154 [30 novembre 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. de dîmes, n’a jamais eu trait au payement des impôts payés par la nation. Les paroisses qui ont pris part à l’insurrection sont assez coupables sans qu’on puisse se permettre de leur supposer de nouveaux crimes. Les larmes de repentir que ces malheureux, trompés par des séditieux, ont versées, doivent leur taire obtenir d autant plus facilement grâce que les auteurs de la sédition seront punis avec sévérité. M. Vieillard, rapporteur, termine en donnant lecture d’un projet de décret. M. de Menait. La perte du maire de Varaize qui adonné des preuves d’un patriotisme si courageux, mérite une récompense qui, si elle ne peut arriver jusqu'à lui, témoignera au moins de la sensibilité de l’Assemblée envers sa famille. Je propose, en conséquence, un article qui serait ainsi conçu : « L’Assemblée nationale décrète qu’elle prend sous sa prolection immédiate la femme et les enfants de M. Latierce, maire de Varaize, qui a sa-criiié sa vie à ses devoirs, et que, sur le compte qui sera rendu à l’Assemblée par le département delà Charente-Inférieure, il sera pourvu, s’il est nécessaire, à la subsistance et aux besoins de la famille de ce généreux citoyen, » M. Vieillard, rapporteur, accepte l'amendement qui est adopté. Le décret est ensuite rendu ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur les événements arrivés à Saint-Jean-d’Angély et lieux circonvoi-sins, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le roi sera prié de donner les ordres nécessaires pour que l’information commencée «à Saint-Jean-d’Angély, tant contre le nommé Laplanche et consorts, que contre les prévenus de l’assassinat du maire de Varaize et leurs comnlioes, soit continuée avec célérité, et leur procès fait et parfait devant les juges du tribunal établi en la ville de la Rochelle, à la diligence cie l'officier chargé de l’accusation publique auprès dudit tribunal, et pour qu’à cet effet les prisonniers y soient incessamment transférés. Art. 2. « Sa Majesté sera également priée de donner des ordres pour que, devant les mêmes juges et à la même diligence, il soit informé de la conduite des officiers municipaux et notables de la ville de Saint-Jean-d’Angély, dans les journées des 21 et 22 octobre dernier, ainsi que de celle par eux tenue antérieurement et postérieurement auxdites époques, qui pourront avoir trait, auxdits événements; ensemble des faits consignés tant dans les procès-verbaux des administrateurs du département de la Charente-inférieure et de son directoire, que dans ceux des administrateurs du directoire du district de Saint-Jean-d'Angély, et dans ceux même des officiers municipaux et notables de ladite ville, circonstances et dépendances ; à l’effet de quoi lesdits procès-verbaux et autres pièces déposées à l’appui, au comité des t apports, seront mcessammentadressés à l’officier de la Rochelle, chargé de l’accusation publique. Art. 3. <; Ceux desdits officiers muuicipuuxet notables de Saint-Jean-d’Angély qui, à l’époque du 21 octobre dernier, faisaient partie du corps municipal ou du conseil de la commune, et qui se trouvent encore officiers municipaux et notables, soit parce que le sorties aurait maintenus, soit parce qu’ils auraient été de nouveau élus pour remplir quelques fonctions dans le corps municipal ou dans le conseil général de la commune, demeureront provisoirement suspendus de ces mêmes fonctions, au moment de la notification qui leur sera faite du présent décret par deux commissaires du directoire du département de la Charente-Inférieure. Art. 4. « Les officiers municipaux qui ne faisaient point partie du corps municipal ou du conseil général de la commune à l’époque désignée en l’article précédent, et qui ont été élus dans le présent mois, exerceront provisoirement les fonctions municipales; le premier élu exercera celles de maire. Art. 5. « Les notables élus à la même époque, en tant que de ceux qui n’exerçaient, avant la dernière nomination, aucunes fonctions dans le corps ou conseil municipal et de la commune, formeront provisoirement le conseil de la commune. Art. 6. « Si, par l’événement des dispositions du présent décret, et des dernières nominations faites à Saint-Jean-d’Angély, le nombre des administrateurs se trouvait tellement réduit, que le service public et l’intérêt de la commune pussent en souffrir, le directoire du département de la Charente-Inférieure y pourvoira en nommant un nombre de commissaires suffisant pour exercer provisoirement les fonctions municipales, conjointement avec les nouveaux officiers municipaux ou notables dernièrement élus. Art. 7. « Ceux qui se trouveront composer le corps municipal et le conseil de la commune, se réuniront pour nommer au scrutin, à la majorité absolue, celui d’entre eux qui remplira provisoirement les fonctions de procureur de la commune. Art. 8. « L’Assemblée nationale déclare qu’elle est satisfaite du patriotisme et de la conduite ferme et généreuse qu’ont tenue les membres du directoire du département de la Charente-Inférieure, les gardes nationales de Sainles, Rochefort, Charente et Mata, les détachements des régiments des chasseurs Bretons, d’ Age nais et de Royal-Lor-raine, la troupe de maréchaussée, le sieur de Saint-Blancard , qui a rempli Ses fonctions de juge, et le sieur Isambard, curé de Ternant. Art. 9. « L’Assemblée nationale décrète qu’elle prend sous sa protection la femme et les enfants du sieur Latierce, maire de Varaize, qui a sacrifié sa vie à ses devoirs; et sur le compte qui sera rendu à l’Assemblée par Je département de la Charente-Inférieure, il sera pourvu, s’il est nécessaire, à la subsistance et aux besoins de la famille de ce généreux citoyen. Art. 10. « L’Assemblée nationale décrète qu’en conformité de son décret du 14 juin dernier, les anciennes compagnies de milice bourgeoise de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 novembre 1790.] 1S5 Saint-Jean-d’Angély seront incorporées et feront provisoirement le service avec la garde nationale actuellement existante, et que cette incorporation étant faite, les armes seront rendues aux citoyens auxquels elles ont été enlevées. > M. I&oussillon, député de Toulouse. M. de Broglie a demandé la parole; je prie l’Assemb!ée de l’entendre, quoique son rapport ne soit point à l’ordre du jour; mais ce rapport présente un objet de justice et d’humanité très instant. Il s’agit de rendre la liberté à un citoyen vertueux, M1 Perrez, membre de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, fidèle à sou serment civique et à sa parole d’honneur. Le même rapport a aussi pour but d’assurer la liberté à M. Manihan, ci-devant président de ladite chambre. (L’Assemblée décide que M. de Broglie sera entendu.) M. «le Kroglie. Je viens une troisième fois, au nom de voire comité des rapports, fixer quelques moments votre attention sur l’affaire du ci-devant parlement de Toulouse. Par la faute d’un ministre si universellement dénoncé par l’opinion publique, votre décret du 8 octobre est resté sans exécution. La municipalité de Toulouse ne se crut alors en mesure que d’exiger des magistrats leur obligation, signée de, chacun d’eux et scellée de leur parole d’honneur, de se représenter dès qu’ils en seraient requis. Lorsque votre comité me chargea de solliciter votre décret du 6 novembre pour assurer l’exécution du premier, le doute que je fus obligé de témoigner sut la solidité de la chaîne qui retenait seule des magistrats déjà convaincus d’avoir forfait à l’honneur par l’infraction de leur serment civique, ce doute que partageait la majeure partie de cette Assemblée, parut à quelques membres un doute élevé contre l’honneur même ; une dernière lettre de la municipalité de Toulouse, en date de 24 de ce moi-, a mis votre comité à portée de prononcer entre la méfiance que son rapporteur vous avau témoignée et la confiance trop généreuse de ses censeurs. Voici les principaux faits énoncés dans cette lettre et dans les pièces qui y sont jointes. Le ministre, forcé d’adresser à ia municipalité, avec l’expédition de votre second décret, l’injonction la plus précise d’exécuter l’arrestation prononcée par celui du 8 octobre, soit par oubli, soit par d’autres motifs, il n’y a pas joint la sanction du roi; mais ce défaut dé forme n’a passuspendu un seul instant le zèle de la municipalité et la soumission à vos décrets. L’arrestation a été sur-le-champ ordonnée, le commandant de la garde nationale et celui de ia maréchaussée requis de prêter main forte, et toutes les mesures prises pour arrêter et conduire dans la maison commune ies dix magistrats confiés jusqu’alors à la seule garde de leur honneur. Mais cette garde corrompue n’avait pu retenir les coupables : ils avaient pris la fuite; ils s’étaient assurés, par un second crime, l’impunité de leur premier forfait. A eu juger par une adresse trouvée au domicile de l’un d’eux, ils ont choisi l’Espagne pour refuge. Qu’ils aillent y calomnier cette Constitution qui proscrit ies parjures ; qu’ils tâchent de susciter dans une nation notre alliée des ennemis a la patrie dont ils se sont rendus indignes : ce n’est plus d’eux, ni de leur fuite, ni de leurs honteux et criminels projets que je dois vous entretenir. Il me reste à vous présenter quelques détails plus consolants et plus dignes de vous. Parmi ces magistrats réfractaires, un seul, qui a fourni avec honneur une longue carrière, M. Perrez, est resté jusqu’à la fin religieusement fidèle à ses devoirs et à son serment. Seul il avait refusé de se ranger à l’avis des protestations des 25 et 27 septembre; il avait insisté fortement pour que l’on procédât à l’enregistrement pur et simple de votre décret; et s’il n’avait pas fait une protestation particulière contre celles de sa compagnie, c’est, comme il l’a déclaré lui-même, parce qu’il était notoire à Toulouse que le délibéré de la chambre avait passé contre son avis, que ces arrêtés n’étaient jamais signés par le président, et qu’il était hors d’usage que l’on protestât contre eux, de quelque nature qu’ils fussent. Non seulement il s’était engagé, par une parole d’honneur loyale et sincère, à se représenter à toutes les réquisitions, mais il avait offert de se rendre à Paris pour soumettre les motifs de sa conduite au Gnrps législatif, dont son innocence m* redoutait point les regards. Une maladie, suite des infirmités de son grand âge, le retenait dans sa maison et même dans son lit. Cependant la municipalité, forcée de remplir la teneur de votre décret, a ordonné qu’il tut conduit dans la maison commune, ce qui a été exécuté avec tous les égards dus à ce respectable vieillard; il y est consigné, dans une chambre, en état d’arrestation, et la municipalité, en demandant à votre comité quelle doit être' sa conduite ultérieure, indique assez» par la justice qu’elle se plaît à rendre au magistrat détenu, tout ce qu’elle attend de la vôtre. Elle provoque aussi votre indulgence en faveur de M. Manihan, ci-devant président de ladite chambre, lequel a déclaré u’avoir point assisté aux délibérations de 25 et 27 septembre, et dont l’absence notoire a autorisé la municipalité à l’excepter de l’exécution du décret. Ainsi, après m’être vu avec douleur forcé, dans mes deux premiers rapports, d’appeler, par les ordres de votre comité, sur des infractions coupables, une rigueur et une sévérité nécessaires, je me félicite d’être chargé d’une mission moins pénible et de pouvoir concilier aujourd’hui votre justice avec votre humanité. La municipalité de Toulouse, qui dans cette occasion s’est conduite, ainsi que la garde nationale, avec une prudence et une fermeté courageuses, sollicite elle-même des ordres pour remettre en liberté M. Perrez, sous la condition d’une parole d’honneur à laquelle il a si bien prouvé qu’il est incapable de manquer. La notoriété publique qui dépose en faveur de M. Manibau semble vous dicter aussi ce qu’il convient de prononcer à son égard, et, dans ta satisfaction que vous éprouverez sans doute de trouver au milieu de ces rebelles officiers de justice un magistrat vraiment digne par ses vertus de porter ce titre vénérable, vous ne daignerez même pas mentionner dans les dispositions de votre décret ceux dont l’évasion prouve, à leur éternelle honte, quelle foi l’on doit ajouter à l’honneur et aux serments de tous Français capables de manquer une fois à ce serment civique par lequel ou est Français. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, relativement à la demande faite par la municipalité de Toulouse, en faveur du sieur Perrez, conseiller de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, et du sieur Manibau, membre de eette même chambre des vacations; « Considérant que ledit sieur Manibau a justifié