553 [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j j2 nlvoso »nJj 1 1 ( l" janvier 1794 loi classant les transgresseurs du maximum au nombre des personnes suspectes, rien ne peut être plus cruel à un républicain. Enfin nous avons cru que dans le régime révolutionnaire et lorsque tous les citoyens indistinctement doi¬ vent respecter la loi du maximum, celui qui vend de l’avoine au delà du prix fixé est aussi punissable que celui qui vend du sucre, vin, eau-de-vie, huile, etc. Et cependant la peine est bien différente, la Convention est juste et ne punira pas sans doute de deux manières des dé¬ lits de semblable nature. Nous nous serions donc déterminés à appliquer la loi du 29 septembre au cas présent. Mais, citoyens représentants, nous nous sommes trouvés enchaînés par l’ar ticle 7 de cette loi, qui semble borner aux objets indiqués dans l’article 1er de ladite loi, la peine prononcée par x’article 7. Un profond respect pour la loi nous arrête, et dans notre incertitude nous nous adressons au législateur pour l’inter¬ préter et fixer notre jugement. Devons-nous pro¬ noncer en vertu du décret du 4 mai dernier, ou en vertu de celui du 29 septembre (aussi vieux style)? Telle est la question que nous soumet¬ tons au comité et dont la réponse sera notre guide. P. Empereur, maire: Dieudonné ; Brussaut, procureur de la commune • N. Salle; Per¬ rin, secrétaire. Un membre [Barère (1)], au nom du comité de Salut public, fait un rapport qui annonce que le cri de la victoire a retenti des bords du Vax aux bords du Rhin, et que Landau est délivré. Les représentants du peuple y sont entrés triom¬ phants à la tête des colonnes républicaines; les Autrichiens ont été complètement battus; les Prussiens ont essuyé la plus grande déroute et exécuté, sur les bords du Rhin, une fuite aussi belle, aussi honorable que celle des Espagnols et des Anglais sur la Méditerranée. Elles étaient si célèbres, les troupes formées par Frédéric à la victoire, conduites si bonnement par Guillaume sur nos frontières, et prodiguées si insolemment par Brunswick! et cependant des bataillons à peine exercés les ont battues. Elles étaient si fortement tacticiennes, les armées de Prusse; elles étaient si aguerries les troupes autrichiennes ! et cependant ce qu’ils appellent des Carmagnols les ont mises en déroute, et les ont chassées de la République comme des hordes de brigands et des bandes de voleurs. La victoire de Toulon fut l’effet de l’enthou¬ siasme et du courage; la victoire de Landau est l’effet de la constance et de l’intrépidité la plus soutenue. A Toulon, le climat dédommageait les sol¬ dats, en adoucissant les fatigues de la guerre d’hiver; à Landau, c’est au milieu des neiges, c’est sur les glaces du Nord que la chaleur du combat se déployait. La liberté outragée ne connaît ni climats ni saisons; elle ne compte pas ses ennemis, elle ne fait que les vaincre. Dans le Midi, la victoire assimilée aux produc¬ tions du climat, a frappé l’Espagnol et l’Anglais comme la foudre frappe les palais inutiles et superbes. Dans le Nord, la victoire assimilée aux productions lentes, mais rigoureuses de la nature, n’a ouvert son sein qu’au travail cons¬ tant des troupes, à leur patience infatigable, à leur courage républicain. Le rapporteur fait lecture des lettres : elles apprennent que le 8 nivôse, à midi, les armées ont embrassé leurs frères de Landau. Il est difficile de se faire une idée de la manière dont les défenseurs de la patrie se sont montrés. Les troupes sont à la poursuite de l’ennemi, qui fuit de toutes parts, et qui nous abandonne une quan¬ tité immense de magasins, et de superbes posi¬ tions où une poignée de républicains arrêterait une armée d’esclaves. La terreur est telle parmi les Autrichiens, que nous allons infailliblement nous rendre maîtres du Palatinat. Le général Hoche a été nommé général en chef des deux armées. Le 3e régiment de hussards a combattu avec son intrépidité ordinaire. Un d’entre eux s’est précipité sur un canonnier ennemi qui allait mettre le feu à une pièce de 17, il lui a coupé la tête et s’est rendu maître de la pièce. Une lettre du premier secrétaire interprète de la République française en Suisse, datée de Bâle le 7 nivôse, apprend que les satellites des despotes, pressés sur tous les points, abandonnent en grande hâte le département du Bas-Rhin, et leur fuite honteuse met la terreur et l’épouvante à l’ordre du jour dans le Brisgaw et sur les rives du Danube. La nouvelle de la prise de Toulon, et surtout les grands moyens que le comité de Salut public déploie, ont terrassé les émigrés, qui, errant par les chemins et les bois, font reten¬ tir les airs de leurs blashpèmes contre un dieu démocrate qui abandonne leur cause. La courageuse garnison de Landau mérite d’attirer l’attention de la Convention : enclavée dans le pays ennemi, abandonnée presque à elle-même depuis plus de quatre mois, ignorant ce que la valeur française méditait pour sa délivrance, elle a résisté à tous les genres de cor¬ ruption. L’ennemi, voyant que ses instances pour faire rendre la place étaient inutiles, a voulu à force de sollicitations engager la garni¬ son à méconnaître son général, et à nommer un chef qui lui fût dévoué. Ces braves soldats aperçurent la ruse; ils répondirent que pour leur patrie et pour la liberté ils seraient toujours prêts à sacrifier leurs intérêts les plus chers, et que leurs chefs n’auraient pas la douleur de n’être pas écoutés toutes les fois qu’ils leur par¬ leraient de lois, de patrie, de liberté et de gloire. Ils prièrent le général prussien de cesser avec eux une correspondance à laquelle leur devoir les obligerait de ne pas répondre, s’il conti¬ nuait. Cette brave garnison a résisté au bombarde¬ ment avec une énergie qui mérite d’être inscrite dans l’histoire. Landau a reçu 25,000 bombes; il y a trois semaines que la garnison a vécu de chevaux et de chats; elle a mangé du pain de seigle et de pois. Un pain de munition s’est vendu jusqu’à 14 livres, le sucre 80 livres, une oie 100 livres. Un boulanger de cette ville était occupé à éteindre le feu de l’arsenal; on vient lui apprendre qu’une bombe avait incendié sa maison : « Ma maison, répondit-il froidement, n’est qu’une pro¬ priété particulière; je dois sauver avant tout les propriétés nationales. » Et il resta à son poste. La Convention a adopté le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Salut public, décrète : (1) D’après le document imprimé; 554 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { %™sfera Art. 1er. « Les armées de la Moselle et du Rhin, la oison et les citoyens de Landau ont bien mérité de la patrie. Art. 2. « Les représentants du peuple envoyés près les années de la Moselle et du Rhin sont chargés de recueillir les traits de courage et de bravoure gui ont signalé oette victoire, et de les transmettre incessamment à la Convention nationale. Art. 3. « Ils sont autorisés à décerner les récompenses civiques, au nom de la République, aux braves républicains qui se sont distingués dans cette campagne par des actions éclatantes. Art. 4. « Les représentants du peuple sont chargés de taire, sans délai, le tableau des pertes qu’ont essayées les patriotes, soit dans le bombarde¬ ment de Landau, soit par l’entrée des brigands royalistes fie l’Autriche et de la Prusse sur le ter¬ ritoire de la République. Art. 5, « Rs enverront à la Convention le nom du citoyen de Landau qui a vu brûler sa maison sans abandonner son poste à l’arsenal, ainsi que le nom du soldat qui a coupé la tête du canonnier prussien, et s’est emparé dn canon. Art. 6. « Le présent décret sera envoyé par des cour¬ riers extraordinaires dans les départements et aux armées de la République (1). » Suit le texte du rapport de Barère d’après le document imprimé par ordre de la Convention (2). Rapport sur les succès des armées de la Moselle et du Rhin, paît au nom du comité de Salut public, a la Conven¬ tion NATIONALE, PAR BARÈRE, DANS LA SÉANCE DU 12 NIVOSE L’AN II DE LA RÉPU¬ BLIQUE. (Imprimé par ordre de la Convention nationale.) Le cri de la victoire a retenti des bords du Yar aux bords du Rhin : c’est de Landau que (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 213 à 217. (2) Bibliothèque nationale, 22 pages in -8° Le”, n° 636. Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l’Oise), t. IV, n° 20. D’après le premier Bulletin de Ja Convention du 12 nivôse an II, le rapport de Barère aurait été précédé de la lecture d’une lettre du citoyen’ Chasseloup, adjudant général du général Hoche, annonçant la prise de Landau. Voici, en quels terme s s’exprime le Bulletin : Le citoyen Bcli-er annonce de nouveaux succès de l’armée du Rhin. Il a fait lecture d’une lettre datée du 9 nivôse : « Victoire, mes amisi Landau est libre, après deux jours de combats opiniâtres, les 2 et 6 courant. L’ennemi fuit précipitamment. Vive la République et le pas de charge ! « Signé : Chasseloup, adjudant général du général Hoche. » le général Hoche vient de dater ses nouveaux succès; c’est à Landau que les représentants du peuple Saint-Just et Lebas sont entrés victorieux à la tête des colonnes républicaines. Ainsi les triomphes de la liberté paraissent à la fois aux portes de l’ Italie et de l’Allemagne; ainsi la République prend en même temps des forces au Nord et au Midi, comme elle s’af¬ fermit au «entre sur les ruines hideuses de la Vendée. Il n’y a qu’un jour, à cette tribune, nous faisions connaître au Nord les victoires du Midi; maintenant, nous allons apprendre aux défenseurs des Pyrénées les victoires de la Moselle et du Rhin; c’est à eux de s’en rendre dignes. Encore Mer, nous en recevions l’heu¬ reux présage dans le récit de l’adjudant géné¬ ral arrivé de la Moselle. Dans la nuit du 5 au 6 nivôse, nous a-t-il dit, la nouvelle de la prise de Toulon a été annoncée à l’armée du Rhin et de la Moselle ; c’était au milieu de la nuit. La. droite de l’ar¬ mée de la Moselle était campée marchant sur Lauterbourg, le centre sur les hauteurs de Hansparck, la gauche de l’armée du RMn sur les hauteurs en deçà de Risfeldz, la droite de l’armée de la Moselle touchant à la gauche de l’armée du Rhin, et campée sur les hauteurs en face de Doth, où était campé l’ennemi. Une voix réveille le camp, et crie : Toulon est pris; l’Espagnol et l’Anglais fuient comme des lâches. Aussitôt les soldats se sont écriés : Vive la �République! Puisque nas frères sont entrés à Toulon, nous voulons aller à Landau. Et ils partirent, et Landau n’a plus vu d’en¬ nemis à' ses portes. Incroyable concert, étrange circulation de victoires qui s’est établie entre les armées de la République, au milieu des glaces et des fri¬ mas, au cœur même de l’hiver ! Non : la liberté outragée ne connaît ni climats ni saisons; elle ne compte pas ses ennemis, elle ne sait que les vaincre. Les Autrichiens ont été complètement battus; les Prussiens ont essuyé la plus grande déroute, et exécuté sur les bords du Rhin une fuite aussi belle, aussi honorable que celle des Espagnols et des Anglais sur la Méditerranée. Elles étaient si célèbres, les troupes formées par Frédéric à la victoire, conduites si bonne¬ ment par Guillaume sur nos frontières, et prodiguées si insolemment par Brunswick ! et cependant des bataillons à peiue exercés les ont battues. Elles étaient si fortement taeticiennes les armées de Prusse ! elles étaient si aguerries les troupes autrichiennes 1 et cependant ce qu’elles appelaient des carmagnoles, les ont mises en déroute, et les ont chassées de la Répu¬ blique, comme des hordes de brigands et des bandes de voleurs. Qu’ils apprennent donc à connaître la valeur des hommes libres, à l’avenir, et les résolutions d’un grand peuple, dont les mouvements dans les armées prennent, dans chaque partie des frontières, comme dans l’intérieur, le carac¬ tère qui leur appartient. Voüà la véritable tactique. Au centre, une guerre d’extermination contre les instruments des guerres civiles; sur la fron¬ tière septentrionale, un courage froid et im¬ perturbable; dans les légions méridionales, une exaltation de courage qui ne connaît ni bornes, ni obstacles.