ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] 44 [Assemblée nationale.] sagesse la justice de cetle demande, qu’il était de mon devoir de lui présenter. M. Roger, député de Comminges. Messieurs, dans le département de la Haute-Garonne, il y a outre l’archevêché de Toulouse, un évêché de Comminges qui est situé dans les Pyrénées. Le district dans lequel il est placé est le plus grand de tout le royaume ; les distances, les neiges qui couvrent le pays une partie de l’année, nécessitent la conservation de cet évêché. M. Pégot, député de Saint -Gaudens. Je suis également chargé par le pays de Comminges de demander la conservation de son diocèse, qui comprend Ja vallée d’Aran, province espagnole. Les Arabes ont fondé, concurremment avec les habitants de Comminges, un séminaire où les clercs espagnols viennent se faire instruire : ils reçoivent les ordres des mains de l’évêque de Comminges. Les députés de ce département consentent à ce que le diocèse soit conservé. Les habitants espagnols de la vallée d’Aran vous enverront une pétition à ce sujet, et je vous demande la permission de vous lire le mémoire de la municipalité de Saint-Gaudens. Voix nombreuses : Non, non, c’est inutile, vous nous avez distribué ce mémoire (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour.) M. le Président consulte l’Assemblée qui décide qu’il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande des députés de Comminges. M. PerettI délia Rocca. L’ile de Corse a 540 lieues carrées et elle est traversée par une chaîne de montagnes ce qui rend les communications fort difficiles. Je demande qu’on lui conserve plusieurs évêchés. Cette demande est ajournée. M. Duval d’Eprémesnil remet un amendement à M. le président, sur l’article 1er. M. Duval d’Eprémesnil. Mon amendement est fort simple et serait plus facile à saisir si M. Fréteau avait répondu à mon observation sur les anciens usages relatifs à la juridiction métropolitaine. Voici quel est cet amendement : « L’Assemblée nationale, désirant que la constitution ecclésiastique du royaume soit conforme à la constitution civile, a arrêté que le roi sera supplié de recourir, suivant les saints canons, à la puissance spirituelle, afin qu’il soit pourvu à l’exécution de ce plan, selon les formes ecclésiastiques. » Quand l’Assemblée aura pris sur elle de faire autre chose, et de décider ce qui ne l’a été dans les premiers siècles que par les évêques et par les conciles, et depuis le sixième siècle que par le concours des deux puissances, l’Assemblée sera constituée en schisme. (Il s'élève beaucoup de murmures.) L’Assemblée, consultée, décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cet amendement. L’article 1er est adopté ainsi qu’il suit : « Art. 1er. Chaque département formera un seul diocèse ; et chaque diocèse aura la même étendue et les mêmes limites que le département. » (La partie droite de l’Assemblée ne prend pas part au vote.) Le second article est mis à la discussion . défendre de reconnaître l’autorité des évêques étrangers, il faut encore proscrire les juridictions métropolitaines étrangères auxquelles, par exemple, sont soumis les évêchés de Toul, Metz, Verdun, Strasbourg, etc. M. Duval d’Eprémesnil. Je demande si le souverain pontife est renfermé dans cet anathème ? M. l’abbé Grégoire. L’intention de l’Assemblée est de réduire l’autorité du souverain pontife à de justes bornes ; mais elle l’est également de ne pas faire de schisme. On pourrait ajouter : f< sans préjudice de la hiérarchie du souverain pontife. » M. Duval d’Eprémesnil. Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous connaissons la hiérarchie des évêques, des archevêques et non du souverain pontife. M. Eanjufnais. Le comité ecclésiastique n’aurait pas cru nécessaire de faire un article additionnel pour reconnaître l’autorité de l’évêque de Rome. M. Duval d’Eprémesnil. Gette expression est familière aux hérétiques. L'évêque de Rome est pour les catholiques le souverain pontife. M. Eanjuinais. J’observe que le terme de souverain pontife a été donné autrefois à beaucoup d'évêques. Le comité a reconnu l’évêque de Rome « chef visible de l’Eglise universelle ». Voyez article XX. Je propose en amendement : « sauf l’union des catholiques avec le chef de l’Eglise. » M. de Rousmard. Le traité de Westphalie, qui est la base du droit politique de l’Europe, a réservé à des évêques d’Allemagne l’autorité métropolitaine sur des évêques frauçais. On pourrait dire en amendement que « le roi sera supplié d’ouvrir des négociations pour offrir des indemnités aux évêques allemands. » M. l’abbé Grégoire. L’amendement est simo-niaque. M. de Rousmard. Il appartient à la loyauté d’un peuple devenu libre de respecter les traités. Si le mot dont je me suis servi est mal sonnant, et il paraît qu’il l’a été pour M. l’abbé Grégoire, je demande toujours que le roi entre en négociation pour obtenir la résiliation de ia stipulation du traité de Westphalie. M. dé Eumel-llontségur. Je demande pour cet amendement le même ajournement que celui qui vient d’être décrété relativement à la Corse. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement.) M. deCoulmiers, abbé d'Abbécourt. On pourrait placer à la suite du titre proposé l’article 20 du titre II : il est ainsi conçu : « Le nouvel évêque ne pourra point s’adresser à l’évêque de Rome pour en obtenir aucune confirmation; il ne pourra que lui écrire comme chef visible de l’Eglise universelle, et en témoignage de l’unité de foi et de la communion qu’il est dans la résolution d’entretenir avec lui. » M. Goupil de Préfeln. 11 ne suffit pas de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] 45 M. Fréteau. Il n’est pas possible d’intercaller cet article sans déranger l’ordre des matières ; mais je propose d’ajouter à l’article 2 cette disposition : « Le tout sans préjudice de l’unité de foi et de la communion qui sera entretenue avec le chef visible de l’Eglise, ainsi qu’il sera dit ci-après. L’amendement est adopté et l’article 2 est décrété en ces termes : Art. 2. « 11 est défendu à toutes églises ou paroisses de France, et à tous citoyens français, de reconnaître, en aucun cas et sous quelque prétexte que ce soit, l’autorité d’un évêque ordinaire ou métropolitain, dont le siège serait établi sous la domination d’une puissance étrangère, ni celle de ses délégués résidants en France ou ailleurs ; le tout, sans préjudice de l’unité de foi et de la communion qui sera entretenue avec le chef visible de l’Eglise, ainsi qu’il sera dit ci-après. » M. de Bonnal, évêque de Clermont, demande à faire une déclaration au nom des évêques députés à l’Assemblée nationale et commence ainsi : Je prie l’Assemblée de recevoir la déclaration que nous ne voulons prendre aucune part à la la délibération ............ (Quelques évêques se lèvent.) M. liiicas. Je supplie l’Assemblée de bien observer que M. l’évêque de Clermont n’a fait cette déclaration qu’après que vous avez, par un décret formel, déclaré que vous vouliez conserver l’unité de foi et la communion avec le chef visible de l’Eglise. (La discussion est ouverte sur l’article 3 proposé par M. Fréteau.) M. Camus. Dès les premiers siècles de l’Eglise, il y a eu des métropolitains : pourquoi détruire les métropolitains qui existent pour en faire d’autres? Vous leur ôterez tout ce qu’ils avaient reçu d’un usage abusif, vous ne leur laisserez plus que les objets spirituels. Le recours aux métropolitains a été décidé par l’Eglise : une assemblée tenue par elle ne peut rien changer à cette décision. D’ailleurs, dans l’article présenté, l’organisation n’est pas complète. Je proposerai de décréter que les métropoles qui existent seront conservées. Lorsque l’évêque diocésain aura prononcé dans son synode sur les matières de sa compétence, il y aura lieu au recours au métropolitain, lequel prononcera dans le synode métropolitain. Si la décision de ce synode porte contravention aux lois canoniques ou aux lois du royaume, la partie intéressée s’adressera à la cour de révision. M. Treilhard. Quelque parti que vous preniez, vous ne violerez en rien la juridiction ecclésiastique. Si vous maintenez la juridiction métropolitaine, vous respecterez des institutions anciennes et dignes de respect ; mais, si vous la réformez, vous vous rapprocherez de l’Eglise primitive. Jésus-Christ n’a pas donné aux apôtres de l’autorité les uns sur les autres. (Ces paroles se font entendre du côté droit : Et Saint Pierre?) Saint Pierre a présidé le concile de Jérusalem, mais cette présidence ne lui a donné aucune juridiction sur les apôtres. Je ne connais, dans le premier et dans le second siècle de l’Eglise, aucun exemple d’un évêque qui ait exercé aucune juridiction sur un autre évêque. II y a ici beaucoup de personnes plus instruites que moi, je les prie de s’expliquer si elles connaissent quelques-uns de ces exemples. M. Duval d’Eprémesnll. Je réponds à la question de M. Treilhard que l’Assemblée est transformée en concile, et en concile schismatique et presbytérien. M. le curé M***. On cherche à prouver que l’Eglise n’a pas de juridiction extérieure, c’est une hérésie manifeste. Jésus-Christ dit à saint Pierre : « Je change votre nom de Simon en Pierre, parce que sur cette pierre j’établirai mon église.» Après la faute de saint Pierre, Jésus lui dit : «Pierre, m’aimez-vous?— Oui, Seigneur, je vous aime. — «Paissez mes agneaux», dit Jésus. «Pierre, m’aimez-vous?— Oui, Seigneur, je vous aime.— Paissez mes brebis,» dit Jésus. VoilàPierre pasteur du troupeau, pasteur des pasteurs, et le pasteur a sans doute une juridiction sur le troupeau. C’est à saint Pierre que Jésus-Christ a dit : « Je vous remets les clefs du paradis ; ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel ; ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » — On m’objectera que Jésus-Christ a dit la même chose à tous les apôtres ; mais c’est à saint Pierre seul qu’il a remis les clefs du paradis , comme , dans une maison bien ordonnée , les clefs se remettent tous les jours au chef. Saint Pierre est le premier intendant de la maison de Dieu, il est l'administrateur universel, donc il a une juridiction universelle. Mais ce n’est pas seulement par les paroles de l’Evangile qu’on établit les principes de la foi, il est encore des articles de foi comprit implicitement et obscurément dans l’Evangile. ...... Tout bien considéré, je trouve que vous vous embarrassez beaucoup. Vous avez des manières abrégées de finir un fond de contestation dont vous ne vous tirerez jamais. Vous exposez les évêques à n’être pas évêques , les curés à n’être pas curés, les fidèles à n’être pas absous. Que le pape se réserve certains cas dans l’Eglise, que les évêques se réservent certains cas dans leur diocèse, c’est affaire de discipline. Si vous vous écartez de cette discipline, le fidèle sera-t-il absous de son péché? M. Treilhard. J’avais demandé qu’on citât un fait contre mon assertion, on n’en a cité aucun. J’en citerai un absolument conforme à mon opinion. Dans le troisième siècle, saint Gyprien écrit au pape saint Corneille : « Il ne faut pas que ceux qui nous ont été soumis aillent plaider leur cause ailleurs. » Nous ne voyons pas, dans le concile de Nicée, que l’évêque de Rome eût une juridiction sur les autres évêques ..... M. *** Ce n’est pas là ce que vous avez dit. M. Treilhard. J’ai dit que saint Pierre a présidé le concile de Jérusalem, et que cette qualité de chef du concile ne donnait pas de juridiction sur les autres évêques ..... (M. Treilhard est interrompu par des murmures.) M. Ee Chapelier. Je demande que la discussion soit fermée. M. le Président. Sera-t-il donc impossible de ramener l’Assemblée à l’ordre? Les clameurs ne servent à rien. Deux cents personnes qui parlent à la fois ne peuvent être entendues. Je demande donc que M. Treilhard parle, qu'on l’écoute, et,