SÉANCE DU 1er VENDÉMIAIRE AN III (LUNDI 22 SEPTEMBRE 1794) - N° 31 361 Représentais Vingt huit déffenseurs de la patrie qui doivent aux glorieuses blessures dont ils sont couverts le bonheur de porter aux armées triomphantes de la République ces signes éclatants de la reconnoissance nationale, viennent exprimer à la Convention les sentimens dont leurs braves camarades seront pénétrés en les recevant. Oui, Représentans les armées sauront garder fidèlement ce dépôt sacré, et quand il leur sera enlevé, vous apprendrés en même temps quelles sont anéanties, nous en jurons par les victoires multipliées quelles remportent chaque jour, et par la vivacité avec laquelle elles marchent sur les traces fugitives des esclaves des tirans coalisés. Continuez, Représentans à déffendre la liberté contre les ennemis de l’intérieur, nos armées vous répondent de ceux du dehors. Vive la Convention, vive la République. Benoist, Duverge, Lejeune, Bourelly, Lerouec, Hamez, Ruinaeu, Binois, Toisson, Haurick, Ottmany, Suillaume. Réponse du président (65). Braves républicains, Vous avez déjà payé votre dette envers la patrie ; votre sang a coulé pour elle. C’est à vous qu’il appartient d’aller porter à vos dignes frères d’armes, à ces héros à qui vous avez frayé le chemin de la gloire, ces drapeaux, emblèmes sacrés du patriotisme, ces signes de ralliement des soldats de la liberté. Dites-leur que, tandis qu’ils repoussent au pas de charge les satellites des tyrans, la Convention nationale poursuit et abat dans l’intérieur les complices de ces monstres ; dites-leur que tandis qu’ils combattent pour la liberté et l’égalité, la Convention nationale s’occupe de tous les moyens propres à en faire jouir le peuple français ; dites-leur enfin qu’après avoir fait triompher la République au dehors, ils trouveront dans leurs foyers, et goûteront paisiblement, sous les lauriers qu’ils auront cueillis, le bonheur dû à leurs efforts et à leur bravoure. La séance est levée à trois heures et demie (66). Signé, Bernard (de Saintes), président ; Reynaud, Louchet, Cordier, Borie, Bentabole, Guffroy, secrétaires. (65) Bull., 2 vend, (suppl.). (66) P.-V, XLVI, 19. Le Moniteur, XXII, 52, indique quatre heures. J. Fr., n° 727 et M.U., XLIV, 13, signalent trois heures et C. Eg., n° 765 trois heures moins un quart. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 31 La société populaire de Gex, département de l’Ain, à la Convention nationale (67) Placés par la nature au-delà du Jura, et voisins de la Suisse, de ce coin de l’Europe, où la liberté, les mœurs et le bonheur s’étoient réfugiés, nous fûmes républicains avant la République. Amis de la révolution par tempérament et par principes, nous la soutînmes de toutes nos facultés. Il y a peu de districts en France qui, proportionnellement à l’étendue et à la population de leur territoire, aient vu voler à la frontière autant de défenseurs volontaires, et aient versé sur l’autel de la patrie des offrandes aussi abondantes. Trois ou quatre brigands, dignes complices des Robespierre et des Hébert, surprirent la religion des représentans envoyés en mission dans le département de l’Ain ; ils usurpèrent un pouvoir absolu, forcèrent le peuple au silence par la terreur, s’engraissèrent de rapines et de concussions, ensevebrent dans les cachots tous les patriotes capables de résister à leur tyrannie. Fidèles au système de leurs chefs, ils dres-soient publiquement leurs listes de proscription, et préparoient des alimens à l’échafaud. L’excès de leur audace avoit frappé les citoyens d’une morne stupeur ; le désespoir étoit dans toutes les âmes, la terreur sur tous les visages. Le génie tutélaire de la liberté arracha le masque à l’infâme Robespierre; vous frou-droyâtes le tyran, et le coup qui le frappa retentit aux extrémités de la France. Boisset parut dans le département de l’Ain ; le peuple put enfin parler par lui-même : les conspirateurs, confondus, frappés d’épouvante, se trahirent ; la terreur s’évanouit, la justice prit sa place. L’allégreSse publique, les témoignages de la joie universelle accompagnent et encouragent les travaux de Boisset; le bonheur du peuple est sa récompense. Dignes représentans, c’est de vous qu’il nous vient ce bonheur; c’est à vous qu’il doit retourner : il naît de la vertu, de la justice, objets de tous vos vœux, et le prix de votre infatigable ardeur à poursuivre toutes les factions, à les anéantir. (67) Bull., 2 vend, (suppl.). J. Fr., n° 727 ; M.U., XLIV, 11 ; J. Perlet, n° 730 ; Mess. Soir, n° 765 ; Gazette Fr., n° 996 ; Ann. R. F., n° 2. Rép., n° 2 lie immédiatement la discussion qui suit, à l’adresse de Boisset. Cette adresse, ainsi que le débat qui lui fait suite, se placent selon le Moniteur, XXII, 51-52 et Débats, n° 733, 30-31, immédiatement après celle de Boisset, ci-dessus Arch. Parlement., 1er vend., n° 29. 362 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Marchez avec votre courage énergique dans la carrière que vous venez d’ouvrir; couvrez la vertu de l’égide du pouvoir ; frappez le crime au cœur ; le crime ne peut vivre avec la liberté. Ne craignez pas qu’après avoir évité l’écueil de l’intrigue, le peuple aille se perdre sur celui du modérantisme. L’aristocrate, le royaliste, le fripon, l’intrigant sont de la même famille; le flambeau de la vérité, éteint par la terreur, vient d’être rallumé; à sa lueur le peuple les reconnoîtra, et leur livrera une guerre à mort. Vous êtes assis sur le rocher de la volonté générale, contre lequel les traits et les poignards des conspirateurs viendront toujours s’émousser. Le coup qui fit tomber les têtes triumvi-rales, sauva le peuple du désespoir, et lui rendit la justice et la vertu, sans lesquelles il n’est point de véritable liberté ; le peuple entier périra plutôt que de se laisser ravir ces biens précieux. Les sentimens que nous vous exprimons ne sont point combinés par l’intrigue, mendiés par le crime ou forcés par la terreur ; ils sont libres comme l’air que nous respirons, inaltérables comme la vertu qui les inspire. Vive la République, Vive la Convention ! Mort aux conspirateurs, aux tyrans qui des-potisent la pensée, aux voleurs qui dépouillent le peuple, aux intrigans qui accaparent une popularité forcée ! Suivent à l’original trois pages de signatures. L’Assemblée applaudit. GOULY : Des gens connus par la versabilité de leur conduite depuis la révolution ont calomnié le département de l’Ain en masse pour sauver quelques scélérats : on a calomnié aussi le représentant du peuple ; mais les preuves qui arrivent en foule vous démontreront que les actes de justice qu’on a exercés n’ont porté que sur des fripons ; qu’il n’y a pas eu de patriotes opprimés comme on l’a dit, on connait ce prestige : la Convention ne veut pas qu’il y ait un seul patriote opprimé ( vifs applaudissements) ; mais ce sont les intrigants, les fédéralistes qui lèvent la tête, et qu’il a fallu comprimer. Rappelez-vous combien a été civique et louable la conduite du département de l’Ain, lors de la révolte de Lyon : si à même de favoriser cette révolte par sa position il a tout fait pour l’étouffer ; sa jeunesse verse aujourd’hui son sang aux frontières, comme elle l’a versé alors pour combattre le fédéralisme et ce sont ceux qui réclamaient en faveur des pères et mères, des épouses, des enfants de ces braves défenseurs de la patrie, qu’on opprimait et qu’on laissait sans secours, ceux qui osaient dire qu’ils voulaient demander justice et porter leurs plaintes à la Convention; ce sont ceux-là qu’on a incarcérés, contre lesquels on s’élève encore. Oui, le représentant du peuple rendra compte de sa conduite, mais ce ne sera pas à la commune, ce ne sera pas aux Jacobins, ce sera à la Convention ( vifs applaudissements). J’appuie la mention honorable de l’adresse, et l’insertion au bulletin. Cette proposition est décrétée (68). 32 Une adresse d’Arras [département du Pas-de-Calais] rappelle les nombreuses scènes d’horreur auxquelles cette commune a été livrée par les agens du dernier tyran ; [elle envoie] [à la Convention les pièces authentiques à l’appui de la dénonciation contre Joseph Le Bon] (69) [qui prouveront que ce monstre étoit le plus coupable des agens du triumvirat] (70) ; elle demande que l’assemblée se fasse faire promptement le rapport demandé à ses comités (71). 33 Jean De Bry annonce qu’il a une motion d’ordre à soumettre à l’Assemblée, dont l’objet est de proposer une mesure additionnelle au rapport fait par Lindet, mesure qu’il croit d’un grand intérêt, et propre à hâter sans violence l’achèvement de la révolution et la faire atteindre à son but. Il demande la parole pour demain (72). 34 Les administrations de district, les tribunaux criminels, civils, de police correctionnelle, de commerce, de paix et militaires, les communes et conseils généraux, les comités de surveillance et révolutionnaires, et les sociétés populaires dont les noms sont ci-après, expriment leur satisfaction à la Convention nationale sur la chûte du tyran Robespierre et ses infâmes complices, témoignent les regrets qu’ils ont eus de ne pouvoir partager les dangers qu’elle a courus, l’invitent à rester à son poste. Tribunaux de district et de paix : Apt, Vaucluse; Annot, Basses-Alpes; Bourgoin, Isère; Boiscommun, Loiret ; Le Blanc, Indre ; Quillan, Aude ; Toumon, Ardèche. Communes : Arles (sic), Pas-de-Calais ; Courthézon, Vaucluse; Mormoiron, autorités constituées et sociétés populaires, Vaucluse ; Mont-d’Erve, ci-devant Sainte-Suzanne, Mayenne; Pont-Libre [ci-devant Pont-l’Abbé-d’Arnoult], autorités constituées et sociétés populaires, Charente-Inférieure ; Pont-Thérien (68) Moniteur, XXII, 52. Débats, n° 731, 3-4. (69) Mess. Soir, n° 765. (70) Gazette Fr., n° 995. (71) Débats, n° 731, 3. Moniteur, XXII, 51. Mess. Soir, n° 765 ; Gazette Fr., n° 995 ; J. Perlet, n° 730 ; F. de la Républ., n° 2 ; Ann. R.F., n° 2 ; J. Fr., n° 727 ; M.U., XLIV, 11. (72) Débats, n° 731, 6. Gazette Fr., n° 996; J. Perlet, n° 730.