SÉANCE DU 12 FRIMAIRE AN III (2 DÉCEMBRE 1794) - N° 7 377 de la fortune publique, exercer hautement les plus odieux brigandages.... Mais oublions nos maux passés, pour nous livrer à la douce espérance qui luit à nos yeux. C’en est fait, un jour plus pur pour éclairer la France régénérée ; les brouillards épais qui l’offusquaient se sont dis-sippés à l’aspect brillant de la vérité. Les charlatans en patriotisme sont renversés de dessus leurs tréteaux, les tyrans et la tyrannaux sont aux abois; et grâce vous soit rendue, législateurs, du milieu des tous ces débris, on voit la République s’élever plus pure, plus sublime, comme cet oiseau de la fable qui offre de plus ravissantes couleurs en renaissant, à attendre qu’il s’élève au dessus du bûcher qui l’avait condamné. Représentans d’un grand peuple, soyez fermes et inébranlables dans les principes sacrés que vous avez si bien développés dans votre adresse au peuple français. Ce monument de vos vertus, le sera aussi de notre bonheur. Nous adhérons avec joye à des principes qui sont les nôtres ; et nous mourrons s’il le faut pour les faire triompher. Nous vous invitons à fermer les oreilles aux cris séditieux des désorganisateurs qui, réduits au désespoir de voir disparaître à jamais l’anarchie et le désordre, si favorables à leurs desseins criminels, disent que l’aristocratie lève la tête, et font encore dans leur agonie des efforts pour faire revivre ce système barbare de terreur, inventé par les contre-révolutionnaires. Non, l’aristocratie ensevelie sous les débris de l’édifice gothique des préjugés et de la royauté ne fait point mine de disparaître ; d’ailleurs nous sommes là pour la renverser si elle osait se relever. Taisez vous donc vils calomniateurs, ou si la calomnie est pour vous un besoin, si elle vous console de vos revers ; si les cris de votre haine et de votre vanité trompée sont une capitulation que la vertu doit vous payer. Calomniez : le courage des patriotes redoublera ; peut-être si vous les aviez loués, la France serait perdu. Pour nous qui ne voulons que le plus grand bonheur de notre pays, nous vous déclarons, législateurs, que nous abhorrons le terrorisme et ses partisans, comme subversif de tout gouvernement libre. La terreur n’est propre qu’à faire des esclaves, c’est l’aliment du despotisme, comme au contraire la justice, l’humanité et la vertu sont la vraie nourriture des républiques. Restez à votre poste jusqu’à ce que la République débarrassée de toutes les entraves élèvera sa tête triomphante au milieu de l’univers. Conservez le gouvernement révolutionnaire dépouillé de tout ce qui pourrait encore prêter à l’arbitraire, et favoriser la tyrannie. N’élevez aux places qui des hommes purs, d’une probité reconnue, pleins de moralité. Chassez tous les intri-gans qui sont autant de vampires propres à ruiner la République. Proclamez au plutôt le droit faisant de la liberté de la presse. Et nous, nous jurons fidélité éternelle à la Convention nationale. Nous promettons de respecter et d’obéir à tous les décrets, de lui faire un rempart de nos corps, et de lui prêter secours s’il est nécessaire, pour écraser toute fraction du peuple qui oserait l’entraver dans sa marche fière et rapide, et qui prétendrait rivaliser avec elle. La Convention nationale étant le seul point de réunion où tous les français doivent aboutir. Voila, citoyens, représentans, nos sermens, et soyez persuadés que nous saurons les tenir. Salut et fraternité. Suivent 35 signatures. 7 Le corps municipal de la commune de Belley, département de l’Ain, invite la Convention nationale à rester à son poste jusqu’à ce que la liberté, majestueuse et fière, ne trouve plus dans l’univers que des admirateurs, et dans la République des amis sincères, qui sachent en connoître et en apprécier les droits ; ils adressent en même temps l’extrait du procès-verbal de la fête qui a été célébrée dans cette commune en l’honneur des glorieuses victoires remportées par les héros républicains sur les satellites des tyrans. Mention honorable, insertion au bulletin (25). [Le corps municipal de la commune de Belley à la Convention nationale, Belley, le 23 brumaire an III\ (26) Représentants, Le juste enthousiasme que doivent exiter et le triomphe de nos armées de terre et de mer, et les mesures sages et énergiques que nous ne cessez de prendre pour leur en assurer toujours des nouveaux, a devancé dans l’âme républicaine de nos concitoyens, l’expression de la reconnois-sance universelle déterminée par vos décrets des 3 et 7 vendémiaire. Nous vous adressons l’extrait du procès verbal de la fete qui a été célébrée dans cette commune à cette glorieuse occasion, et vous y verrez sans doute avec quelque satisfaction que nos conceptions dans la manière de rendre au courage de nos jeunes héros un hommage digne de lui, ils sont accordés en tout point au plan que vous avez conçu vous-mêmes. Nous nous flattons que dans cette heureuse simpathie de nos actions, vous verrez aussi celle de nos sentimens, et une preuve de notre attachement sincère et immuable aux vrais principes républicains que vous venez de développer avec tant d’énergie dans votre adresse au peuple. Courage, braves républicains, restez à votre poste jusqu’à ce que la liberté majestueuse et fière ne trouve plus dans l’univers que des admirateurs et dans la République que des amis sin-(25) P. V., L, 236. (26) C 328 (1), pl. 1448, p. 12. 378 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE cères, qui sachent en reconnoître et en apprécier les droits. Salut et fraternité. Monnier, maire, Guyomard, officier municipal, CYVOST, agent national et 2 autres signatures. [Extrait des registres du conseil général de la commune de Belley, Bélley, le 30 vendémiaire an III\ (27) Procès-verbal de la célébration de la fête qui a eu beu le trente vendémiaire dans la commune de Belley, en réjouissance des victoires remportées par nos armées et de l’évacuation du territoire de la République par les barbares, conformément au décret de la Convention nationale, et à l’arrêté du conseil général de la commune du 21 vendémiaire. Le trente vendémiaire an troisième de la République une, indivisible et démocratique, les autorités constituées s’étant réunies à la maison commune, la garde nationale, les vétterants, et le bataillion de l’Aveiron, rassemblés sur la place de la liberté, cinq jeunes citoyennes, destinées à représenter la victoire, la valeur, la gloire, la justice et la reconnoissance, et décorées de leurs attributs, accompagnées d’une troupe d’enfans, et de militaires ayant à la main des couronnes civiques ou porteurs de ceintures tricolores et autres décorations militaires, tous assemblés dans une salle de la municipalité. Dans le même temps, un grouppe nombreux de citoyennes, femmes et filles, vêtues de blanc, destinées à porter des drapeaux et autres insignes, se rassemblèrent dans la salle de la société populaire à neuf heures du matin. Ces différents corps s’étant réunis dans la rue Voltaire, escortés de la Gendarmerie à cheval, une multitude de citoyens de tout âge et de tout sexe, accourue des campagnes voisines, s’est réunie au peuple de cette commune pour partager son allégresse, et confondue dans le même sentiment d’enthousiasme, ils fermoient la marche. Ce cortège s’est acheminé dans cet ordre vers le temple dédié à l’être suprême, en faisant retentir les airs de chansons patriotiques et au son des tambours et de la musique militaire. Dans le temple, chaque groupe a pris place dans l’ordre qui lui avoit été préparé, et l’agent national de la commune étant monté à la tribune, il a fait lecture des loix et a été suivi par le citoyen maire qui a prononcé le discours suivant : « Citoyens, Chaque jour la France retentit d’un bout à l’autre des cris de liberté, égalité, fraternité, victoire ; mais parmi ceux qui les pronnoncent avec enthousiasme, il en est peut-être encore beaucoup qui n’ont pas une idée bien exacte des choses qu’ils expriment, de leurs rapport entre elles et avec le bonheur dont nous voulons nous assurer la jouissance. (27) C 328 (1), pl. 1448, p. 13. La liberté et l’égalité sont les droits que les hommes tiennent de la nature, et qu’ils ne perdent que par le vice de leurs institutions sociales. Ils ne peuvent à la vérité vivre heureux sans un gouvernement, mais malheur à eux si pour la direction de cette institution, ils donnent leur confiance à des êtres pervers ou ambitieux. Pervers, ils pourront bien assurer au citoyen tout ce qu’il peut conserver en société de ses droits naturels, mais ils s’occuperont peu des mœurs, et sans mœurs, point de bonheur parfait, point de gouvernement durable. Ambitieux, ils flatteront les individus par des avantages apparents et trompeurs, qui leur feront illusion, et prépareront en effet, l’asservissement général dont ils se proposeront de profiter pour satisfaire leurs passions. Qu’ils admettent, par exemple, la distinction de différents rangs, de différents états, de diverses corporations ; cet ordre de choses, en détruisant l’égalité, ne sauroit manquer de produire des rivalités de prérogatives, de privilèges, d’autorités, et dans cette lutte continuelle, des différentes classes de citoyens ; elles seront suc-céssivement opprimées jusqu’à ce que fatigué à l’excès, le besoin de repos et de tranquillité les réduise à le chercher sous la protection d’un chef, qui deviendra bientôt le joug d’un tyran. C’est là une vérité que confirme l’histoire de tous les peuples dont le gouvernement s’est écarté des principes de l’égalité. On ne peut donc revocquer en doute que le meilleur gouvernement, ne soit celui dont elle fait la première base. Il assure la liberté par le droit qu’il accorde à tous les citoyens indistinctement de concourir à la formation des loix qui doivent le régir, et par celui qu’il lui conserve de pouvoir faire tout ce qui ne leur est pas deffendu par les loix qu’ils se donnent eux-mêmes, qui est la parfaitte démocratie, ne peut se soutenir que par la vertu et les mœurs. La vertu dans une République n’est autre chose qu’un ardent amour de la patrie et des loix, qui ne peut exister sans la voûte des mœurs, par la raison toute simple qu’on ne peut se livrer à ses passions particulières sans se distraire de la passion générale, qui doit nous porter entièrement vers le bien commun. Une autre estimation nécessaire des principes de ce gouvernement est le sentiment de fraternité, qui doit exister entre tous les individus composant le peuple qui y est soumis, unis par l’égahté par un attachement sincère à la patrie commune, ne formant ensemble qu’une seule famille, ils ne peuvent manquer de se considérer comme frères, et d’être portés à se secourir mutuellement. Ce sont là, citoyens, les avantages précieux que vous eûtes en vue dès le moment où vous tentâtes d’abattre la tyrannie sous laquelle vous étiez asservis, ce sont là les effets de cette heureuse constitution, qui fut le résultat des premiers travaux de vos représentants à la Convention nationale, et que tout le peuple s’est empressé d’accepter un du qu’elle lui a été proposé, mais par cela seul qu’elle devoit faire son bonheur, par cela seul qu’elle devoit éclairer le SÉANCE DU 12 FRIMAIRE AN III (2 DÉCEMBRE 1794) - N° 7 379 peuple, sur leurs droits, et sur les moyens de s’en ressaissir, elle a jetté l’arme dans le cœur de tous les despotes accoutumés à les asservir, et le désespoir dans l’âme de ces être corrompus par des jouissances insensées, qui les avoient abba-tus, au point qu’ils s’étoient habitués à croire que tous les autres hommes n’avoient été créés que pour leur commodité et leurs plaisirs. Ils ne pouvoit être bien difficile de ramener de tels êtres à des principes si contraires aux préjugés dans lesquels ils étoient nés, et qui se trou-voient subversifs de tous les prestiges dont ils s’étoient enivrés. Il existe encore une autre classe d’hommes qu vouloient bien la liberté, mais qui n’étoient pas encore suffisammens éclairés sur les conséquences de ces principes, et sur les nouvelles obligations qu’il leur imposoient de la nécessité de l’établissement du gouvernement révolutionnaire, de ces loix si sagement combinées, pour, organiser cette force puissante par laquelle toutes les passions dévoient être dirigées vers un seul point, la félicité publique. Cette institution étoit commandée par le salut de la patrie, pour comprimer les ennemis de l’intérieur, éclairer leur conduite, et assurer la punition des entreprises qu’ils pouvoient encore faire contre la surêté publique. C’étoit aussi le seul moyen de purger les armées des intrigants, et des traitres, et de pourvoir efficacement à alimenter et entretenir une masse de citoyens soldats devenue nécessaire pour repousser les efforts de tous les despotes de l’Europe coalisée pour tenter l’anéantissement de notre liberté. Aussi leur avons-nous vu développer tous leurs moyens, et toutes leurs forces contre notre République naissante, qu’ils s’étoient flattés d’écraser, mais ils n’avoient pas d’idée de ce que peut un peuple qui vient de retrouver sa liberté, et qui s’est armé pour la deffendre. Des armées formidables et aguerries, bien approvisionnées, commandées par des généraux accoutumés à la victoire, et de réputation imposante, sembloient leur promettre des avantages assurés sur un peuple qui parroissoit n’avoir à leur opposer que de faibles armées, désorganisées par la trahison et l’intrigue, et dépourvues d’approvisionnement et peu préparées à une guerre portée presque en même tems sur tous les points des frontières, mais les français n’ont pas plutôt reconquis leur titre de républicains, qu’ils en ont reproduit les vertus. Libres, égaux et frères, ils ont trouvé dans leur union et leur courrage de quoi balancer les avantages des puissances qu’ils ont eu à combattre, en quittant pour la première fois leurs foyers, leurs charrues et leurs ateliers, pour la deffense de leurs droits, ils ont déployé des ressources qui n’appartiennent qu’à un peuple, qui s’arme pour conserver son indépendance, leurs premiers essays dans le métier des armes furent signalés par des exploits, qui étonnèrent l’univers; les hordes d’esclaves, qui se trouvoient déjà occuper une vaste partie de la terre de la liberté, furent bientôt dissipées, et nos conquêtes portées fort avant sur le territoire des ennemis qui nous avoient attaqués, ils alloient être anéantis pour jamais lorsque la trahison des généraux infidèles, corrompus par l’un des despotes, nous force à une marche rétrogradé et livra pour la seconde fois quelques unes de nos places intéressantes. Des succès ainsi obtenus par la perfidie ne pouvoient pas être de longue durée, mais pour commander des armées républicaines, il ne fal-loit pas des généraux naturellement ennemis de l’égahté, et par conséquent ennemis de l’égahté et de la liberté ; le gouvernement n’a pas plutôt eu fait justice des traitres qui l’avoient abusés par l’apparence du patriotisme qui ne fut jamais dans leurs cœurs, ils n’ont pas plutôt été remplacés par des chefs qui, moins expérimentés peut-être, mais qui avoient un sincère attachement à la cause de la liberté, qu’elle a été deffendue avec l’énergie que n’eurent jamais les sattelites des tyrans. Dès lors, la victoire n’a plus cessé d’être pour nous à l’ordre du jour, et sur terre, et sur mer ; et quelques jours, quelques heures ont suffi pour arracher des mains des despotes coalisés des conquêtes pour lesquels ils avoient consumé des armées en travaux, moins prodigué leurs trésors, et épuisé le sang de leurs esclaves, en un mot ces généraux tant exercés, ces armées si redoutables, ces dispositions si [ illisible ], tout cela n’a pas tenu un instant devant la bravoure républicaine ; par elle les vils frippons de la tyra-nie ont été forcés d’évacuer sur tous les points le sol de la liberté, par elle ils ont été exterminés et poursuivis loin de nos frontières, et réduits à céder, presque sans résistance, des portions importantes de leurs riches contrées, dignes d’être habitées par des hommes libres. Tels sont, citoyens, les prodiges opérés dans une seule campagne par l’ardent amour de la liberté, qui enflamme le cœur des deffenseurs de la patrie, et qui en a fait des légions de héros, tels sont les effets surprenants de la protection marquée de l’être suprême pour la cause qu’ils deffendent, tels sont les résultats des mesures de ce gouvernement révolutionnaire calomnié, mais qui fut une des plus sublimes conceptions de la Convention nationale. Mais, tandis que nous sommes assemblés pour faire éclatter la joie publique de nos triomphes, nous ne devons pas oublier le devoir sacré qu’ils nous imposent, après que ce temple dédié à l’être suprême aura retenti des actions de grâces que nous lui adressons pour le succès de nos armées, qu’il a visiblement protégées, que nos braves frères d’armes, dont la vaillance a surmonté tous les obstacles, vaincu toutes les difficultés, bravé tous les dangers, supporté tous les genres de fatigue et de maux, sacrifié tous leurs intérêts, et toutes leurs affections, pour sauver la patrie, reçoivent aussi l’hommage éclattant de la reconnoissance que nous leur devons. Ce n’est pas assez de la leur avoir nouée dans nos cœur, qu’elle soit consacrée par un monument public, sur lequel ils puissent en lire l’expression et recueillir la récompense la plus flatteuse pour des républicains, la proffession publique de la sensibilité de leurs frères, pour les services qu’ils ont rendu à la patrie commune. Que les parents de ceux qui ont versé leur sang pour le triomphe de la liberté, y trouvent aussi la consolation de leurs pertes dans la recommandation de leur mémoire à la postérité. 380 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE C’est ainsi que nous terminerons dignement la solemnité de cette fête, que vous avez la satisfaction d’avoir votée, avant même qu’elle fut commandée par la loi, qui a voulu qu’elle soit célébrée le même jour dans tous les communes de la République. Mais aussi ne perdons pas de vue que c’est votre union qui a produit la force par laquelle nos armées ont vaincu nos ennemis du dehors, et que ce n’est que par cette même union que nous triompherons de nos ennemis du dedans; qu’ils sont coupables ceux qui ont cherché à la troubler, à en calomnier auprès du peuple, de bons citoyens qu’ils vouloient immoler à leurs passions, ces vüs scélérats, qui pour détourner l’attention des crimes dont ils se couvraient chaque jour, affectoient d’en supposer à de vrais patriotes, qu’ils tenoient dans l’impossibilité de se justifier, et de les démasquer. Ils sont connus maintenant, et bientôt ils subiront la peine due à leurs forfaits. Pour nous, soyons toujours unis pour concourir au bien général, pour surveiller les intrigants, les aristocrates et les modérés, tous également dangereux pour la chose publique ; soyons justes et fermes dans toutes nos démarches, que le bonheur du peuple soit notre unique objet, et tandis que nos armées achèveront de réduire nos ennemis extérieurs à l’impuissance de nous nuire, continuons de frapper tous ceux qui pourroient encore se cacher dans l’intérieur de la République, et d’affermir ainsi le règne de la liberté, de la justice et des vertus. Après avoir forcé l’admiration de l’univers par la sublimité de notre constitution, et la bravoure de nos armées, nous serons au moins assuré de jouir de l’estime des peuples qui n’auront pas le courage de nous imiter, et dans le sentiment de notre félicité, et de notre reconnoissance, nous ne cesserons de répéter, vive la République, vive la Convention nationale. » Ce discours a été entendu avec le plus vif intérêt, et a excité de nombreux applaudissemens, et a été suivi par des chants civiques, après quoi le cortège est sorti du temple dans le même ordre, et s’est rendu sur le cours public en chantant l’hymne des Marseillais, et au son du tambour et de la musique. En arrivant au cours, les deux premières divisions du bataillion de l’Espérance occupent deux forteresses construites en gazon, et garnies de leurs batteries; l’une au nord, représentant Condé, et l’autre au midi, représentant le fort de Bellegarde ; les drapeaux des tyrans déshon-noroient encore chacune des places, et l’impatience républiquaine brûle de détruire ces signes honteux de l’esclavage, et des trahisons. Le cortège se forme en bataillion quarré, la seconde division du bataillion de l’Espérance se partage en deux corps, destinés à attaquer les deux forts, occuppés par la première division. On donne le signal de l’assaut, le pas de charge et la bayonette enfoncent en un instant les cohortes ennemis, qui prennent la fuite, et vont cacher leur honte derrière le corps des vétérans, tandis que les soldats républiquains escaladent les forts, et que deux jeunes citoyens, marchant en foulant aux pieds les drapeaux ennemis, substituent avec la rapidité de l’éclair, l’étendard tricolore sur lequel sont écrits les mots : Nord libre. Midi libre. Des applaudissemens sans nombre, des cris d’allegresse, et des chants de victoire, couronnent cette expédition militaire. Après quoi une jeune citoyenne prononce un discours, en l’honneur des braves deffenseurs de la patrie, pour enflammer par leur exemple et l’image de leurs exploits, le courrage des femmes républiquaines, que leur âge et leur force naissantes, doivent appeler bientôt au service de la patrie. Ce discours a été applaudi avec enthousiasme. Un jeune volontaire, blessé au service de la patrie, prend ensuite la parole ; il fait un tableau pathétique des malheurs qui ont affligés la commune de Belley durant le règne de quelques intrigants, qui y oprimoient la peuple, après avoir usurpé tous les pouvoirs. Il fait ensuite sentir la différence de son état présent avec sa situation passée, et le précieux avantage de la liberté que cette commune doit à la juste énergie de la Convention nationale, et de Boisset, son vertueux représentant du peuple. Il a invité les citoyens à se resserrer de plus fort par les liens de la concorde, à se rappeller que la liberté ne consiste pas dans les écarts tumultueux et désordonnés de la licence, mais dans un attachement immuable aux principes et au centre d’unité de la représentation nationale. Ces idées qui n’étoient que l’expression des sentimens individuels de chacun des auditeurs, ont été couvertes d’applaudissemens. L’agent national de la commune a porté ensuite l’attention de l’assemblée sur les triomphes de la République, dont il a tracé succinte-ment le tableau, et invitant les citoyens à la reconnoissance envers nos frères des armées, et à se réunir tous de fait et d’intention pour anéantir à jamais toute espèce de tyrannie. Il a recommandé surtout une sévère et scrupuleuse obéissance aux loix, et voué à la haine du peuple de Belley, les égoistes, les arristocrates, et les partisans de l’intrigue. Un mouvement unanime et spontané a manifesté la satisfaction générale. Le cortège est sorti du cours dans le même ordre, aux cris mille fois répétés de vive la République. vive la Convention nationale, et s’est rendu sur la place de la Liberté, auprès d’une piramide, élevée en l’honneur des triomphes de la République, dont les quatre faces répondant aux quatre points cardinaux, portant les inscriptions suivantes : du côté du Midi, Aux vainqueurs des Pyrénées, du côté de l’Est, Aux vainqueurs des Alpes, de côté du Nord, Aux vainqueurs du Nord, du côté de l’Ouest, Aux vainqueurs de la Vendée, et sur chacune des bases, Aux armées victorieuses : {illisible 1 : aux masses des deffenseurs de la patrie : à la Convention nationale : vous avez ordonné de vaincre, nos armées triomphent : aux légions françaises, par votre valeur les esclaves ont évacué le sol de la liberté ; et au dessus des couronnes, les mots: République. Unité. Indivisibilité. Démocratie. Liberté. Egalité. Fraternité. Justice. SÉANCE DU 12 FRIMAIRE AN III (2 DÉCEMBRE 1794) - N°s 8-9 381 Quatre volontaires se sont placés aux quatre faces de cette pyramide. Une jeune citoyenne représentant la victoire, et ‘ayant la tête ceinte d’une couronne de lauriers, a pris place sur le pied d’estal, en face du peuple. Quatre autres jeunes citoyennes, représentant la vaillance, la gloire, la justice et la reconnoissance, ont occupé le premier gradin. Une troupe d’enfants, le second, et les corps constitués se sont rangés autour de la pyramide. La citoyenne représentant la victoire a félicité le peuple sur ses triomphes en tout genre et l’a invité à la soumission aux loix, et au respect envers les autorités constituées. Une autre citoyenne a parlé dans le même sens, et son discours a ému tous les cœurs. Un administrateur du Directoire du district a retracé, dans les termes les plus énergiques, les travaux des armées françaises et les vicissitudes qu’elles ont éprouvées dans le courant de cette guerre. Il a montré la victoire à l’ordre du jour, sur toutes les frontières de la République, il a fini par exhorter le peuple à la reconnoissance envers ses braves deffenseurs, à redoubler de haine contre les tyrants de toute espèce, et à scavoir profiter de ses victoires. Le peuple a écouté ce discours avec le calme qu’il convient à l’homme jaloux de sa liberté, et a ensuite témoigné par ses cris et ses transports, que les sentimens que venoit de déployer l’orateur étoient gravés dans tous les cœurs. Et la musique, placée au centre de l’assemblée, a réhaussé les élans de la joie publique par des hymnes analogues à la fête. Les authorités constituées ont annoncé la fin de la cérémonie et invité les citoyens à se livrer à leur joye. Le peuple a accompagné les autorités jusqu’à la maison commune, et les citoyens se sont retirés, en répétant Vive la République, vive la Convention nationale. Et le reste de la journée a été célébré par des danses et des chœurs patriotiques. Signé à la minute, MONNIER, maire, Flasset, Vuillerot, Guyomard, Sevost, Durchar, Grassy, Guillot, officiers municipaux. Cyvost, agent national de la commune. Tissot, Barchet, Visset, Favier, La Goutte, Perrin, Fontaine, Riche, Delastre, Michaillon, Mollat, membres du conseil général. GuiLLET, secrétaire. Certifié conforme par nous officiers municipaux de la commune de Belley, le 23 brumaire an 3ème de la République française, une et indivisible. 8 Les citoyens de la société populaire de [Charmont], département de la Marne, annoncent que, réunis à la commune de Moutiers, ils ont déposé à la caisse du district de Vitry le produit d’une collecte, montant à la somme de 190 liv. 9 sols, destinées à concourir à la construction du vaisseau de la Marne. Mention honorable, insertion au bulletin (28). [Les citoyens de la société populaire de Charmont à la Convention nationale, Charmont, le 25 brumaire an III] (29) Liberté, Égahté, République ou la mort. Citoyens représentans, La société populaire de ce lieu, pénétrée de vos principes, invita les citoyens dépendant de son canton, le 10 thermidor dernier, à se joindre à elle pour former une collecte patriotique pour la construction du vaisseau de la Marne. Il ne s’est présenté devant elle à cet effet que la commune de Moutier, composée d’environ 7 à 8 habitations qui se sont réunies à elle, et ont ensemble produit une somme de 190 L. 9 S. que laditte société a déposé entre les mains de son district pour vous être remise dans cette circonstance. Désirons que votre énergie démasque et terrasse le reste des impurs de notre République qui ne cherchent que les moyens de nous replonger dans la captivité, et la tirannie. Resté dignes représentans à votre poste jusqu’à l’entière anéantissement de ces traitres. Nous sommes en permanence pour les découvrir; ce sont les vœux, ardents de notre société républicaine, qui dans un cas de besoin déploira toute son énergie au premier signe de votre part, pour affermir des œuvres sacrés, deffendre au prix de son sang les obstacles qui pourroient vous être portés, ou à notre liberté. Vive la Convention nationale, vive la république. Suivent 13 signatures. 9 L’agent national du district de Dieppe, département de la Seine-Inférieure, écrit à la Convention que, pendant la dernière décade de brumaire, treize articles de biens d’émigrés, estimés 88 000 liv., ont été vendus 233 025 liv. ; et que trois cent soixante un lots de biens de cette nature, vendus jusqu’à ce jour, ont été adjugés à 8 008 495 liv., sur une estimation de 3 767 403 livres. Renvoyé au comité des Finances, section de l’Aliénation des domaines (30). (28) P.-V., L, 236. (29) C 327 (2), pl. 1443, p. 17. (30) P.-V., L, 236-237.