160 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE qu’il a reçues l’empêchent de continuer son service. Or, il résulte d’un autre arrêté des mêmes représentons du peuple, du 10 vendémiaire, que le payeur général de l’armée a dû lui payer la somme de 600 livres par forme d’indemnité provisoire, et que le comité des Secours publics est invité à augmenter cette indemnité qui n’équivaut pas au quart des pertes et dépenses que ce brave militaire a faites en servant si honorablement sa patrie. D’après les renseignemens, d’après le décret de la Convention nationale, qui charge son comité des Secours de lui faire un rapport, dans le plus court délai, sur les indemnités dues à ce guerrier, votre comité a pensé, à l’unanimité, qu’il étoit de toute justice de lui accorder 2 400 L d’indemnité, indépendamment des 600 L qu’il a dû recevoir; et il s’est félicité d’avoir à délibérer sur un objet d’autant plus recommandable, d’autant plus urgent que Druge et ses parens jouissent de peu de fortune, et sont du nombre des bons, des véritables républicains sans-culottes. En conséquence, le comité des Secours m’a chargé de vous présenter le décret suivant (101) : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours décrète : Article premier. - La Trésorerie nationale, sur le vu du présent décret, paiera au citoyen Druge, capitaine au septième régiment des hussards dits de la Liberté, la somme de 2400 L d’indemnité à lui due pour les pertes et dépenses que ce brave militaire a faites en servant la patrie avec la plus haute distinction, et ce indépendamment de 600 L qu’il a reçues. Art. II. - Renvoie les pièces de cet intrépide guerrier à son comité de Salut public, avec injonction de proposer l’avancement auquel il a droit par ses actions héroïques et par les blessures honorables qu’il a reçues. Art. III. - Le rapport et les faits dont parlent les représentans du peuple sur l’armée du Rhin, seront insérés en entier dans le bulletin (102). Faits héroïques du capitaine Druge. [Le capitaine Druge aux représentans du peuple près l’armée du Rhin] (103) Lorsque les Français eurent déclaré la guerre aux tyrans coalisés, les chasseurs du huitième régiment furent désignés pour concourir à la composition de l’armée du Rhin, et leur marche fut désignée vers Wissembourg. (101) Bull., 24 brum. F. de la Républ., n° 53, mention. (102) P.-V., XLIX, 125-126. Bull., 24 brum.; Moniteur, XXII, 486 ; F. de la Républ., n° 53 ; M. U., n° 1341 ; J. Perlet, n° 780. (103) Bull., 24 brum. (suppl.). Pour parler en détail de toute ma vie militaire, comme défenseur du peuple, il faudroit que je fasse l’histoire des différens corps dans lesquels les circonstances m’ont placé. Sous ce rapport, il me seroit infiniment glorieux d’avoir à participer à des actions éclatantes, dont les fruits ont été cueillis par la main de la liberté ; mais ce sont mes propres actions qu’on veut connoître, et je ne dois parler que d’elles. 1. Jusqu’à la retraite de Francfort, je n’eus point d’occasion pour me faire connoître d’une manière spéciale; mais pendant cette retraite, je vis dix de nos frères d’armes au pouvoir de l’ennemi. Je crie, à moi camarades : je fuis suivi par quelques uns ; nous tombons furieux sur les ennemis qui étoient en nombre supérieur, et nous ramenons les infortunés, après avoir paré tous les coups, et en avoir porté de mortels. 2. Le 24 décembre (vieux style), deux de mes camarades et moi sûmes que quelques ennemis étoient dans le village de Bibry, nous y fumes, et leur tuâmes cinq chevaux. 3. A Bingles, deux compagnies de volontaires alloient être cernées par l’ennemi, de l’autre côté d’une petite rivière; Wimphen m’invita à les aller faire replier. Je partis ventre à terre ; j’arrive, et quoique l’ennemi fut très près, je les fais rétrograder et marcher devant moi : ils traversèrent la rivière dans des petites barques. Lorsque tout est passé, je lance mon cheval à l’eau, je le mets à la nage ; alors une grelle de balles pleut autour de moi, mais aucune ne me blesse, et je me sauve à la nage. 4. A la retraite de Mayence, étant en tirailleur, j’attaque un cavalier ennemi qui se défend avec courage; mais ses efforts sont vains, il est fait prisonnier, et je l’amène avec son cheval. 5. A Rhimberg, trois volontaires sont pris par six hussards bleus, je cours à leur secours ; moi troisième, nous nous battons avec intrépidité, et nous ramenons nos trois républicains. 6. Le 19 juillet, parti de Linctback avec l’armée pour marcher sur Mayence, mis en avant en tirailleur, un Autrichien fait feu sur moi et me manque; je l’ajuste et le mets à terre : je prends son sabre et sa carabine, dont je fis présent au général Férinaud; je pris aussi son butin que je donnai à un volontaire qui étoit dépourvu. 7. Le lendemain, je fais la rencontre d’un ennemi, je me bats et le fais prisonnier. 8. Le 22 juillet, cadet Boucher et moi fûmes sur la droite de Daum en tirailleurs, nous voyons quatre grenadiers de la Corrèze pris par une patrouille de l’ennemi; nous fonçons sur elle, nous nous battons ; bientôt nos frères sont délivrés, malgré les efforts réunis de huit ennemis, et dans le même instant nous arrachons encore des mains des Autrichiens un écrivain de l’état-major, nommé François. 9. En nous retirant, je fus provoqué par un ennemi qui me donnoit le défi d’aller me battre : je cours à lui; du premier coup de sabre qu’il me porte, il coupe mon casque, et me blesse légèrement : à l’instant même je lui en porte un autre qui lui perça la poitrine ; il tombe mort, je m’empare de son cheval et l’emmène.