S42 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. mais les anciens rapports subsistent toujours; ils ne sont point annulés, et ce n'est qu’après que vous aurez vu cette déclaration ou plutôt ce compte que le roi doit vous rendre que vous déciderez si vous devez, si vous pouvez suivre à son égard les formes judiciaires. Mais ce compte, cette déclaration, le roi seul le doit, et ce n’est qu’à lui que vous pouvez le demander. Quant à la déclaration de la reine, elle doit être reçue par les mêmes juges qui recevront les interrogatoires des personnes qui sont en état d’arrestation. Je demande donc que les commissaires que vous avez nommés ne soient autorisés à recevoir que la seule déclaration du roi. M. Tronchct. Je crois qu’une réflexion fort simple suffira pour résoudre la question qui paraît vous avoir embarrassé jusqu’ici. Il paraît que la difficulté n’existe que de ce que l’on a toujours confondu dans cette Assemblée l’hypothèse dans laquelle on était anciennement de demander une déclaration au roi ou à la reine, avec l’hypothèse particulière dans laquelle vous êtes. Dans l’ancien ordre de choses et dans tous les exemples que nous pouvons connaître, dans quel cas demandait-on une déclaration au roi ou à la reiue? Dans un procès commencé, suivi sur une plainte et seulement dans un procès criminel intenté contre un individu, lorsque l’on croyait que le roi et la reine pouvaient avoir connaissance du délit poursuivi, et mis sous la main de la justice en activité, au lieu d’appeler le roi et la reine en déposition, on pensait que le respect dû à la dignité royale devait dispenser delà forme ordinaire d’assigner en déposition le roi et la reine et même devait les dispenser de Ja formule extérieure du serment. On attachait à la grande dignité royale la confiance de regarder leur déclaration comme une véritable déposition ; car voilà ce qu’étaient les déclarations que l’on demandait du roi et de la reine dans les hypothèses connues jusqu’ici. Aujourd’hui ce n’est pas là l'hypothèse dans laquelle vous êtes. Vous avez bien vu et connu par la notoriété publique un délit, et vous avez fait tout ce que les juges avaient à faire dans un délit annoncé par la notoriété publique. Vous avez dit : Il faut prendre toutes les instructions. U y a des gens à arrêter, il faut les interroger. Sur ces interrogatoires cyi pourra avoir des connaissances; il faudra appeler la déposition des témoins ; mais tout cela n’est qu’un préliminaire, car vous n’avez pas encore arrêté quelle sera l’accusation ; vous n’avez pas encore qualifié le délit; vous n’avez pas encore désigné quel sera le tribunal qui en sera chargé. Ainsi toutes ces procédures-là ne sont que des mesures préliminaires tendant à nous donner les instructions nécessaires pour pouvoir connaître le parti que l’on prendra. Dans ce cas-là, on peut bien donner le caractère judiciaire, jusqu’à un certain point, aux interrogatoires des accusés, car certainement l’interrogatoire d’un accusé pris en flagrant délit est une véritable procédure criminelle; on peut bien donner le caractère d’acte judiciaire aux premières informations qui pourraient être faites par suite de votre décret. Mais, à l’égard du roi et de la reine, la déclaration que vous désirez avoir n’est autre chose, comme vous l’a dit M. d’André, qu’un compte que vous avez désiré que le roi et la reine vous [26 juin 1791.] rendissent de la connaissance personnelle qu’ils pourraient avoir de ces faits-là ; et je crois qu’il y aurait le plus grand inconvénient à donner aucun caractère judiciaire à ces actes, parce que, dans le moment actuel, ce n’est ni une déposition, ni un acte judiciaire quelconque. Je pense dooc qu’il faut s’en tenir au projet du comité et rejeter tous les amendements qui ont été présentés. (L’Assemblée, à l’unanimité, ferme la discussion.) M. le Président. M. Robespierre a fait la motion que les déclarations du roi et de la reine soient reçues par les juges du tribunal de l’arrondissement et non par des commissaires du Corps législatif. Plusieurs membres : La question préalable. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement.) Un membre : Il semble que dans l’article qui vous est proposé, les fonctions des commissaires ne sont pas assez clairement marquées et qu’il leur laisse une latitude dont ils pourraient abuser et dont il est important qu’ils n’abusent pas. Il serait question de décider s’il faut permettre aux commissaires de faire des interrogatoires. ( Non!. non /) M. £faultier-Biauzat. Je demande que le nombre des commissaires soit porté à sept. M. Robespierre. Je demande que la déclaration du roi et de la reine soit rédigée par écrit, signée d’eux et des commissaires. M. Êînport, rapporteur. On pourra rédiger l’article comme suit : « L’Assemblée nationale nommera trois commissaires... » M. Gaultier-Biauzat. Je demande qu’on mette mon amendement des sept commissaires aux voix. M. DeSavigne. Je demande la question préalable sur l’amendement. M. Prieur. J’appuie l'amendement de M. Biau-zat ; on ne peut donner trop d’authenticité à la déclaration du roi et de la reine. Plusieurs membres : Aux voix, la question préalable sur l'amendement ! (L’Assemblée, consultée, décrôtequ’il n’y a pas lieu de délibérer sur l’amendement de M. Gaul-tier-Biauzat.) M. Duport, rapporteur. Voici l’article que je propose : Art. 3. « L’Assemblée nationale nommera 3 commissaires pris dans son sein, pour recevoir, par écrit, de. la bouche du roi, sa déclaration, laquelle sera signée du roi et des commissaires ; it en sera de même de la déclaration de la reine. » M. le Président. Je mets l’article aux voix. M. Chabroud. Je demande, afin d’éviter à [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [iM juin 1791. ] l’Assemblée l’embarras de nommer des commissaires, qu’elle charge de prendre les déclarations dont il s’agit, les trois commissaires qu’elle avait chargés d’aller au-devant du roi. M. il’ André. Non ! non ! M. Pétiou de Villeneuve, un des commissaires. Il est très nécessaire que l’Assemblée ne renomme pas les trois premiers commissaires. (L’article 3 est mis aux voix et adopté.) M. Duport, rapporteur , donne lecture de l’article 4 ainsi conçu : Art. 4. « Le tout sera rapporté à l’Assemblée nationale, pour être pris, par elle, les résolutions qu’elle jugera convenables. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. le Président. Je préviens l’Assemblée qu’à l’issue de la séance les membres auront la bonté de se retirer dans les bureaux pour procéder à la nomination des trois commissaires qui seront choisis à la majorité absolue des suffrages. M. Goupil-Préfeln. Si la nomination se fait à la majorité absolue, il est possible que cela dure trois jours, ce qui, par la nature des circonstances, entraînerait une perle de temps trop considérable. Je propose que la nomination ait lieu à la majorité relative. (Non! non!) M. d’André. Je propose qu’on se rende sur-le-champ dans les bureaux et qu’on revienne dans l’Assemblée après l’élection. (La motion de M. d’André est adoptée.) M. le Président. Conformément au décret que l’Assemblée vient de rendre, la séance est suspendue pour se retirer dans les bureaux. (La séance est suspendue à deux heures.) M. Treilhard, ex-président , occupe le fauteuil. (La séance est reprise à deux heures trois quarts.) M. Alexandre de Beanliarnais, président , prend place au fauteuil. M. le Président. Avant de prononcer le résultat du scrutin, l’Assemblée ne désapprouvera pas que je fasse entrer dans la salle MM. les gardes nationales de Varennes , qui ont accom-pagaé le roi et qui demandent à prêter le serment. (Oui! oui !) (Les gardes nationales sont introduites ; elles ont à leur tête M. Georges, maire de Varennes et membre de l’Assemblée.) M. Georges prend la parole et s'exprime ainsi : « Messieurs, « Permettez-moi de suspendre un instant les hautes fonctions que j’ai l’honneur de partager avec vous, pour ne paraître dans cette auguste Assemblée que comme maire de Varennes, au milieu de mes concitoyens et compatriotes des villes de Varennes, Clermont et lieux voisins, qui tous ont concouru avec la même ardeur, le 543 même courage et le même patriotisme, au salut de la chose publique. « Vous les voyez devant vous, Messieurs, ces enfants de la patrie, qui n’ont pas craint d’exposer leurs jours pour suspendre la marche du roi et de sa famille, prêts à dépasser la ligne de démarcation de l’empire français, et de protéger leur retour jusque dans la capitale. « Déjà, Messieurs, vous connaissez le détail des principales actions de ces braves citoyens; aussi je n’userai pas de redites, pour ménager les moments précieux de l’Assemblée nationale. « Le courage et le patriotisme de deux petites villes frontières apprendront à toute l'Europe ce que peut la France réunie par le même civisme; déjà elle sait ce que vaut un peuple qui n’a eu besoin que de vouloir terrasser le despotisme pour conquérir en un seul jour la liberté. « L’occasion est trop belle, Messieurs, et nous en profitons pour renouveler le serment d’être toujours fidèles à la nation, à la loi, et de défendre, jusqu’à la dernière goutte de notre sang, la Constitution que vous nous avez donnée, et qui fera à jamais le bonheur et la gloire de i’Em-pire français. » (Les gardes nationales prêtent le serment et s’écrient : Nous le jurons! au milieu des applaudissements de l’Assemblée.) M. le Président, répond : « Votre vigilance, vos soins et votre activité ont arrêté une fuite dont l’effet attirait sans doute sur la France une guerre désastreuse; par cette conduite estimable, vous pouviez exposer vos foyers à être ravagés par nos ennemis, ou parles traîtres qui les ont servis ; mais ce danger que vous avez fait courir à vos propriétés prouve que vous êtes des hommes libres et généreux, qui comptent pour rien leur vie, quand elle peut sauver la patrie. Varennes sera un lieu célèbre, que la France entière s’honore de mettre au nombre de ses villes. L’ Assemblée nationale vous engage à assurer tous ses habitants qu’elle sait apprécier les services qu’ils ont rendus; elle peut aussi vous gaiantir que tous les Français reconnaissants se réuniront autour de vos murs, si les satellites du despotisme osaient en approcher. » ( App la u dissemen ts.) M. Moreau-Saint-lIéry. Parmi les actes vraiment dignes d’admiration que le malheur dont nous avons été menacés vient de faire éclore, il en est un qui m'a vivement frappé, et sans doute les sentiments qu’il m’a inspirés sont dans Pâme de tous bons citoyens, c’est la promesse de M. Baudan, qui, prenant une haute et juste opinion du peuple français, et notamment des habitants de Pans, jure au roi, sur sa tète, qu’il arrivera avec sa famille sans aucun accident dans la capitale. Je demande qu’au moment où cette promesse vient d’être si solennellement et si heureusement accomplie, l’Assemblée nationale consigne dans son procès-verbal un témoignage de sa satisfaction de la conduite de M. Baudan, afin que la postérité puisse contempler comme nous le spectacle d’un roi de France livré à toutes les alarmes par des conseils perfides, rassuré par la vertu d’un simple oflicier municipal, honoré loin des cours du choix de ses concitoyens. (Applaudissements.) (L’Assemblée décrète qu’il sera fait une mention honorable dans son procès-verbal de la conduite de M. Baudan.) M. le Président. Par un décret rendu mardi