[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juin 1791.] du numérotage et du timbre ne s’élèverait qu’à 2 deniers par assignat. Puisqu’il est ainsi, je demande qu’il soit fait, pour ces opérations, un abonnement avec le trésorier de l’extraordinaire, et qu’il soit décrété que ce fonctionnaire sera chargé, sous sa responsabilité, de faire faire les opérations dont il s’agit, c’est-à-dire toutes celles qui sont à faire pour les assignats, depuis le moment où ils sortent de l’imprimerie, jusqu’au moment où ils entrent dans la caisse à trois clefs; et que, pour raison de toutes ces opérations, il lui sera payé 2 deniers par assignat. Dès lors, il prendra tant de personnes que bon lui semblera; il les payera comme il voudra; mais nous saurons que l’assignat ne coûte que 2 deniers; et si M. Amelotne veut pas surveiller dans sa maison, il ne doit pas pour cela en coûter quelque chose à l’Etat. Si vous ne prenez ce parti, il est difficile de calculer à quelle somme s’élèvera successivement cette dépense. On fera meubler ce nouveau local ; on y prodiguera toutes sortes de réparations ; on y mettra un portier, un suisse, et même si cela plaît à quelqu’un, un valet de chambre; que sais-je, enfin ? Je vous assure que si vous ne faites un abonnement, les dépenses tripleront. M. CHauItier-Riauzat. On ne peut pas faire un abonnement avec quelqu’un, sans savoir s’il veut s’en charger ; d’autre part, il serait intéressant d’avoir un état positif de la dépense à laquelle entraînera la fabrication des assignats. Je demande donc l'ajournement de la question. M. de Cernon, rapporteur. Je ne m'oppose pas à l’ajournement, il est très naturel. Mais j’observerai à l’Assemblée, en ce qui concerne le local, que les commissaires que vous avez nommés pour surveiller la fabrication des assignats, se sont convaincus que le petit nombre d’appartements qui restent vacants dans les bâtiments de la caisse de l’extraordinaire, sont trop mal distribués, trop éloignés les uns des autres pour qu’on y puisse faire des. opérations qui exigent une surveillance aussi scrupuleuse, et une aussi sévère responsabilité. Cette maison, étant celle de Parisoù se trouve la plus grande affluence de public, ne pouvait nullement convenir. Quant à l’abonnement proposé par M. Camus, le comité ne s’y oppose pas. M. Chabrond. Je ferai une simple observation. Je crois que le comité ne devrait pas s’aventurer à assurer que la fabrication des assignats dont il s’agit reviendra à 2 deniers, sans avoir acquis à cet égard la plus grande certitude; car il est évident que si l’Assemblée adopte cette proposition d’après l’assurance de son comité, et que cela ne se vérifie pas ensuite, c’est le comité qui aura induit l’Assemblée en erreur. L’ajournement est donc nécessaire. J’entends dire que le comité retire sa proposition : cela me paraît très singulier. Je demande qu’à l’avenir les comités ne montent à la tribune qu’avec des résultats certains. M. de Cernon, rapporteur . Je ne retire pas ma proposition. J’ai avancé un fait sur l’état des dépenses qui étaient à faire; le comité en a fait le calcul, et il a été prouvé au comité qu’il donnait le résultat que je vous ai annoncé. Mais, en ce qui concerne l’abonnement, il est clair que je ne puis prendre aucun engagement au nom d’un 263 absent, et qu’il faut que celui-ci soit consulté sur les conditions de Pabonnement. Je ne m’oppose donc pas à l’ajournement. (L’Assemblée, consultée, décrètel’ajournement.) M. Regnaud (de Haint-Jean-d' Angêly) .Je rappelle à l’Assemblée qu’il y trois mois qu’elle décréta qu’on lui rendrait compte de Y emploi des bâtiments nationaux. Le comité d’emplacement montre beaucoup d’activité et d’économie pour ceux de province; mais Paris donne sous vos yeux le très scandaleux exemple du mauvais emploi que l’on en fait. Je demande donc que votre comité d’emplacement soit cbargé de veiller à la destination des bâtiments qui seront donnés aux diverses administrations et aux agents du pouvoir exécutif à Paris, afin qu’on les rapproche toutes ; et je demande en outre que le comité d’emplacement soit chargé de surveiller l’exécution du décret qui ordonne qu’on rédigera des états des dépenses nécessaires à chaque bâtiment. Le décret est rendu : je demande seulement compte de son exécution, la semaine prochaine, parce qu’il s’agit de 5 à 600,000 livres de revenu pour la nation. Voici le décret que je propose : « L’Assemblée nationale décrète qu’il lui sera remis, sous huitaine, un état de tous les bâtiments employés ci-devant, dans la capitale, par les anciennes administrations, ou destinés au logement des agents du pouvoir exécutif ; et que son comité d’emplacement lui fera le rapport de la destination actuelle de ces bâtiments ou logements pour, sur le rapport, être par l’Assemblée statué ce qu’il appartiendra, soit pour en continuer, changer la destination, ou ordonner la vente de ceux qui sont inutiles. « (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. de Rochefoucanld-Uanconrt, au nom des comités des finances , d’agriculture et de commerce, des domaines et de mendicité. Messieurs, sur la connaissance qui vous a été donnée au mois de décembre dernier, que les circonstances nécessairement dépendantes d’une Révolution aussi grande que celle qui vient de s’opérer en France, occasionnaient un ralentissement momentané dans le travail qui pesait sur la classe indigente et laborieuse de vos concitoyens, vous avez, par votre décret du 16, destiné la somme de 15 millions à des établissements utiles à l’agriculture et au commerce; mais persuadés que les besoins et le manque de travail, généralement sentis dans tous les départements, n’étaient pas cependant partout les mêmes, vous avez ordonné une distribution partielle de 80,000 livres dans chacun, vous réservant de répartir, sur la proposition du ministre, les 8,360,000 livres restants, là où les besoins se montreraient plus grands, et les travaux à ouvrir ou à continuer le plus généralement utiles à la prospérité publique, à l’intérêt national. L’instruction du roi, publiée dans les départements, en conséquence de vos décrets, a répandu et expliqué ce système ; et partout on a applaudi à vos intentions et béni vos bienfaits. Le ministre de l’intérieur, dans une lettre qu’il a écrite le 22 du mois dernier, à l’Assemblée nationale, vous a proposé de l’autoriser à mettre sous vos yeux une distribution partielle des 8,360,000 livres restant, qui, employant une partie de ces fonds en travaux delà plus grande importance, ouvrît ces travaux dans le 2 64 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juin 1791.] moment le plus favorable de l’année pour leur confection. C’est de cette lettre, dont vous avez approuvé l’intention, que viennent vous rendre compte les comités des finances, d’agriculture et commerce, des domaines et de mendicité, auxquels vous l’aviez renvoyée, et ils y trouvent le moyen de satisfaire à la fois au désir que vous avez manifesté dès longtemps de soulager les finances de l’Etat, de l’entretien des ateliers de la capitale ; et c’est d’eux que d’abord ils vont vous entretenir. Les ateliers de Paris ont été ouverts et commencés à être soldés par le Trésor public, vers le mois de mai 1789. La grande rigueur de l’hiver, la grêle désastreuse de l’année précédente, la foule de malheureux qui, ne trouvant chez eux ni travail, ni subsistance, étaient venus en chercher à Paris, où ils n’en trouvaient pas plus, déterminèrent le gouvernement à établir ces ateliers ; il songea à faire vivre ces hommes sans ressources ; mais aucun ouvrage utile n’était prêt à leur offrir. Le nombre de ces ouvriers s’accrut tellement dans le même été, que la municipalité, d’accord avec le ministre, se virent obligés de prendre des mesures pour renvoyer dans les provinces ceux de ces ouvriers qui y avaient leur domicile, et que les habitants de Paris, ou ceux qui se disaient tels, y furent seuls conservés. La cessation des travaux de la campagne, l’exorbitante cherté des grains, la Révolution elle-même qui, par le sentiment et l’occupation de chaque minute, commune à tous les Français, distrayait d’un travail utile beaucoup d’hommes auxquels il était nécessaire pour subsister, ramenèrent bientôt les ateliers au nombre que l’ordre public, et la proportion des ouvrages à leur donner, avait fait trouver utile de diminuer. Ce fut au mois de mai de l’année dernière, que, pour la première fois, l’abus de ces ateliers fut dénoncé à l’Assemblée nationale : ils vous furent présentés comme une charge considérable pour le Trésor public, comme un moyen funeste d’entretenir la paresse ; et le comité des recherches vous les représenta encore comme un centre de réunion, où les malveillants envoyaient, de toutes les parties de la France, même des pays étrangers, des hommes sur lesquels ils comptaient pour servir leurs funestes desseins. Le nombre des ouvriers entretenus alors dans ces travaux, se montait à 11,800 : vous ordonnâtes que les hommes non domiciliés ne seraient plus reçus, à tfavenir, dans ces ateliers ; que ceux qui n’y étaient pas établis depuis une année seraient renvoyés dans leurs provinces, s’ils étaient Français, ou dans l’Etat auquel ils appartenaient, s’ils n’étaient pas Français. Vous voulûtes * qu’il fût donné à tous les moyens de retourner dans leurs foyers sans recourir à l’aumône et, consacrant 30,000 livres par département à ouvrir des travaux, vous espérâtes un effet salutaire de vos dispositions. Mais la force publique n’était pas encore en vigueur : la municipalité provisoire de Paris, seule chargée de l’exécution de vos décrets, au moment de se voir remplacée par une municipalité permanente, n’avait pas la confiance de sa force, craignait de la voir méconnaître, et les circonstances délicates se réunissant à cette position difficile, votre décret ne fut que partiellement et faiblement exécuté. Aussi, au mois d’octobre, quand vous deviez vous flatter que les précautions que vous aviez prises, que les travaux de l’été auraient considérablement diminué vos ateliers, vous apprîtes avec effroi que le nombre des ouvriers s’élevait à 19,000. Il n’était plus possible, à cetle époque de l’année, de penser à les détruire, à en diminuer même le nombre -, et vous crûtes alors devoir vous borner à prescrire une organisation moins imparfaite d’ateliers, qui en écartât plus probablement le désordre, un mode de payement qui encouragerait plus au travail. Votre humanité vous imposa le devoir de n’en pas faire plus à l’entrée d’une saison qui pouvait être rigoureuse. Vous n’ignoriez pas cependant dès lors les inconvénients de grands ateliers ouverts dans la seule intention de présenter quelque apparence de travail, quoique le travail offert soit sans utilité; et aucun important ne pouvait alors être donné à Paris, où il fallait faire vivre le grand nombre d’hommes qui ne pensaient pas pouvoir trouver de l’ouvrage. Vous n’ignoriez pas que l’ouvrier, même isolé, qui reconnaît l’inutilité du travail auquel on l’emploie, s’y livre sans courage, sans zèle, et contracte bientôt l’habitude de la paresse, penchant si naturel à l’humanité. Vous n’ignoriez pas que ce vice, attaché à tout ouvrage manifestement reconnu sans objet, s’accroît beaucoup dans ses conséquences par la réunion d’un grand nombre d’hommes; qu’alors, surveillés lâchement par des piqueurs, chefs et inspecteurs qui n’ont aucun intérêt à voir avancer l’ouvrage, qui, peut-être, s’en croient un contraire, ils travaillent moins, plus leur nombre est grand; que les mauvais ouvriers gâtent les bons; que souvent même, pour cacher leur paresse dans l’inaction générale, ils les empêchent, avec menace, de travailler; qu’ainsi le patrimoine des pauvres se dissipe sans fruit par des hommes qui, laborieux autrefois, s’habituent à la fainéantise, ne tiennent plus compte à la chose publique des secours qu’ils reçoivent, regardent ce bienfait comme une dette, et ne se croient nullement obligés au travail dont ils reçoivent le salaire. Vous n’ignoriez pas, enfin, que des ateliers, même utiles, ouverts dans l’intention unique de donner de l’ouvrage, avaient encore le funeste effet d’entretenir les ouvriers dans la dangereuse opinion que le gouvernement doit les débarrasser des soins et de la prévoyance nécessaires pour en chercher, et de les plonger dans la fainéantise, l’imprévoyance, et la misère qui en est la suite. . Vous connaissiez toutes ces vérités politiques, qui, dans des circonstances de prospérité et de calme, doivent seules guider les déterminations d’un gouvernement sage et éclairé; mais il fallait assurer l’existence d’un grand nombre d’ouvriers sans travail, dans une saison morte à tout ouvrage des champs, dans des circonstances où l’incertitude de chacun sur son sort, où l’impression récente de la commotion générale laissait encore l’industrie sans activité dans la capitale et dans le royaume, et les considérations de l'humanité vous parurent les plus pressantes. Les abus accrus dans les ateliers, depuis leur établissement, devaient s’accroître encore, ils se sont accrus. La dépense, déjà énorme, s’éleva beaucoup; le nombre d’hommes entretenus aux frais du Trésor public fut porté à 31,000; les dépenses à près de 900,000 livres par mois, sans campter 50,000 livres versées encore par le Trésor, pour solde de 1,400 ouvriers de Paris employés au canal de Bourgogne. Plus le nombre des ouvriers devint considérable, plus la futilité de l’ouvrage qui leur était donné était grande, plus leur travail devint nul, plus la surveillance [16 juin 1791. J 265 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. des administrateurs devint difficile, plus il fut aisé d’abuser, par de faux exposés de malheur et de détresse, de leur humanité, de leur bienfaisance, dont l’exercice est la seule douceur laissée à l’homme honnête chargé de pareilles fonctions. Des hommes sans besoin, jouissant même d’une aisance connue, furent admis à ces ateliers; le plus grand nombre des ouvriers n’y paraissait que pour recevoir la paye, ou tout au plus pour se montrer à l’appel. L’oisiveté totale de ceux qui venaient sur ces travaux; tous ces abus de fainéantise, de gaspillage, qu’il est inutile de remettre en ce moment sous vos yeux, tous au détriment de l’homme vraiment laborieux, abus nécessairement inhérents à cette espèce d’ateliers établis dans une grande ville, sans aucune limitation prescrite, ni dans le nombre, ni dans leur dépense, devinrent un objet de scandale pour tous les habitants de la capitale qui en étaient témoins, et pour toute la France qui en fut instruite. Vous avez bien, Messieurs, formé le projet d’y mettre fin par le seul moyen qui peut les détruire, la rupture entière des ateliers; mais vous contentant, d’en témoigner hautement, dans vos séances, votre mécontentement, vous avez voulu attendre le moment où l’abondance du travail fournirait une subsistance assurée à ceux qui voudraient en trouver; car si les ateliers de la capitale, aujourd’hui réduits à 20,000, par des mesures de la municipalité, renferment encore bien des hommes que l’habitude ou la facilité y conduisent, il en est un grand nombre à qui le travail est nécessaire, des pères de famille pauvres et respectables par leurs mœurs, et ce sont généralement ceux qui, dans les temps d’abus, se sont montrés les plus laborieux et les plus assidus, et dont il n’est dans le cœur d’aucun de vous de compromettre un seul jour l’existence. Le moment est arrivé où vous pouvez, sans cette inquiétude qui a jusqu’ici retardé votre détermination, prendre celle que vous prescrit le bien de l’Etat, l’intérêt de ses finances et les mœurs publiques. Les travaux des campagnes s’ouvrent detoutes parts; l’espérance laplus probable des plus riches récoltes, appelle partout des bras, et leur promet une longue et abondante occupation : les travaux des routes vont s’ouvrir dans tous les départements, et avec d’autant plus d’abondance, qu’ils ont été négligés l’année dernière; les ventes multipliées des bien nationaux, augmentant la propriété, donnent du travail dans tous les points delà France; car il est peu de propriétaires qui veulent jouir comme leurs prédécesseurs. Le commerce reprend une grande vigueur ; les manufactures, les ateliers de tout espèce sont dans une activité depuis longtemps oubliée; les fabricants ne peuvent satisfaire aux commandes ; les maîtres ouvriers, nommément ceux de la capitale, se plaignent de ne pouvoir trouver des compagnons et ré-ondre aux ouvrages qui leur sont commandés. 'espèce de coalition même de plusieurs ouvriers, qui s’entendent pour demander un grand haussement dans leurs salaires, semble prouver seule qu’il y a moins d’ouvriers q ne de moyens de travail. Aucune circonstance ne peut donc être plus propice pour ordonner la rupture des ateliers. A cette circonstance générale, il s’enjoint une particulière tout aussi favorable. La distribution d’une partie des 8 millions, qui vous est proposée par le ministre, va faire ouvrir de grands travaux utiles dans plusieurs départements, Elle eu fera ouvrir dans le département de Paris ; et ce département joignant au titre de son immense population, l’avantage que ces travaux médités, arrêtés depuis longtemps, reconnus utiles à tout le royaume, peuvent être immédiatement commencés, a droit à la distribution des sommes que vous avez réservées à cette inteulion. Ainsi, rompant vos ateliers de charité, ceux des ouvriers qui voudront se procurer de l’ouvrage seront assurés d’en trouver, non plus comme autrefois, comme à présent encore, en apparence de travail, en aumône déguisée, mais en travaux nécessaires, soumis, pour le salaire, aux conditions qu’ils feront avec les entrepreneurs ; en travaux importants, aussi utiles à la propriété nationale, aux mœurs de l’ouvrier, à l’activité même de leur travail, que ce fantôme d’ouvrage, qui leur était donné, en était destructeur. Le ministre de l’intérieur a donc compris les travaux du département de Paris, dans l’état de ceux auxquels il vous propose une partie des 8 millions dont vous avez à disposer. Cette précaution, rassurante pour les ouvriers aujourd’hui employés dans les ateliers de charité, n’est pas la seule que vous proposent vos comités; ils vous proposent encore de payer les hommes aujourd’hui compris dans les ateliers, 15 jours après leur rupture totale, et d’ordonner que les travaux ouverts, en vertu du décret que vous allez rendre, ie soient dans Paris à l’époque où ces hommes, dont les besoins et la conduite appellent votre sollicitude, cesseront de toucher leur paye de ces ateliers, afin de leur donner tous les moyens possibles de chercher tranquillement et avec sécurité, du travail, que d’ailleurs la ville de Paris elle-même, sur ses fonds, et pour ie nettoiement de ses rues, fournira particulièrement aux pères de famille que l’âge et les infirmités repoussent des ateliers où les entrepreneurs appellent des bras vigoureux. Il a donc semblé à vos quatre comités que toutes ces précautions dont l’humanité, dont la bienfaisante prévoyance font un devoir à votre prudence, étant exactement remplies, vous pouvez alors, sans inquiétude, rendre le décret que l’opinion publique, que l’intérêt même bien entendu de ces ouvriers sollicitent depuis longtemps de votre sagesse. Vos comités vous proposent de laisser subsister encore les ateliers de filature entretenus dans Paris aux frais du Trésor public : ces dépenses modiques peuvent n’être considérées que comme une avance, puisqu’une grande partie des sommes qui y sont fournies rentrent au Trésor par la vente des matières ouvrées et que ce moyen de subsister, en ne considérant les ateliers que sous ce rapport, n’est donné, et encore sous les conditions le plus scrupuleusement examinées, qu’à des femmes et à des enfants qui ne pourraient aujourd’hui encore se procurer de l’ouvrage, et dont le nombre diminuera successivement. Quant aux dispositions que vous propose le ministre, relativement à la distribution de vos fonds de secours, elle ne porte, en ce moment, que sur 2,600,000 livres. Vos quatre comités ont entendu et discuté avec M. de La Millière, cette distribution, et tous, à l’unanimité, l’ont trouvée sage. La lecture de la dernière lettre du ministre, qui nous a été renvoyée par M. le président, et que nous vous prions d’entendre avant la lecture du projet de décret, vous fera connaître les motifs généraux qui ont dirigé ce projet de distribution, Un des plus essentiels, celui qui seul eût dû le déterminer, est qu’aucun autre ouvrage de Pim- 266 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juin 1791.] portance et de la nature de ceux qui vous sont présentés, n’est prêt à être entrepris. Les départements chargés d’une infinité d’affaires n’ont pas tous exactement rempli encore les conditions que yotre décret du 16 décembre leur prescrivait, et sans lesquelles aucune somme ne peut leur être attribuée ; car ce sont des travaux, et des travaux reconnus utiles et praticables, que vous avez décrétés : vous avez voulu lier l’utilité publique, les moyens de prospérité nationale, à l’assistance des malheureux ; et les projets qui vous sont présentés par le ministre vous paraîtront avoir incontestablement ce précieux avantage. Les renseignements nécessaires pour ouvrir d’autres travaux aussi importants dans d’autres points du royaume, et particulièrement aux dessèchements, parviendront successivement au ministre. La distribution actuelle stimulera même les départements en retard ; et vous aurez, avant la lin de vos séances, l’entière satisfaction d’avoir, ainsi que vous vous l’êtes proposé, tiré des moyens certains de richesses pour la nation, de la détresse momentanée, du défaut accidentel de travail qui a, pendant quelques instants, pesé sur nos provinces. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des domaines, des finances, de commerce et agriculture, et de mendicité, décrète : « Art. 1er. Conformément à la loi du 19 décembre 1790, et sur les observations et avis du ministre de l’intérieur , la distribution de 2,600,000 livres, à compte sur les 8,360,000 livres restants des 15,000,000 livres destinés, par celte même loi, aux dépens des travaux utiles établis en conséquence, sera faite ainsi qu’il suit : TRAVAUX AUXQUELS ELLES SERONT APPLIQUÉES. Navigation de la rivière de Somme. Curement de la retenue de Saint-Valery-en-Caux. Rivière d’Orne. Déblayements du bassin de la Rochelle. Canal de Beaucaire à Aigues-Mortes. Travaux à l’embouchure du Rhône. Continuation des digues contre les rivières et torrents. Continuation du canal de Bourgogne aux abords de Dijon. Travaux du canal de Bourgogne entre Saint-Florentin et Montbard. Travaux du Bhin. Canal de la Sensée. Démolition de la porte Saint-Bernard et la Géole. Béparations des quais et nouveaux ouvrages de constructions, tant en amont qu’en aval, du pont de Louis XVI. Ouverture d’uu nouveau canal à la Seine, en face de Passy. Gare à exécuter au-dessous du pont de Charenton. « Art. 2. En conséquence de ces travaux offerts aux ouvriers qui voudront se procurer de l’ouvrage, le Trésor public cessera, à compter du 1er juillet, d'entretenir les ateliers de Paris et autres de même nature, qui pourraient avoir été établis dans quelque autre partie du royaume. « Art. 3. Il est néanmoins enjoint à la municipalité de Paris de ne plus comprendre dans le rôle des ateliers, et ce, dès à présent, les chefs de tous grades qui n’auraient pas le nombre d’ouvriers nécessaires, en préférant, pour le renvoi, les célibataires aux pères de famille, et de continuer de renvoyer les ouvriers reconnus n’avoir pas les qualités exigées par les lois des 13 juin et 10 septembre 1790. Il lui est pareillement enjoint de faire, dès à présent, cesser les travaux reconnus sans utilité. « Art. 4. Seront seulement exemptés de la disposition de l’article 2 dn présent décret, quant à présent, les ateliers de filature établis dans Paris pour les femmes et enfants, en vertu de la loi du 13 juin 1790. « Art. 5. Les ouvriers occupés jusqu’ici dans les ateliers de Paris, qui témoigneraient le désir de se retirer dans leur municipalité, à compter du présent jour jusqu’au 26 du présent mois, recevront trois sols par lieue, d’après les dispositions et aux conditions mentionnées en l’article 7 de la loi du 13 juin ci-dessus rapportée. « Art. 6. Il sera fait un fonds particulier pour l’achèvement de l’édifice dit de Sainte-Geneviève, confié, comme dépense nationale, aux soins du directoire du département de Paris, par la loi du 10 avril dernier, et dont les travaux ont, jusqu’à ce jour, été payés sur les fonds des ateliers de secours. « Art. 7. La trésorerie nationale fera verser de mois en mois les sommes indiquées par l’article Ier du présent décret, dans les caisses des receveurs des districts, dans l’enceinte desquels se feront ces travaux. «Art. 8. Ges travaux, donnés à l’entreprise par adjudications ou tous autres moyens jugés convenables par les directoires, seront établis et dirigés conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi du 19 décembre, et ouverts au 1er juillet; et les sommes indiquées dans l’article 1er ne pourront être, sous aucun prétexte, employées à aucun autre usage et d’aucune autre manière. « Art. 9. Le ministre instruira, tous les 3 mois, la législature, du progrès de ces travaux et de leur situation. « Art. 10. L’Assemblée nationale se réserve de prononcer sur la distribution ultérieure des 5,760,000 livres restantes, ou par acompte, ou 267 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [16 juin 1791 .J définitivement, selon la nature et les circonstances des travaux et des besoins qui lui seront présentés par les divers départements, en préférant à égalité de besoins pareillement urgents, les départements qui n’ont point de part à la distribution faite par le présent décret et en se conformant aux dispositions de l’article 7 du décret du 19 décembre 1790. « Art. 11. La municipalité de Paris, sous la surveillance du département, pourvoira à ce que les divers instruments de travail, appartenant à la nation, et qui servaient aux ateliers, soient soigneusement retiiés pour être vendus, et le produit en être versé au Trésor public. « Art. 12. Le présent décret sera présenté dans le jour à la sanction du roi. » M. Ganl tler-Iiiau zat . Je demande l’impression du rapport que vous venez d’entendre et l’ajournement du projet de décret ; mais je présenterai en même temps quelques observations à l’Assemblée. Je désirerais savoir pourquoi sur 8,360,000 livres que l’on a à distribuer entre les divers départements, on en donne 2,600,000 à 12 d’entre eux seulement, et pourquoi Paris est inscrit pour lui seul dans le décret pour une somme de 1 million? Cette répartition blesse les droits des autres départements : elle est trop favorable à la ville de Paris. Je désirerais donc qu’en faisant imprimer son rapport, les comités se concertassent avec les personnes avec lesquelles ils se sont déjà concertés, pour prendre en considération les autres demandes des différents départements, car il serait honteux que l’Assemblée nationale laissât sortir de son sein un projet de décret tendant à verser au Trésor public, auquel tous les départements contribuent, des sommes de plusieurs millions pour 12 départements, alors qu’il y en a beaucoup d’autres qui ont notifié des besoins très urgents. ( Applaudissements .) Une autre observation, c’est que le comité, en faisant imprimer son rapport, voudra bien faire aussi imprimer les mesures qu’il ne nous a pas dites, et qui doivent être pressées, pour faire transférer les ouvriers qui sont à Paris au lieu où le comité nous dit que l’on fera travailler ces ouvriers qui sont à la charge de l’Etat. J’ai connaissance, ainsi que la municipalité de Paris, qu’il y a un travail sur lequel il résulte qu’il y a, non pas 31,000, mais 33,000 hommes à Paris, qu’il serait fort intéressant de placer partout ailleurs. M. Daigremont, que je me fais l’honneur de nommer, vous donnera les noms, surnoms, qualités, origines, domiciles, bonnes et mauvaises qualités de ces 33,000 hommes. {Murmures et applaudissements .) Il serait à souhaiter que les comités prissent cet état en considération ; et le sieur Daigremont nous procurera son registre quand ils le demanderont. Ainsi je demande qu’en faisant imprimer le rapport, le comité fasse imprimer les mesures qu’il croira pouvoir être prises pour effectuer ce qu’il nous dit ; et enfin je demande que l’on ne manque pas d’insérer dans le rapport toutes les raisons de refus sur les demandes qui ont déjà été fournies par plusieurs départements. M. de E