204 [Etats gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rar-le-Duc. libération n’aurait force de loi qu’autant qu’elle serait adoptée par les deux chambres ; mais, dans ce projet comme dans tous les autres de même nature, notre député réservera tous les privilèges du clergé, ses prérogatives, et il s’attachera à faire sentir à l’ordre du tiers qu’il est de son intérêt de maintenir la distinction des ordres, puisqu’elle constitue la monarchie, et qu’un des plus grands ressorts du pouvoir arbitraire est de rendre tous les hommes égaux, pour qu’ils soient tous également esclaves; ainsi le tiers concevra qu’il est important de maintenir l’hérédité de la noblesse ; mais aussi nous entendons qu’à l’avenir elle ne doit pas s’acquérir à prix d’argent, ni par des charges, et qu’il faut qu’elle soit seulement le prix de grands services rendus à la patrie dans tousles genres. C’est une conséquence de ces principes, qu’aucun emploi, ni profession ne peuvent déroger à la noblesse. . CAHIER DES POUVOIRS, INSTRUCTIONS ET DOLÉANCES QUE LE TIERS-ORDRE DU BAILLIAGE DE BR1EY DONNE A SES DÉPUTÉS AUX ÉTATS GÉNÉRAUX . Le tiers-ordre du bailliage de Briey donne pouvoir à MM. Uuquesnoy, syndic provincial de Lorraine et Barrois, député de la ville de Briey, et Friquegnon, commerçant, député de la communauté de Yalleroy, de le représenter aux Etats généraux, à charge et non autrement, que les membres en auront été librement élus, et que nulle personne ne gênera la liberté des suffrages par sa présence ou autrement. Le tiers-ordre, pénétré des principes qui ont dicté le résultat du conseil du 27 décembre dernier, voulant répondre dignement aux intentions du Roi, qui appelle les représentants du peuple, pour établir un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, et à l’attente de la nation qui espère que les Etats généraux, de concert avec le Roi, la rétabliront dans ses droits, charge ses députés de réunir tous leurs efforts pour obtenir une constitution sage et libre, qui établisse sur des bases inébranlables les droits du Roi et ceux du peuple. Les principes fondamentaux de cette constitution doivent être : 1° La liberté nationale et individuelle ; d’où il suit que la nation ne peut être gouvernée que par les lois qu’elle a faites ou consenties, de concert avec le Roi, dans ses Etats généraux libres, nombreux, fréquemment et périodiquement assemblés; cette disposition ne comprenant par les simples lois d’administration et de police qui pourront être faites comme par le passé, et soumises seules à la vérification des compagnies souveraines, après avoir été adressées aux corps représentatifs des provinces, ces lois ne devant être néanmoins que provisionnelles et obligatoires seulement jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux, et par eux approuvées, s’il y a lieu. 2° Que nulle puissance, autre que celle de la loi, ne doit porter atteinte à la liberté des citoyens, pour la conservation de laquelle les députés feront prononcer la proscription des lettres de cachet, évocation, cassation au conseil, et en général de tous les actes d’autorité arbitraire. 3° La responsabilité des ministres dans toutes les parties de l’administration. 4° La suppression de tous impôts établis comme l’ayant été illégalement , et sans l’octroi du peuple. 5° Leur remplacement par d’autres impôts librement et volontairement consentis par la nation, seulement pour l’intervalle d’une assemblée des Etats généraux à la suivante, et supportés par les individus de tous les ordres, dans la juste proportion des facultés, sans égard aux privilèges. 6° La fixation faite par les Etats généraux des dépenses de tous les départements. 7° La liberté illimitée de la presse. 8° La conservation des capitulations des provinces et de leurs privilèges particuliers, en tant néanmoins qu’ils ne nuisent point à l’administration générale du royaume. 9° Enfin, l’établissement des Etats provinciaux chargés de toute l’administration intérieure des provinces, en particulier pour la Lorraine et le Barrois, l’établissement d’un seul corps d’état. Ces points fondamentaux sont puisés dans le résultat du conseil du 27 décembre dernier. Pour obtenir une constitution qui les aura pour base, nos députés demanderont l’exécution des promesses faites solennellement à la nation au nom du Roi, dans le même résultat. Nos députés réuniront tous leurs efforts pour assurer les droits de la province ; ils s’attacheront surtout à demander qu’elle soit remise dans le même état qu’elle était avant sa réunion à la monarchie; ils réclameront son ancienne constitution, le rétablissement de ses Etats, avec l’exercice de la plénitude de leurs pouvoirs, en apportant néanmoins au plan qui les organisera les modifications qu’exigent le changement des mœurs et Je progrès des lumières. Nos députés avant tout s’occuperont de faire régler ces objets importants. Ils auront sans cesse devant les yeux qu’ils sont moins appelés par la nation pour combler le déficit des finances, que pour lui rendre son antique et sage constitution ; en conséquence il leur est très-expressément défendu de consentir aucun impôt et de s’occuper même des détails particuliers de finances, qu’ils n’aient assuré nos droits d’une manière immuable, et nous déclarons que s'ils s’écartent en aucune manière de notre volonté, si clairement manifestée, nous les désavouons et les regardons comme indignes de nous représenter à l’avenir. Au surplus, nous leur donnons les pouvoirs les plus généraux et les plus illimités pour remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, rétablissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume, les biens de tous et chacun des sujets, ces pouvoirs n’avant d’autres modifications et restrictions que” celles ci-dessus exprimés, dont nous leur interdisons, absolument et sous quelque prétexte que ce soit, de s’écarter. Leur enjoignons aussi de respecter soigneusement le droit de propriété de tous et un chacun, et d’assurer une indemnité prompte, exacte et proportionnelle à tout citoyen que la réforme indispensable des abus de l’administration priverait de tout ou seulement de partie de sa propriété. Les pouvoirs que nous donnons à nos députés sont plus amplement détaillés dans les instructions ci-jointes, dont nous leur enjoignons de ne point s’écarter. Ces pouvoirs, que le tiers-ordre du bailliage donne à ses députés, ont été arrêtés dans une assemblée générale de l’ordre, tenue sous la présidence de M. Jean-Nicolas Barthélémy, assesseur civil et criminel audit bailliage , pour l’empêchement des premiers officiers, assisté du [Étals gèn. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 205 greffier en chef du même siège, secrétaire de l’ordre, en l’auditoire de la ville, aujourd’hui 19 mars 1789. : Très-humbles et très-respectueuses doléances qu’ont l’honneur de présenter à Sa Majesté, les gens du tiers-état du bailliage de Briey, en Lorraine. Sire, Vos fideles sujets, les gens du tiers-état du bailliage de Briey, en Lorraine, déposent aux .pieds de Votre Majesté, les témoignages les plus expressifs du respect, de l’amour et de la reconaissance dont ils sont pénétrés pour elle. Il leur est doux d’approcher du trône de Votre Majesté pour lui faire connaître les maux de tout genre qui les accablent : c’est à son cœur, au cœur du meilleur, du plus humain, du plus juste des rois qu’ils vont parler; ils sont sûrs d’être entendus et de recevoir des soulagements auxquels ils ont tant de droits. Sire, les gens du bailliage de Briey ont à offrir à Votre Majesté des doléances communes à tout le royaume, d’autres propres à la province de Lorraine, et les troisièmes enfin qui leur sont particulières. Les maux qui ont accablé la monarchie ont deux causes principales : le défaut d’une constitution assise sur des bases solides, et le désordre des finances. La première de ces causes, en laissant aux ministres la liberté d’enfreindre les lois, les a bientôt portés à substituer aux lois leurs volontés passagères; de là, Sire, il a résulté que tous les pouvoirs ont été méconnus, qu’aucun corps, qu’aucun particulier n’est resté dans les bornes de l’autorité qui lui appartenait légitimement, et que chacun cherchait à l’étendre au détriment de la liberté publique et du bonheur de la nation. Sire, les rois qui n’ont et ne peuvent avoir d’autre intérêt que celui d’être justes, doivent désirer d’être soumis à des lois fixes et permanentes, dont il leur soit impossible de s’écarter ; les ministres, au contraire, doivent désirer qu’il n’y ait pas de lois, pour régner par l’effet seul de leurs volontés. Si nous eussions eu des lois solides, une constitution bien établie, nous n’aurions pas vu successivement des ministres ignorants, pervers et déprédateurs, porteries atteintes les plus multipliées et les plus graves à toutes les propriétés ; nous ne les eussions pas vus mettre l'Etat en péril, en hasardant des opérations dont iis n’avaient pas calculé les suites; compromettre le commerce par des traités faits sans précaution; avilir la nation aux yeux de l’univers, en abandonnant des alliés qu’ils avaient entraînés dans le péril ; hasarder la fortune publique par des emprunts ruineux et mal combinés ; appauvrir l’Etat par des échanges désastreux ; se livrer à toutes les vexations, à tous les désordres auxquels n’est que trop porté celui qui peut tout faire, et courir le danger d’affaiblir les sentiments d’amour dont les Français sont pénétrés pour leurs rois, si les vertus de Votre Majesté, si son caractère franc et loyal n’avaient empêché un tel malheur. Sire, les secousses horribles que ces erreurs, ces attentats ont fait éprouver à la France, ont aussi porté le trouble dans nos chaumières; l’agriculture et le commerce languissent ; les fortunes naguère les plus solides ne paraissent plus assurées aujourd’hui et tous les ressorts de l’autorité étant rompus, tous les liens qui attachaient les hommes entre eux se dissolvent, et sans une régénération très-prompte, la France est perdue sans ressource. Le défaut de lois fixes, faites ou sanctionnées par la nation, est la cause de tous ces maux; quand un homme seul a le droit de faire céder à sa volonté les volontés de vingt-cinq millions de ses semblables, il est nécessaire qu’il s’égare, qu’on le trompe souvent, et que l’administration saps principes soit mobile et vacillante, comme le sont les personnes qui la conduisent, et qui ne semblent appelées à une place que pour Ja laisser bientôt à leurs successeurs. Aussi aucune nation n’a autant de lois que la nôtre, et nulle part elles ne sont moins observées; ce qui vient principalement de ce qu’étant l’ouvrage de la volonté arbitraire, elles ne sont pas établies sur des principes durables, et qu’elles n’inspirent ni confiance ni respect. Du défaut d’ordre dans les finances il n’a pas résulté de moindres maux. Les ministres étant maîtres de disposer à leur gré de toutes les sommes perçues sur vos peuples, ils les ont prodiguées à des protecteurs qui les maintenaient dans leurs places, à des protégés dont ils se faisaient un appui. La facilité d’imposer et de dépenser arbitrairement donnait sans cesse naissance à de nouveaux désirs qu’il fallait satisfaire. De là ces inventions fiscales si étrangement multipliées; de là des impôts de toute espèce établis sous toutes les formes ; de là, ces anticipations, ces emprunts, ressources funestes de la prodigalité la plus mal entendue ; de là ces codes fiscaux antinaturels et barbares, ces atteintes multipliées portées à la liberté des personnes et des biens, ces créations d’offices sans utilité comme sans objet autre que de procurer un accroissement à la somme àdépenser; cet établissement de charges qui confèrent la noblesse, abus honteux, avilissant également l’ordre duquel sort le pourvu de charge, et celui dans lequel il entre; de là les entraves multipliées mises à l’agriculture, au commerce et aux arts; de là enfin la ruine de vos sujets hors d’état de supporter de telles charges. De cette malheureuse facilité de dépenser sans frein et sans mesure, sont nées ces pensions énormes accordées à des gens qui n’ont pour les obtenir d’autres titres que leur hardiesse et leur importunité; ces places créées uniquement pour faire obtenir des grâces pécuniaires à ceux qui en sont revêtus ; ces profusions extravagantes dans tous les genres, qui, en développant, encourageant le luxe, entraînent la ruine des mœurs et de l’honnêteté publique. Sire, ces grandes et terribles vérités seront exposées à Votre Majesté par des hommes plus éloquents que nous, et qui en feront mieux connaître les détails ; mais nous osons croire que personne ne les sent plus profondément que nous, et ne désire plus fortement d’en pénétrer le cœur de Votre Majesté. Nous osons maintenant supplier Votre Majesté de nous permettre de lui parler un instant de notre province. La Lorraine a des droits précieux dont la conservation lui est bien chère,. et depuis 1737, époque de sa réunion à la France, ces droits n’ont cessé d’être attaqués. Hélas ! que sa situation est différente de ce qu’elle était sous le règne du duc Léopold, l’amour et le regret éternel des Lorrains ! C’est à vous, Sire, qu’il est donné de rappeler ces jours heureux et de faire cesser les atteintes portées à notre constitution. Nous allons en indiquer quelques-unes. 206 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] Avant 1737, nous avions une cour souveraine qui nous jugeait en dernier ressort; les demandes en cassation étaient rares, et se portaient à un conseil auquel chacun de nous pouvait aisément recourir; ce tribunal auguste maintenait les droits, les privilèges de la province, il éclairait le prince sur ses devoirs, le peuple sur ses intérêts ; le vain titre de parlement a remplacé celui de cour souveraine, et nos magistrats sont sans pouvoirs pour faire observer leurs arrêts; souvent iis sont cassés et leurs remontrances ont été presque toujours inutiles et sans effet. La chambre des comptes de Lorraine, autrefois cour des monnaies, a perdu cette partie de sa juridiction; et nos deux tribunaux souverains ont été dépouillés d’une portion notable de leur autorité, qui est passée dans les mains d’un commissaire départi, agent du ministre, appui nécessaire de la volonté arbitraire, odieux et suspect au peuple qui n’a que trop appris à redouter un tel régime. Les impôts se sont accrus dans une proportion effrayante depuis 1737. Des charges de toute espèce ont été créées. Les maîtrises de corps et métiers sont venues saper par les fondements notre industrie. L’impôt sur les cuirs a ruiné nos tanneries, branche considérable de notre commerce. Les jurés-priseurs ont porté l’effroi de la mori dans les campagnes; des armées de praticiens, des gens de justice les ont inondées. Les forêts ont été soumises à une administration immorale et vicieuse. Le tirage des milices a apporté parmi nous l’image terrible du despotisme le plus atroce. La perception, la recette de nos contributions se sont compliquées, et des frais énormes en ont absorbé une notable partie. La France devait payer nos dettes; non-seulement cette promesse n’a pas été observée, mais nous concourons à la liquidation des dettes contractées avant notre union et auxquelles nous sommes parfaitement étrangers. Nos routes sont soumises à une direction absolument opposée aux vues du bien public; nous avons payé des sommes énormes pour les entretenir, nous n’en avons reçu qu’une faible partie, et elles ne sont pas entretenues. Le prix du sel considérablement augmenté a rendu la contrebande plus active et plus funeste ; il a entraîné la ruine de notre bétail. Des essais, des projets de reculement des bar rières ont porté la crainte dans presque toutes nos maisons de commerce. Sire, ce tableau n’est pas exagéré; il est une peinture bien faible des griefs que la province de Lorraine a à présenter à Votre Majesté; et la nation ainsi traitée est cependant la plus généreuse, la plus fidèle, la plus attachée à ses maîtres. Ali ! Sire, que ne pouvez-vous parcourir nos campagnes ; c’est là que vous entendriez gémir, regretter ces temps fortunés dont, hélas ! il ne n ias reste que le souvenir ! Nous étions heureux et riches, sous un prince sensible et bon ; Sire, v ms avez l’âme de Léopold; ah! daignez nous rendre ce que les ministres du roi, votre auguste bisaïeul, ce que les vôtres ont osé nous arracher ; et, sans doute, Sire, ce n’est pas une grâce que nous demandons à Votre Majesté, c’est une justice qu’elle nous rendra en nous remettant dans l’exercice des droits que nous avions avant 1737, en nous plaçant dans la situation où nous étions à cette époque; c’est à Votre Majesté qu’il appartient de donner l’exemple du respect pour les traités; alors, Sire, que ne pouvez-vous pas exiger de nous? Pleins d’amour, de reconnaissance pour votre personne sacrée, il n’est rien que nous ne lui offrions, point de sacrifice que nous ne ferions! Et notre demande, nos justes et pressantes sollicitations n’ont pas pour objet d’obtenir la cessation des impôts établis depuis notre réunion à la monarchie, mais seulement le rétablissement de nos droits et de notre constitution. Nous l’obtiendrons de vous, Sire; nous nous abandonnons avec bien de la confiance à cette douce espérance. Votre Majesté, touchée de nos maux, a déjà voulu y porter remède, en établissant une assemblée provinciale ; mais ce corps sans pouvoirs, gêné dans toutes ses opérations par le commissaire départi, embarrassé par des formalités sans fin, n’a qu’une marche lente et pénible, et n’opère qu’infiniment peu de bien. Sire, on vient de mettre le comble à nos maux, en adoptant, pour la convocation des Etats généraux, la division de la province en trente-quatre bailliages dont chacun desquels se fait un cahier particulier. De cette manière le vœu de la province ne sera connu ni de Votre Majesté ni des Etats généraux. . Il peut se faire dans chaque bailliage un cahier par ordre, et alors, Sire, la Lorraine paraîtrait avec cent deux cahiers. Jamais mesure ne fut plus vicieuse; on nous traîne à Bar pour faire une assemblée de réduction qui devait se tenir à Nancy ou dans une ville du Barrois non-mouvant, jadis chef-lieu d’un bailliage immense. C’est entre les mains de Votre Majesté que nous osons déposer notre protestation contre cette forme, et nous la supplions de daigner consentir que nous nous réservions expressément tous nos droits. Qu’ajouterions nous, Sire, à cette peinture des maux de la nation, et de ceux de la province? Nous nous bornerons à dire qu’ils sont d’autant plus sensibles pour nous , que la partie de la Lorraine que nous habitons a, de tout temps, été singulièrement négligée par les administrateurs, à peine avons-nous les routes absolument indispensables, quoique notre canton paye proportionnellement au moins autant qu’aucun autre. Nous n’avons pu obtenir d’assemblée de district pour la ville de Briey, quoique nous l’ayons sollicité avec bien de l’instance ; jamais nous n’avons participé aux secours que donne quelquefois le gouvernement, jamais nous n’avons reçu la moindre influence bénigne. Votre Majesté cherche les remèdes à tant de maux, son cœur éprouve le besoin de faire des heureux ; Sire, c’est Votre Majesté elle-même qui nous les a indiqués, c’est dans le résultat de son conseil du 27 décembre que nous trouvons les principes sur lesquels doivent reposer le bonheur public et la prospérité nationale ; alors un ordre invariable établi dans toutes les parties de l’administration, les lois faites ou sanctionnées par la nation, les impôts librement accordés et répartis sur tous les citoyens en raison de leurs facultés, la liberté individuelle, la liberté civile assurées, la presse rendue libre, vos ministres rendus responsables de leurs actions, Sire, que manquera-t-il à votre gloire? Vous régnerez sur une nation libre, et le plus grand souverain de l’Europe sera aussi le plus puissant; il aura pour appuis, pour défenseurs le cœur et le zèle de ses sujets. Sire, vos fidèles sujets ne formeront plus qu’un vœu, c’est l’établissement des Etats provinciaux pour la Lorraine ; ils vous les demandent avec instance; daignez les leur accorder promptement, [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Dnc.] 207 les organiser d’une manière qui, en suivant les progrès des lumières, de la philosophie et de� la raison, s’accorde avec notre position, nos intérêts, et que ce mode d’organisation soit proposé par une assembleé composée des députés des trois ordres de la province librement élus. Sire, la prospérité publique est une dette du trône ; Votre Majesté l’acquittera avec honneur, mais la nation veut aujourd’hui tous ses droits, et vos ministres , s’il en était de pervers , essayeraient en vain de lui imposer le joug qu’elle a secoué pour jamais ; les jours de la paix et du bonheur approchent , la nation va se réunir à son roi -, ce grand monarque, tous les ordres, tous les citoyens de l’Etat, animés d’un même esprit, vont tous chercher le bien, le faire ; et la gloire éternelle que va mériter Votre Majesté la récompensera moins que les bénédictions du pauvre et le témoignage de son propre cœur. Nos députés ont charge spéciale d’offrir corps et biens à la patrie, à Votre Majesté ; nous leur avons confié nos pouvoirs dans la ferme confiance qu’ils en feront l’usage le plus utile à la nation et au monarque, et que le bien public sera la base de toutes leurs opérations. Telles sont les très-humbles et très-respectueuses doléances qu’ont l’honneur de vous adresser, Sire, De Votre Majesté, Les très-humbles , très-soumis et très-fidèles sujets, Les gens du tier§-état du bailliage de Briey. Instructions que le tiers-état du bailliage de Briey donne à ses députés aux Etats généraux. Il est interdit à nos députés de consentir aucun impôt, de s’occuper d’objets particuliers de finance, que préalablement ils n’aient obtenu du Roi une chartre qui assure d’une manière irrévocable les droits de la nation. Les points principaux de cette chartre doivent être : 1° Que nul Français n’est soumis qu’à la loi, et ne peut être jugé que par ses juges naturels et de territoire; en conséquence, la suppression de toutes lettres de cachet, actes d’emprisonnements arbitraires, exils prononcés illégalement et par la volonté seule des ministres, doit être définitivement et irrévocablement arrêtée ; 2° Tout homme arrêté en suite de la volonté des ministres doit être remis au plus tard dans les vingt-quatre heures à ses juges naturels, pour son procès lui être fait suivant les ordonnances du royaume. 3° Nous croyons que si, au mépris de cette disposition de la loi, un agent de l’autorité violait le droit sacré de la liberté d’un citoyen, le procureur général de la cour souveraine, dans le ressort duquel sera commis ce délit national, doit être chargé d’en rendre plainte à sa compagnie, et que le coupable doit être puni comme criminel de lèse-majesté; 4° Cette loi protectrice de la liberté individuelle ne nous parait devoir être jamais suspendue, même momentanément, que du consentement des Etats généraux et pour un délai très-bref. 5° Nous croyons que les maisons de force doivent être rasées, excepté celles que les Etats généraux croiront devoir laisser subsister comme maison de correction ou de réclusion, mais dans lesquelles nul mitoyen ne pourra être détenu que par sentence du juge. 6° Les députés réuniront tous leurs efforts pour que les Etats généraux anéantissent l’odieux préjugé qui entache d’infamie les membres d’une famille qui a eu le malheur de voir un des siens périr sous le glaive de la loi; ils s’attacheront d'autant plus à procurer à la nation ce grand bien, qu’en anéantissant cette idée barbare, ils ôteront aux agents de l’autorité arbitraire le prétexte le plus spécieux dont ils se soient jamais servis pour justifier les lettres de cachet; ils concevront aisément que le moyen le plus sûr pour parvenir à leur but, sera de faire régler que nul homme, de quelque classe qu’il soit , ne peut échapper aux poursuites rigoureuses du ministère public et aux peines édictées par la loi; ce préjugé n’ayant dû sa naissance qu’à l’orgueil des grands, ils seront alors les premiers intéressés à sa destruction. 7° Les évocations au conseil, cassations d’arrêts, lettres ou commissions particulières qui enlèvent les justiciables à leurs juges naturels, et qui tendent à soustraire les coupables au châtiment de leurs crimes, doivent être absolument proscrites. Il doit en être de même des lettres de surséance. 8° Les Etats généraux doivent être assemblés tous les quatre ans ; à la fin de leur assemblée, ils fixeront eux-mêmes le jour et le lieu de leur réunion prochaine. 9° Nulle loi générale ne pourra à l’avenir avoir son effet qu’elle n’ait été préalablement consentie par la nation assemblée aux Etats généraux libres et nombreux; il doit être fait mention de ce consentement dans le préambule de chaque loi générale, qui sera, pendant la tenue des Etats, adressée aux compagnies souveraines, qui seront obligées d’en ordonner purement et simplement la transcription sur leurs registres, sans pouvoir se permettre d’y apporter le moindre changement, mais qui demeureront comme par le passé chargées de leur dépôt et de les faire exécuter. 10° Iis insisteront fortement pour qu’il soit reconnu dans la forme la plus authentique que la nation seule a le droit de s’imposer elle-même, que nul emprunt n’est valable s’il n’est fait de son consentement, que nul impôt ne peut être perçu qu’il n’ait été librement et volontairement octroyé; les Etats généraux ne devant en consentir aucun que pour l’intervalle d’une assemblée à l’autre, au delà duquel terme si un agent de l’autorité se permet d’en proroger la perception, il doit être poursuivi par les procureurs généraux des compagnies souveraines et puni de mort. 11° Il sera établi dans chaque province des états particuliers composés de membres pris dans les trois ordres, dans la même proportion que les Etats généraux ; ces états seuls et exclusivement auront des commissions intermédiaires subsistantes ; ils seront chargés de l’administration intérieure, direction des revenus des municipalités des villes et des campagnes, sous l’inspection du roi et des Etats généraux, sans être soumis en aucune manière à celle des commissaires départis. 12° Ces états particuliers ne pourront dans aucune circonstance se permettre d’octroyer aucun impôt, à peine par les membres consentants d’en répondre en leur pur et privé nom, sur la dénonciation qui en sera faite aux tribunaux souverains par leurs successeurs ; mais ils seront chargés de les répartir suivant les formes adoptées par les Etats généraux. 13° Il y aura dans les commissions intermédiaires toujours subsistantes deux procureurs généraux syndics, chargés de veiller au maintien des privilèges de la province ; la moindre infrac- 208 [Étais gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ Bailliage tic Bai-le-Duc.j tion qui y sera faite, suffira pour donner l’éveil à leur zèle, les obliger à faire, d’après la décision des commissions, toutes démarches nécessaires pour constater le violement des droits qui leur sont confiés et obtenir le redressement de leurs griefs -, ils seront tenus de porter la dénomination des abus aux prochains Etats généraux, meme d’en poursuivre les auteurs par-devant les compagnies souveraines. 14° Nous ordonnons à nos députés d’insister très-fortement pour que ces Etats soient organisés de la manière qui convient le mieux aux différentes localités ; nous leur enjoignons en conséquence de demander qu’il soit formé une assemblée consultative des trois ordres de la province de Lorraine et Barrois, dans laquelle chaque canton aura une représentation proportionnée à sa population, où se proposera et se discutera le plan le plus conforme au vœu et à l’intérêt de tous. 15° Nos députés insisteront pour que les simples lois d’administration et de police soient adressées aux états provinciaux ou à leurs commissions intermédiaires, pour qu’il soit reconnu si elles ne contiennent rien de contraire aux droits et privilèges delà province; ces lois seront ensuite transmises par les Etats aux tribunaux souverains pour être enregistrées; nulle décision du conseil, donnée sous la forme d’arrêt, s’il n’est revêtu de lettres patentes soumises aux formalités indiquées, n’aura à l’avenir force de loi, et ne pourra à ce titre être envoyée aux commissaires départis, et par eux promulguée dans les provinces. 16° Nous croyons que les compagnies souveraines doivent néanmoins conserver le droit de faire au Roi des remontrances, toutes et quantes fois la constitution leur paraîtra en péril, ou môme quand elles auront lieu de craindre que l’on porte la moindre atteinte aux privilèges particuliers de leurs provinces et aux lois qu’elles sont chargées de faire exécuter. 17° Ils demanderont que les capitulations des provinces soient maintenues, et que leurs droits particuliers leur soient conservés dans toute leur intégrité. 18° Ils insisteront pour qu’il soit reconnu que les ministres sont responsables à la nation dans toutes les parties de leur administration ; en conséquence, les Etats généraux fixeront tels tribunaux souverains où leur procès sera fait, sur leur dénonciation seule, ou celle du Roi, exclusivement à tous autres. 19° Ils réuniront tous leurs efforts pour prononcer la liberté indéfinie de la presse avec l’abolition de la censure et de toutes les entraves qu’a pu y apporter l’autorité. Chaque imprimeur sera tenu de mettre son nom au bas de l’imprimé, et le ministère public sera chargé de poursuivre les auteurs, imprimeurs et colporteurs d’écrits contraires au respect dû à la religion, aux bonnes mœurs et à l’honneur individuel des citoyens, qui auront aussi le droit de poursuivre en ce qui les concerne. 20°" Enfin ils demanderont que la loi qui assurera nos droits, soit envoyée pendant la tenue des Etats généraux, et sitôt son obtention, à l’enregistrement des cours souveraines, qui' seront tenues d’y procéder sans délai, et de la faire passer incessamment aux juridictions inférieures; ils régleront que chaque année il en sera fait une lecture publique et solennelle dans chacune des juridictions supérieures et inférieures, et au prône de toutes les paroisses, afin que le peuple s’habitue dès son enfance à la connaître et à l’aimer. Ces objets réglés, nos représentants pourront s’occuper des subsides ; mais avant de les accorder, ils constateront sur pièces le montant juste, et sans la moindre équivoque, de la dette publique; ils auront grand soin d’observer que pour se procurer un état exact et détaillé de la véritable situation des finances, il est nécessaire qu’ils prennent connaissance des dépenses de tous les départements, et qu’avant de faire le tableau de comparaison de la recette et de la dépense, il faut soigneusement retrancher la dépense super-r flue, que la moindre économie ne doit pas leur paraître indigne de la majesté d’un grand empire, puisqu’il est reconnu que la multitude de ces petites dépenses inconsidérées, en grossissant la masse énorme du déficit, absorbe la substance du peuple, et qu’il est bien moins question d’égaler la recette à la dépense que de faire descem dre celle-ci au niveau de la recette. La dette publique reconnue et constatée, nos députés la déclareront dette nationale ; ils assureront les moyens d’en acquitter les rentes et de l’amortir. 11 paraît convenable que l’on fixe d’unemianiére précise la part de chaque province dans celte charge publique, en la proportionnant à l’étendue de son commerce, de son industrie, à la valeur et au rapport de ses fonds territoriaux et aux droits particuliers de chacune. Quoique la province de Lorraine et Barrois puisse bien et légitimement se dispenser de consentir à la liquidation entière des dettes de l’Etat, puisqu’elles ont été faites pour la plupart, avant sa réunion à la monarchie, l’assemblée croit devoir persévérer constamment dans les sentiments de patriotisme qui animent tous les habitants de la province; elle ne doit pas s’occuper d’intérêts privés qui l’éloignent de la chose publique; elle pense que les députés doivent offrir généreusement et pour le salut de la patrie, le sacrifice du privilège particulier de la province; mais ils sentiront que cette contribution doit être libre, et ne peut avoir lieu qu’autant que la nation pourra parvenir à avoir une constitution stable et permanente, dont les avantages généraux indemnisent du sacrifice des privilèges locaux et isolés, et qu’autant que la province elle-même obtiendra sa constitution particulière. Nos députés s’occuperont à régler les dépenses de chaque département, d’une manière invariable, et avec détail, mais surtout d’après les principes rigoureux qui doivent guider les administrateurs de la fortune publique. Ils feront ordonner la publication annuelle des états de recette et de dépense. Ils demanderont qu’il soit établi un fonds particulier pour les pensions; que la même personne, quoique occupée dans divers départements, ne puisse en obtenir deux; que tous les ans la liste de ceux qui en auront obtenu soit rendue publique par la voie de l’impression, avec énonciation des motifs qui l’auront fait obtenir. Les personnes qui auront obtenu part dans les fonds réservés à Sa Majesté pour satisfaire ses goûts particuliers de bienfaisance et d’humanité, ne seront point comprises dans cette disposition, et les ministres ne pourront jamais être comptables à la nation de remploi de ces fonds. Ils demanderont qu’il ne soit accordé aucune pension aux ministres quittant l’administration, comme étant indignes de toute récompense s’ils ont malversé, et suffisamment récompensés par l’opinion publique s’ils ont bien mérité de la patrie. . [États gén. 1T89. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Bailliage de Bar-Ie-Duc.] 209 Ils exigeront la reddition publique des comptes à chaque tenue des Etats, et sur les pièces justificatives, dans lesquels comptes il ne sera passé aucune somme sous le nom de dépense secrète, la nation ayant le droit d’exiger la connaissance de l’état de ses finances, et l’emploi d’aucune partie ne devant être secret pour elle. Ils feront prononcer la suppression des impôts distinctifs des ordres, et leur remplacement par des subsides consentis parles trois ordres, et supportés indistinctement par tous les citoyens, sans égard aux privilèges et en porportion des richesses mobilières, immobilières, industrielles et commerciales, en préférant toujours celles qui porteront principalement sur les objets de luxe. Ces différents articles réglés, nos représentants offriront au roi et à la patrie corps et biens; ils consentiront pour nous à l’octroi de tous subsides qu’ils jugeront nécessaires au bien réel et indispensable de l’Etat, à la splendeur du trône, au bonheur particulier de Sa Majesté, aux goûts de bienfaisance si chers à son cœur, et à la gloire d’une grande nation; mais ils adopteront les taxes les moins nombreuses, et le mode de perception qui sera le moins coûteux et le moins contraire à la liberté nationale et individuelle. Nos députés ne consentiront aucun impôt ou emprunt que l’affectation et l’hypothèque n’en soient clairement déterminées et vérifiées, cette disposition ayant principalement pour but d’empêcher que les fonds ne soient détournés de leur véritable destination et employés à de vaines dépenses et de folles prodigalités et devant surtout favoriser beaucoup la comptabilité. Pour l’entretien et la confection des routes, ils préféreront, s’il est possible, et convenable à la situation particulière de la province, à tout autre impôt, celui qui se percevrait à des barrières placées de distance en distance, et qui serait payé à raison du nombre de chevaux attelés aux voitures qui les parcourraient, cet impôt ayant le double avantage d’atteindre aux individus de tous les ordres, et de n’être supporté que par ceux qui contribuent le plus à la détérioration des routes. Les détails particuliers et relatifs à ce mode d’imposition et les modifications locales qu’il conviendrait d’y apporter , seront confiés aux états provinciaux, qui seront chargés de la perception, direction et emploi des fonds. Ils auront attention que la province paye pour les ouvrages d’art, la somme de 100,000 livres, et qu’il n’y en a que 49 d’employés véritablement à cette destination, partie du ‘surplus restant à Paris pour les frais d’administration générale, et partie servant en province aux salaires et aux gratifications des officiers, ingénieurs; que ce corps est mal constitué, qu’il se ressent du vice qui infecte tout corps exclusif et qui éteint l’émulation. llssolliciterontlasuppression des grandes places de finance, notamment celles des receveurs généraux en général; ils chercheront à mettre dans la perception! et le recouvrement des finances de l’Etat l’économie la plus stricte, l’ordre le plus simple et celui qui facilite une comptabilité lumineuse ; ils s’attacheront en conséquence à régler autant que possible le nombre et les frais des recettes. Ils s’occuperont des moyens de substituer aux fermes générales, des régies simples, soumises à l’inspection et à la direction des états provinciaux, ils les organiseront de manière que les personnes qui y seront employées ne puissent y 4re Série, T. II. amasser de ces fortunes scandaleuses justement reprochées aux gens de finance. Si l’exécution de l’article précédent rencontre des difficultés imprévues, et qu’il ne soit pas possible, conformément au vœu de tout bon citoyen et de tout ami de l’humanité, de supprimer jusqu’au nom même des fermes générales et des grandes compagnies de finance, ils s’occuperont au moins essentiellement à réduire le prix du sel à un taux uniforme par toute la France; ce règlement devant prévenir la contrebande, ce taux doit être moins disproportionné qu’il ne l’est dans cette province à la misère excessive des habitants des campagnes, qui ne peuvent s’en procurer, ni pour eux, ni pour leurs bestiaux, auxquels cette denrée est nécessaire. Dans la supposition prévue dans l’article précédent, toutes peines afflictives contre les contrebandiers, prononcées par les ordonnances anciennes et nouvelles, seront abolies : il serait extrêmement inhumain de laisser subsister dans notre Gode pénal une disproportion si barbare entre le délit et la peine. Ils feront régler qu’au cas où, contrairement au vœu universel, les fermiers généraux seraient maintenus, ils ne pourront plus faire exécuter de règlement qui ne soit librement homologué dans les tribunaux supérieurs; qu’il leur sera fait défense de lever aucun droit sous prétexte d’arrêts du conseil non enregistrés, de lettres-circulaires adressées par eux à leurs receveurs particuliers ; étant justifié que par de semblables manœuvres, toujours clandestines, ils ont forcé considérablement la recette à leur profit seul dans cette province ; en cas de contestation, la difficulté doit être portée aux bailliages, et de là aux tribunaux souverains, où elles seront jugées sans appel ultérieur. Ils insisteront pour que la connaissance de toutes matières fiscales soient ôtées aux commissaires départis et attribuées aux Etats provinciaux. Les approvisionnements militaires, de quelque nature qu’ils puissent être, ne doivent être faits à l’avenir que sous la direction et l’inspection des Etats provinciaux, qui dirigeront eux-mêmes, ou leurs commissaires, tous les traités et veilleront à leur exécution ; ces corps nationaux devant y apporter une économie inconnue jusqu’à présent et faire cesser les monopoles, malversations et déprédations scandaleuses des entrepreneurs et munitionnaires nommés ci-devant par les agents de l’autorité. Ils demanderont la suppression des banalités de fours, pressoirs et moulins , mais néanmoins avec les égards dus aux propriétés, en sorte que les usines sujettes à banalité ne puissent être détruites que du consentement des propriétaires ; qu’il soit fait défenses à tous particuliers d’en construire d’autres dans l’enclave des banalités, mais que seulement les baniers soient affranchis de l’obligation d’aller en tel et tel lieu en particulier, la concurrence devant procurer au public un meilleur service. Les entraves mises au commerce et à l’industrie doivent être détruites ; l’impôt odieux connu sous le nom d 'industrie supprimé, comme tendant à détruire ce que le gouvernement devrait favoriser par tous moyens, les jurandes abolies, ainsi que les privilèges exclusifs, de quelle nature qu’ils puissent être, la concurrence devant produire l’émulation , les richesses ou la faculté d’acquitter les droits de jurandes ne prouvant nullement le talent de ceux qui veulent y être 14 210 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc. admis ; le commerce et les arts ne pouvant fleurir qu’à l’aide de la plus grande liberté. Les députés concevront facilement que l’une des plus graves erreurs que l’on puisse commettre en administration est de tolérer la sortie du numéraire, sans rien recevoir eu échange qui indemnise de cette perte ; ils s’attacheront en conséquence à faire régler qu’à l’avenir les résignations seront valablement faites entre les mains des ordinaires, auxquels seuls, et dans tous les cas, il sera nécessaire de s’adresser pour obtenir des dispenses ; ils feront prononcer la suppression des annates et de tous droits à payer a la cour de Rome, quelles dénominations ils puissent avoir. Une des plus grandes sources de la misère des campagnes, étant l’extrême population des capitales et le défaut de circulation du numéraire, ils s’attacheront à faire ordonner que les évêques, les gouverneurs, et généralement tous ceux qui occupent de grandes places dans les provinces seront tenus d’y résider au moins neuf mois par année. La loi qui le réglera ainsi prononcera des peines sévères contre les délinquants; l’ordre sera si clairement prononcé qu’il ne restera aucun prétexte pour l’éluder. Cette disposition procurera aux provinces l’avantage inappréciable de consommer dans leur sein une grande partie de leurs revenus territoriaux. L’esprit de lumière et de patriotisme qui anime le haut clergé et dont il a donné dans les derniers troubles des exemples si mémorables, est un garant sûr qu’il ne s’opposera point à la résidence des évêques dans leurs diocèses ; ils savent assez que cette résidence est établie par une foule de lois civiques et canoniques ; mais c’est à leur zèle vraiment pastoral que l’on aime à s’adresser, et ce zèle en aurait plus d’occasion de s’épancher dans leur diocèse, pour le bien spirituel et temporel de l’humanité : on l’a vu dans tous les temps, et surtout dans ce désastreux hiver. C’est à la résidence, au moins en partie, que l’on doit ces exemples de charité si dignes de leur ministère, si capables de raffermir la religion, et qui ont conservé chaque jour à l’Etat des milliers d’infortunés. Les députés demanderont que, conformément aux canons, un ecclésiastique ne puisse posséder deux bénéfices à la fois, à peine d’être poursuivi par le ministère public, pour être forcé d’opter; les revenus perçus indûment devant être applicables aux pauvres, à moins que lesdits bénéfices réunis ne forment une somme au-dessous de douze cents livres. Us demanderont que les abbayes en commende ne soient plus à l’avenir conférées à des titulaires ; mais que les revenus qui en dépendent soient perçus par les provinces dans l’enclave desquelles elles sont situées, et qu’ils servent à l’acquittement de leurs charges. Ils insisteront pour que les bénéfices de chaque province ne soient plus à l’avenir conférés qu’à des habitants des diocèses où ils sont situés, et les cures surtout à des prêtres séculiers. Ils aviseront au moyen d’établir dans les campagnes un nombre suffisant d’ecclésiastiques pour desservir les paroisses. Us chercheront à améliorer le sort du clergé de second ordre. Us demanderont que les domaines du Souverain soient déclarés inaliénables, qu’ils ne soient plus laissés à bail, ni en régie générale, mais que les Etats provinciaux députent un ou deux commissaires, dans chaque bailliage, pour les laisser à bail en détail pour neuf années, et que le prix des baux soit versé dans la caisse des Etats, qui les feront passer directement, et sans frais, au trésor royal. Si l’exécution de cet article ne pouvait avoir lieu, les députés insisteront formellement pour que le prix provenant de la vente des domaines en Lorraine ne soit employé qu’à l’acquittement de partie de la portion de la dette publique mise à la charge de la province. Us demanderont néanmoins, dans tous les cas, la vente des usines domaniales dont le rapport n’est nullement proportionné aux frais d’entretien, mais il excepteront les forges de cette disposition. Si on leur proposait de retirer les domaines ou d’augmenter les cens qui en sont le prix, nos députés feraient valoir les raisons qui rendent cette opération injuste et ruineuse pour la province ; elle apporterait le trouble dans un grand nombre de familles, et donnerait atteinte à des propriétés acquises , surtout à la noblesse, par une longue prescription, par des services généreux rendus à la patrie, et confirmés par des lois librement vérifiées par les cours. L’ordre du tiers aime à donner à la noblesse ce témoignage de son attachement, pour le convaincre qu’il n’aura jamais d’autre intérêt que l’intérêt général, et dans la ferme persuasion que l’ordre de la noblesse n’est composé que de citoyens animés du même esprit. Si le respect pour le droit de propriété a porté l’assemblée à charger ses députés de s’opposer à ce que les anciens propriétaires ou censitaires de biens domaniaux fussent inquiétés, elle est loin d’adopter la même mesure pour les déprédateurs qui récemment les ont audacieusement envahis à titre d’échange ou d’acquisition. Les députés réclameront contre ces envahissements; ils apporteront surtout les plus grands efforts pour que les échanges du comté de Sancerre soient vérifiés avec un très-grand soin et qu’il soit incessamment prononcé par une commission nommée par les Etats généraux sur la réclamation particulière de la ville de Saint-Mihiel sur cet échange. Pour donner à l’antique noblesse l’honneur, l’appui et l’amour de la province, un témoignage encore plus caractérisé de son estime, le tiers charge formellement ses députés de solliciter avec instance la suppression actuelle des charges qui donnent la noblesse, et de faire statuer qu’à l’avenir elle ne pourra être que le prix des services éclatants rendus à la patrie. Les députés insisteront pour que les lois portant création d’officiers municipaux soient abolies, le droit d’élection rendu aux villes; les officiers ne pourront rester en place plus de trois ans, à moins qu’ils ne soient appelés par le vœu de leurs concitoyens exprimé à la fin des trois années, dans une nouvelle élection ; les lieutenants de police seuls, à raison de l’importance de leurs fonctions et de la difficulté de se familiariser avec les détails, seront en fonctions pendant six ans et recevront un traitement pécuniaire; il en sera de même à l’égard des receveurs et des greffiers pour le traitement, mais non par rapport au temps de leur exercice. Les officiers actuellement pourvus en finance demeureront en exercice jusqu’à leur mort, temps auquel il sera procédé à la liquidation do leur office dont la finance sera remboursée à leurs héritiers. Ces commissions seront déclarées charges publiques et nul citoyen, de quel ordre qu’il soit, ne pourra se refuser à l’honorable choix de ses concitoyens; ce choix ne pourra avoir lieu [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] 211 que dans la classe des plus notables habitants des villes. - On s’occupera dans les Etats provinciaux à dresser un code de police court et clair ; tous les cas y seront prévus d’une manière précise ; la connaissance exclusive en sera attribuée aux officiers municipaux et de police, qui jugeront sans appel des contestations. Ces officiers rendront annuellement un compte public de leur gestion, appuyé de pièces justificatives, à six notables habitants choisis à la pluralité des voix dans une assemblée générale et sans la participation desquels ils ne pourront arrêter de dépenses considérables ni entreprendre d’affaires importantes. L’agriculture étant la source principale, peut-être même unique de la prospérité du royaume, il importe infiniment à l’administration de la soutenir et de l’encourager, surtout à ces malheureuses époques où le luxe qui ne devrait être qu’un accessoire est devenu l’objet principal et enlève à la terre beaucoup plus qu’il ne lui rend. Telle est notre situation actuelle, tout retentit en France, et surtout en Lorraine, de la décadence de l’agriculture ; on n’entend parler dans les tribunaux que de fermiers ruinés, renouvelés fréquemment et sans aucun avantage pour les propriétaires ; le mal est ancien, il presse, il a ses redoublements, mais il n'est pas sans remède. Sans prétendre les indiquer tous, les députés demanderont seulement que les laboureurs soient soulagés d’abord d’une partie de leurs impositions proportionnelle au surcroît qui résultera de l’abolition des privilèges pécuniaires; que cette classe soit honorée ; que les terres soient affranchies autant que possibledu fardeau des droits domaniaux et seigneuriaux, sans néanmoins attenter aux droits de propriété ; ils demanderont une exportation raisonnée, l’encouragement aux prairies artificielles, des facilités pour la réunion des parties d’héritages ; que l’ouverture des chasses soit reculée jusqu’au 1er septembre; la construction de nouvelles routes et de chemins vicinaux, la réforme des abus qui naissent du droit de châ-trerie ; tels sont les ressorts qui remonteraient l’agriculture et sur lesquels toutes les voix ont semblé se réunir. Les Etats provinciaux donneront à ces moyens tout le développement et l’exécution dont ils sont susceptibles ; ils seront chargés d’examiner si le partage des communes, l’abolition du parcours réciproque sont nuisibles ou avantageux en général , et quelles seraient en les adoptant les modifications locales à y apporter ; ces corps regarderont comme un de leurs devoirs principaux, d’encourager l’agriculture, par tous les moyens qui seront en leur pouvoir. Les députés solliciteront l’exécution des ordonnances rendues au sujet des colombiers. L’ordre du tiers espère que les propriétaires de fiefs aimeront à donner les premiers l’exemple du respect pour les propriétés générales en diminuant le nombre des pigeons et en les tenant enfermés pendant le temps des semailles et des récoltes. Les députés sentiront que le commerce est, après l’agriculture, l’objet le plus digne de la considération des Etats généraux; il s’occuperont donc à le faire fleurir, à le débarrasser des entraves intérieures et extérieures de tous genres, qui le retardent et le font languir. Pour simplifier chaque branche d’administration et en ôter toute entrave, on doit établir dans chaque bailliage une caisse pour y verser les revenus patrimoniaux des villes et villages situés dans l’arrondissement, et qui serviront à acquitter leurs charges. Les Etats provinciaux fixeront la dépense annuelle à faire par chaque communauté; d’après cette fixation le receveur sera autorisé à payer sans être obligé de solliciter des autorisations de trois mois en trois mois, pour des traités déjà agréés, comme cela se pratique à présent ; ce qui occasionne une infinité de démarches dispendieuses et beaucoup de retard. Ces revenus actuels acquittés, s’il reste quelque chose en caisse, le fonds sera placé sous la direction des Etats provinciaux et prêté, à un taux modique, à des cultivateurs peu aisés qui donneront des sûretés, ou bien employé à des achats de grains qui préviendront le haut prix dans les temps de disette, et feront cesser les monopoles qui sont la ruffip des peuples. Les bénéfices résultant de ce placement de capitaux, appartiendront de droit aux communautés. Les députés sont invités à s’occuper de l’exécution de ce projet, qui pourrait rendre une nouvelle vie à l’agriculture et aux arts, en faisant cesser l’usure, et mettant en circulation dans la province un grand numéraire; ils sont chargés expressément de travailler à rappeler incessamment dans la caisse respective de chaque bailliage les fonds versés par les différentes communautés dans la caisse des domaines. Les Etats généraux travailleront à la réforme des mœurs; ils concevront que le moyen le plu3 sûr d’y parvenir est de mieux diriger l’éducation publique; ils s’occuperont à en dresser un cours détaillé dans lequel la morale sera plus étendue que de coutume, mieux dirigée vers l’amour général des hommes et de la patrie, la simplicité des mœurs et l’économie domestique; on y fera même entrer quelques grands intérêts de la nation; enfin, qu’à l’exemple des anciens, le gouvernement fasse de l’éducation un des principaux objets de sa sollicitude; que les Etats généraux proposent des distinctions honorables et une statue publique pour l’auteur du meilleur traité en ce genre. Ils s’occuperont aussi à mieux régler les études de droit; ils demanderont que personne ne puisse être reçu avocat dans un Parlement, qu’aupara-vant il n’ait fréquenté assidûment et pendant deux années les écoles : dans la première on y enseignera le droit romain ; dans la seconde, le droit français et coutumier. Nul candidat ne sera admis qu’après avoir été examiné publiquement en présence de deux commissaires des premiers tribunaux des lieux où sont établies les universités; la résidence sera de rigueur, et le temps des vacances pendant toute l’annéene pourra être plus long que de deux mois. Les députés demanderont l’exécution des anciens canons au sujet de la discipline ecclésiastique; ils exprimeront d’une manière énergique la nécessité de rappeler les clercs à une vie exemplaire. Ils feront prononcer la suppression des enrôlement forcés delà milice, cet impôt d’hommes caractérisant d’une manière énergique la servitude civile et politique, étant d’ailleurs un des plus grands fléaux de l’agriculture et la source d’une multitude d’abus, de vexations, de malversations dans tous les genres. Quand les Etats généraux s’occuperont de la réforme du militaire, les députés auront soin de prendre en considération qu’il ne faut rien sacrifier à un vain éclat qui indispose les puissances voisines , mais qu’il faut s’attacher à donner à ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 212 [Étais géo. 1789. Cahiers ] [Bailliage de Bar-Ie-Due.] l’Etat une grande consistance; ils sentiront qu’un militaire peu nombreux, mais patriote et bien composé, dans lequel l’honneur, plus que l’argent, sera le prix des services, rendra toujours la France la première puissance de l’Europe, et qu’une armée trop considérable n’est propre qu’à donner l’éveil à l’ennemi, à effrayer la liberté, et tenir les peuples sous le joug du despotisme. Les députés, après avoir obtenu la confirmation des capitulations et des privilèges des provinces en général, s’occuperont de la Lorraine en particulier; en conséquence, ils insisteront à ce que, conformément au traité de Vienne, la province de Lorraine et Barrois fasse toujours un gouvernement séparé ; ils s’opposeront avec force à la désunion d’aucune des parties qui la composent, et à l’incorporation de cette province ou de ses parties aux provinces voisines. Ils voteront contre le reculement des barrières et feront statuer qu’à l’avenir comme d’ancienneté, la province de Lorraine et Barrois doit être réputée province étrangère; ils conserveront soigneusement ce privilège comme étant un des plus précieux à la province, et ne perdront jamais de vue que les gens les plus sages, les commerçants les plus éclairés, les membres de son administration provinciale en général, les meilleurs citoyens de la province , n’ont envisagé le reculement des barrières que comme une opération désastreuse, destructive de son commerce et de toute industrie; mais ils affranchiront le commerce intérieur des entraves résultant de la foraine, cet impôt étant à peu près arbitraire, d’un faible rapport, d’une perception gênante, difficile et coûteuse; l’impôt mis sur les cuirs ; la chute des tanneries, qui en a été la suite immédiate, n’a que trop appris à la province combien elle devait craindre le tarif ; ils demanderont la suppression des droits mis sur les fers, papiers et cartons. Ils demanderont la conservation de nos coutumes, de notre législation particulière et de nos usages en matière ecclésiastique, la réforme des abus qui ont pu se glisser dans l’administration de la justice civile; l’abrégement des formes, la diminution des frais, notamment des opérations tutélaires. Us examineront s’il ne serait pas expédient d’empêcher qu’à l’avenir les juges ne puissent régler eux-mêmes leurs vacations, et s’il ne devrait pas leur être attribué un traitement fixe et annuel. Ils solliciteront la réforme du Gode criminel, ils demanderont qu’il soit accordé un conseil aux accusés, que ceux-ci soient affranchis de l’obligation de prêter serment devant les juges, la suppression indéfinie de la question, l’établissement d’un code pénal qui gradue exactement les crimes et les peines dans une juste proportion, l’établissement de nouvelles lois qui n’avilissent pas la nature humaine comme les anciennes, et qui fassent disparaître les distinctions humiliantes et odieuses de peines qui existaient entre les différentes classes de citoyens. Ils demanderont la suppression de l’impôt de 3 livres par muid, établi au profit de la ville de Metz par arrêt du conseil du 11 juillet 1758, sur les vins de Lorraine qui entrent sur le territoire de la ville de Metz, le pays messin et la terre de Porze, et tous droits perçus sur les mêmes vins passant dans le Verdunois, les productions réciproques des Evêchés et de la Lorraine, comme celles de toutes les provinces réputées étrangères, devant être mutuellement affranchies de droits, au profit les unes des autres, et devant rester entre elles sur le pied d’une égalité parfaite. Ils demanderont la suppression des jurés-pri-seurs vendeurs de meubles , mais ils feront prononcer le remboursement prompt et effectif des finances, ce qui pourrait s’opérer sans mettre de nouvelles charges sur le peuple, d’après le projet suivant que l’on soumet aux lumières des députés. Les choses remises sur l’ancien pied, les nouveaux droits introduits en faveur de ces officiers supprimés, on pourrait sans inconvénient porter jusqu’à six ou huit deniers pour livre l’impôt de quatre deniers mis sur les ventes de meubles ; les quatre deniers serviraient à acquitter la rente du fonds que la province serait forcée d’emprunter pour le remboursement de ces finances, et l’excédant à amortir; cette augmentation d’impôt ne paraît pas devoir rencontrer de contradicteurs, car il est très-sûr que les frais de vente seraient plutôt diminués qu’augmentés; l’opération projetée aurait le double avantage de produire l’extinction d’un impôt envisagé jusqu’ici comme perpétuel, et d'opérer la suppression qui est unanimement désirée, et qui a déjà été prononcée par une loi que le Parlement de Paris a refusé d’enregistrer par rapport à l’incertitude du remboursement des titulaires. Les députés s’occuperont aussi des moyens de remédier aux abus de l’administration et de l’aménagement des forêts; ceux qui se présentent d’abord sont d’augmenter le salaire des gardes et de les rendre responsables des délits. De faire cesser la petite chasse, qui ouvre une multitude de tranchées dans les forets. D’établir une proportion plus exacte entre les peines et les délits, proportion qu’ont fait disparaître l’augmentation du numéraire et le haut prix du bois. La nécessité d’enjoindre aux officiers des maîtrises de prononcer les amendes à la rigueur, au procureur du roi de poursuivre les délinquants solvables ou non, et de mettre à exécution les peines prononcées, à peine d’en répondre personnellement. Pour la facilité de l’exécution de cette disposition, ils ne seraient plus obligés de recourir à l’avenir aux juges des tribunaux étrangers pour obtenir pareaiis, le visa seul du maire devant leur suffire. La réforme du règlement général de 1707, des lois subséquentes et de l’aménagement qui y est prescrit, les coupes ne devant plus se faire à l’avenir qu’en jardinant, c’est-à-dire en coupant par arpent seulement les arbres les plus viciés qui nuisent à l’accroissement des autres. Enfin, les députés sont invités à examiner s’il ne serait pas possible d’ôter aux officiers de maîtrise l’intérêt que le régime actuel auquel ils sont soumis les met dans le cas de prendre à des coupes peu conformes aux ordonnances, qui, en augmentant les ventes , augmentent aussi leur honoraire, et si l’on ne parviendrait pas à la plus grande perfection de l’ordre, en leur faisant trouver leur intérêt pécuniaire, ainsi que leur plus grande considération personnelle, au meilleur entretien des forêts ; mais dans cet objet d’administration, comme dans tous les autres, il leur est enjoint très -expressément d’apporter les plus grands égards à la conservation du droit de propriété des officiers; ils concevront que l’existence d’un corps d’administrateurs en finance, par là même intéressés à la chose, est nécessaire pour la conservation des forêts ; qu’il est important que ces administrateurs soient honorés du titre et des fonctions de magistrats, qui les forcent à avoir une plus grande rigidité de principes ; qu’ils sont [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Due.J 213 d’ailleurs plus à même que personne de remplir ces fonctions relatives au détail et aux différentes localités d’une administration qui est leur état principal. Enfin, si à l’ordre actuel on doit en substituer un autre et soumettre les officiers de maîtrise à un nouveau régime, les députés examineront avec le plus grand soin s’ils ne seraient pas exposés à voir diminuer leurs honoraires ordinaires, auquel cas il sera pourvu par un traitement pécuniaire annuel à une indemnité juste et exactement proportionnelle à leur perte. Quel que soit le régime qu’on adopte pour l’administration et l’aménagement des forêts, ils solliciteront avec la plus vive instance pour que les délivrances annuelles des affouages des communautés ne soient plus marquées par les officiers des maîtrises, attendu que cette opération très-dispendieuse est sans utilité, puisque les coupes sont séparées par des tranchées. Les députés demanderont que les Etats généraux chargent les Etats provinciaux d’examiner soigneusement s’il ne serait pas expédient de réduire le nombre des usines à feu pour diminuer le prix du bois. Ils solliciteront une loi qui ordonne que les chasses domaniales soient laissées à prix d’argent et à vie, à charge néanmoins que le prix provenant de cette laisse à bail sera versé dans la caisse de la province et employé à l’acquittement de ses charges. Après s’être livrés à l’examen de ces grands objets, lès représentants du tiers ordre pensent qu’un petit retour sur eux-mêmes ne leur est pas interdit; ils invitent donc les députés, au casque les Etats généraux s’occupent de changement dans les arrondissements ou l’ordre des juridictions, de faire observer qu’il n’est point ou peu de villes en Lorraine qui aient droit plus que Briey à conserver une juridiction dans son sein; que sa position topographique, l’étendue de son siège, le grand nombre de communautés qui y sont attachées, leur population qui se porte à 25,000 âmes, tout se réunit pour assurer à la ville ce droit précieux dont la suppression causerait un préjudice notable aux justiciables, qui ne pourraient aller réclamer ou soutenir à grands frais, et à des distances trop grandes du lieu de leur établissement, et qui souffrent depuis longtemps de la privation d’une administration locale. Si les députés pensent que les grands objets d’administration et de finance qui doivent occuper les Etats généraux ne leur permettent pas de se livrer en détail à la réforme des abus que l’on vient d’indiquer, ils sont chargés de demander une nouvelle assemblée de la nation d’ici à deux ans, dans l’intervalle de laquelle le Roi nommera des commissions particulières et relatives à chaque objet de réforme, composées de citoyens les plus notables des trois ordres qui seront appelés à cet honorable choix par l’opinion publique, lesquels feront leur, rapport à rassemblée qui y statuera ; les Etats provinciaux étant incessamment en activité, porteront à l’assemblée le vœu particulier de la province pour le perfectionnement de l’ordre intérieur dans toutes les parties, et pour les grands objets de l’administration publique; c’est la voie même que le tiers ordre se réserve de prendre pour occuper les Etats généraux d’objets dont le temps et les circonstances n’ont pas permis le développement. Le tiers s’en rapporte à l’âme et à la conscience des députés pour tout ce qui n’est point prévu aux instructions contenues ci-dessus ; il n’entend limiter les pouvoirs qu’en ce qui est formellement exprimé. 11 serait à désirer que chacun des bailliages qui se réuniront à Bar, donnât pouvoir à ses représentants de réunir tous les cahiers particuliers en un seul, pour donner plus d’ensemble, de force et d’énergie aux réclamations de la province ; mais il est à craindre que cette idée de bien public ne soit contrariée par des vues d’intérêt particulier; en tout cas, s’il est possible que ce projet ait son exécution, les députés y adhéreront pour le Tiers du bailliage et en son nom. Les Etats généraux s’occuperont à réformer les abus qu’ils auront rencontré dans les lettres de convocation, leur forme, leur adresse, les différentes assemblées graduelles; ils s’efforceront d’organiser ces assemblées nationales d’une manière convenable à la majesté de la nation et dans une forme propre à inspirer la confiance publique. Ils feront valoir les réclamations du tiers contre la forme vicieuse de convocation adoptée pour la Lorraine, mais notamment pour le Barrois mouvant et non mouvant; ils exprimeront son vœu en cas qu’une convocation à peu près pareille serait jamais adoptée, pour que tous les bailliages formant le Barrois non mouvant se réunissent à Saint-Mihiel et non à Bar; en général ils s’opposeront par tous les moyens à la désunion des duchés formant la province, cette désunion ne pouvant qu’être funeste à tous deux, et profitable à aucun. 11 semble que l’on devrait adopter la forme de convocation et de députation qui contribuerait le plus à exprimer le vœu uniforme de la province assemblée en Etats, en laissant néanmoins à tous les individus qui la composent une influence raisonnable sur les suffrages et la rédaction des cahiers. Les députés du bailliage se tiendront unis avec les autres députés de la province, et chercheront, autant que possible à ne former que des vœux communs, et dès lors plus faciles à être admis par la combinaison et la réunion des efforts particuliers. Il leur est défendu d’entretenir avec les ministres et les agents de l’autorité d’autres relations que celles nécessitées par les circonstances et le traitement des affaires soumises à leur décision. La justice, la raison prescrivent également qu’aux Etats généraux on opine par ordres réunis, et que les voix se comptent par tête, et les députés y insisteront formellement. Néanmoins, si, contrairement à ce vœu, il venait à être réglé qu’on opinera par ordre, et que les voix ne se comptent que par tête, il. leur est enjoint de faire statuer que le concours unanime des trois ordres est nécessaire pour faire une délibération, en sorte que aucun des trois ordres ne puisse lier les autres que de leur consentement. Les députés auront sans cesse devant les yeux que le vrai, le seul moyen d’opérer le bien, est l’union entre les ordres. Ils s’occuperont en conséquence à la faire régner; ils emploieront, pour procurer ce bien si désirable, tous les moyens compatibles avec la dignité de l’ordre qu’iïs ont l’honneur de représenter. Ils s’opposeront, et cela leur est ordonné expressément, aux formes avilissantes qui ont distingué le Tiers dans les Etats généraux précédents. Il leur est ordonné enfin de se concerter avec les députés des autres bailliages de cet arrondissement qui se réuniront à Bar, pour que les dé- 214 [Etais gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Bar-le-Duc.] putés aux Etats généraux soient répartis entre chaque canton, dans un nombre proportionné, autant que possible, avec l’exacte population, de manière qu’aucune ville n’obtienne une représentation exclusive, et par cela même dangereuse, sans gêner en rien la liberté des suffrages. CAHIER De la noblesse du bailliage d’ Etain (1). L’assemblée de l’ordre de la noblesse de la ville et bailliage d’Etain, réunie aux termes de la convocation donnée à Versailles le 24 janvier dernier, donne, par le présent acte, à son député, ses pouvoirs généraux pour les représenter aux Etats, et y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et le bonheur tant commun que particulier de tous les citoyens. L’opinion et le désir de l’assemblée étant que la nation parvienne à jouir d’une constitution juste et solide, qui fixe d’une manière précise et assure à jamais tant les droits respectables du trône que les droits essentiels du peuple, elle donne mandat spécial à son député de réunir tous les efforts de son zèle pour atteindre avant tout à ce grand objet ; elle lui enjoint très-expressément, sous peine d’être désavoué par elle et déchu du pouvoir qu’elle lui donne de ne point délibérer sur les impôts ni de concourir à l’octroi des subsides avant que préalablement la constitution n’ait été réglée, consentie, sanctionnée et solidement établie sur des bases inébranlables. L’assemblée déclarant que c’est le seul prix digne, aux yeux de la nation, des sacrifices qu’elle a déjà faits, qu’elle se dispose à faire encore pour le soulagement de l’Etat. Elle établit pour les premières bases de la constitution, que la loi ne puisse être que l’énonciation delà volonté générale des citoyens exprimée par leurs représentants et sanctionnée par le prince revêtu de toute la puissance exécutrice. Que sous le prince, dont la personne est à jamais sacrée, les ministres de l’exécution des lois dans chaque partie soient tenus de répondre de leur conduite à la nation. Que nulle force ne puisse jamais anéantir l’ordre établi pour la législation et pour la punition des violateurs. Elle recommande à son député de ne jamais perdre de vue ces premières bases, et de se conduire sqns cesse par les quatre maximes suivantes, qui doivent rester fondamentales dans la constitution : 1° Que la France est une monarchie, le roi étant le chef de la nation et l’autorité souveraine résidente en sa personne sans partage, mais toujours subordonnée aux lois fondamentales et constitutionnelles de la monarchie qui doivent sans cesse la diriger. 2° Que le pouvoir législatif appartient à la nation, dont les ordonnances et règlements ne peuvent avoir force de loi qu’après avoir reçu la sanction royale; que la puissance exécutrice appartient au roi, à qui la nation confie le dépôt de la force publique, pour le maintien et l’exécution des lois, pour Ja défendre contre ses ennemis et pour protéger les propriétés individuelles de tous les citoyens. 3° Que la nation française est libre et franche, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. l’autorité souveraine ne pouvant s’exercer en matière d’impôt que par le consentement libre de la nation et avec le secours de ses délibérations et de son conseil en matière de législation, ce qui ne fait que régler et non diminuer l’usage légitime du pouvoir souverain. 4° Que chaque citoyen français est personnellement libre et franc sous la protection du roi et la sauvegarde des lois; en sorte que toute atteinte portée, soit à la liberté individuelle, soit à la stabilité des propriétés, autrement que par l’application des lois et par l’intervention des tribunaux ordinaires, est illicite et inconstitutionnelle. Conformément à ces maximes, elle charge son député d’insister fortement pour que les points suivants �soient érigés en lois fondamentales, préalablement à toutes autres délibérations, et à demander en conséquence : 1° Que les membres des Etats généraux soient reconnus et déclarés personnes inviolables, qu’ils jouissent d’une entière sûreté pour leurs personnes , d’une pleine liberté de suffrages , et que dans aucun cas ils ne puissent répondre de ce qu’ils auront fait, proposé ou dit dans les Etats généraux, si ce n’est aux Etats généraux eux-mêmes. 2° Que la liberté personnelle, individuelle de tous les citoyens soit déclarée inviolable et mise à l’abri des atteintes auxquelles elle est exposée par l’usage arbitraire des lettres de cachet qui doit être absolument proscrit, en sorte que nul Français ne puisse être en tout ou en partie privé de laliberté, par lettres closes, lettres d’exil, lettres de cachet ou autres espèces d’ordres arbitraires, ni autrement que par ordonnance de son juge compétent , ou à la charge que le citoyen arrêté sera remis entre les mains cle son. juge, à l’instant même, et que dans tous les cas il sera interrogé dans les vingt-quatre heures, et élargi avec ou sans caution, s’il n’est pas notablement soupçonné d’un crime punissable de peine corporelle. Qu’il soit défendu à toutes autres personnes que celles prêtant main forte à justice , soit officier , soldat , exempt , porteurs d’ordre ou autres d’attenter à la liberté d’aucun citoyen, en vertu de quelque ordre que ce puisse être, sous peine de punition corporelle telle qu’elle sera ordonnée par une loi émanée des Etats généraux. Que toute personne qui aurait sollicité ou signé tout ordre semblable ou favorisé son exécution, puisse être prise à partie par-devant les juges ordinaires, non-seulement pour y être condamnée à des dommages et intérêts, mais encore pour y être punie corporellement, suivant qu’il en sera décidé par les Etats généraux. Que tout citoyen ait la liberté de vivre où il veut, d’aller, venir, demeurer où il lui plaît, soit dedans ou dehors du royaume et sans qu’il lui soit besoin de permission, passeport, certificats et autres formalités tendantes à gêner la liberté des citoyens. 3° Gomme la liberté de publier ses opinions fait partie de la liberté individuelle, puisque l’homme ne peut être libre quand sa pensée est esclave, nous chargeons notre député de demander que la liberté âe la presse soit autorisée, avec les modifications nécessaires pour garantir l’ordre public et l’honneur des particuliers, et qu’elle ne dégénère pas en licence-scandaleuse ; qu’en conséquence la censure soit supprimée, à la charge par l’imprimeur d’apposer son nom à tous les ouvrages, et de répondre personnellement lui et l’auteur de tout ce que ses écrits pourraient contenir