AVERTISSEMENT Nous croyons devoir donner quelques explications sur la méthode que nous avons adoptée pour la reproduction aussi complète que possible des débats et des documents législatifs de la période révolutionnaire. Tout d’abord nous avons posé en principe de prendre pour guide permanent le procès-verbal de chaque séance et d’emprunter au Moniteur son compte rendu, contrôlé et augmenté à l’aide des journaux à la suite les plus autorisés et des discours et rapports imprimés à part dans leur intégrité. C’est là le plan que nous avons suivi dans le cours de ce volume et que nous continuerons de suivre jusqu’à la fin. Le Moniteur ne date en réalité que du 24 novembre 1789, mais l’Introduction de Thuau-Granville le fait remonter au 5 mai. Il eut pour fondateur un infatigable entrepreneur de journaux, Panckoucke, qui possédait déjà la Gazette de France et le Mercure. Le 23 mai, Panckoucke sollicita des Communes l’autorisation de joindre la relation de leurs séances à cette dernière feuille, la plus ancienne de toutes, qui avait recueilli en 1614 les principaux actes des États généraux et était « consultée encore à cause de l'authenticité de ses rapports ». Mais son adresse eut le sort d’une motion de Target qui, le même jour, avait demandé qu’on nommât au scrutin deux secrétaires chargés de rédiger tout ce qui s’était passé dans les États depuis leur ouverture et d’en faire un procès-verbal clair, simple et précis. Un membre, dont le nom n’a pas été conservé, avait répondu à Target : « Si le procès-verbal est sec et net, il est de peu d’utilité; si l’on se permet des réflexions, les rédacteurs deviennent les censeurs de l’Assemblée ; cela aigrira les esprits ; ainsi je crois que le meilleur parti est le silence ». Et le silence avait été décrété par 389 voix contre 28. Mais l’Assemblée devait revenir sur sa décision peu de temps après : en effet, le 27 août, elle donna mission à un de ses premiers secrétaires, Camus, et à son collègue Emmery, de « veiller à l’impression du procès-verbal et à l’arrangement des pièces qui y seront annexées. » Panckoucke lança résolument son troisième organe dans les voies nouvelles. « Quand il sort des ateliers où s’imprime son Moniteur universel , disait l’auteur des Révolutions de France et de Brabant , il est patriote en diable, c’est un brave à trois poils qui veut voler au secours des Brabançons, et l’aristocratie n’a pas de fléau si redoutable ; lorsqu’il met les pieds dans son Mercure de France, dédié au Roi, une métamorphose subite s’opère en lui et on le voit devenir aristocrate enragé. » lre Série, T. VIII. % i II AVERTISSEMENT. Quoi qu’il en soit, et malgré les variations que lui firent subir les divers régimes qui se succédèrent, le Moniteur reste le plus important des journaux. Les autres ne peuvent servir que d’appoint. Le plus sérieux et le plus exact de ces derniers est le père du Journal des Débats d’aujourhui, qui s’intitulait Journal des Débats et Décrets et eut pour fondateur Beaudoin, député suppléant et imprimeur de l’Assemblée nationale. Aussi est-ce celui que nous avons mis et que nous mettrons le plus largement à contribution. Nous nous contenterons de citer après, le Journal des États généraux dirigé par Le Hodey, dont le Logographe nous sera aussi d’un secours quotidien, du 27 avril 1791 au 17 août 1792. Le Logographe fut comme le premier vagissement de la sténographie qui .eut une enfance des plus longues, car elle ne sortit de ses langes qu’en 1820. A cette époque, les rédacteurs de tous les journaux se tenaient dans les couloirs aboutissant à la tribune et quelquefois se permettaient de prendre bruyamment parti pour ou contre les orateurs. Un député, M. Poyferré de Gère, s’en émut et invoqua la prescription réglementaire interdisant à tout étranger de pénétrer dans l’enceinte législative. Un autre membre de la Chambre, M. de Chauyelin, demanda que le rédacteur du Moniteur partageât le sort commun. Mais le président, M. Ravez, objecta qu’un traité venait d?être passé avec cette feuille pour la reproduction des discours et qu’il fallait la mettre à même de remplir sa tâche. A quoi un membre de l’opposition, M. de Corcelle, répliqua qu’elle avait refusé d’insérer un des siens. Néanmoins, le vote qui intervint approuva l’exception et conféra une sorte de caractère officiel au compte rendu du Moniteur forcément très-incomplet, n’étant l’œuvre que de trois rédacteurs. Ce compte rendu ne prit qu’en i 835 les proportions de Tin-extenso. Cette suprême évolution fut accomplie par le chef du service sténographique actuel, M-Célestin Lagache, qui imagina le double procédé du roulement et de la révision. Malgré la perfection de l’instrument, le président Dupin avait coutume de dire : « Le procès-verbal seul fait loi. » P. S. — Nous donnons en tête de ce volume une pièce qui nous a paru intéressante et qui était enfouie dans les archives de l’hôtel de ville de Versailles. Nous la faisons suivre : 1° d’une liste des députés et suppléants de l’Assemblée nationale par ordre alphabétique de sénéchaussées et bailliages ; 2° d’une liste des mêmes par ordre alphabétique de noms. — Pour dresser ce double tableau qui n’existe entier nulle part, il nous a fallu recourir à un grand nombre de documents. Nous ne nous portons pas garants de l’exaer titude littérale des noms : l’orthographe de beaucoup d’entre eux variant presque autant de fois qu’ils sont reproduits, nous avons été obligés de prendre un terme moyen.