270 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juin 1791.] {Murmures dans la partie droite). ..et que la classe indigente et laborieuse du peuple serait privée des secours qui lui sont destinés par l’Etat. C’est un fait connu, que les ennemis de la chose publique retardent, autant qu’ils peuvent, le payement de leurs contributions. 3e demande donc la question préalable sur la proposition. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour. M. de FolleviUe. Il est une autre cause du retard du payement des contributions, c’est que beaucoup de départements n’emploient pas tous les moyens et toute l’activité nécessaires pour leur rentrée. Nous venons de voir, par exemple, le département de Paris, afficher un arrêté qui porte que, pour recevoir des patentes, il suffira de représenter la quittance des impositions de 1788. Je ne sais pas comment, les impositions de 1789 et 1790 étant échues, il a pu faire une pareille annonce. M. Garat. La Révolution est parisienne et pas du tout française. {Murmures.) M. Moreau. Je réponds : 1° que les impositions de 1790 ne seront échues qu’après les six premiers mois de 1791 ; 2° qu’à l’égard des con-contributions de 1789, on les déduit sur les remboursements des maîtrises et autres créances dont sont pourvues les personnes qui demandent des patentes. M. le Président. Sur la motion incidente de M. Boissy-d’Anglas, on a demandé de passer à Vordre du jour. Je vais consulter l’Assemblée. (L’Assemblée décide qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporter , donne lecture de l’article 2 : Art. 2. « En conséquence de ces nouveaux travaux offerts aux ouvriers qui voudront se procurer de l’ouvrage, le Trésor public cessera, à compter du premier juillet, d’entretenir les ateliers de Paris et autres de même nature qui pourraient avoir été établis dans quelque autre partie du royaume. » M. Malouet. Je demande s’il a été pris des mesures, par la municipalité de Paris, pour empêcher que la destruciton subite des ateliers de charité ne trouble la tranquillité publique. Une voix : Allez le lui demander ! M. Malouet. Je ne m’explique pas ces interruptions qui ne tendent qu’à ôter à l’Assemblée sa dignité. Autant il est indispensable de faire cesser des dépenses dont l’inutilité est démontrée, autant il est essentiel de s’assurer que l’administration prendra des mesures suffisantes pour empêcher que le licenciement des ateliers trouble l’ordre public. M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur. Les mesures que demande M. Malouet sont comprises dans les dispositions du projet de décret; elles ont été concertées avec le ministre, le commandant de la garde nationale, le directoire du département et la municipalité. (L’article 2 est mis aux voix et adopté.) M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur, fait lecture de l’article 3 ainsi conçu : Art. 3. « Il est néanmoins enjoint à la municipalité de Paris de ne plus comprendre dans le rôle des ateliers, et ce dès à présent, les chefs de tous grades gui n’auraient pas le nombre d’ouvriers nécessaires, en préférant, pour le renvoi, les célibataires aux pères de famille, et de continuer de renvoyer les ouvriers reconnus n’avoir pas les qualités exigées par les lois des 13 juin et 10 septembre 1790; il lui est pareillement enjoint de faire dès à présent cesser les travaux reconnus sans utilité. » M. de FolleviUe. L’Assemblée a limité un terme pour l’ouverture des travaux du canal de Paris; ce terme est expiré. Je demande que les comités vous présentent incessamment des mesures pour l’exécution de votre décret. M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur. Je demande que l’Assemblée ne s’écarte pas du projet de décret qui lui est soumis eu se laissant entraîner sur des motions incidentes. (L’article 3 est mis aux voix et adopté.) M. de Fa Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur, donne lecture de l’article 4 du projet de décret ainsi conçu : « Seront seulement exemptés de la disposition de l’article 2 du présent décret, quant à présent, les ateliers de filature établis dans Paris pour les femmes et enfants, en vertu de la loi du 13 juin 1790. » M. de Fachèze. Je demande à M. le rapporteur si, par cette exception, il entend que le Trésor public soit encore chargé de ces dépenses. Je lui prouverai que les provinces éloignées sont fatiguées de ce que l’on fait pour Paris. Il est évident que les trois quarts des femmes et des filles occupées à ces ateliers de charité sont de Paris, ou du moins du voisinage; quenos provinces éloignées sont bien plus malheureuses et plus pauvres que le département de Paris, et ne peuvent plus contribuer à toutes ces dépenses. Je demande en conséquence la question préalable sur l’article. Plusieurs membres à droite appuient la proposition de M. de Lachèze. M. Charles de Fameth. Je m’oppose à la question préalable proposée par le préopinanl. Je pense que la nation sait très bien que la ville de Paris a rendu d’assez grands services à la Révolution ( Murmures prolongés à droite.)... Je ne m’attendais pas que cet hommage rendu à la ville de Paris dût m’attirer ces murmures ; ils ne m’effrayent d’ailleurs pas, car c’est l’intérêt public seul qui m’anime et je crois que personne de bonne foi ne me contrariera, quand je dis que, lors même que la ville de Paris aurait nécessité des dépenses extraordinaires, elle a assez bien mérité de la nation pour qu’on ne regarde pas à quelques sacrifices pécuniaires. (. Nouveaux murmures à droite.) Je dis que, s’il y a des ateliers aussi nombreux dans Paris, ce n’était ni le vœu ni le besoin de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [16 juin 1791.] Paris, c’était la faute des administrateurs de Paris ; car on quittait les provinces pour se faire inscrire sur les rôles des ateliers, et des personnes qui auraieut pu être utiles dans leurs provinces, venaient à Paris où l’on alimentait leur fainéantise. Une voix à droite : On leur a écrit de venir. M. Cigongne. Il faut savoir qui. M. Carat l’aîné. Vous êtes lier d’avoir dit cela dans un grand secret. M. Charles de Lamcth. Ce que je dis là est connu de tout le monde. Ces abus étaient si choquants que s’ils n’avaient pas été tolérés par l’intérêt des administrateurs, ils n’auraient pas duré si longtemps. Quoi qu’il en soit, ce qui est fait est fait, on ne peut le réparer ; mais je crois qu’il est de notre devoir rigoureux de connaître, avant la fin de la législature, à quelle somme exorbitante est montée l’universalité des dépenses faites pour la ville de Paris, non pas pour les regretter, car nous ne devons pas regretter des sacrifices qui ont rendu la liberté à la patrie et au monde entier, mais, Messieurs, pour les connaître. Je demande donc la question préalable sur la motion deM. de Lachèze. Il est question de faire vivre des femmes, des enfants, qui ne sont pas de Paris , et qui ne pourraient sur-le-champ trouver de travail dans leurs provinces ; et c’est une pareille motion que l’on irait mettre à la question préalable! ( Murmures dans la partie droite.) M. le Président, pour tranquilliser ceux qui murmurent, et qui aiment sans doute la Révolution autant que moi, je leur dis, je dis aux provinces, que, sans l’insurrection du 14 juillet, il y aurait eu une guerre civile qui leur aurait coûté un milliard, tandis qu’il ne leur en a rien coûté. {Les tribunes applaudissent.) Je demanderai donc à n’être pas détourné de mon opinion par des interruptions qui y sont étrangères. Il y a deux choses dans mon opinion : 1° l’impossibilité de rejeter par la question préalable l’article 4 ; 2° la nécessité de connaître la totalité des dépenses faites pour la ville de Paris, l’usage qu’on en a fait et le résultat de ces dépenses. En conséquence, je demande que l’Assemblée nationale décrète qu’il est ordonné au directoire du département de Paris de faire connaître la totalité des comptes de la municipalité de Paris, avec des états de dépenses bien faits, imprimés d’avance, fournis à un comité ordonné ad hoc par l’Assemblée nationale, pour qu’elle en prenne connaissance, et j’aurai l’honneur de vous observer, Messieurs, que nous sommes arrivés dans cette Assemblée, pour deux choses, pour fonder la liberté et le bonheur public. Or, le bonheur public dépend de l’usage de la liberté, et de la sage administration des finances et des fonds publics ; et je vou3 l’observe encore, sans la dilapidation énorme, sans le désordre extrême des finances, jamais la Révolution n’aurait eu lieu, jamais l’Empire n’aurait recouvré la liberté. Si donc elle ne veut pas perdre cette liberté, il faut qu’elle soit prête à punir les dilapidations, les malversations, s’il y eu a; il faut qu’elle porte l’œil de l’économie dans toutes les parties de l’administration. Je demande que ma proposition soit mise aux voix. ( Applaudissements .) M. de La Rochefoucauld - Liancourt , rapporteur.hQS fonds appliqués aux ateliers dont il est question dans l’article ne sont que des fonds d’avance, puisque les matières ouvrées qui en proviennent sont vendues aux profits de l’Etat, et que le prix en est versé à la trésorerie nationale. M. Garai l’aîné. Je crois que l’insurrection du 14 juillet... M. Gombcrt. Achetez une voix avant de parler. M. Garat. Quand on conviendrait de l’influence de Paris sur la Révolution {Murmures.), il est impossible qu’une telle dépense se prenne sur le Trésor public. Il s’agit ici de femmes domiciliées dans Paris, et qu’on veut entretenir ; mais dès qu’il s’agit de femmes domiciliées à Paris, il s’agit d’une charge personnelle à Paris, qu’il ne faut pas par conséquent faire refluer sur toutes les contrées de l’Empire. J'ajoute que la ville de Paris gagne 20 millions à la vente des biens nationaux, voilà de quoi subvenir à cette dépense. Un membre : J’ai l’honneur d’observer à l’Assemblée que les provinces ne se sont pas plaintes du nombre de pauvres dont elles étaient chargées, mais elles vous ont envoyé des demandes; vous les avez même autorisées, par des décrets, à faire des emprunts pour soutenir leurs pauvres. Quelques villes, qui n’ont pas demandé de secours, ont fait elles-mêmes des contributions. Je suis d’une ville dans laquelle on a été obligé de faire une imposition de 15,000 livres d’une somme égale à la taille ; nous ne sommes pas venusdemander àl’Assemblée nationalede vouloir nous rembourser cette somme de 15,000 livres. Il est juste que la ville de Paris, quand on aura licencié les pauvres, soit chargée de l’entretien de ses pauvres. Je demande la question préalable sur l’article du comité. M. Tuant de La Rouverte. L’article que propose le comité est de toute sagesse, quand il sera présenté à la municipalité ; mais il ne peut pas être présenté à l’Assemblée, qui a détruit son privilège, parce qu’il entraînerait un privilège exclusif en faveur de la ville de Paris ; cela ne nous regarde pas. Je demande la question préalable. {Murmures et applaudissements.) M. de La Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur. On demande un système général sur la mendicité; je sais qu’il est extrêmement essentiel de nous en occuper. Il y a dans les ateliers de Paris grand nombre de femmes et d’enfants, tant de Paris que d’ailleurs, qui sont attirés à Paris par la Révolution. {Murmures.) J’observe que les femmes et les enfants sont beaucoup plus dificiles à renvoyer que les hommes qui, sachant travailler, trouvent de l’ouvrage partout. L’article qui vous est proposé ne tend qu’à les conserver quant à présent; et, encore une fois, ce ne sont que des sommes avancées. Il en coûte, je crois, au Trésor, déduction faite des sommes gagnées, environ 20,000 livres par mois. Voilà ce qui a déterminé vos comités à vous proposer cette mesure, qu’ils regardent comme extrêmement importante; car si vous faites cesser tout à coup les travaux qui occupent ces femmes, il est impossible qu’elles trouvent de quoi subsister. 272 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juin 1791.] M. de Custine. Il me semble que le parti adopté pour la ville de Rouen doit encore être suivi pour la ville de Paris. La ville de Rouen a demandé qu’on lui fît des avances sur la caisse de l’extraordinaire pour l’entretien de ses hôpitaux, et qu’elle remettrait ces avances sur le 16® qui lui reviendrait de la vente des biens nationaux. {Interruption assez longue.) 11 faut que la somme qui sera donnée par la caisse de l’extraordinaire ne soit qu’une avance. On n’a pas fait attention à la motion de M. Lameth, et cependant elle est essentielle: il faut connaître l’emploi des fonds pris sur le Trésor public par la ville de Paris. M. Dnquesnoy. Je ne veux pas faire ici l’éloge du patriotisme de la ville de Paris, parce que je ne connais pas ce monopole du patriotisme; car il n’y a pas une ville du royaume qui n’en ait donné des preuves autant, et peut-être plus que Paris. Mais je vous prie de bien peser l’objet de la proposition que vous fait te comité. Vous avez cru que la nécessité des circonstances vous obligerait d’entretenir les ateliers de Paris. Vous n’avez pas voulu licencier les ateliers d’hommes avant de pouvoir les remplacer. Il faut prendre des précautions semblables avant de licencier les ateliers de femmes : il faut attendre qu’il y ait des ouvrages prêts pour les licencier. (L’Assemblée ferme la discussion et décrète qu’il y a lieu à délibérer sur l’article 4.) M. de lia Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur. J’adopte l’amendement de M. de Custine tendant à ce que les fonds à fournir par l’État à la ville de Paris, pour l’entretien des ateliers de filature, ne le soient qu’à titre d’avance et à charge de remboursement. M. Tuaut de la Rouverte. Il est juste que l’Assemblée nationale accorde les mêmes avances à tous les départements qui en demanderont (Murmures.) : cela est dans les principes de Légalité. ( Allons donc !) M. de lia Rochefoucauld-liiancourt, rapporteur. Voici, avec l’amendement de M. de Custine, la rédaction que je propose pour l’article 4 : Art. 4. « Seront seulement exemptés de la disposition de l’article 2 du présent décret, quant à présent, les ateliers de filature établis dans Paris pour les femmes et enfants domiciliés, en vertu de la loi du 13 juin 1790; et les fonds qui leur seront fournis le seront à titre d’avance seulement, à rendre par la municipalité sur les revenus de la ville. » (Cet article est mis aux voix et adopté.) M. de La Rochefoucauld-liiancourt, rapporteur, donne lecture de l’article 5 ainsi conçu : « Les ouvriers occupés jusqu’ici dans les ateliers de Paris, qui témoigneraient le désir de se retirer dans leur municipalité, à compter du présent jour jusqu’au 26 du présent mois, recevront 3 sols par lieue, d’après les dispositions et aux conditions mentionnées en l’article 7 de la loi du 13 juin ci-dessus rapportée. » M. Malouet. Il faut vous assurer du succès des moyens que vous voulez prendre, et il n’y a d’autre moyen que celui-ci ; c’est qu’au premier juillet, la municipalité de Paris fasse un appel nominal, dans chaque quartier, pour savoir qui sont ceux qui veulent s’en aller, et qui sont ceux qui veulent se répartir dans les différents ateliers de travaux ouverts; et qu’elle soit obligée de tenir un rôle nominatif des ouvriers qui demanderaient à se rendre au lieu de leur ancien domicile et de ceux qui voudraient rester dans la capitale. Si vous négligez cette mesure, vous pouvez vous attendre à de grands désordres. M. de La Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur. Je ne m’y oppose point et je propose d’ajouter à l’article la disposition suivante : « Il sera tenu par la municipalité un rôle qui constatera les ouvriers qui se rendront à leur municipalité et ceux qui resteront à la capitale. » M Malouet. C’est cela. M. de La Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur. Voici donc quelle serait la rédaction de l’article : Art. 5. « Les ouvriers occupés jusqu’ici dans les ateliers de Paris, qui témoigneraient le désir de se retirer dans leur municipalité, à compter du présent jour jusqu’au 26 du présent mois, recevront 3 sols par lieue, d’après les dispositions et aux conditions mentionnées en l’article 7 de la loi du 13 juin, ci-dessus rappportée. Il sera tenu par la municipalité un rôle qui constatera les ouvriers qui se rendront à leur municipalité et ceux qui resteront à la capitale. » (Cet article est adopté.) M. de La Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur, donne lecture des articles 6 et 7 ainsi conçus : Art. 6. «. Il sera fait un fonds particulier pour l’achèvement de l’édifice dit de Sainte-Geneviève , confié, comme dépenses nationales, aux soins du directoire du département de Paris, par la loi du 10 avril dernier, et dont les travaux ont, jusqu’à ce jour, été payés sur les fonds des ateliers de secours . Art. 7. « La trésorerie nationale fera verser, de moi3 en mois, les sommes indiquées en l’article premier du présent décret, dans les caisses des receveurs des districts dans l’enceinte desquels se feront ces travaux. » (Ce3 articles sont successivement mis aux voix et adoptés.) M. de La Rochefoucauld-Liancourt, rapporteur, donne lecture de l’article 8 ainsi conçu: « Ces travaux, donnés à l’entreprise par adjudications ou tous autres moyensjugés convenables par les directoires, seront établis et dirigés conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi du 19 décembre, et ouverts au 1er juillet; et les sommes indiquées dans l’article 1er ne pourront être, sous aucun prétexte, employées à aucun autre usage et d’aucune autre manière. » M. Martineau. Je propose un amendement : c’est que les travaux mentionnés dans l’article ne puissent être faits que par entreprise et à la suite d’adjudications au rabais, et que la faculté