78 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Art. III. Les commissaires de la comptabilité délivreront des certificats de radiation desdites quittances de droits casuels et de centième denier, ainsi qu’ils y sont autorisés pour les offices ci-devant royaux par la loi du 21 frimaire, mais seulement pour ceux à fournir à la liquidation générale et sur la demande du directeur général de la liquidation (54). 25 La Convention nationale décrété que le comité de Salut public fera passer la liste des députés envoyés en mission, au comité des Décrets, et que le comité des Décrets sera tenu de faire passer auxdits députés les décrets qui les concernent (55). 26 Un membre monte à la tribune pour dénoncer Billaud-Varenne, Collot d’Herbois et Barère, membres du comité de Salut public; Vadier, Amar, Voulland et David, membres du comité de Sûreté générale : il fait lecture de vingt-sept chefs d’accusation qu’il forme contre eux; il demande qu’un secrétaire donne lecture des pièces qui sont à l’appui de sa dénonciation (56). LE COINTRE (de Versailles) (57) : Citoyens collègues, j’entreprends de démontrer à la Convention nationale, et par pièces authentiques et par témoins, que les citoyens nos collègues Billaud-Varenne, Collot d’Herbois et Barère, membres du comité de Salut public; Vadier, Amar, Voulland et David, membres du comité de Sûreté générale, sont répréhensibles: 1°. D’avoir comprimé par la terreur tous les citoyens de la république, en signant et faisant mettre à exécution des ordres arbitraires d’emprisonnement, sans qu’il y ait contre un grand nombre d’entre eux aucune dénonciation, aucun motif de suspicion, aucune preuve de délits énoncés dans la loi du 17 septembre 1793. 2°. D’avoir étendu ce système d’oppression et de terreur jusque sur les membres de la Convention nationale, en souffrant et appuyant, par un silence affecté, le bruit que le comité de Salut public avoit une liste de trente membres de la Convention nationale, désignés pour être incarcérés, et ensuite victimés. 3°. De n’avoir jamais proposé le remplacement des membres qui manquoient dans le (54) P.-V., XLIV, 213-214; C 318, pl. 1281, p. 15, mention marginale : Mallarmé, rapporteur, 8 fructidor. Décret n° 10 625. (55) P.-V.., XLIV, 214; C 318, pl. 1281, p. 14. Décret n° 10 615. Rapporteur anonyme, selon C* II20. P-271. (56) P.-V., XLIV, 214. (57) Nous suivons le texte du Journal des Débats, n° 709, en indiquant les variantes entre crochets. comité de Salut public, et de s’être perpétués exclusivement dans leurs fonctions, par la compression où ils tenoient la Convention; Barère, rapporteur, ne manquant jamais, après l’annonce de quelques victoires ou succès, de proposer impérativement la continuation des pouvoirs des comités. 4°. D’avoir, de concert avec Robespierre, anéanti la liberté des opinions dans le sein même de la Convention nationale, en ne permettant la discussion d’aucune des lois présentées par le comité de Salut public. 5°. D’avoir provoqué le rapport de toutes les lois favorables à la liberté, et répressives des actes arbitraires qui s’exerçoient au nom de ces comités avec autant d’injustice que d’inhumanité. 6°. De s’être entourés d’une foule d’agens, les uns perdus de réputation, les autres couverts de crimes; de leur avoir donné des pouvoirs en blanc; de n’avoir réprimé aucune de leurs vexations et de les avoir au contraire soutenues. 7°. D’avoir rejeté et laissé sans réponse un nombre infini de plaintes et mémoires qui leur avoient été adressés contre leurs agens oppresseurs; d’avoir pris leur défense, notamment celle de Héron, Senard, et autres; d’avoir, à la tribune même de la Convention nationale, fait leur éloge, fait rapporter des décrets justement lancés contre ceux, et d’avoir par-là livré à la vengeance de ces monstres les citoyens qui avoient eu le courage de les dénoncer. 8°. D’avoir couvert la France de prisons, de mille bastilles; d’avoir rempli de deuil la république entière, par l’incarcération injuste, et même sans motif, de plus de cent mille citoyens, les uns infirmes, les autres octogénaires, d’autres enfin pères de famille, et même des défenseurs de la patrie. 9°. D’avoir induit en erreur leurs collègues, en répandant le bruit, depuis que la loi cruelle du 22 prairial a été rendue, que cette loi avoit été l’ouvrage du seul Robespierre, qui ne l’avoit communiquée qu’à Couthon, tandis qu’ils avoient été avertis, même avant qu’elle passât, par des membres du tribunal révolutionnaire (Fouquier, fol. 14 et 15) des inconvéniens graves qui en résulteroient. 10°. De s’être opposés, lors de la présentation de cette loi, à l’impression et à l’ajournement qui en avoient été demandés; les uns de l’avoir soutenue fortement, les autres, d’avoir fait croire, par leur présence, qu’elle étoit l’ouvrage et le fruit des réflexions méditées entre les deux comités, au nom desquels elle fut présentée. Ce qui prouve encore plus clairement que la loi du 22 prairial est l’ouvrage du comité entier, c’est un arrêté de ce comité, en date du 29 floréal, mis à exécution dans un département, renfermant textuellement les dispositions décrétées par la loi sanguinaire du 22 prairial. 11°. D’avoir, dans l’affaire d’Hébert, Vincent et autres, arrêté l’effet d’un mandat d’arrêt lancé contre Pache, qui avoit été nommé grand juge par cette faction. D’avoir intimé à Fouquier, accusateur public, l’ordre non-seulement de ne pas mettre à exécution le mandat d’arrêt, mais même de ne pas permettre qu’il fût parlé de Pache, d’où il est résulté que la parole a été SÉANCE DU 12 FRUCTIDOR AN II (29 AOÛT 1794) - N08 25-26 79 interdite aux témoins qui ont voulu parler de Pache, et même aux accusés lorsqu’ils ont demandé qu’il parût. 12°. D’avoir, dans les mêmes vues d’injustice, et afin de sauver les coupables, empêché qu’il ne soit décerné des mandats d’arrêt contre le général Hanriot, Mathieu, son aide-de-camp, Lubin, juge au tribunal du premier arrondissement, et Gobeau, substitut de l’accusateur du tribunal criminel de Paris, tous impliqués dans l’affaire d’Hébert, et, qui depuis ont été guillotinés comme conspirateurs, et cela quoiqu’il y eût contre eux des charges graves qui furent communiquées par écrit au comité de Salut Public, où elles sont restées. En conséquence, la parole a été également refusée aux accusés comme aux témoins lorsqu’ils ont voulu parler de ces individus. 13°. De n’avoir pas donné connoissance à la Convention nationale, de la lettre écrite par Fouquier le 15 germinal, lettre dans laquelle il exposoit à la Convention que les accusés de-mandoient à faire entendre seize députés, dont les dépositions prouveroient la fausseté du fait qu’on leur imputoit, et qu’ils en appeloient au peuple en cas de refus, et d’avoir substitué à cette lettre un rapport mensonger, duquel les comités ont fait résulter que les accusés s’étoient mis en rébellion contre la loi; ce qui a déterminé le décret qui déclare que tout prévenu de conspiration, qui résistera ou insultera à la justice du tribunal, sera mis hors des débats, et jugé sur-le-champ. 14°. D’avoir (Amar et Voulland) en apportant eux-mêmes le décret, et en le remettant à Fouquier, dit : voilà de quoi vous mettre à votre aise, et mettre à la raison tous ces mutins-là. 15°. D’avoir, lorsqu’il s’est agi d’affaires importantes, permis et même ordonné un choix de jurés hors les sections qui étoient en tour, afin de prendre ceux qui étoient les plus dociles. 16°. D’avoir (Amar, Voulland, David et Vadier) lorsque ces jurés étoient à la chambre des délibérations, et que le bruit se répandoit dans le tribunal que la majorité étoit pour l’absolution des accusés, passé par la buvette dans une petite chambre voisine de celle des jurés, et d’avoir engagé Hermann à les déterminer par toutes sortes de voies à condamner à mort, ce que celui-ci, en entrant dans la chambre du conseil, a exécuté, en parlant contre les accusés et en excitant ceux des jurés qui avoient voté pour la mort à menacer les autres du ressentiment des comités. 17°. D’avoir plusieurs fois ordonné la mise en jugement de cinquante à soixante personnes en même temps pour des délits différens. 18°. D’avoir ordonné à l’accusateur public de faire juger, dans les vingt-quatre heures, les prévenus de la conspiration des prisons, de sorte que cent cinquante-cinq personnes dénommées dans l’acte d’accusation du 18 messidor, dévoient être jugées et périr le même jour; mais la crainte de l’opinion publique ayant fait naître quelques réflexions, il fut décidé qu’on les mettroit en trois fois. 19°. D’avoir souffert que les mêmes témoins, entretenus, nourris dans les prisons, et connus vulgairement sous le nom de moutons, déposassent à charge contre les prévenus; et l’on distinguoit parmi ces témoins, Ferrières-Sauve-bœuf, ex-noble, et Leymerie, secrétaire particulier d’Amar. 20°. D’avoir démenti formellement les dénonciations faites à la Convention contre Joseph Le Bon, représentant. D’avoir fait un rapport infidèle sur sa conduite, et d’avoir déguisé ses cruautés sous la dénomination de formes acerbes. 21°. De n’avoir point prévenu la Convention de l’absence de Robespierre du comité depuis quatre décades; d’avoir souffert que, nonobstant son absence, il ait signé quelques actes: d’avoir caché les manœuvres que ce conspirateur avoit employées dans la vue de tout désorganiser, se faire des partisans et ruiner la chose publique. 22°. D’avoir permis que le général Lavalette, Dufraisse et tant d’autres traîtres ou conspirateurs dénoncés dès longtemps aux comités, ou frappés par des décrets de la Convention, soient restés à Paris, y aient obtenu de l’emploi : de les avoir mis ainsi à portée de commettre de nouveaux forfaits. 23°. De n’avoir pris, dans la nuit du 8 et la journée du 9 thermidor, aucune des mesures qui pouvoient assurer la tranquilité publique et la sûreté de la Convention évidemment compromises par le discours du tyran prononcé le 8 à la tribune de la Convention, et le soir à celle des Jacobins, qui lui avoient promis secours, force et protection. 24°. De n’avoir pas fait arrêter, dans la nuit du 8 au 9, le général Hanriot, le maire et l’agent national de paris, Lavalette, et tant d’autres principaux complices de Robespierre, qui tous leur avoient été dénoncés par plusieurs collègues. 25°. De n’avoir pris, dans la journée du 9 aucune mesure de rigueur afin que les décrets d’arrestation lancés contre Robespierre et ses complices fussent exécutés, et d’avoir exposé par cette négligence criminelle, la représentation nationale à être égorgée, puisque les satellites des conspirateurs ont pu le même jour arracher, sous les yeux de la Convention nationale même et de ses comités, dans le local de celui de Sûreté générale et sans aucune résistance, le traître Hanriot qui avoit été dans ce comité. 26°. D’avoir employé des hommes reconnus pour contre-révolutionnaires, perdus de réputation et des débauchés, tarés et même dans les liens de décrets d’accusation, tels que Beaumarchais, d’Espagnac, Haller et autres, et de leur avoir confié des trésors immenses appartenans à la république, trésors avec lesquels ils ont émigré. [J’ai fini. Je demande qu’un secrétaire vous fasse lecture des pièces qui sont à l’appui de ma dénonciation, et que je vais indiquer l’une après l’autre] (58). [CARRIER : Celui qui est à la tribune est un scélérat. (58) Moniteur, XXI, 621.