536 [Conrentioa nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f frimaire an II ( lo décembre 1793 poste défendu par le général Guillot. Le feu a duré deux heures avec la plus grande activité : enfin, après avoir lancé aux brigands plus de 200 boulets, le bataillon de la Charente et plu¬ sieurs autres corps de troupes ont fondu sur eux à pas de charge. Les brigands n’ont pu résis¬ ter à l’intrépidité des républicains; ils ont fui en désordre dans les forêts, laissant la campagne couverte de cadavres. Les défenseurs de la République qui étaient retenus dans les casernes, faute de Bouliers, se sont enveloppés les pieds avec des linges, et ont été seconder le courage de leurs frères. Avec de tels hommes, les destinées de la Ré¬ publique seront éternelles. XVII. P Dans une des actions qui, en dernier lieu, ont été si fatales aux Piémontais, un forgeron quitta son enclume pour voler au combat. Accoutumé à battre le fer avec son marteau, il ne croit pas pouvoir employer une meilleure arme pour battre les satellites du despote sarde : il ajuste à son marteau un long manche, et se jette dans la mêlée. Après la victoire, il a rap¬ porté son marteau teint de sang, et le manche écaillé de coups de sabre : c’était Hercule portant sa massue fumante encore du sang des monstres qu’il venait d’écraser. XVIIL r' Toute l’armée a vu avec étonnement Joseph Barra, équipé en hussard, à peine âgé de 13 ans, affronter tous les dangers, charger toujours, à la tête de la cavalerie; elle a vu une fois ce jeune héros terrasser et faire prisonnier deux brigands qui avaient osé l’attaquer. Ce généreux enfant, entouré par les rebelles, a mieux aimé périr que de se rendre, et de leur livrer deux chevaux qu’il conduisait. Pendant tout le temps qu’il a servi dans les troupes de la République, se bornant aux dé¬ penses d’une absolue nécessité, il faisait passer a sa famille nombreuse et indigente tout ce qu’il pouvait économiser. m ■ ■ xix. Deux régiments français étaient prêts à en venir aux mains l’un contre l’autre; ils étaient en présence. Après avoir employé les motifs les plus tou¬ chants pour désarmer ces furieux, le maire d’Aix, voyant que ses paroles sont inutiles, se précipite au milieu d’eux : « Citoyens, tirez sur moi, foulez-moi aux pieds, et sauvez-moi de l’horreur de voir mes amis et mes frères s’entr’égorger sous mes yeux. » Le dévouement héroïque du magistrat du peuple désarma des citoyens égarés; iis ou¬ blièrent leurs querelles dans des embrassements mutuels. XX. : Le second bataillon du Tarn, fameux dans l’armée des Pyrénées-Occidentaies, est com¬ mandé pour aller attaquer une redoute espa¬ gnole : Leyrac et Liberté Barrau son épouse, tous deux grenadiers, marchent à l’ennemi à côté l’un de l’autre. Le frère de Liberté Barrau est aussi dans les rangs; le combat s’engage, l’artillerie tonne de toutes parts. Barrau voit expirer son frère ; elle reste à son poste. Leyrac, son époux chéri, tombe auprès d’elle, la poitrine percée d’une balle. La vertu républicaine triomphe de l’amour comme elle venait de triompher de la nature. Barrau presse sa marche, elle entre la troisième dans les retranchements, et la redoute est em¬ portée. 19 cartouches qu’on lui avait remises avant le combat sont épuisées; elle s’empare de la giberne d’un ennemi qu’elle venait d’abattre à ses pieds, et poursuit avec ses camarades les Espagnols fuyant de toutes parts devant les troupes de la République. Enfin, le bataillon s’arrête, et le champ de bataille ne retentit plus que des cris de victoire , vive la République ! Alors Liberté Barrau retourne auprès de son époux, bande sa plaie, le presse dans ses bras, et le porte avec ses frères d’armes à l’hospice militaire; là, en lui prodiguant les soins de la tendresse conjugale, elle prouve qu’elle n’a pas renoncé aux vertus de son sexe, quoiqu’elle ait déployé toutes celles qui ne semblent devoir être l’apanage que de l’autre. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (1). Léonard Bourdon présente le premier numéro des Annales républicaines. Les membres, char¬ gés de la rédaction, ont eu pour but un choix scrupuleux d’un trait qu’ils devaient oiter, une grande simplicité dans la narration et l’emploi des expressions les plus convenables, afin d’être à la portée de tous les esprits. Chaque numéro contiendra le récit des pre¬ miers événements de la Révolution. Les traités seront variés, car la monotonie est ce qu’il faut le plus éviter dans les livres élémentaires. On a recueilli les actions vertueuses des corps, des individus, des vieillards, des femmes, des enfants et cela servira a mettre de la variété dans le récit .« Parmi les traits que nous cite¬ rons, dit Bourdon, il en est plusieurs dont les noms des auteurs nous sont inconnus. Quand on a cité de belles actions guerrières, le nom de l’officier a été conservé, et non celui des sol¬ dats. Vos commissaires ont décidé que, dans ce cas, ils ne nommeraient personne, avant qu’ils pussent nommer tous ceux qui s’étaient illus¬ trés. Une autre marche eût eu trop de rapports avec l’ancien régime. » A la fin de chaque numéro, il y aura une table alphabétique des noms de ceux qui occuperont une place dans Recueil. Bourdon lit le premier numéro. Jullien (de la Drôme) demande qu’on ne nomme, dans ce Recueil, aucun homme vivant. Bomme est d’avis de nommer l’auteur d’une belle action à la fin du récit. Il y voit un moyen de censure au cas que ce citoyen ait démenti sa première conduite, parce qu’on pourrait alors ( 1 ) Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II, n» 454, p. 364). [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. *66 537 rapprocher de ce qu’il a fait autrefois, ce qu’il est aujourd’hui. Laloy demande que le premier numéro lu par Bourdon soit imprimé comme essai. Chaque membre pourra ensuite présenter ses obser¬ vations. Cette proposition est décrétée. Romme trouve la rédaction qu’on vient de lire trop froide. Il demande que le comité d’ins¬ truction publique présente un plan d’organisa¬ tion pour la rédaction du Becueil républicain. La Convention s’en tient au décret rendu sur la motion de Laloy et passe à l’ordre du jour. « La Convention nationale, sur la proposition d’un membre [Clauzei, (1)], décrète que son comité des finances lui présentera très inces¬ samment un projet de décret contenant le mode d’exécution de celui entendu pour faire juger administrativement les créances litigieuses qu’ont sur l’Etat les entrepreneurs et fournisseurs de la République (2). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu son comité de la guerre [Enlart, rappor¬ teur (3)], sur les réclamations de plusieurs gen¬ darmes delà trente-deuxième et trente-quatrième divisions, qui se trouvent sans emploi par l’effet d’une nouvelle nomination ordonnée par les représentants du peuple Elie Lacoste et Peyssard, décrète : Art. 1er. « L’arrêté des représentants du peuple Elie Lacoste et Peyssard, du 28 septembre dernier (vieux style), qui annulle les nominations d’offi¬ ciers et sous-officiers de la trente-deuxième et trente-quatrième divisions de la gendarmerie de Paris, faites au sort, et ordonne de nouvelles élections suivant les formes établies par la loi du 15 août 1792, est confirmé. Art. 2. « Les gendarmes qui, par l’effet de ces nou¬ velles élections ont été déposés de leur grade, et qui ne voudront pas continuer le service de gendarme dans les divisions où ils ont momen¬ tanément rempli les fonctions d’officiers et de sous-officiers, seront à la disposition du mi¬ nistre de la guerre, qui les incorporera sans délai dans les autres divisions de gendarmerie qui se trouvent incomplètes. Art. 4. « Ces citoyens recevront la solde de gendarme à compter du jour où ils ont cessé de remplir les fonctions d’officiers et de sous-officiers. Ceux d’entre eux qui resteraient estropiés des blessures qu’ils ont reçues en combattant les despotes, recevront les récompenses nationales attachées (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 282, dossier 794. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 240. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 282, dossier 794, au grade qu’ils occupaient alors. Cette disposi¬ tion s’étendra aux veuves de ceux des gendarmes de ces divisions qui, avant la réélection, ont été tués; la pension ou la récompense nationale leur sera accordée d’après le grade qu’occupait alors leur mari (I). » « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport des comités de Salut public,. d’aliénation et domaines, réunis [Besson, rap¬ porteur (2)], décrète ce qui suit : Art. 1er. « L’arrêté pris par le représentant du peuple, Legendre, délégué dans le département de la Nièvre, en date à la Charité-sur-Loire, du 8 sep¬ tembre dernier, est confirmé; en conséquence, les adjudications des parties du domaine appelé ci-devant le prieuré et les bénédictins de la Cha¬ rité, faites par les districts de la Charité de San-cerre ou autres, aux citoyens Vincent, Larue, Lallemand, Martin, Lalande, Grasset, (restât, Dumény, Desfosses, Coûtant, Brière; les adju¬ dications des prés appelés prés des bénédictins, situés paroisse de la Chapelle et d’ Argenvières ; de 550 boisselées de terres, situées paroisse de la Chapelle, faites à différents particuliers par le même district, sont déclarées nulles, pour avoir été faites illégalement, frauduleusement et à vil prix; les comptes payés par les acquéreurs seront remboursés par le receveur de district qui les aura reçus. La trésorerie nationale lui fera passer, à cet effet, les fonds nécessaires sur les états de distribution qui lui seront remis par l’administrateur des domaines nationaux. Art. 2. « L’administrateur des domaines nationaux fera rechercher et poursuivre, par devant les tribunaux, les auteurs, les fauteurs et complices des fraudes qui ont été commises dans les adjudi¬ cations, soit par les administrateurs, soit par les adjudicataires. Art. 3. « Ceux des adjudicataires qui n’auraient participé à aucune fraude seront remboursés des améliorations par lesquelles ils auraient aug¬ menté la valeur réelle des fonds qui leur étaient adjugés, sur la reconnaissance qui en sera faite contradictoirement par deux experts, nommés, l’un par le citoyen intéressé, l’autre par l’admi¬ nistrateur des domaines nationaux; et qui pro¬ céderont en présence d’un commissaire du dis¬ trict, et un de la municipalité de la Charité-sur-Loire, et enverront leur procès-verbal au comité d’aliénation et domaines, qui en fera son rapport à la Convention nationale. Art. 4. « La Convention nationale adjuge à la com¬ pagnie Marette, aux conditions portées au décret du 25 août dernier, sur l’établissement d’une (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 240. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux-Archives nationales, carton C 282, dossier 794.