[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1190.1 047 M. Cayla de La Garde sollicite la même exception en faveur de l’abbé-général de Sainte-Geneviève. M. Camus résume les différentes observations, et propose la rédaction suivante : Il ne sera pas fait de distinction, quant au traitement des religieux qui sortiront du cloître, entre ceux qui sont pourvus de bénéfices et ceux qui n’en sont pas pourvus, si ce n’est à l’égard des religieux-curés, qui seront traités comme les curés séculiers. Il pourra cependant être accordé aux généraux d’ordres et abbés réguliers, ayant juridiction sur les maisons de leur ordre, une somme plus forte qu’aux simples religieux. On demande à aller aux voix. M. l’abbé Maury. Votis ne perdez pas sans doute de vue que l’égalité apparente serait une inégalité très réelle, très injuste. Les religieux titulaires ont des droits incontestables, puisqu’ils sont titulaires. Les religieux supérieurs triennaux, considérés avec raison comme supérieurs majeurs, ne doivent pas être confondus avec les simples religieux, parce qu’ils ont été admis à la supériorité par le choix libre des religieux mêmes. J’observe que tous les généraux sont à Rome, et que ces exceptions sont un objet trop peu important pour une grande nation qui hérite de tous les ordres religieux. J’adopte le projet de décret de M. Camus, mais il contient une équivoque qu’il faut lever. En se servant de ces mots : « entre ceux qui sont pourvus de bénéfices et ceux qui n’en sont pas pourvus, » on préjugerait la grande question de la jouissance des titulaires. Je fais aussi de mon observation sur les supérieurs majeurs l’objet d’ün amendement. M. Flsson-Jaubetft. La congrégation de Saint-Maur a droit, par les services qu’elle a rendus aux lettres, à une exception honorable ; je la réclame pour elle. M. Camus. Si l’expression que M. l’abbé Maury veut retrancher du projet de décret ne s’y trouvait pas, l’article n’existerait plus. On ne peut, lorsqu’il s’agit de décider s’il v aura une différence entre le traitement de telle oü telle classe, ne pas exprimer nommément ces classes. Quant aux supérieurs majeurs, si par impossible cet amendement était admis, je proposerais en sous-amendement « qu’ils ne jouissent de celte exception qu’après avoir rendu et apuré leurs comptes. » Je demande, au surplus, la question préalable sur les deux amendements. M. de FiimeL II faut ôter du décret le mot pourra et le remplacer par celui sera. M. Camus. Je ne me suis pas servi de ce mot sans intention. Il m’a paru convenable de réserver les moyens de faire d’autres exceptions. Par exemple, quelques religieux de la congrégation de Saint-Maur, et non la congrégation entière, car tous ses membres ne sont pas savants, ont droit à quelques égards. Dom Clément, auteur d’un ouvrage unique sur l’art de vérifier les dates, qui pendant soixante-seize ans a rigoureusement observé tous ses devoirs, ne serait-il pas digne d’une exception? L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur tous les amendements. L’article proposé par M. Camus est adopté et l’Assemblée décrète : « Qu’il ne sera point fait de distiction, quant au traitement des religieux qui sortiront du cloître, entre les religieux pourvus de bénéfices et ceux qui n’en sont point pourvus; le Sort de tous sera le même, si ce ü’est à l’égard des religieux-curés, qui seront traités comme les curés séculiers ; qu’il pourra cependant être accordé aux généraux d’ordre et aux abbés réguliers, ayant juridiction, une somme plus forte qu’aux simples religieux. » M. Treilhard fait lecture de l’article suivant : « Il sera payé chaque année, à chaque religieux qui aura fait la déclaration de vouloir sortir de sa maison, par quartier et d’avance, à compter du jour qui sera incessamment réglé, savoir: aux mendiants 700 livres jusquà cinquante ans, 800 livres jusqu’à soixante-dix, et 900 livres après cet âge; et à l’égard des religieux non mendiants 900 livres jusqu’à cinquante ans, 1,000 livres jusqu’à soixante-dix ans, et 1,100 livres après cet âge. » M. l’abbé Grégoire. Si un religieux était resté dans le monde, il aurait pu, avec son patrimoine, élever l’édifice d’une fortune considérable. Un religieux rendu au monde ne pourra se livrer à aucune spéculation ; il n’aura nulle ressource ; il ne peut exister que par la justice qu’il attend de vous : vous ne le réduirez pas à l'étroit nécessaire; vous ne rendrez pas illusoire la liberté qu’il retrouve par vous : ce serait pour lui une calamité funeste s’il était forcé, par la nécessité* de rester dans le cloître. Parmi les cent mille vexations de l’ancien gouvernement qui a tant pesé sur la France* on doit compter celle qui a été exercée sur un ordre célèbre, sur les jésuites ; il faut les faire participer à votre justice. Je demande que la moindre pension soit de 800 livres jusqu’à cinquante ans, 1,000 livres jusqu'à soixante-dix, et 1,200 livres au delà, et que cette disposition soit commune avec les jésuites. M. Roussillon. Je crois que l’Assemblée doit différer tome fixation de pensions jusqu’à ce que nous connaissions les revenus des établissements religieux. Dom Gerle. Si, en calculant pour fixer mon opinion au sujet des différents aperçus qui vous ont été présentés sur le nombre des religieux et sur l’insuffisance de leurs revenus, je partageais les inquiétudes qu on témoigne, je serais le premier à arrêter votre générosité]; mais comme je suis assuré de l’exagération de ces calculs, per-mettez-moi de vous représenter que la jouissance des religieux sera de peu de durée, et que leurs biens vous offrent une ressource immense. D’après ces courtes réflexions, voici une proportion qui, je le crois, concilie la prudence et la justice : « Les jésuites répandus dans les provinces et tous lés religieux profès, de quelque ordre et congrégation qu’ils soient, excepté les mendiants, recevront du receveur du département, par quartier et d’avance, 1,000 livres jusqu'à l’âge de quarante ans, et 1,200 livres jusqu’à soixante ; les sexagénaires et les infirmes dont l’état sera constaté, 1,500 livres. M. Dupont (de Nemours). J’ai tâché hier d’éta- 648 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J19 février 1790. blir devant vous la nécessité d’être justes, et je parlais conformément à votre cœur; je tâcherai d’établir aujoud’hui la nécessité d’être prudents, et je parlerai conformément à votre raison. Avant de statuer sur le sort des religieux, il faut connaître le nombre des religieux et la valeur de leurs propriétés. Votre comité ecclésiastique vous a promis des détails prochains sur ces deux objets ; je pense qu’avant de prendre une détermination quelconque, il faut connaître ces détails. J e conclus donc à ce que votre comité ecclésiastique soit chargé de vous donner des détails sur le nombre des ecclésiastiques réguliers et sur la valeur de leurs possessions. Encore une fois, je ne crois pas que vous puissiez rien déterminer sur le sort à faire aux religieux avant que votre comité vous ait rendu ce compte. M.Treilhard. Deux choses ont sans doute fixé l’attention de votre comité, savoir : quel est le nombre des religieux en France ? quelle est la valeur de leurs possessions ? Voici le fruit de mes recherches sur le nombre. On compte en France dix-huit mille religieux au plus. Non seulement, avant de vous présenter cette assertion, j’ai travaillé moi-même à en reconnaître la vérité, mais encore sur cela j’ai consulté plusieurs membres de cette Assemblée, qui, par état, devaient avoir des notions exactes à ce sujet. J’ai consulté notamment M. l’agent-général du clergé. Ses calculs ont été conformes aux miens, à la différence seulement qu’il ne croit pas que le nombre des religieux soit tout-à-fait aussi considérable que je l’ai cru moi-même. Votre comité n’a pas encore des notions bien précises sur la valeur des propriétés monastiques; il les aurait, ces notions, si les déclarations que vous avez demandées avaient toutes été fournies ; vous avez permis que ces déclarations ne fussent remises qu’au premier jour de mars, et ce terme n’étant point encore expiré, nous ne pouvons vous offrir aucune certitude sur ce point. Si cependant vous voulez concilier à la fois la promptitude qu’exige cette opération avec la prudence qu’elle demande, je ne crains pas d’avancer que vous pouvez adopter sans crainte l’avis qui vous a été proposé par votre comité. On connaît l’immensité des revenus des maisons de Gluny, de Saint-Maur, de Saint-Bernard, etc. Ces revenus seuls acquitteront la dette que vous avez contractée avec le clergé régulier. Je suppose que vous n’eussiez point assez des sommes que je viens d’indiquer, vous trouveriez le complément de ce qui vous est nécessaire dans les maisons de Saint-Benoît, répandues dans les Pays-Bas. Ces maisons y sont en grand nombre ; la moins riche a 50,000 livres de rentes; les autres 100,000, 200,000, et jusqu’à 400,000 livres. Il est donc impossible que vous ne trouviez pas abondamment les moyens de remplir vos engagements. Je dis abondamment; car, indépendamment des revenus dont je viens d’indiquer la source, vous avez encore dans les Pays-Bas les maisons des Augustin s , dans toute la France, celles des Génovéfains; vous avez ensuite, dans les non rentés, des maisons très riches, et notamment les Jacobins; vous avez enfin les emplacements d’un grand nombre de maisons monastiques. Sans doute voilà beaucoup plus de moyens que vous n’avez de besoins. Je pense que vous pouvez sans délai, et quoique la fortune religieuse ne vous soit pas entièrement connue, fixer le sort de tous les moines réguliers dont vous avez prononcé la liberté. Je conclus à ce que l’avis du comité sur cet objet soit adopté. M. de Robespierre. Vous n’avez pas une connaissance exacte de la valeur des biens religieux, et vous ne pouvez, dit-on, rien statuer sur le traitement à faire aux religieux; à cela je réponds que, quoique vous n’ayez pas de détails bien circonstanciés sur la valeur de ces biens, il est cependant notoire qu’ils fourniront abondamment au sort que vous devez faire à tous les moines. Les revenus des moines sont immenses, on le sait, quoique, dans des indications vagues, ils aient été fixés à un taux très modique. Jusqu’à présent le clergé seul a pu vous donner une idée de l’immensité de ces biens, et le clergé avait le plus grand intérêt, comme la plus grande facilité, à ne vous offrir que des calculs infidèles. De là les erreurs même du gouvernement. Mais ces mêmes inexactitudes, que nous pouvons soupçonner avec vraisemblance, me font penser que la valeur des biens du clergé peut être double de ce qu’on l’a crue jusqu’aujourd’hui. Nous devons aux religieux un traitement juste et honnête. Nous devons les mettre à l’abri de tous les besoins, par cela même que dans leur état ils étaient à l’abri de tous les besoins; ainsi donc, je pense que vous devez aux religieux mendiants 800 livres, aux religieux non mendiants 1,000 livres. Vous avez établi une différence dans le traitement à faire aux religieux rentés et à ceux qui ne le sont pas. Mais, Messieurs, conserverez-vous cette différence lorsqu’il s’agira de fixer le sort des infirmes ou des vieillards? non, sans doute: vous vous imposerez alors le devoir de la faire disparaître; il ne faut ni du luxe, ni des jouissances à l’homme infirme et vieux ; il lui faut des secours; les besoins sont alors les mêmes pour tous les hommes, et ces besoins sont ceux de la nature. Je pense que, s’il devait exister une distinction, les religieux mendiants auraient peut-être plus de droits à vos égards que celui qui ne le fut pas. La vie du religieux mendiant ayant été plus active que celle du moine renté, les travaux ont rendu pour lui le fardeau de l’âge plus pesant. Je demande donc que vous fixiez un taux uniforme pour le religieux mendiant ou non mendiant, quand il est infirme ou vieux, et je fais de cet objet une motion expresse que je remets sur le bureau. M. Barnave. Je crois que, lorsque vous avez déterminé la suppression des maisons religieuses, aucune idée d’avantage pécuniaire n'a eu part à cette délibération. Vous devez dès à présent fixer le sort des religieux. Vous avez décrété hier que vous établiriez une distinction de traitement entre les religieux mendiants et les religieux non mendiants. La différence relative à l’âge sera fondée sur celle des besoins. Je vous présente une observation particulière, et qui ne vous a point encore été soumise. Le religieux qui sortira du cloître à l’âge de quarante ans recevra de vous la pension que vous croirez devoir à ceux qui sortiront à cet âge; mais ce même religieux, parvenu à l’âge de soixante ans, recevra-t-il la pension accordée aux religieux qui auront ce nombre d’années à l’époque de leur sortie dus cloîtres? Voilà ce que je ne pense pas que vous puissiez vouloir. Le moine libre à quarante ans peut travailler à augmenter sa fortune ; s’il ne le fait pas, il a tort, et la nation ne peut ni ne doit le récompenser de son inertie. 649 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1*790.] Cette observation me parait fondée sur la plus exacte équité; j’ose vous en offrir une autre que je ne crois pas moins juste. Donnerez-vous aux religieux qui resteront dans leur cloître une somme égale à celle que vous accorderez à ceux qui se séculariseront? Je réponds non. 11 est évident que ceux qui resteront dans leurs cloîtres, ayant une habitation gratuite, auront, avec moins d’argent, la même aisance que ceux qui sortiront. D’ailleurs, il faut moins individuellement à des hommes destinés à vivre en commun qu’à des hommes isolés. Je ne pense pas, avec M. de Mirabeau, que le moindre sort fait aux moines doive être relatif au sort fait aux vicaires. Vous n’avez rien reçu des vicaires, vous ne leur devez que ce que vous voulez leur devoir; vous devez plus à des hommes que vous avez séparés de l’état qu’ils tenaient de la loi; vous devez les dédommager des sacrifices que vous aviez autorisés; vous leur devez une existence qui les mette à même de vivre dans la société. Je pense que les deux extrêmes doivent être, pour les uns 1,200 liv.,pour les autres 800 liv. On vit avec 800 liv., on ne vit pas avec moins. Voici donc quelle est la proportion que j’établirais: 800 liv. jusqu’à quarante ans; depuis quarante ans jusqu’à soixante, 1.000 liv.; depuis soixaute, 1,200 liv. M. Pétion de Villeneuve. Fixerez-vous dès à présent le sort que vous devez faire aux religieux? ou attendrez-vous les connaissances nécessaires pour vous déterminer? Il serait imprudent , il serait inutile de prendre en ce moment un parti imprudent. Pouvez-vous prendre des engagements sans être sûrs de les remplir? serez-vous sûrs que les pensions qui seraient accordées, ainsi qu’on vous le propose, n’excéderaient pas les revenus des propriétés monastiques? Vous avez supprimé les dîmes, vous avez dès lors diminué de beaucoup ces propriétés, et vous ne savez pas à combien monte cette diminution ; vous ne connaissez pas encore ce qui reste : quoique en prononçant l’abolition des vœux, vous ayez plutôt envisagé la matière sous des rapports de finances, vous n’avez sans doute pas voulu nuire aux finances. Quand la détermination soudaine que vous êtes prêts à prendre ne serait pas imprudente, elle serait au moins inutile. En effet, à quelle époque pourrez-vous payer les religieux? Si vous ne le :>ouvez qu’à une époque éloignée, pourquoi en ixer prématurément la quotité? est-ce pour que es religieux reprennent dès à présent leur liberté? mais, à l’instant où ils la reprendront, ils auront des besoins que vous ne pouvez dès à présent satisfaire. La proposition que M. de Mirabeau vous a faite hier n’a rien d’imprudent, et d’inutile : elle tranquillise les religieux sur leur sort, elle fixe avec justice des bornes à votre générosité et vous laisse toute latitude nécessaire. Je conclus à ce qu’en déclarant que le traitement qui sera fait aux religieux n’excèderapas celui que vous destinez aux curés, et ne sera pas moindre de celui des vicaires, vous vous laissiez le temps de vous instruire sur la valeur des propriétés attachées aux établissements religieux. M. le Président fait lecture des différents projets de décret. M. Martineau. Vous ne connaissez pas le nombre des religieux. On vous dit qu’il s’élève à 17,000 ou 18,000; mais il reste encore les religieuses, dont le nombre est de 30,000 : voilà 50,000 individus dont il faut assurer le sort. Vous ne connaissez pas la valeur des propriétés monastiques. La fortune des religieuses est à peu près nulle : elles existent presque toutes du travail de leurs mains ou des pensionnats. Ajoutez à cette considération que la plupart des maisons sont chargées de dettes : tous les jours il nous vient des mémoires à ce sujet. Lorsque vous avez mis les propriétés du clergé à la disposition de la nation, vous avez décrété plutôt une opération de finances; vous n’avez cependant pas voulu qu’elle fût désastreuse pour les finances et pour les peuples; vous n’avez pas voulu vous imposer la nécessité de mettre de nouveaux impôts; vous avez entendu veiller aux secours que la société doit aux pauvres; et jamais, non jamais les circonstances ne demandèrentde plusgrands secours. Les moines ont satisfait et satisfont encore à ce devoir. Si, par une générosité mal entendue, vous disposez entièrement de leurs biens en ouvrant les cloîtres, je vous le demande, que deviendront les indigents? Soyez justes, soyez prudents ; vous devez aux religieux le nécessaire, et rien de plus. On veut que vous ne leur donniez pas moins qu’aux vicaires ; mais songez donc que les vicaires n’avaient que 500 livres (on interrompt et Von dit qu'ils n'avaient que 250 livres ), et l’on vous propose de fixer au moins à 800 livres la pension la plus faible des religieux ! Le vicaire emploie tout son temps pour sa paroisse, il supporte le poids du jour et de la chaleur. On vous dit que les moines ne doivent pas avoir plus que les curés. Je le crois. Un curé a des devoirs de charité à remplir; son état et le spectacle affligeant de la misère l’obligent à répandre autour de lui des aumônes qu’appellent sans cesse l’indigence et la vieillesse. En vous proposant de fixer à 700 livres le premier terme de la proportion pour les non rentés, le comité avait toutes ces puissantes considérations devant les yeux : il n’a pas changé d’avis. Si vous leur accordez davantage, ils vivront dans l’oisiveté : s’ils travaillent, leur sort ne sera-t-il pas plus heureux que celui de la plupart des ecclésiastiques ? Faites-en des vicaires, et ils auront d’abord 1,400 ou 1,500 livres de revenu. Votre comité vous propose de vous engager à décider qu’on ne pourra devenir curé qu’après un temps déterminé de vicariat. Un religieux pourra dès lors posséder une cure: cela dépendra de sa bonne conduite. Il faut que la prudence accompagne la générosité : songez aux dettes dont les maisons religieuses sont grevées ; songez à la suppression des dîmes : ne faites aujourd’hui que des dispositions provisoires; et si, parla suite, nos inquiétudes ne sont pas réalisées, vous donnerez ce que la prudence vous oblige en ce moment de retenir. M. Trellhard. Je ne me suis point écarté de l’avis du comité, en proposant pour les mendiants 700, 800, 900 livres, et pour les non mendiants 800, 900, 1,000 livres. M. le comte de Mirabeau. J’observe, sur l’avis d’un des préopinants, qu’il paraît avoir trop oublié que nous avons à considérer dans le traitement à faire aux religieux, qu’il doit être en rapport avec leur fortune passée; que ce traitement est viager, et que notre possession sera perpétuelle. Quant aux pauvres, sans doute un de nos plus importants travaux est d'établir dans la société un tel ordre de choses que le pauvre trouve partout du travail et du pain. Quant aux vieillards, il n’est pas vrai qu’ils soient jamais dans le cas de recevoir l’aumône ; leurs besoins 650 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 janvier 1*190.] sont une dette que la société ne peut s’empêcher d’acquitter. Lorsque vous avez prononcé que la loi ne reconnaîtrait plus les vœux monastiques, vous n’avez pas voulu que votre loi eût un effet rétroactif; et certes elle aurait cet effet si elle s’étendait jusque sur des habitudes contractées sous la sauvegarde de la loi. Vous ne pouvez détruire l’effet des vœux, et le sentiment même de votre impuissance ne doit pas borner votre générosité. On a voulu faire un parallèle entre les vicaires et les moines sécularisés, et l’on en a conclu que les premiers n’ayant que 500 livres, les seconds ne pouvaient pas obtenir davantage. J’ai senti toute l’importance de cette observation; mais considérez qu’un vicaire a de grands avantages, qu’il peut arriver à tous ceux que promet la hiérarchie ecclésiastique; considérez aussi que le vicaire n’a pas renoncé à ses droits patrimoniaux, qu'il a conservé tous ceux qu’offre la société, et vous conviendrez avec moi que, ces avantages étant perdus pour le moine, Vous devez l’en dédommager. La latitude qu’a parcourue M. Barnave, entre 800 livres et 1,000 livres, est celle que j’avais voulu vous faire parcourir, parce qu’elle me paraît juste. Une autre observation se présente à mon esprit, et me paraît digne de fixer votre attention : le religieux rendu au siècle, condamné à une pension annuelle et fixe, arrivera dans ce monde dénué de beaucoup de choses de première nécessité. Comment se les procurera-t-41 ? Il ne peut les attendre que de vous, et vous les lui devez. Je proposerais donc de donner aux moines, dès l’instant qu’ils sortiront du cloître, une somme à forfait, par exemple, la moitié de leur pension en argent-monnaie. Quoique nous n’ayons très certainement pas eu l’intention de faire une opération de finance, je demande au préopinant la permission de présenter une observation financière. Accorder un sort plus favorable aux religieux qui sortiront du cloîtré qu’à ceux qui y resteront-, c’est se servir d’un moyen très légitime et très innocent de faire évacuer les monastères, de la disposition desquels nous avons grand besoin. On demande à aller aux voix, et la discussion est fermée. Plusieurs projets de décret envoyés au bureau sont lus successivement. Quelques-uns fixent à 500 livres le premier terme de la proportion du traitement des religieux non rentés. La priorité est accordée au projet du comité. M. Target propose en amendement d’accorder 1,200 livres aux religieux rentés, septuagénaires ou infirmes. M. Prieur demande que les religieux non rentés participent à cette faveur. M. le marquis de Foucault. Les jésuites à qui, dans des temps plus heureux, on a donné une modique pension de 400 livres, doivent obtenir de votre justice un sort égal à celui des religieux. Je fais de cette observation la matière d’un amendement. On demande la question préalable sur tous les amendements. M. l’abbé de Montesquiou. J’ose croire qu’il est de votre humanité de faire les exceptions demandées. La vieillesse et l’intirmité ont des droits à votre respect, et dès lors à votre générosité. Les jésuites en ont à votre justice. Vous ne la refuserez point à celte congrégation célèbre, dans laquelle plusieurs d’entre vous ont fait sans doute leurs premières études, à ces infortunés dont les torts ont peut-être été un problème, mais dont les malheurs n’en sont pas un. Plusieurs membres demandent l’ajournement à huitaine de l’amendement relatif aux jésuites. L’Assemblée décide le contraire. M. Bairnave. Le premier acte de la liberté naissante doit être de réparer les injustices du despotisme. Je propose une rédaction de l’amendement en faveur des jésuites : « Les ci-devant jésuites résidant en France, et qui ne possèdent pas en bénéfices, ni en pensions sur l’Etat, un revenu égal à celui qui est accordé aux autres religieux de la même classe, recevront le complément de ladite somme. » L’amendement, ainsi rédigé, a été adopté. M. le Président met aux voix l’article avec les deux amendements adoptés par l’Assemblée, et il est décrété ce qui suit : « Il sera payé à chaque religieux qui aura fait sa déclaration de vouloir sortir de sa maison, par quartier, et d’avance, à compter du jour qui sera incessamment réglé, savoir : aux mendiants, 700 livres jusqu'à 50 ans; 800 livres jusqu’à 70 ans, et 1,000 après 70 ans; et à l’égard des religieux non mendiants, 900 livres jusqu’à 50 ans, 1,000 jusqu’à 70 ans, et 1,200 livres après 70 ans. Les ci-devant jésuites, résidant en France, et qui ne possèdent pas en bénéfi ces, ou en pensions sur l’Etat, un revenu égal à celui qui est accordé aux autres religieux de la même classe, recevront le complément de ladite somme. » M. le Président lève la séance à 3 heures, après avoir indiqué celle de demain matin pour 9 heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D’AUTüN. Séance du samedi 20 février 1790 , au matin (1). M. Mollien, député de Rouen, ouvre la séance en témoignant ses regrets de ne s’ètre pas trouvé à la séance mémorale du 4 février; il prête devant l’Assemblée le serment qui lie tous ses membres au maintien de la Constitution. M. Gossuin, député du bailliage du Quesnoy, demande et obtient la permission de s’absenter pendant quinze jours. M. le baron de Marguerittes, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. M. Camus. Je rappelle à l’Assemblée son décret sur l’égalité de traitement à faire aux religieux pourvus ou non pourvus de bénéfices et je propose qu’après ces mots « qu’il ne sera point (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.