[Assamblée nationale. ) ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [l*r août 1791.] 85 avez de plus renvoyé aux commissaires pour la rédaction de ce décret et pour présenter les moyens d’exécution. Ce sont précisément, Messieurs, cette rédaction et ces moyens d’exécution que nous venons vous présenter dans le projet de décret dont je vais vous donner lecture : « Les circonstances où se trouve la nation française lui faisant un devoir de rappeler dans son sein tous les enfants de la patrie absents, et de ne permettre aux citoyens présents de sortir dii royaume que pour des causes reconnues nécessaires, l’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Art. 1er. Tous les Français absents du royaume sont tenus de rentrer en France dans le délai d’un mois, à compter de la publication du présent décret; et jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, aucun citoyen français ne pourra sortir du royaume sans avoir satisfait à ce qui sera ci-après prescrit. « Art. 2. Les émigrés qui rentreront en France, sont mis sous la protection spéciale et la sauvegarde de la loi ; en conséquence, les corps administratifs et les municipalités seront tenus, sous leur responsabilité, de veiller à leur sûreté, et de les en faire jouir. « Il est pareillement enjoint aux accusateurs publics de poursuivre la réparation ou la punition de toute contravention aux présentes dispositions. « Art. 3. Ceux qui ne rentreront pas dans le délai fixé, payeront, par forme d’indemnité du service personnel que chaque citoyen doit à l’Etat, une triple contribution principale, foncière et mobilière, pendant tout le temps de leur absence ; ils souffriront en outre une triple retenue sur les intérêts de rentes, prestations ou autres redevances à raison desquelles la retenue simple est autorisée. Les débiteurs deviendront comptables de deux portions, sur trois, de cette même retenue envers le Trésor public; et, à défaut de payement, ils seront poursuivis comme pour leur propre contribution. Lesdits débiteurs seront tenus de faire leur déclaration au district, à peine de demeurer responsables de toutes les retenues qui n’auraient pas été faites. « Art. 4. Les émigrés seront dispensés, aussitôt leur retour, du payement total de cette taxe, qu’ils ne seront tenus d’effectuer qu’au prorata du temps de leur absence, à partir du l*r juillet de la présente année; se réservant au surplus, l’Assemblée nationale, de prononcer telle peine qü’il appartiendra contre les réfractaires, en eus d’invasion hostile sur les terres de France. « Art. 5. Pour l’exécution des articles précédents, chaque municipalité sera tenue de fournir un état nominatif de tous les émigrés compris aux rôles tant de la contribution foncière que de la contribution mobilière; et à la suite des noms de chacun desdits émigrés, ils indiqueront le montant de la cote d’imposition pour laquelle ils auront été portés dans les rôles; ils indiqueront aussi le montant de la retenue qu’ils sauront devoir leur être faite sur les rentes, prestations et redevances à eux appartenant. « Ces états seront adressés au directoire de district qui, à vue d’iceux, et d’après les détails qui seront à sa connaissance, fera former un rôle de la taxe ordonnée à l’égard desdits émigrés, avec distinction des principaux et sols pour livre. Ces rôles ainsi formés, et visés par les directoires de district, seront envoyés aux directoires de département pour être vérifiés et rendus exécutoires, et ceux-ci les remettront au ministre des contributions publiques qui donnera les ordres nécessaires pour en assurer l’exécution. « Art. 6. Les fermiers, locataires ou autres redevables desdits absents, ne pourront acquitter le prix de leurs baux à ferme, à loyer, les rentes et redevances par eux dues, sans qu’il leur ait été justifié du payement des rôles d’impositions et taxations desdits absents. « Art. 7. Sont exceptés des dispositions ci-dessus les Français établis en pays étrangers avant le 1er juillet 1789; ceux dont l’absence est antérieure à ladite époque ; « Ceux qui ont une mission du gouvernement, leurs épouses, pères et mères domiciliés avec eux ; les geûs de mer, les négociants ou leur? facteurs, notoirement connus pour être dans l’usage de faire, à raison de leur commerce, des voyages chez l’étranger. « Art. 8. Les congés ou permissions de s’absenter hors du royaume ne seront accordés à aucun citoyen que par le directoire du district, dans le ressort, duquel il sera domicilié, et d’après l’avis de sa municipalité, pour des causes nécessaires, indispensables, connues ou constatées. « Celui qui sollicitera ladite permission prêtera individuellement le serment civique, ou justifiera qu’il a déjà prêté ce serment individuel, et joindra à sa demande une déclaration par écrit qu’il entend y rester fidèle. « Art. 9. Conformément à l’article 7 du décret du 28 juin dernier, les congés ou permissions de s’absenter du royaume contiendront le nombre des personnes à qui ils seront donnés, leurs noms, leur âge, leur signalement, la paroisse habitée par ceux qui les auront obtenus, lesquels seront obligés de signer sur les registres des passeports et sur les passeports eux-mêmes ». (L’Assemblée décide de délibérer article par article sur ce projet de décret.) M. Vernier, rapporteur, soumet à la délibération les articles 1 et 2 qui sont successivement mis aux voix, sans discussion et sans changement, dans les termes suivants : « Les circonstances où se trouve la nation française, loi faisant un devoir de rappeler dans son sein tous les enfants de la patrie absents, et de ne permettre aux citoyens présents de sortir du royaume que pour des causes reconnues nécessaires ; « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Tous les Français absents du royaume sont tenus de rentrer en France dans le délai d’un mois, à compter de la publication du présent décret; et jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, aucun citoyen français ne pourra sortir du royaume sans avoir satisfait à ce qui sera ci-après prescrit. » (Adopté.) Art. 2. « Les émigrés qui rentreront en France, sont mis sous la protection et la sauvegarde spéciale de la loi; en conséquence, les corps administratifs et les municipalités serout tenus, sous leur responsabilité, de veiller à leur sûreté, et de les en faire jouir. * Il est pareillement enjoint aux accusateurs publics de poursuivre la réparation ou la puni- [Assemblée nationale. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i« août 1791.1 86 tion de toute contravention aux présentes dispositions-» (AdopU.) . M-Vernier, rapporteur , donne lecture de l’article 3, ainsi conçu ; Art. 3. « Ceux qui ne rentreront pas dans le délai fixé, payeront, par forme d’indemnité du service personnel que chaque citoyen doit à l’Etat, une triple contribution principale, foncière et mobilière, pendant tout le temps de leur absence, ils souffriront, en outre, une triple retenue sur les intérêts de rentes, prestations ou autres redevances, à raison desquelles la retenue simple est autorisée. Les débiteurs deviendront comptables de deux portions, sur trois, de cette même retenue envers le Trésor public ; et à défaut de payement, ils seront poursuivis comme pour leur propre contribution. Lesditg débiteurs seront tenus de faire leur déclaration au district, à peine de demeurer responsables de toutes les retenues qui n’auraient pas été faites, » M. Martineau. Quand vous avez taxé à une triple imposition le citoyen absent, je vous avoue que j’ai peine à concevoir que vous veuillez encore le soumettre à une triple retenue sur les rentes qu’il peut avoir sur des particuliers. Car, permettez-moi de vous dire qu’à raison de ces rentes, il est imposé à la contribution mobilière, et vous lui triplez sa contribution mobilière. Je crois, Messieurs, que cette dernière partie de l’article est infiniment injuste et immorale. La loi s’applique aux rentes qu’ils pourront avoir sur des particuliers, mais je demande quel moyen de faire exécuter une semblable loi. Le débiteur pourra retenir, mais il se donnera bien de garde de vous faire part des deux tiers de la retenue, ainsi vous l’aurez en quelque façon provoqué au vol. D’ailleurs, je dis qu’il est impossible desavoir qu’est-ce qui doit, ou qui ne doit pas, des rentes à des citoyens émigrés. Ce serait une inquisition que d’aller rechercher parmi les citoyens qui sont au milieu de vous, quels sont ceux qui doivent ou ne doivent pas. Ainsi, sous tous ces points de vue, la dernière partie de l’article doit être retranchée comme injuste, et comme inexécutable. M. Dauchy. La seconde disposition de l’article n’est point injuste comme le prétend M. Martineau ; parce que le propriétaire qui a 100,000 livres de rentes en biens-fonds, paye la contribution foncière. Celui, au contraire, qui a toute sa fortune en champart, par exemple, ne paye point de contribution foncière, il Ta paye par retenue. Sa retenue est la représentation de sa contribution. Il peut y avoir des difficultés dans l’exécution, mais la proposition n’est pas injuste. M. Legrand appuie l’opinion de M. Dauchy. M. de ChoiseuMPraelin. Il y a plusieurs des émigrants qui se sont retirés, parce qu’ils ne pouvaient pas payer leurs créanciers; j’en connais entre autres un, qui, depuis cinq ans, a abandonné son revenu en se conservant une pension alimentaire. Je demande si, par votre décret, vous voulez dépouiller les créanciers de ce qui peut leur rester pour gage de leurs créances? M, Giraud-Duplessis. La loi ne serait pas égale, s’il existait des propriétés qui ne fussent pas soumises aux impositions auxquelles les émigrés sont soumis ; mais, Messieurs, les propriétés foncières sont un revenu. Il y a beaucoup d’émigrés qui ont toute leur fortune eu propriété foncière : il faut donc que l’on suive à cet égard, le procédé qui est suivi par les débiteurs, pour les autres propriétaires? Que fait le débiteur? Il retient le droit que doit le créancier. Il en est de même des autres qui doivent payer l’impôt; je demande même que l’on puisse rechercher le