donne connaissance à l’As- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novombre 1790.) 135 semblée que M. Fleury, cultivateur, et l’on des députés du département du Pas-de-Calais, est décédé hier en cette ville, à l’hôtel Berlin, rue Saint-Guillaume, près de celles des Saints-Pères, faubourg Saint-Germain, et que ce soir à b heures il sera inhumé à Saint-Sulpice. M. USonassai, curé de Saint-Fiel , député de Guéret, demande et obtient un congé de six semaines. M. Gomlard, membre du comité d’agriculture et de commerce, fait un rapport sur le tarif des droits d'entrée et de sortie du royaume. Je viens appeler l’attention de l’Assemblée sur le tarif des droits qui seront perçus à l’entrée et à la sortie sur les objets qui en ont paru susceptibles. Ce n’est pas sans quelque défiance que je me présente à cette tribune, où vous avez daigné accueillir avec bonté le travail de votre comité d’agriculture et de commerce, que j’ai été chargé de vous soumettre. Lorsque je vous ai proposé de renverser ces odieuses barrières qui gênaient la circulation intérieure, je n’ai pas dû trouver des contradicteurs. Devant la liberté, ces chaînes fiscales que le commerce traînait après lui ont du se briser. Vous avez reculé ces barrières aux extrêmes frontières... Le comité d’agriculture et de commerce a admiré cette théorie, qui repose sur la liberté indéfinie; elle honore ceux qui s’en sont déclarés les apôtres, et qui prêchent cette sublime doctrine au monde commerçant; mais il ne lui a pas paru sage de s’eu faire les disciples uniques, et de donner un exemple qui ne serait point imité, parce que ce serait prononcer la destruction de notre industrie. Il doit s’attendre pourtant que ce système séduisant trouvera parmi les vrais amis de la liberté des partisans et des défenseurs; il a toujours suffi de prononcer devant vous le mot de liberté pour rallier tous les esprits : les efforts ne coûtent rien alors, et les plus grands sacrifices ne nous arrêteront jamais. Moi aussi je viens, au nom du commerce, vous demander la liberté; elle est la devise du commerce, de l’agriculture et de toute industrie, mais elle est incomplète sans la protection et la sûreté. Je réclama la liberté dans ce sens qu’elle sera protection du commerce national et qu’elle veillera à la sûreté de nos manufactures; lorsque vous n’avez été arrêté par aucun obstacle qu’on a tenté de vous opposer, lorsque vous avez triomphé de tous les préjugés, je vous demande d’accorder au commerce le liberté d’exister. La protection et la sûreté que vous lui devez ne peuvent se trouver, dans le système actuel de l'Europe commerçante, que par une combinaison de droits à l’entrée et à la sortie qui attire tout ce qui doit favoriser l’industrie nationale et porter votre exportation au dernier terme possible. Ge n’est donc pas pour l'intérêt du Trésor public que les tirons sont établis, c’est pour l’intérêt, bien plus considérable, de i’agricuiture, de nos manufactures et de nos arts. Si votre comité, dont je suis l’organe dans ce moment, s’écarte de ces niées, qui paraissent vraies dans la spéculation, qui en imposent à tons ceux qui ne sont que théoriciens, parce qu’elies offrent à l’esprit de grandes vues politiques, j’espère au moins que vous entendrez avec indulgence les motifs d’une opinion qui ne paraît restreindre la liberté qu’aux yeux de ceux qui n’embrassent pas le syslème commercial dans tous ses rapports et qui oublient sans cesse que les faveurs que nous accorderions à nos voisins nous seraient refusées par eux. Nous avons pu sans danger déclarer les droits des nations et offrir dans notre Constitution un grand exemple aux peuples qui vivent sous une autorité plus ou moins despotique ; que le reste de l’Europe soit esclave ou devienne libre comme la France, notre liberté n’en sera pas moins entière; mais faire des lois commerciales dans lesquelles nous stipulerions seuls et sans réciprocité la liberté indéfinie, votre comité a pensé que ce serait une fausse mesure pour une nation dont le système politique est aujourd’hui d’être une puissance purement agricole et commerçante, dont la splendeur dépend des progrès de son industrie, qui doit accroître sa population, la force de l’Etat, et assurer la prospérité de l’agriculture, qui en est la véritable richesse. Votre comité, en s’occupant du commerce, n’a pas dû considérer uniquement ces spéculateurs que l’on confond trop souvent avec le véritable négociant; ces spéculateurs, vrais cosmopolites, à qui il importe peu de vendre ou vos productions ou celles des nations étrangères. Pour ceux-là, sans doute, ce ne serait point assez d’avoir repoussé les barrières aux frontières; il faudrait les renverser entièrement, pour faire de la France un grand comptoir, un port franc ouvert à tous les peuples, d’où ces avides spéculateurs introduiraient chez les nations qui se gardent, qui prohibent nos productions, tout ce que leur intérêt leur prescrirait. Mais que deviendraient nos manufactures dans ce système? Ge qu’elles deviendraient est facile à prévoir; elles s’anéantiraient et, avec elles, cette industrie si active qui occupe des milliers de citoyens. Le spéculateur, seul dans son comptoir, fait des affaires immenses; le manufacturier est bien plus utile que lui. C’est donc cette industrie que vous avez eu en vue de protéger, d’encourager, de défendre, lorsque vous avez placé des barrières à vos frontières; et déjà vous avez jugé que ce grand intérêt exigeait des droits qui ne sont que l'effet de la protection que vous devez à l’industrie; ils servent à la sûreté des spéculations, parce qu’ils garantissent les manufactures qu’il ne sera rien introduit qui puisse soutenir la concurrence avec ies productions nationales sans laisser à celles-ci tout l’avantage. Votre comité a pensé que cette sûreté serait complète, si vous ajoutiez à des mesures si sages quelques prohibitions dont il lui a paru que la justice et la nécessité se démontrent facilement. Cette dernière question me parait la seule susceptible d’une controverse, et pourtant, en réduisant le problème à ses termes les plus simples, elle a paru à votre comité une conséquence nécessaire des droits protecteurs et conservateurs de nos manufactures, que sans doute personne ne proposera de supprimer. Dès qu’il sera démontré que les droits d’entrée et de sortie sont indispensables pour favoriser notre commerce, il sera prouvé qu’il est de notre intérêt de prohiber tout ce qui noos devient inutile, tout ce qui serait nuisible à noire industrie nationale. La discussion que vous allez ouvrir est importante; vous aurez à vous défendre vous-mêmes de cet enthousiasme de la liberté, sentiment qui se partage, mais qui pourrait vous conduire au-delà de ce que vous devez. Songez que, si, philosophiquement, vous pouvez jeter les fonde-