[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 novembre 1789.] 257 lution opérée dans ce royaume, et sur la perspective qu’elle ouvre aux deux premiers empires du monde, de participer en commun aux bienfaits de la liberté civile et religieuse. La société ne peut s’empêcher d’unir ses vœux ardents pour l’heureux et complet succès d’une révolution si importante, et en même temps d’exprimer la satisfaction qu’elle éprouve en réfléchissant sur l’influence du glorieux exemple donné en France pour encourager les autres nations à assurer les droits inaliénables de l’humanité, à amener une réforme générale dans les gouvernements de l’Europe, et à rendre le monde entier heureux et libre. Arrête que la présente déclaration sera signée par le président, au nom de la société, et adressée par lui à l’Assemblée nationale de France. Les deux résolutions ci-dessus ont passé à l'unanimité. Par ordre de l’assemblée. Signé : Stanhope, président . Londres, 4 novembre 1789. La lecture decette adresse produit dans l’Assemblée une grande sensation, qui se manifeste par des applaudissements reitérés. Sur la motion de M. le duc de Liancourt, il est unanimement décidé que M. le président écrira à lord Stanhope, pour lui témoigner la vive et profonde sensibilité de l’Assemblée à la démarche que fait près d’elle la Société de la révolution. M. de Cazalès propose la motion qui suit : « L’Assemblée nationale charge son comité de constitution de lui présenter le projet d’une loi qui définisse avec une scrupuleuse attention tout ce qui sera réputé crime de lèse-nation ; « De déclarer que les écrits, que les paroles ne pourront être la matière d’un crime de lèse-nation à moins qu’ils ne soient liés à une action, qu’ils ne l’aient préparée, accompagnée ou suivie; « De déclarer enfin que nul crime autre que ceux expressément nommés par la loi ne pourra être qualifié du crime de lèse-nation. » M. Target. Le comité est déjà chargé de cette mission.il vous aurait présenté son travail depuis quelque temps, si des objets du moment ne l’avaient empêché de le terminer. Je demande, d’après cette observation, que la motion du préopinant soit ajournée. L'ajournement est ordonné. M. le comte de llirabeau. J’eus l’honneur de vous exposer, le 5 du courant, que votre décret sur les nouvelles formes de l’instruction criminelle n’était point encore en vigueur dans Marseille, et qu’une foule de citoyens pouvaient devenir à chaque instant les victimes d’une procédure suspecte sous mille rapports. Je vous dénonçais que le 27 octobre, temps auquel votre décret aurait dû être exécuté, le prévôt de Marseille avait rendu un jugement suivant les anciennes formes que vous avez proscrites. Vous ordonnâtes, Messieurs, qu’il serait provisoirement sursis à l’exécution de tout jugement en dernier ressort, rendu dans la forme ancienne postérieurement à l’époque où votre décret aurait dû être exécuté, et que tout tribun al qui dans trois jours ne l’aurait pas inscrit sur ses registres, qui lre Série, T. X. dans la huitaine ne l’aurait pas fait publier, serait poursuivi comme coupable de forfaiture. Le décret ne décidait pas un objet très-important pour les accusés : il annonçait implicitement que le jugement rendu le 27 octobre était nul; mais il ne prononçait pas cette nullité d’une manière expresse; il n’ordonnait pas de faire juger une seconde fois la même question par d’autres juges, et, comme il s’agissait de la récusation du procureur du Roi et de l’assesseur du prévôt, le sort des accusés restait évidemment compromis. J’ai gardé quelque temps le silence, parce que j’attendais que le comité des rapports, qui a reçu une infinité de mémoires sur cet objet , vous les fît connaître ; mais cette affaire a entièrement changé de face par deux nouvelles circonstances, dont l’une m’était inconnue le 5 du courant , et dont l’autre était impossible à prévoir. La première, c’est que le prévôt de Marseille, loin de traiter les accusés avec cette humanité que sollicitent vos nouvelles lois, les a fait enfermer dans une prison d’Etat ; ils avaient été resserrés jusqu’ici dans une citadelle ; ils ne sont plus aujourd’hui sous la sauvegarde de la loi, mais dans les anciens cachots du despotisme, La seconde, c’est que bien loin d’exécuter vos décrets, le prévôt a écrit à MM. les députés de la ville de Marseille qu’il était impossible de rendre la procédure publique. S’il faut l’en croire, des témoins qui n’ont déposé que sous la foi du serment ne consentiront pas que leurs dépositions soient connues. Si la procédure devient publique dans le fort, le peuple s’en emparera ; si le prévôt se rend dans le palais de la sénéchaussée, il aura des dangers à courir, même pour sa vie. J’ai ouï dire que le prévôt avait exposé les mêmes motifs dans un mémoire qu’il a adressé à l’Assemblée nationale ; je ne sais si ce mémoire existe, mais je puis assurer que la lettre à MM. les députés de Marseille est certaine. Si le mémoire dont je parle a été envoyé, je demande qu’il soit sur-le-champ communiqué à l’Assemblée, parce qu’une affaire aussi grave ne peut souffrir aucun délai. La lettre suffit pour m’autoriser à vous demander s’il est possible de laisser une procédure entre les mains d’un juge qui ne croit point à la sagesse de votre décret, qui refuse de l’exécuter, qui allègue pour s’en défendre les plus frivoles prétextes, qui craint de ne pouvoir soustraire les prisonniers aux réclamations d’une ville entière s’il ne les précipite dans des prisons d’Etat, qui ne peut exercer ses fonctions que dans un fort, qui craint encore que ce fort ne soit enlevé, qui a admis des témoins tellement suspects qu’il n’ose espérer qu’il veuillent rendre leurs dépositions publiques, qui a choisi deux juges tellement odieux qu’il ne peut répondre même de leur vie si la procédure se fait dans le palais de justice. Ne croyez pas, Messieurs, que je veuille inculper directement le prévôt. C’est un militaire digne de l’estime de ses concitoyens ; mais il est excusable d’ignorer les formes de l’instruction criminelle, et il les ignore. Forcé de choisir un assesseur et un procureur du Iloi, forcé de confier à d’autres qu’à lui-même les fils tortueux d’une procédure compliquée, le choix qu’il a fait a rendu ses bonnes intentions inutiles, et sa probité personnelle ne peut plus rassurer contre les plus coupables erreurs. Quel parti reste-t-il donc à prendre ? Un seul, Messieurs, et vous concilierez l’exécution rigoureuse des lois avec ce que vous devez à la tranquillité publique. C’est de confier à un autre tri-17